L’idée selon laquelle l’exercice du droit au recours par un justiciable peut, en fonction des conditions dans lesquelles ce dernier agit, dégénérer en faute ouvrant droit à réparation, apparaît, aujourd’hui, bien établie en droit administratif1. Comme tout droit, le droit au recours est susceptible de faire l’objet d’un usage abusif de la part de son titulaire et donner lieu, en cas de préjudice, au versement de dommages-intérêts2. Certes, dans certains types de contentieux, tels que l’excès de pouvoir ou le contentieux électoral, cette réparation est rendue compliquée par la règle de l’irrecevabilité des conclusions reconventionnelles3: le défendeur souhaitant obtenir l’indemnisation du préjudice que lui aurait causé le recours abusif du demandeur, doit donc, par principe, former une action indemnitaire distincte devant le juge compétent pour en connaître4.
Nonobstant cette difficulté, la réparation associée à l’usage abusif du droit au recours se trouve pleinement affirmée dans son principe. La récente introduction, par l’ordonnance du 18 juillet 2013, d’un nouvel article L. 600-7 au sein du code de l’urbanisme, l’atteste avec force : est ainsi clairement reconnu que le bénéficiaire d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager peut, en sa qualité de défendeur, solliciter l’allocation de dommages-intérêts lorsque « le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un [tel] permis […] est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire »5. Afin de favoriser cette réparation, le législateur a même prévu de déroger à la traditionnelle irrecevabilité des conclusions reconventionnelles en matière d’excès de pouvoir puisque le bénéficiaire du permis se voit autorisé à demander l’octroi de dommages-intérêts directement au juge saisi du recours abusif6. Cette demande peut être présentée pour la première fois en appel7.
Contrairement à la réparation pour requête abusive, l’idée inverse d’une réparation pour défense abusive souffre, quant à elle, d’un réel déficit de reconnaissance en droit administratif. À vrai dire, la notion de défense abusive n’est pas, en tant que telle, consacrée par la jurisprudence. La formule traditionnellement retenue est celle de résistance abusive. Ce concept, dégagé relativement tôt par la juridiction judiciaire8, renvoie à un dispositif de responsabilité qui est né et s’est développé, en premier lieu, en droit civil. Il repose sur l’idée selon laquelle, si « la défense à une action en justice ne [saurait] constituer en soi un abus de droit »9, le requérant peut, cependant, demander au juge de constater les circonstances particulières qui font que l’attitude du défendeur a revêtu, dans telle ou telle espèce, un caractère abusif. Fondée sur l’article 1382 du code civil, cette demande revient à solliciter l’octroi de dommages-intérêts destinés à indemniser, s’il existe, le préjudice causé par cet abus de droit. Une telle demande en réparation peut, selon les cas, être formulée soit à titre accessoire, devant le juge saisi du litige primitif, soit à titre principal, à l’occasion d’une nouvelle instance spécialement dédiée à la résistance abusive. Sauf à méconnaître l’obligation qui lui incombe, en vertu de l’article 5 du code de procédure civile, de « se prononcer sur tout ce qui est demandé », le juge ne peut légalement s’abstenir de statuer sur une demande en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive10.
L’analyse de la jurisprudence judiciaire révèle que la mise au jour du caractère abusif de la résistance du défendeur suppose de réunir trois conditions cumulatives :
– d’abord, le défendeur doit avoir, en amont, refusé d’accéder aux prétentions du demandeur, contraignant ainsi ce dernier à intenter une action en justice pour faire valoir ses droits ;
– ensuite, cette action en justice doit avoir abouti à la reconnaissance du mal-fondé de la position opposée par le défendeur ;
– enfin, le défendeur doit avoir été, depuis la date du dépôt de l’action en justice au moins, conscient de son tort et avoir fait preuve, d’une manière ou d’une autre, d’une mauvaise volonté caractérisée.
Ce dernier point est essentiel : fort heureusement, l’appréciation inexacte que le défendeur fait de ses droits et devoirs ne saurait constituer, à elle seule, un abus de droit.
