Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 novembre et 15 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE NARBONNE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE NARBONNE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 19 octobre 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, à la demande de la société de Protection de la Nature du Languedoc Roussillon – comité de l’Aude, suspendu l’exécution de la décision du maire de Narbonne en date du 22 juin 2004 accordant à la société d’équipement Narbonne AxeSud (SENASud) un permis de construire pour un ensemble immobilier d’entreprises sur le territoire de la COMMUNE DE NARBONNE ;
2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande présentée par la société de Protection de la Nature du Languedoc-Roussillon devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 95101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code rural ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Odent, avocat de la COMMUNE DE NARBONNE,
– les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un arrêté en date du 22 juin 2004, le maire de Narbonne (Aude) a délivré à la société d’équipement Narbonne Axe-Sud (SENA-Sud) un permis de construire une pépinière d’entreprises spécialisées sur un terrain sis Route de la Nautique ; que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a ordonné, à la demande de l’association « société de Protection de la Nature du LanguedocRoussillon – Comité de l’Aude », la suspension de l’exécution de cet arrêté sur le fondement des dispositions de l’article L. 5211 du code de justice administrative ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu’aux termes du II de l’article L. 1464 du code de l’urbanisme : « L’extension limitée de l’urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d’eau intérieurs désignés à l’article 2 de la loi nº 862 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d’urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le projet contesté consiste en la réalisation d’un bâtiment d’une surface hors oeuvre nette de 642 m² sur un terrain d’assiette d’une surface de 4814 m² situé en périphérie des quartiers situés au sud de la ville de Narbonne et de l’autoroute A9 ; qu’en raison de la dimension de la construction ainsi autorisée, il ne conduit pas, par lui-même, à étendre de manière significative l’urbanisation de quartiers périphériques de la COMMUNE DE NARBONNE ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant que l’opération de construction contestée ne constituait pas une extension limitée de l’urbanisation au sens du II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme ; qu’il suit de là que la COMMUNE DE NARBONNE est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée en tant qu’elle prononce la suspension demandée ;
Considérant qu’en application de l’article L. 8212 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la COMMUNE DE NARBONNE :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 2521 du code rural dans sa rédaction issue de la loi du 2 février 1995, aujourd’hui devenu l’article L. 1411 du code de l’environnement : « Lorsqu’elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature (…) et d’une manière générale, oeuvrant principalement pour la protection de l’environnement, peuvent faire l’objet d’un agrément motivé de l’autorité administrative. / ( …) Les associations exerçant leurs activités dans les domaines mentionnés au premier alinéa cidessus et agréées antérieurement au 3 février 1995 sont réputées agréées en application du présent article (…). » ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 2524 du code rural, dans sa rédaction issue du 2 février 1995, aujourd’hui devenu l’article L. 1421 du code de l’environnement : « Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 1411 justifie d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l’agrément. » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la société de Protection de la Nature du LanguedocRoussillon a été agréée par un arrêté du ministre de l’environnement et du cadre de vie en octobre 1978 dans un cadre interdépartemental, comprenant notamment le département de l’Aude, au titre de l’article L. 1601 du code de l’urbanisme, lequel renvoie aux associations agréées de protection de l’environnement en application de l’article L. 2521 du code rural ; que le comité de l’Aude a lui-même été agréé en 1985 ; que cet agrément lui confère la qualité d’association de protection de l’environnement agréée au sens de l’article L. 1411 du code de l’environnement et les droits attachés à cet agrément ; que, par suite, la société de Protection de la Nature du LanguedocRoussillon – Comité de l’Aude justifie, en application des dispositions de l’article L. 1421 du code de l’environnement, d’un intérêt pour demander la suspension de la décision accordant à la société SENASud un permis de construire une pépinière d’entreprises spécialisées sur un terrain situé, sur le territoire de la COMMUNE DE NARBONNE, dans la zone à dominante rurale du Plateau de Quatourze surplombant l’étang de Bages et Sigean ;
Sur les interventions en défense de M. X…, maire de Narbonne et de M. AbadGallardo, directeur général adjoint des services de la mairie :
Considérant que la décision dont la suspension est demandée a été prise par M. X… au nom de la COMMUNE DE NARBONNE, en sa qualité de maire ; qu’il n’est dès lors pas recevable à intervenir dans l’instance engagée par la société de Protection de la Nature du LanguedocRoussillon – Comité de l’Aude dans laquelle la commune est partie en défense ; que M. AbadGallardo n’est pas davantage recevable à intervenir en sa qualité de chef des services municipaux au soutien des conclusions en défense de la commune ;
Sur les conclusions aux fins de suspension de l’arrêté du maire de Narbonne en date du 22 juin 2004 :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;
Considérant que la construction autorisée par le permis de construire délivré par le maire de Narbonne présenterait un caractère difficilement réversible ; qu’ainsi, la société de Protection de la Nature du Languedoc Roussillon – Comité de l’Aude justifie de l’urgence à demander la suspension de l’exécution du permis de construire ;
Considérant qu’aux termes du I de l’article L. 1464 du code de l’urbanisme : « L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » ; que le moyen invoqué par la société de Protection de la Nature du LanguedocRoussillon – Comité de l’Aude, tiré de ce que le projet de construction n’est pas, en raison de sa localisation sur un terrain non urbanisé dans une zone d’habitat diffus au sud de l’autoroute A9, situé en continuité avec l’agglomération de Narbonne et de ce que le permis de construire délivré méconnaîtrait en conséquence les dispositions du I de l’article L. 1464 du code de l’urbanisme est propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur sa légalité ;
Considérant que les conditions d’application de l’article L. 5211 du code de justice administrative étant ainsi réunies, il y a lieu d’accueillir les conclusions de la demande de la Société de Protection de la Nature du LanguedocRoussillon – Comité de l’Aude tendant à la suspension de l’arrêté du maire de Narbonne en date du 22 juin 2004 accordant à la société SENASud un permis de construire pour un ensemble immobilier d’entreprises ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société de Protection de la Nature du Languedoc-Roussillon – Comité de l’Aude qui, dans la présente instance, n’est pas la partie perdante, la somme que la COMMUNE DE NARBONNE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
————–
Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2004 est annulée en tant qu’elle statue sur les conclusions aux fins de suspension de la décision du maire de la COMMUNE DE NARBONNE en date du 22 juin 2004 accordant à la société SENASud le permis de construire une pépinière d’entreprises.
Article 2 : Les interventions de M. X… et de M. AbadGallardo au soutien des conclusions en défense de la COMMUNE DE NARBONNE devant le tribunal administratif de Montpellier ne sont pas admises.
Article 3 : L’exécution de l’arrêté du maire de Narbonne en date du 22 juin 2004 accordant à la Société SENA-Sud un permis de construire une pépinière d’entreprises spécialisées est suspendue.
Article 4 : Les conclusions présentées par la COMMUNE DE NARBONNE au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE NARBONNE, à la société de Protection de la Nature du LanguedocRoussillon – Comité de l’Aude, à la société d’équipement Narbonne AxeSud et au ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.