Vu la requête, enregistrée le 22 août 2012, présentée pour la commune de Saint-Martin-de-Belleville, représentée par son maire en exercice ;
La commune de Saint-Martin-de-Belleville demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1200991 en date du 21 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Savoie en date du 22 décembre 2011 portant schéma départemental de coopération intercommunale de la Savoie ;
2°) d’annuler l’arrêté du préfet de la Savoie en date du 22 décembre 2011 portant schéma départemental de coopération intercommunale de la Savoie ;
3°) d’enjoindre au préfet de la Savoie de prendre un nouvel arrêté portant schéma départemental de coopération intercommunale de la Savoie dans la version initiale non amendée telle que proposée à la commission départementale de coopération intercommunale et adoptée lors de la séance du 7 décembre 2011 ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
– l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales utilise le terme de » décision » pour viser l’arrêté approuvant le schéma départemental de coopération intercommunale ; ce dernier doit faire l’objet de publication ; la procédure de révision est strictement encadrée ; les voies et délais de recours ont été mentionnés ; la circulaire du 27 décembre 2010 indique que dès la publication, les préfets disposeront de pouvoirs supplémentaires et que le schéma produit des effets juridiques ; la préfecture a engagé la mise en oeuvre du schéma départemental ; le préfet est tenu d’inscrire ses actions dans le cadre des mesures prescrites par le schéma départemental ; les collectivités doivent également inscrire leurs actions dans ce cadre ; des documents d’orientation tels que les SCOT sont contestables devant la juridiction administrative de même que les délibérations de principe prises par les collectivités pour la mise en oeuvre d’une délégation de service public ;
– l’amendement rejeté lors de la séance de la commission départementale de coopération intercommunale du 7 décembre 2011 ne pouvait être adopté lors de la séance du 12 décembre 2011, ladite commission ne pouvant alors statuer que sur une approbation globale du schéma départemental ; l’avis de la commission était donc irrégulier ;
– la convocation à la réunion de la commission du 12 décembre 2011 était irrégulière en ce que l’amendement ne figurait pas à l’ordre du jour ; certains membres de la commission n’étaient pas présents, pensant sur la foi de l’ordre du jour que le projet était définitivement arrêté ; le comité pour le développement, l’aménagement et la protection des massifs n’a pas été préalablement consulté ;
– le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation dès lors que le bassin de vie de la commune, des communes périphériques de Moûtiers et des communes du canton de Bozel est le même comme l’attestent les flux touristiques, les voies de circulation, l’implantation des commerces et des équipements ; que le choix du préfet conduit à regrouper la commune avec des communes de basse altitude ; que le schéma adopté est incohérent du point de vue de l’objectif de suppression des enclaves et des discontinuités territoriales ; le territoire des Trois-Vallées correspond à un espace économique indissociable ; l’objectif de rationalisation n’est pas atteint ;
– la Cour des comptes a validé le modèle économique des Trois-Vallées ; le schéma proposé ne permet pas la rationalisation de l’exploitation des domaines skiables ; des disparités économiques importantes existent entre la commune et les communes de la communauté de communes Coeur de Tarentaise, la commune devant apporter 2/3 des recettes de l’intercommunalité ; le refus du canton de Bozel d’intégrer la totalité des communes ne permet plus de mettre en oeuvre l’objectif de solidarité financière ; l’effort financier demandé à la commune constitue une rupture d’égalité devant les charges publiques ;
– dès lors que le vote du 12 décembre 2011 est irrégulier, aucun avis de la commission n’est intervenu dans le délai de quatre mois et par conséquent, la commission est réputée avoir émis un avis favorable ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 novembre 2012, présenté par le ministre de l’intérieur qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
– les formes d’adoption de l’acte ne suffisent pas à caractériser un acte faisant grief ; que le schéma a un caractère prescriptif ; le préfet peut s’écarter du schéma et peut également prendre des arrêtés en l’absence de schéma adopté ; le schéma départemental de coopération intercommunale présente le caractère d’un acte préparatoire ; l’adoption du schéma ne prive pas de moyen d’expression les collectivités concernées ; du fait que le préfet peut agir en l’absence de schéma et peut s’écarter des propositions du schéma, les propositions inscrites n’ont pas le caractère de choix indiscutables ; la requête est donc irrecevable ;
– une seule convocation a été adressée pour les deux séances de la commission ; les élus ont souhaité que l’amendement proposé le 7 décembre 2011 fasse l’objet d’un examen lors de la séance du 12 décembre 2011 ; les délais étant trop courts pour pouvoir adresser un nouvel ordre du jour par courrier, les membres de la commission ont été informés par appel téléphonique ; un seul membre était absent lors de la réunion du 12 décembre 2011 ; toutefois, ce dernier était présent lors de la réunion du 7 décembre 2011 et connaissait donc la modification apportée à l’ordre du jour ; la consultation du comité pour le développement, l’aménagement et la protection des massifs n’est pas requise ;
