Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 17 octobre 2012 par la Cour de cassation d’une QPC posée par la Société française du radiotéléphone (SFR). La question de constitutionnalité portait sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l’article 6 de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée.
De façon générale, l’article 6 de la loi du 20 décembre 2011 tirait des conséquences de l’annulation par le Conseil d’État, le 17 juin 2011, de la décision n° 11 du 17 décembre 2008 de la commission dite « de la copie privée ». Le paragraphe I de cet article procédait à une validation législative aux termes de laquelle :
« Jusqu’à l’entrée en vigueur de la plus proche décision de la commission prévue à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle et au plus tard jusqu’au dernier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi, sont applicables à la rémunération pour copie privée les règles, telles que modifiées par les dispositions de l’article L. 311-8 du même code dans sa rédaction issue de la présente loi, qui sont prévues par la décision n° 11 du 17 décembre 2008 de la commission précitée, publiée au Journal officiel du 21 décembre 2008, dans sa rédaction issue des décisions n° 12 du 20 septembre 2010, publiée au Journal officiel du 26 octobre 2010, et n° 13 du 12 janvier 2011, publiée au Journal officiel du 28 janvier 2011, a de son côté été déclaré conforme à la Constitution ».
Cette première validation a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 20 juillet 2012 (CC, n° 2012-263 QPC, 20 juillet 2012, Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques – SIMAVELEC [Validation législative et rémunération pour copie privée]).
Le paragraphe II de l’article 6, contesté par SFR, procédait à une autre validation législative. Il validait les rémunérations perçues en application de la décision annulée du 17 décembre 2008 au titre des supports autres que ceux acquis notamment à des fins professionnelles, ayant fait l’objet d’une action contentieuse introduite avant le 18 juin 2011 et n’ayant pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée. Plus précisément, la validation visait à limiter, pour les instances en cours, la portée de l’annulation prononcée par le Conseil d’État, afin d’éviter que cette annulation ne prive les titulaires de droits d’auteur et de droits voisins de la compensation attribuée au titre de supports autres que ceux acquis notamment à des fins professionnelles et dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée.
A l’inverse du paragraphe I, le Conseil constitutionnel a censuré le paragraphe II dans la décision n° 2012-287 QPC du 15 janvier 2013, après avoir rappelé sa jurisprudence constante relative aux lois de validation. Traditionnellement, la constitutionnalité d’une validation législative d’un acte administratif dont une juridiction est saisie ou est susceptible de l’être est subordonnée à cinq conditions (CC, déc. n° 2006-544 DC, 14 décembre 2006, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, cons. 18 et 19) :
1° la validation doit poursuivre un but d’intérêt général suffisant ;
2° elle doit respecter les décisions de justice ayant force de chose jugée ;
3° elle doit respecter le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ;
4° l’acte validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle ;
5° la portée de la validation doit être strictement définie.
En l’espèce, le Conseil constitutionnel a considéré que la première condition n’avait pas été respectée. Il a jugé :
« Considérant que le législateur pouvait rendre applicables aux situations juridiques nées antérieurement à la date de la décision d’annulation du Conseil d’État susvisée de nouvelles règles mettant fin au motif qui avait justifié cette annulation ; que, toutefois, les motifs financiers invoqués à l’appui de la validation des rémunérations faisant l’objet d’une instance en cours le 18 juin 2011, qui portent sur des sommes dont l’importance du montant n’est pas établie, ne peuvent être regardés comme suffisants pour justifier une telle atteinte aux droits des personnes qui avaient engagé une procédure contentieuse avant cette date ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, le paragraphe II de l’article 6 de la loi du 20 décembre 2011 susvisée doit être déclaré contraire à la Constitution » (consid. 6)
L’abrogation immédiate de cette disposition législative a ensuite été prononcée par le Conseil constitutionnel.