RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 octobre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 952 F-B
Pourvoi n° H 22-17.390
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 OCTOBRE 2024
La caisse primaire d’assurance maladie de la Moselle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 22-17.390 contre l’arrêt n° RG : 19/00932 rendu le 7 avril 2022 par la cour d’appel de Metz (chambre sociale, section 3 – sécurité sociale), dans le litige l’opposant à M. [W] [C], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie de la Moselle, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], et l’avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Metz, 7 avril 2022), M. [C] (l’assuré), qui a travaillé en Allemagne et résidé en France entre 2002 et le 31 juillet 2016, a été inscrit à Pôle emploi à compter du 1er août 2016 et indemnisé à partir du 22 octobre 2016. Il a été placé en arrêt de travail du 16 décembre 2016 au 13 février 2017, et a sollicité le versement d’indemnités journalières auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle (la caisse), qui le lui a refusé.
2. L’assuré a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l’arrêt d’accueillir le recours, alors « que la personne qui perçoit des allocations chômage en France conserve la qualité d’assuré et bénéficie du maintien de ses droits aux prestations en espèces du régime obligatoire dont elle relevait antérieurement ; qu’il en résulte que le travailleur frontalier qui réside et perçoit des allocations chômage en France ne peut prétendre au versement d’indemnités journalières servies par les caisses de sécurité sociale françaises lorsque la garantie obligatoire privée à laquelle il était affilié antérieurement dans l’Etat membre où il travaillait, ne prévoyait pas le bénéfice de cette prestation ; qu’en l’espèce, il était constant que l’assuré qui résidait en France et avait travaillé en Allemagne, avait sollicité le paiement d’indemnités journalières pendant sa période de chômage indemnisée en France par Pôle emploi ; que la cour d’appel a constaté que dans le cadre de son affiliation légale obligatoire antérieure dans l’Etat membre où il travaillait, en Allemagne, l’assuré avait opté pour une assurance privée qui ne prévoyait pas la couverture du risque indemnités journalières ; qu’en jugeant cependant que sous réserve de justifier de la durée d’affiliation requise, l’assuré pouvait, par principe, bénéficier des indemnités journalières servies par les caisses de sécurité sociale françaises, la cour d’appel a violé les articles 11.3, c, et 85 du règlement CE n° 883/2004, L. 311-5, L. 313-1 et R. 313-3 du code de la sécurité sociale, dans leurs versions applicables au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 5, 11.3, c, 65 du règlement CE n° 883/2004 de coordination des systèmes de sécurité sociale et L. 311-5 du code de la sécurité sociale :
4. Il résulte des deuxième et troisième de ces textes que la personne, qui au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, résidait dans un État membre autre que l’État membre compétent et qui continue à résider dans le même État membre, bénéficie de prestations de chômage en vertu de la législation de l’État membre de résidence et est soumise à la législation de cet État membre.
5. Selon le dernier de ces textes, toute personne, qui perçoit l’une des allocations ou l’un des revenus de remplacement qu’il énumère, conserve la qualité d’assuré et bénéficie du maintien de ses droits aux prestations du régime obligatoire d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès dont elle relevait antérieurement.
6. Pour enjoindre à la caisse d’étudier les droits de l’assuré au regard des conditions de volume horaire de travail posées au b) de l’article R. 313-3 du code de la sécurité sociale, l’arrêt retient que les droits de l’assuré, qui a travaillé en Allemagne jusqu’à la date de perte d’emploi, doivent être examinés au regard de la période d’emploi dans ce pays. Il constate que compte tenu de son salaire, supérieur au plafond d’assujettissement obligatoire au régime légal, l’assuré a opté pour une affiliation à une assurance maladie privée ne prévoyant pas le versement d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail. L’arrêt ajoute que l’assurance souscrite étant une assurance répondant à l’obligation légale d’affiliation posée par le droit allemand, le règlement CE n° 883-2004 trouve à s’appliquer. Il indique que la qualité d’assuré social résulte également du fait que l’assuré justifie de l’ouverture des droits aux allocations chômage françaises, lesquelles lui ont été versées au regard de droits acquis dans l’exercice de son activité en Allemagne.
7. En statuant ainsi, par une application erronée du principe d’assimilation énoncé à l’article 5 du règlement CE n° 883/2004 l’ayant conduite à créer des droits qui n’existaient dans aucune des législations auxquelles l’assuré a été soumis, alors qu’elle constatait que l’assuré ne relevait pas, antérieurement à son admission au bénéfice des allocations du régime d’assurance chômage, d’un régime d’assurance maladie comportant le versement d’indemnités journalières, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 avril 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Metz ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Colmar.
Condamne M. [C] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-quatre.