– le schéma adopté ne contrevient pas aux objectifs et orientations de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales ; le schéma ne constitue qu’une première étape d’une intégration plus poussée ; le schéma assure la couverture intégrale du périmètre par des EPCI à fiscalité propre ; ni la communauté de communes Coeur de Tarentaise ni le SIVOM de Bozel n’ont de compétence en matière de remontées mécaniques ; le regroupement de la commune avec la communauté de communes Coeur de Tarentaise n’affecte pas ses intérêts économiques ; le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ;
Vu l’ordonnance en date du 8 janvier 2013 par lesquelles la date de la clôture de l’instruction a été fixée au 31 janvier 2013 ;
Vu le mémoire, enregistré le 31 janvier 2013, présenté pour la commune de Saint-Martin-de-Belleville qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ;
Vu la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 3 septembre 2013 :
– le rapport de M. Clément, premier conseiller ;
– les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
– et les observations de MeA…, représentant le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon, avocat de la commune de Saint-Martin-de-Belleville ;
1. Considérant que la commune de Saint-Martin-de-Belleville fait appel du jugement n° 1200991 en date du 21 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Savoie en date du 22 décembre 2011 portant schéma départemental de coopération intercommunale de la Savoie ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales alors applicables : » I.-Dans chaque département, il est établi, au vu d’une évaluation de la cohérence des périmètres et de l’exercice des compétences des groupements existants, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales. / II.-Ce schéma prévoit également les modalités de rationalisation des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes existants.(…) III.-Le schéma prend en compte les orientations suivantes : / 1° La constitution d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 5 000 habitants ; toutefois, ce seuil de population n’est pas applicable aux établissements publics dont le territoire comprend des zones de montagne délimitées conformément à l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ; par ailleurs, ce seuil peut être abaissé par le représentant de l’Etat dans le département pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces ; / 2° Une amélioration de la cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ; / 3° L’accroissement de la solidarité financière ; / 4° La réduction du nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes au regard en particulier de l’objectif de suppression des doubles emplois entre des établissements publics de coopération intercommunale ou entre ceux-ci et des syndicats mixtes ; / 5° Le transfert des compétences exercées par les syndicats de communes ou les syndicats mixtes à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ; / 6° La rationalisation des structures compétentes en matière d’aménagement de l’espace, de protection de l’environnement et de respect des principes du développement durable. / IV.-Un projet de schéma est élaboré par le représentant de l’Etat dans le département. Il est présenté à la commission départementale de la coopération intercommunale. Il est adressé pour avis aux conseils municipaux des communes et aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes concernés par les propositions de modification de la situation existante en matière de coopération intercommunale. Ils se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la notification. A défaut de délibération dans ce délai, celle-ci est réputée favorable. (…) Le projet de schéma, ainsi que l’ensemble des avis mentionnés aux deux alinéas précédents, sont ensuite transmis pour avis à la commission départementale de la coopération intercommunale qui, à compter de cette transmission, dispose d’un délai de quatre mois pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, celle-ci est réputée favorable. (…) » ; qu’aux termes de l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010 susmentionnée » I.-Dès la publication du schéma départemental de coopération intercommunale prévu à l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales ou au plus tard à compter du 1er janvier 2012, le représentant de l’Etat dans le département définit par arrêté, jusqu’au 31 décembre 2012, pour la mise en oeuvre du schéma, tout projet de périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.(…). » ;
3. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, d’une part, l’adoption du schéma départemental de coopération intercommunale n’a, par elle-même, aucun effet sur la teneur des actes pris ultérieurement par le préfet pour sa mise en oeuvre dès lors que les nouveaux périmètres d’établissements publics de coopération intercommunale qui y sont inscrits, procédant de simples orientations conformes aux objectifs fixés par le législateur, n’ont que la valeur de propositions ; que, d’autre part, la publication dudit schéma n’a pour seule conséquence que de permettre sa mise en oeuvre immédiate par le préfet alors qu’à défaut, celui-ci ne pourra engager tout projet de périmètre qu’au 1er janvier 2012 ; que dans ces conditions, l’arrêté litigieux revêt le caractère d’un acte préparatoire et ne constitue pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;
4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Martin-de-Belleville n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande comme irrecevable ; que doivent également être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction et d’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Martin-de-Belleville est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Martin-de-Belleville et au ministre de l’intérieur.
Délibéré après l’audience du 3 septembre 2013 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
M. Clément, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2013.