La défense à une action en justice, qui constitue un droit fondamental11, « ne dégénère en faute pouvant donner naissance à dommages-intérêts qu’en cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol »12. Pour être inquiété, le défendeur doit donc avoir résisté au demandeur alors qu’il ne pouvait pas raisonnablement se méprendre sur son tort13. Pour caractériser ce mauvais vouloir, seront pris en considération l’attitude générale du défendeur depuis la naissance du différend14, les moyens et arguments soulevés à l’appui de ses prétentions15 ainsi que d’éventuelles décisions de justice passées, de nature à l’éclairer sur l’étendue de ses droits16. Lorsque l’action pour résistance abusive a pour origine le refus injustifié du défendeur d’exécuter une obligation conventionnelle, son champ peut alors recouper, en tout ou partie, celui de l’indemnisation prévue par le dernier alinéa de l’article 1153 du code civil17.
Les domaines dans lesquels, en droit civil, la responsabilité du défendeur est recherchée sur le terrain de la résistance abusive sont nombreux et variés18. Mais, quel que soit le domaine envisagé, les demandes de réparation formées sur ce terrain sont, depuis longtemps, accordées régulièrement par le juge judiciaire. Or, devant le succès de cette hypothèse particulière de responsabilité, les justiciables, assistés de leurs conseils, ont entrepris de la transposer en droit administratif, où la place de défendeur en première instance est, le plus souvent, occupée par l’administration. Sur le modèle du droit civil, il s’est agi de solliciter la condamnation pécuniaire de l’autorité administrative pour avoir refusé de se soumettre aux prétentions du demandeur – tendant à l’édiction ou à l’exécution d’un acte donné – alors qu’elle savait pertinemment devoir y faire droit. C’est ainsi qu’à partir des années 1970, plusieurs décisions du Conseil d’État mentionnent les premières conclusions de requérants cherchant à engager la responsabilité de l’administration pour résistance abusive19. Comme pour insister sur le fait que cette notion est empruntée au droit civil, il n’est pas rare, d’ailleurs, que le juge administratif l’emploie entre guillemets dans les motifs de ses décisions20.
Toutefois, tandis que les demandes de réparation pour résistance abusive sont souvent accueillies par le juge judiciaire, le juge administratif, quant à lui, n’accepte que très rarement d’engager la responsabilité de l’administration sur ce terrain juridique. Certes, les justiciables invitent souvent la juridiction administrative à mettre en œuvre cette responsabilité, mais l’accueil de telles conclusions revêt un caractère exceptionnel21. Aujourd’hui, la possibilité de condamner pécuniairement l’administration en cas de résistance abusive apparaît largement sous-exploitée par le juge administratif. Cette situation ne doit pas surprendre. En l’état, il existe de sérieux obstacles à l’engagement de la responsabilité pour résistance abusive en droit administratif (I). Pour autant, ces obstacles, qui ne sont pas insurmontables, ne sauraient faire oublier le réel intérêt qu’il y aurait à développer cette hypothèse particulière de responsabilité administrative (II).
I. Les obstacles à l’engagement de la responsabilité pour résistance abusive en droit administratif
Les obstacles entravant, dans la pratique, l’engagement effectif de la responsabilité de l’administration pour résistance abusive, sont multiples. Les plus importants et les plus difficiles à surmonter sont les obstacles de fond (A). Mais, à ces derniers, s’ajoutent également des obstacles d’ordre procédural qui, bien que plus aisés à contournés, dégradent encore un peu plus les chances de succès de l’action pour résistance abusive devant le juge administratif (B).
A) Les obstacles de fond
Deux principaux obstacles de fond rendent le juge administratif récitent à l’idée d’accueillir les actions en réparation pour résistance abusive. Ils concernent deux des trois grandes conditions classiques d’engagement de la responsabilité pour faute : le fait fautif et le préjudice.
1. Le premier obstacle tient à la difficulté, pour le requérant, de caractériser l’abus de droit imputé à l’administration défenderesse22. Conformément, en effet, aux principes fondant la responsabilité pour résistance abusive, cet abus ne saurait résulter de la simple résistance de l’autorité administrative23. La défense de cette dernière ne peut dégénérer en faute, susceptible de donner lieu à dommages-intérêts, que si elle était consciente de son tort et a fait preuve d’un « mauvais vouloir »24. Dès lors, pour être reconnue par le juge administratif, la résistance abusive implique, non seulement que le demandeur ait été contraint d’agir en justice par la résistance de l’autorité administrative, et que la position de cette dernière ait été déclarée infondée par la juridiction, mais aussi que la mauvaise volonté de l’administration puisse être établie.
