Vu la requête, enregistrée le 17 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, dont le siège est … (69399) ; la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 28 octobre 2004 par laquelle le président délégué par le président du tribunal administratif de Lyon, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la décision du 23 septembre 2004 du vice-président délégué aux affaires juridiques de la communauté urbaine de Lyon rejetant les candidatures de la SCP Sartorio et associés afférentes aux lots n° 3, 5, 9 et 10 du marché de prestations de conseils juridiques hors contentieux pour l’année 2005 et lui a enjoint de recommencer la procédure pour ces lots au stade de la mise en concurrence des candidats ;
2°) statuant sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de rejeter la demande de la SCP Sartorio et associés ;
3°) de mettre à la charge de la SCP Sartorio et associés le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la SCP Sartorio Associés,
– les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l’Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. / (…) Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés ;
Considérant que la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON a publié, le 25 mai 2004, un avis de mise en concurrence en vue de la passation d’un marché portant sur des prestations de conseil juridique hors contentieux pour l’année 2005 ; qu’après avoir enjoint à la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, par une ordonnance en date du 11 octobre 2004, de surseoir à la signature du marché, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lyon, saisi sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, par la SCP Sartorio et associés, a, par une ordonnance du 28 octobre 2004, annulé la décision du 23 septembre 2004 par laquelle le vice-président délégué aux affaires juridiques de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON avait rejeté la candidature présentée par la SCP Sartorio et associés pour quatre des quinze lots du marché et a enjoint à la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON de recommencer la procédure, pour les quatre lots en cause, au stade de la mise en concurrence des candidats ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
Considérant, en premier lieu qu’il ressort des mentions de l’ordonnance attaquée, qui font foi jusqu’à preuve du contraire, que cette décision a été prise par un magistrat régulièrement désigné ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’en relevant que le principe du secret des relations entre l’avocat et son client ne fait pas obstacle à ce qu’un avocat, candidat à un marché de prestations de conseil juridique, présente des références professionnelles comportant l’occultation des éléments nominatifs ou confidentiels et que l’interdiction absolue de produire de telles références posée par l’avis de mise en concurrence portait atteinte à l’égalité d’accès à la commande publique, le juge des référés précontractuels, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments en défense de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, a suffisamment motivé son ordonnance ;
Considérant, en dernier lieu, qu’aux termes de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction résultant de la loi du 11 février 2004 : En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères, à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ;
Considérant qu’il incombe à chaque candidat à un marché public de respecter la législation applicable à sa profession, notamment en ce qui concerne les règles régissant le secret professionnel sans que la personne responsable du marché ait à le rappeler dans l’avis d’appel à concurrence ; que cette dernière doit uniquement s’abstenir d’imposer des prescriptions qui conduiraient les candidats à méconnaître les règles légales ou déontologiques s’appliquant à leur profession ; que la production de références professionnelles par des avocats candidats à un marché public ne porte pas atteinte au secret régissant leurs relations avec leurs clients dès lors que les renseignements qu’ils apportent ne comportent pas de mention nominative et ne permettent pas non plus d’identifier les personnes qui ont demandé les consultations au travers d’indications sur les circonstances dans lesquelles les conseils ont été donnés ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés précontractuels que l’avis de mise en concurrence publié par la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON fixait deux critères de sélection des candidats, – curriculum vitae des candidats : titres d’études, expérience professionnelle du ou des responsables ainsi que des exécutants de la prestation ; / -liste des ouvrages et écrits réalisés dans les revues spécialisées, et interdisait aux candidats, afin de respecter le secret régissant les relations entre l’avocat et son client, de produire des références professionnelles ; que d’une part, en jugeant que le principe du secret des relations entre l’avocat et son client ne faisait pas obstacle à la production par un avocat, candidat à un marché de prestations de conseil juridique, de références professionnelles dès lors que celles-ci ne comportaient aucune mention relative à l’identité du client et aux circonstances de la mission menée pour lui, le juge des référés précontractuels n’a pas commis d’erreur de droit ; que, d’autre part, après avoir souverainement constaté, sans dénaturer les pièces qui lui étaient soumises, que l’interdiction qui était ainsi faite aux candidats de produire toute référence professionnelle n’était pas justifiée par l’objet du marché, le juge des référés précontractuels a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, que la combinaison de cette interdiction avec les deux critères de sélection mentionnés dans l’avis de mise en concurrence était de nature à créer une inégalité entre les candidats en faveur de ceux ayant réalisé des publications ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCP Sartorio et associés, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SCP Sartorio et associés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON est rejetée.
Article 2 : La COMMUNAUTE URBAINE DE LYON versera à la SCP Sartorio et associés une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 7611 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, à la SCP Sartorio et associés et au garde des sceaux, ministre de la justice.