Vu la requête présentée pour : 1° la Société à responsabilité limitée « Le Polo », dont le siège social est à … agissant poursuites et diligence d’un de ses gérants, le sieur X ; 2° le sieur X, en son nom personnel, demeurant à …; 3° le sieur Y, demeurant à … ; 4° la dame veuve Z, demeurant à …, les trois susnommés agissant comme apporteurs à la société précitée…, tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler pour excès de pouvoir : I° un arrêté, en date du 18 oct. 1944, par lequel les ministres de l’Economie nationale et du Ravitaillement ont ordonné la fermeture, pour une durée de deux ans, du restaurant « Le Polo », pour infractions à la législation sur le ravitaillement et les prix ; 2° par voie de conséquence, les mesures prises par les autorités du contrôle des prix et du ravitaillement à la suite dudit arrêté;
Vu la loi du 21 oct. 1940, modifiée par les lois des 7 août 1942, 31 déc. 1942, 8 juin 1943, 15 juin 1944 ; la loi du 31 déc. 1942, modifiée par les lois des 8 juin et 15 juin1944; los ordonnances des 9 août 1944 et 31 juill. 1945 ;
Sur la recevabilité de la requête :— Cous. que la société requérante a produit l’arrêté attaqué à l’appui de son mémoire en réplique; que, la circonstance que ledit arrête n’a été versé au dossier que postérieurement aux observations des ministres sur le pourvoi n’est pas de nature à rendre la requête irrecevable;
Sur la légalité de l’arrêté déféré au Conseil d’État : — Cons., d’une part, que, si, lorsque la dame veuve J a commis, le 24 mai 1944, les infractions aux lois sur la hausse illicite des prix et sur le ravitaillement qui ont fait l’objet du procès-verbal dressé contre elle a celte date, il appartenait au chef du gouvernement de prononcer la fermeture du restaurant de la délinquante, la loi du 15 juin 1944, portant modification de l’art. 55 de la loi du 21 oct. 1940 et de l’art. 9 de la loi du 31 déc. 1942, a attribué ce pouvoir aux secrétaires d’État à l’Economie nationale et au Ravitaillement ; qu’en vertu tant des principes généraux du droit que des prescriptions de l’art. 78 de la loi du 21 oct. 1940 et de l’art. 25 de la loi du 31 déc. 1942, les dispositions nouvelles susrappelées, relatives à la compétence des autorités habilitées à infliger des sanctions administratives, sont devenues applicables immédiatement, même pour la répression des infractions commises antérieurement à leur publication ; que, dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les ministres de l’Economie nationale et du Ravitaillement, en ordonnant, le 18 oct. 1944, la fermeture de l’établissement, ont excédé la limite de leurs pouvoirs;
Cons., d’autre part, qu’il ressort des pièces versées au dossier que, pendant la période comprise entre la date de la rédaction du procès-verbal dressé par les agents du Contrôle économique et la date de la sanction prise par les ministres de l’Economie nationale et du Ravitaillement, la dame veuve J a apporté son fonds de commerce à la société à responsabilité limitée requérante; qu’il résulte manifestement de l’instruction que la dame veuve J a effectué cet apport en vue d’éviter la décision ultérieure de fermeture du restaurant et que les membres de la société requérante se sont associés à cette manœuvre ; que, dans ces circonstances, la Société « Le Polo », qui s’est rendue coupable d’une collusion frauduleuse avec le précédent propriétaire du fonds, ne saurait se prévaloir de ce qu’à l’époque où a été prise la décision attaquée le restaurant n’appartenait plus à la dame veuve J et n’était plus exploité par elle pour contester la légalité de l’arrêté qui a prononcé la fermeture de cet établissement;… (Rejet).