Or, la démonstration de ce mauvais vouloir s’avère nécessairement délicat pour le demandeur. Quand il n’est pas lui-même pour partie responsable de la résistance dont il se plaint, ce qui a pour effet d’exclure toute possibilité de réparation25, il lui revient de démontrer que l’administration avait pleinement conscience du mal-fondé de sa position et qu’elle a adopté une attitude délibérément malveillante. La victime supposée se retrouve ainsi à devoir faire la preuve, à partir d’éléments matériels (demandes adressées à l’administration, absence de réponse ou retard dans la réponse, rejets systématiques, etc.), d’éléments essentiellement immatériels, tenant à l’état d’esprit de l’autorité administrative concernée (connaissance de son tort, refus injustifié de se soumettre, intention de nuire, etc.). Surtout, un certain nombre de principes généraux qui gouvernent l’action des personnes publiques instituent une présomption de bonne foi en faveur de l’administration : dès l’instant, effectivement, où ces personnes sont censées servir l’intérêt général, se conformer au principe de légalité, assurer la bonne utilisation des deniers publics et ne sauraient, de surcroît, payer une somme qu’elles ne doivent pas, la résistance de l’administration est présumée justifiée ; elle est même, pour le moins, attendue ! En droit administratif, le défendeur en première instance étant, dans la plupart des cas, une personne morale de droit public, le caractère abusif de la résistance s’avère ainsi plus difficile à établir qu’en droit civil. Le justiciable qui souhaite rechercher la responsabilité de l’administration doit disposer d’éléments suffisamment solides et pertinents pour renverser la présomption de bon vouloir dont bénéficient les personnes publiques. Cette difficulté se traduit directement dans les décisions du juge administratif, qui sont nombreuses à rejeter les demandes de condamnation sur ce terrain au motif qu’aucun abus de droit ne peut être reproché à l’administration26.
2. Le second obstacle de fond intéresse la difficulté, pour le demandeur, de faire état d’un préjudice réparable dans le cadre d’une action pour résistance abusive.
D’une façon générale, les auteurs de demandes en réparation pour résistance abusive négligent trop souvent de faire la preuve, de manière précise et concrète, du préjudice qu’ils allèguent. Ils sollicitent la condamnation de l’administration et chiffrent, en général, leurs conclusions, mais ne produisent pas d’éléments de nature à justifier le préjudice qu’ils entendent voir réparer. Dans ces conditions, le juge administratif est fréquemment conduit à rejeter les demandes formées sur ce terrain pour la raison que le requérant n’établit pas « la réalité du préjudice »27 qu’il invoque ou n’apporte pas de précisions sur sa nature28, sa consistance29 et son étendue30.
S’agissant, en particulier, de la démonstration de la réalité du préjudice, la tâche du demandeur peut se révéler particulièrement complexe lorsque l’action en résistance abusive fait suite au refus de l’administration de verser une somme d’argent dont elle est débitrice. Dans cette hypothèse, le demandeur doit faire état d’un préjudice nécessairement distinct de celui qu’a réparé l’indemnité allouée par le juge au titre de la somme due par l’administration et qui constituait, précisément, l’objet de l’instance ou des conclusions principales ; si ce préjudice distinct n’est pas établi, sa demande en réparation est rejetée31. En outre, il doit également faire la preuve d’un préjudice distinct de celui qu’a réparé l’allocation, lorsqu’elle a eu lieu, d’intérêts moratoires au taux légal32. Ces intérêts, prévus par l’alinéa 1er de l’article 1153 du code civil, ont vocation à indemniser le préjudice dû au retard du débiteur dans le paiement d’une somme d’argent. Le requérant qui souhaite obtenir réparation pour résistance abusive de l’administration doit donc justifier d’un préjudice indépendant du retard que le versement de tels intérêts a compensé. Or, le juge administratif se montre particulièrement sévère à l’égard de cette condition : suivant une approche restrictive, il considère que l’octroi d’intérêts moratoires suffit, dans la grande majorité des cas, à réparer le préjudice allégué par le demandeur. Reprochant à ce dernier de ne pas justifier d’un préjudice distinct de celui qu’ont réparé ces intérêts, il rejette comme infondées les conclusions indemnitaires pour résistance abusive33.
