Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2009 à 17 heures 12, sous le n° 0904828, présentée pour la SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME dont le siège social est … et M. D., élisant domicile Théâtre … Paris, par Me Verdier ;
La SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME et M. D. demandent au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
– d’enjoindre au préfet de l’Isère de ne pas mettre à exécution son arrêté en date du 23 octobre 2009 par lequel il a interdit le spectacle de M. D. devant avoir lieu le dimanche 25 octobre 2009 à 17 heures à l’Espace Saint-Martin, 93, cours Berriat à Grenoble, ou tout autre arrêté qui pourrait subséquemment être pris ;
– de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que la condition d’urgence est remplie dès lors que des spectateurs ont réservé et acheté leur billet et que l’artiste et la société de production subissent un préjudice économique dès lors qu’ils risquent d’avoir à rembourser des dizaines de spectateurs, ce qui implique une logistique onéreuse en elle-même ; que la décision du préfet de l’Isère porte atteinte à la liberté d’expression garantie par la Constitution et par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’elle porte atteinte à la liberté du travail qui est protégée par le préambule de la Constitution ; que cette atteinte est grave et manifestement illégale, dès lors qu’aucune représentation de spectacle de l’artiste n’ayant à ce jour donné lieu à une manifestation hostile, désordonnée ou dangereuse pour la sécurité publique, que les risques de perturbations de la part d’individus impossibles à identifier sont imaginaires, qu’il appartient au préfet de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer la sécurité, ce que le nombre limité de spectateurs permet sans difficulté ; que les critères caractérisant la force majeure ne sont pas réunis ;
Vu l’arrêté en date du 23 octobre 2009 par lequel le préfet de l’Isère a interdit le spectacle de M. D. devant avoir lieu le dimanche 25 octobre 2009 à à Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 1er septembre 2009, par laquelle le président du tribunal a désigné M. Pfauwadel, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé ;
Après avoir convoqué à une audience publique :
– Me Verdier, représentant la SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME et M. D. ;
– le préfet de l’Isère ;
Vu le procès-verbal de l’audience publique du 25 octobre 2009 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
– le rapport de M. Pfauwadel, juge des référés ;
– M. Tschiggfrey, représentant le préfet de l’Isère, qui soutient qu’il existe des troubles à l’ordre public en raison des appels d’associations, que trois cents manifestants pourraient être présents selon une note du service de renseignements, que les forces de police devant être mises en œuvre ne sont pas suffisantes s’agissant d’un dimanche, que l’interdiction ne vise que le spectacle prévu ce jour dans cette salle ;
Après avoir prononcé, à l’issue de l’audience à 10 h 45, la clôture de l’instruction ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » ;
Considérant que par arrêté du 23 octobre 2009, le préfet de l’Isère a interdit le spectacle de M. D. prévu dimanche 25 octobre 2009 à l’Espace Saint-Martin à Grenoble ;
Considérant que l’urgence est justifiée au regard de la date du spectacle concerné, de la circonstance, non contestée par le préfet de l’Isère que les billets ont été vendus et du préjudice financier causé à M. D. et à sa société de production ;
Considérant qu’en interdisant, vendredi 23 octobre 2009 en fin d’après-midi, le spectacle prévu le dimanche 25 octobre 2009, l’arrêté a porté une atteinte grave à la liberté d’expression, laquelle constitue une liberté fondamentale ;
Considérant que le représentant de l’Etat ne peut prononcer une mesure aussi grave que l’interdiction d’un spectacle que si elle seule est de nature à prévenir un trouble à l’ordre public ; qu’en l’espèce, l’appel à se mobiliser pour s’opposer à ce spectacle, émanant du CRIF, de la LICRA et de SOS Racisme, ne caractérise pas en lui-même un risque de troubles sérieux ; qu’il ne ressort ni des pièces du dossier ni des précisions apportées au cours de l’audience que la tenue du spectacle présenterait pour l’ordre public des risques de troubles auxquels les autorités de police ne seraient pas à même de faire face par des mesures appropriées, alors même que ce spectacle a lieu un dimanche, dès lors que la salle est réservée pour ce spectacle depuis le 4 septembre 2009 et que le préfet de l’Isère n’allègue pas en avoir été avisé tardivement ; qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME et M. D. sont fondés à soutenir que le préfet de l’Isère a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que, par suite, il y a lieu d’enjoindre au préfet de l’Isère de ne pas mettre à exécution son arrêté du 23 octobre 2009 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME et M. D. et non compris dans les dépens ;
O R D O N N E
Article 1er : Il est enjoint au préfet de l’Isère de ne pas mettre à exécution son arrêté en date du 23 octobre 2009.
Article 2 : L’Etat versera à la SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME et à M. D. la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME, à M. D. et au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au préfet de l’Isère.