Contexte : Par cette décision rendue le 4 février 2015, la première chambre civile de la Cour de cassation retient que l’ONIAM n’est pas liée par son offre d’indemnisation qui devient caduque dès lors qu’elle est refusée par la victime.
Litige : Le 21 mai 2003, une patiente subit une arthrolyse du coude, à la suite de laquelle elle présente une paralysie complète du nerf cubital. Elle saisit une commission régionale de conciliation et d’indemnisation qui conclut à un accident médical non fautif ouvrant droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale à hauteur de 40 % des préjudices, compte tenu du fait que la victime était atteinte de pathologies la rendant plus vulnérable à la complication survenue. A la suite de cet avis, l’ONIAM émet deux offres d’indemnisation successives qui sont toutes deux refusées par la victime. Cette dernière assigne l’ONIAM devant la juridiction judiciaire. La cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette la demande en réparation en considérant que, compte tenu de ses antécédents, les complications ne peuvent être considérées comme anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci. Un pourvoi est formé contre l’arrêt de la cour d’appel lui reprochant, d’une part, d’avoir remis en cause le droit à indemnisation de patiente qui avait été nécessairement reconnu par l’ONIAM lors de l’émission de son offre amiable et, d’autre part, d’avoir jugé que les conditions de la solidarité nationale n’étaient pas réunies.
Solution : La Cour de cassation rejette le pourvoi en énonçant d’abord que :
« le refus, par la victime, de l’offre adressée par l’ONIAM en vertu de l’article L. 1147-17 du code de la santé publique, rend celle-ci caduque, de sorte que l’offre s’en trouve déliée, et qu’il appartient à la juridiction, saisie par la victime comme le lui permet l’article L. 1142-20 du même code, de statuer tant sur l’existence que sur l’étendue de ses droits ».
et ensuite que :
« la cour d’appel, relevant que l’accident survenu ne pouvait être dissocié de l’état antérieur de Mme X, connu en pré-opératoire et constitué de prédispositions anatomiques, a fait l’exacte application de l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique, selon lequel n’ouvrent droit au bénéfice de la solidarité nationale que les accidents médicaux qui ont eu, pour le patient, des conséquences anormales au regard de son état de santé et de l’évolution prévisible de celui-ci, sans exiger que cet état soit la cause unique ni même déterminante du dommage ».
Analyse : La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a institué une procédure de règlement amiable des dommages résultant d’accidents médicaux devant les commissions de conciliation et d’indemnisation (CCI) qui présente un caractère facultatif puisque la victime conserve toujours la possibilité de saisir le juge judiciaire ou le juge administratif, selon les circonstances dans lesquelles l’acte dommageable s’est produit.
Suspensive du délai de prescription, rapide et gratuite, cette voie ne présente a priori aucun risque, ce qui expliquent que beaucoup de victimes, souvent sans être assistées d’un conseil averti puisque l’aide juridictionnelle ne peut bénéficier aux plus démunis, l’empruntent sans forcément avoir conscience des pièges qu’elle recèle.
Parmi ceux-ci figure l’absence de recours direct de la victime en cas d’offre insuffisante de l’ONIAM désigné par une CCI comme étant le débiteur de sa créance d’indemnisation au titre de la solidarité nationale. Nul n’ignore que les sommes proposées par l’ONIAM, calculées en fonction de son propre barème d’indemnisation, sont globalement inférieures à celles allouées par les juges pour les mêmes chefs de préjudice. Le destinataire d’une offre amiable qu’il juge trop basse se trouve donc confronté à l’alternative suivante : l’accepter ou saisir le juge en prenant le risque de ne rien obtenir.
En effet, comme le retient la présente décision, dès lors que le processus de règlement amiable n’a pas abouti, l’offre de l’ONIAM devient caduque et ce dernier peut, sans se contredire, revenir sur le principe même du droit à réparation de la victime. Le juge peut alors, comme ce fut le cas en l’espèce, considérer que les conséquences de l’acte de soins n’apparaissent pas anormales au regard de l’état de santé du patient ou de l’évolution prévisible de celui-ci.
Si la solution est parfaitement conforme aux principes qui régissent tout processus transactionnel, elle n’en est pas moins dérangeante car elle aboutit à faire peser sur la victime une certaine forme de contrainte l’incitant à accepter une offre d’indemnisation même insatisfaisante. Par ailleurs, il ne fait aucun doute qu’elle inspirera aussi les assureurs puisqu’il paraît logique d’en déduire qu’ils peuvent également revenir sur le principe de la responsabilité de leur assuré même après avoir fait une offre d’indemnisation, dès lors que celle-ci aura été refusée par la victime.