Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 décembre 1989 et 4 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés par l’assemblée territoriale de la Polynésie française, représentée par son président, domicilié en cette qualité B.P. 28 à Papeete (Tahiti) ; l’assemblée territoriale de la Polynésie française demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Papeete du 26 septembre 1989 en tant qu’il a annulé pour excès de pouvoir les deux derniers alinéas du préambule ainsi que le premier et le dernier alinéa de l’article 5 de la délibération n° 88-109 du 4 août 1988 de la commission permanente ;
2°) de rejeter dans cette mesure les demandes présentées devant le tribunal administratif par l’union des syndicats des taxis des Iles-du-Vent et par la fédération polynésienne des syndicats des taxis ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 74 ;
Vu la loi du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie française ;
Vu l’article 5-II de la loi n° 90-012 du 12 juillet 1990 ;
Vu la loi n° 77-1460 du 29 décembre 1977 ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Genevois, Conseiller d’Etat,
– les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il résulte de l’article 2 de la loi du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française que les autorités du territoire sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas réservées à l’Etat en vertu de la même loi ; que selon l’article 62, toutes les matières qui sont de la compétence du territoire relèvent de l’assemblée territoriale à l’exception de celles qui sont attribuées par la loi au conseil des ministres du territoire ou au président du gouvernement du territoire ; que suivant l’article 70 du statut, la commission permanente élue par l’assemblée du territoire règle par ses délibérations, dans les conditions fixées audit article, les affaires qui lui sont renvoyées par l’assemblée territoriale ;
Considérant que la réglementation de la profession d’entrepreneur de taxi ne figure ni au nombre des matières réservées à l’Etat ni parmi celles qui relèvent de la compétence du conseil des ministres ou du président du gouvernement du territoire ; que par suite, il appartient à l’assemblée du territoire et, sur délégation de celle-ci, à sa commission permanente de fixer, pour l’ensemble du territoire, les conditions d’exercice de l’activité d’entrepreneur de taxi ;
Considérant que, dans l’exercice des attributions qu’elle tient de la loi, l’autorité compétente du territoire doit se conformer aux principes généraux du droit et en particulier au principe de la liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’aux dispositions législatives conférant aux organes des collectivités territoriales créées sur le territoire des compétences propres à titre exclusif ;
Considérant qu’eu égard aux caractères géographiques et économiques du territoire de la Polynésie française, l’autorité territoriale compétente a pu légalement limiter à une seule île le lieu d’exercice de l’activité d’entrepreneur de taxi ;
Considérant en revanche qu’en posant en principe que l’octroi d’une licence est attaché à la propriété d’un taxi et en interdisant également à l’exploitant de faire appel à des suppléants ou des salariés remplissant les qualifications requises, hors le cas de dérogations exceptionnelles et discrétionnaires, l’autorité territoriale a porté une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l’industrie ; qu’il en va de même pour l’interdiction de caractère général et absolu faite à une personne d’être titulaire de plus d’une licence, ainsi que pour la prohibition faite au titulaire d’une licence d’exploitation d’exercer toute autre activité de transport terrestre ;
Considérant qu’il suit de là que le président de l’assemblée territoriale de la Polynésie française est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a annulé les dispositions de l’article 5 de la délibération attaquée, selon lesquelles la licence ne peut être exploitée que dans l’île pour laquelle elle est attribuée ; qu’il n’est en revanche pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal a annulé celles des dispositions du préambule et de l’article 5 qui limitent l’exercice de la profession à la seule personne propriétaire du taxi, lui interdisent d’être titulaire de plus d’une licence, et prohibent l’exercice par le titulaire d’une licence d’exploitation de toute autre activité de transport terrestre ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 26 septembre 1989 est annulé en tant qu’il a annulé les dispositions de l’article 5 de la délibération du 4 août 1988 de la commission permanente DE L’assemblée territoriale de la Polynésie française en vertu desquelles une licence de taxi ne peut être exploitée que dans l’île pour laquelle elle est attribuée.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Papeete par l’union des syndicats des taxis des îles-du-Vent et par la fédération polynésienne des syndicats de taxis est rejetée en tant qu’elle tend à l’annulation desdites dispositions.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du président de l’assemblée territoriale de la Polynésie française est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au président de l’assemblée territoriale de la Polynésie française, à la fédération polynésienne des syndicats de taxis, à l’union des syndicats des taxis des Iles-du-Vent et au ministre des départements et territoires d’outre-mer.