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TGI Évry, 14 mai 2019, n° RG 18/06641

Citer : Revue générale du droit, 'TGI Évry, 14 mai 2019, n° RG 18/06641, ' : Revue générale du droit on line, 2019, numéro 50317 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=50317)


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Décision citée par :
  • Camille LEROY, La gestation pour autrui en droit pénal français


DEMANDE D’ADOPTION PLENIERE

De Paul P.,

et de Pierre P.,

Par Marie-Christine M. épouse P.

 

Jugement du 14 Mai 2019

J U G E M E N T

Affaire N° RG 18/06641 – N° Portalis DB3Q-W-B7C-MHW7

Affaire jointe N° RG 18/6643 – N° Portalis DB3Q-W-B7C-MHXB.. / …

 

EXPOSÉ DU LITIGE Par requête du 19 octobre 2018, Mme Marie-Christine M. épouse P. a saisi le Tribunal de Grande Instance d’Evry aux fins d’adoption plénière des enfants de son conjoint, Paul et Pierre P. nés le 4 novembre 2010 de Jean-François P. à Whittier, Etat de Californie (Etats-Unis). A l’appui de ses prétentions, la requérante expose qu’elle s’est mariée avec Mr Jean-François P. le 13 juin 1987 à Bezons (95) et qu’ils ont eu deux enfants Philippe et Isabelle décédés tragiquement le 22 février 2009, alors âgés respectivement de 21 et 18 ans. Désireux de reconstruire une famille et se heurtant aux impossibilités de procréer à nouveau, confirmées par les spécialistes consultés, ils ont tenté d’adopter un enfant. Leur demande d’agrément ayant été refusée par le Conseil Général de l’Essonne en février 2010, ils ont décidé d’avoir recours à la gestation pour autrui aux Etats-Unis, avec don d’ovule anonyme fécondée par le sperme de Mr Jean-François P. Par jugement du 17 septembre 2010, la Cour Supérieure de l’Etat de Californie Comté de San Diego a déclaré Mr Jean-François P. et Mme Marie-Christine P. père et mère des jumeaux à naître de Mme June H, qui a renoncé à revendiquer sa filiation à l’égard des enfants (ainsi que son conjoint). Les actes de naissance américains des enfants Paul et Pierre P. nés le 4 novembre 2010 à Whittier, Etat de Californie (Etats-Unis) indiquent Mr Jean-François P. et Mme Marie-Christine P. comme parents. De retour en France, les époux P. ont sollicité la transcription des actes de naissance des enfants à l’état civil de Nantes et devant le refus du Parquet de Nantes le 14 mai 2012, ils ont saisi le Tribunal de Grande Instance de Nantes qui les a déboutés le 12 juin 2014, confirmé par la Cour d’Appel de Rennes le 28 septembre 2015 et finalement cassé et annulé par la Cour de Cassation le 5 juillet 2017. La transcription de Mr Jean-François P. comme père des enfants a été faite le 21 novembre 2017 au service central de l’état civil du Ministère des affaires étrangères. Mme Marie-Christine P. expose qu’elle a pris en charge les jumeaux depuis leur naissance avec son époux, et les élève en « mère » aimante, que Mme June H a renoncé à tout droit de filiation et que Mr Jean-François P., en tant que père des enfants, a donné son consentement à la présente adoption, par acte notarié du 22 mai 2018, non rétracté suivant certificat du 27 juillet 2018. Ils souhaitent que Pierre et Paul portent le seul nom de P. A l’audience du 1er avril 2019, la requérante, et son conseil, en présence du père réitèrent leur demande d’adoption plénière, précisant que toutes les conditions légales de l’adoption sont réunies, que Mme Marie-Christine P. est leur mère d’intention et que la Cour de Cassation et la Cour d’Appel de Paris ont admis l’adoption par le conjoint du père biologique des enfants nés dans le cadre d’une gestation pour autrui. Le Ministère Public émet un avis favorable à la demande d’adoption plénière. L’affaire a été mise en délibéré au 6 mai 2019 et prorogée au 14 mai 2019.

 

MOTIFS

Aux termes de l’article 353 du Code civil, l’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par le Tribunal de Grande Instance qui vérifie si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant. Aux termes de l’article 345-1 du Code Civil, l’adoption plénière de l’enfant du conjoint est permise lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint. En l’espèce Mr Jean-François P. et Mme Marie-Christine P. ont eu recours à une gestation pour autrui aux Etats-Unis, avec don d’ovule anonyme fécondée par le sperme de Mr Jean-François P., les embryons ayant ensuite été portés pendant la grossesse par Mme June H, contre rémunération. La Cour Supérieure de l’Etat de Californie Comté de San Diego, dans un jugement du 17 septembre 2010, a déclaré Mr Jean-François P. et Mme Marie-Christine P. parents légaux des enfants à naître de Mme June H entre le 1/08/2010 et le 1/01/2011. Dans le jugement est mentionné que Mr Jean-François P. a utilisé son propre sperme, qu’il y a eu utilisation de dons d’ovules et que les embryons ont été chirurgicalement transférés dans l’utérus de Mme H. Mme June H et Mr Deric H sont déclarés ne pas être la mère et le père des enfants à naître. Les actes de naissance américains des jumeaux Paul et Pierre P., nés le 4 novembre 2010 à Whittier, Etat de Californie (Etats-Unis) indiquent Mr Jean-François P. et Mme Marie-Christine P. comme père et mère des enfants, conformément au jugement américain précité. Les actes de naissance ont été transcrits partiellement, en ce qui concerne la mention de la paternité de Mr Jean-François P. En revanche, la mention désignant Mme Marie-Christine M. épouse P. n’a pas été transcrite. La première chambre de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 5 juillet 2017, a précisé que, « concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité […] est la réalité de l’accouchement ». La Cour a considéré que Madame Marie-Christine P. n’ayant pas accouché des enfants, le refus de transcription de la filiation maternelle d’intention, qui poursuit un but légitime tendant à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et visant à décourager la pratique de la gestation pour autrui, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du Code civil, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants, prévu par l’article 8 de la convention des droits de l’homme, au motif notamment que l’accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n’est pas remis en cause par les autorités françaises. En l’espèce Mme Marie-Christine P., qui élève les jumeaux Paul et Pierre P. depuis leur naissance, demande à pouvoir les adopter en la forme plénière. Le père des enfants, Mr Jean-François P., a consenti à l’adoption plénière des enfants par sa conjointe, par acte notarié du 22 mai 2018, suivi d’un certificat de non rétractation du 27 juillet 2018. Ainsi, les conditions légales de l’adoption sont réunies au regard des articles 348-1 et suivants du Code civil. Il reste encore à vérifier que cette adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant, sachant que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes décisions qui le concernent, en application de l’article 3 §1 de la Convention de New-York relative aux droits de l’enfant. En l’espèce, les enfants ont été accueillis au foyer des époux P. en exécution d’un contrat de gestation pour autrui emportant disposition de leur personne, ce qui constitue une atteinte à leur dignité humaine. Ils ont été délibérément privés de leur ascendance maternelle biologique, contrairement au droit de tout enfant de connaître, dans la mesure du possible, ses parents et d’être élevé par eux, droit garanti par l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant et contrairement à leur droit à l’identité, dont relève le droit de connaître et de faire reconnaître son ascendance, qui fait partie intégrante de la notion de vie privée prévue par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Rappelons que le but poursuivi par la prohibition française de toute convention portant sur la gestation pour autrui est la protection de l’enfant et de la mère porteuse. Refuser l’adoption de l’enfant par le parent d’intention poursuit ce même but légitime et vise à décourager la pratique de la gestation pour autrui, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du Code civil.

Encore convient-il de vérifier que l’absence d’adoption des jumeaux P. par Mme Marie-Christine P. ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale prévu par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, au regard notamment de leur situation actuelle. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme exige un examen de chaque situation au regard des circonstances particulières qui la caractérise car « l’impossibilité générale et absolue d’obtenir la reconnaissance du lien entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention n’est pas conciliable avec l’intérêt supérieur de l’enfant, qui exige pour le moins un examen de chaque situation au regard des circonstances particulières qui la caractérise » (Avis CEDH, 10 avril 2019). Il convient donc de rechercher si le lien entre les enfants et Mme Marie-Christine P., mère d’intention, est reconnu en France, indépendamment du prononcé d’une adoption. En l’espèce, les enfants Paul et Pierre P. ont un acte de naissance français désignant comme père leur père biologique, Mr Jean-François P., qui les élève depuis leur naissance. Ils ont la nationalité française et une carte d’identité française. Mme Marie-Christine M. épouse P. exerce le rôle de mère auprès de Paul et Pierre depuis leur naissance et est reconnue comme telle par l’entourage, ainsi que le montrent les nombreuses attestations et photographies versées au dossier. Elle est désignée comme mère sur les actes de naissance américains et l’absence de transcription à l’état civil français ne prive pas les enfants de la filiation maternelle que le droit californien leur reconnaît ni ne les empêche de vivre avec les époux P. en France. Mme Marie-Christine P. exerce tous les attributs de l’autorité parentale et cet état de fait n’a jamais été remis en cause. A cet égard, il convient de rappeler que les jumeaux sont rattachés à sa Sécurité Sociale et à sa mutuelle. Mme Marie-Christine P. a d’ailleurs saisi la justice française tant en son nom personnel qu’en qualité de représentant légal des deux enfants lorsqu’elle a assigné Monsieur le Procureur de la République de Nantes par acte du 5 septembre 2012 puis pour faire appel du jugement rendu le 12 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Nantes devant la Cour d’appel de Rennes qui, par un arrêt rendu le 28 septembre 2015, a débouté Mme Marie-Christine P. de sa demande de transcription des actes de naissance mais n’a nullement remis en cause sa qualité à agir « en qualité de représentant légal de ses enfants Paul P. et Pierre P. »Ainsi l’état civil californien des jumeaux P. leur permet de vivre avec leur mère d’intention, d’avoir accès aux soins, d’être inscrits à l’école, d’avoir la nationalité française, d’avoir la qualité d’héritier et d’être représentés par elle dans les actes de la vie civile. Il n’y a donc en l’espèce aucune «impossibilité générale et absolue d’obtenir la reconnaissance du lien entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention, dès lors que le lien entre les enfants et Mme Marie-

Christine P., mère d’intention, est reconnu en France et y produit les effets de la filiation. En conséquence, le refus opposé à la demande d’adoption des enfants Paul et Pierre par Mme Marie-Christine M. épouse P. ne représente pas une atteinte disproportionnée à l’intérêt des enfants, notamment à leur droit au respect de leur vie familiale et de leur vie privée, dès lors que l’accueil des enfants au sein du foyer constitué par leur père et son épouse n’est pas remis en cause par les autorités françaises et que la filiation maternelle de la demandeuse mentionnée dans les actes étrangers est reconnue en France et y produit ses effets. La possession d’un acte de naissance français indiquant les deux branches de la filiation faciliterait sans doute les démarches administratives de Mme Marie-Christine P. mais n’aurait pas d’effet créateur sur des droits que les enfants possèdent déjà du fait de leurs actes de naissance américains. En outre les contraintes administratives résultant de l’absence de mention de Mme Marie-Christine P. sur les actes de naissance français n’ont pas d’impact sur les enfants et ne concernent que la requérante, la Cour européenne des droits de l’homme ayant par ailleurs précisé que ces contraintes pesant sur les parents d’intention ne portent pas atteinte à leurs droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH 26 juin 2014, Labassée c/ France ; CEDH 26 juin 2014, Mennesson c/ France). Pour toutes ces raisons, Mme Marie-Christine M. épouse P. sera donc déboutée de sa demande d’adoption plénière des enfants Paul et Pierre P.

 

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, après débats en Chambre du Conseil, en matière gracieuse et en premier ressort;

Ordonne la jonction du dossier N° RG 18/6643 au dossier N° RG 18/6641 ;

DEBOUTE Mme Marie-Christine M. épouse P. de sa demande d’adoption plénière des enfants Paul et Pierre P. nés le 4 novembre 2010 à Whittier en Californie (Etats-Unis)

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