B) Les obstacles d’ordre procédural
Les obstacles procéduraux à l’engagement de la responsabilité de l’administration pour résistance abusive peuvent concerner, dans un premier temps, la question de la formation de jugement compétente pour connaître de la demande en réparation. Il a été affirmé, par exemple, que « les demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive ne relèvent pas de la compétence du juge des référés »34. Le juge statuant en cette forme est donc contraint de rejeter une telle demande, serait-elle fondée35.
Néanmoins, les obstacles procéduraux les plus importants et les plus souvent rencontrés par les justiciables, intéressent la recevabilité de leurs conclusions en réparation. Classiquement, comme pour toute demande soumise au juge, la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive doit donner lieu à une argumentation, en fait et en droit, permettant au juge d’en apprécier le bien-fondé : à défaut, elle est considérée comme irrecevable pour absence de motivation36. Mais, à cette condition générale de recevabilité, s’ajoutent d’autres exigences, davantage spécifiques. En effet, le juge administratif considère que la résistance abusive de l’administration constitue un fondement autonome de responsabilité. Or, si cette approche confirme que la résistance abusive représente une hypothèse de responsabilité administrative à part entière, elle s’accompagne aussi, dans le même temps, de risques importants du point de vue de la recevabilité des demandes indemnitaires présentées dans ce cadre. Deux risques, en particulier, se réalisent régulièrement aux dépens des victimes supposées.
1. Le premier a trait à la liaison préalable du contentieux qui constitue, en vertu de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, une obligation dans toutes les matières autres que les travaux publics37. Dès l’instant où la résistance abusive de l’administration est regardée comme un fondement autonome de responsabilité, la victime doit, avant de solliciter la réparation de son préjudice devant le juge, se tourner préalablement vers l’autorité administrative elle-même et la saisir d’une demande en ce sens. Or, de nombreux justiciables omettent de se soumettre à cette exigence : agissant précipitamment, souvent à l’occasion de l’instance au cours de laquelle ils demandent la reconnaissance du bien-fondé de leurs prétentions principales, ils assortissent ces dernières d’une demande en réparation pour résistance abusive, sans l’avoir fait précéder d’une réclamation auprès de l’administration. Le contentieux n’étant pas lié, les conclusions de la requête tendant au versement de dommages-intérêts pour résistance abusive sont rejetées sur le terrain de l’irrecevabilité38. Est alors sans incidence sur cette irrecevabilité la circonstance que l’auteur de la demande en réparation n’aurait pas pu anticiper la solution retenue par le juge chargé de statuer sur le bien-fondé de ses prétentions principales39.
2. Le second risque d’irrecevabilité, associé au caractère autonome et distinct de la responsabilité pour résistance abusive, concerne spécifiquement le contentieux de l’appel. Par principe, le justiciable ne peut pas présenter aux seconds juges des conclusions qui, de par leur objet, diffèrent de celles soumises au juge de première instance : de telles conclusions seraient regardées comme constitutives d’une demande nouvelle et, par suite, rejetées sur le terrain de l’irrecevabilité40. Or, le juge administratif considère que les conclusions en réparation pour résistance abusive revêtent un objet distinct de celui des prétentions principales auxquelles l’administration aurait abusivement résisté41. Par conséquent, lorsque vient à l’idée d’un justiciable, une fois en appel, de solliciter la condamnation de l’administration à verser des dommages-intérêts pour résistance abusive, alors que de telles conclusions n’ont pas été présentées au juge de première instance, celles-ci sont qualifiées de nouvelles et, dès lors, rejetées comme irrecevables42. Fréquente43, cette cause d’irrecevabilité est opposée par le juge administratif alors même que la demande d’indemnisation pour résistance abusive aurait été suscitée par l’inexécution du jugement de première instance44 ou par les conclusions, déposées en appel par l’administration, aux fins d’obtenir la condamnation du requérant au paiement des frais non compris dans les dépens45.
Ces obstacles, de fond et de procédure, contribuent ainsi à expliquer pourquoi la responsabilité de l’administration en cas de résistance abusive est, aujourd’hui, rarement mise en œuvre dans la pratique. Toutefois, aussi importants soient-ils, ces obstacles ne sauraient faire oublier l’intérêt qu’il y a à encourager le développement de cette hypothèse de responsabilité administrative.
II. L’intérêt d’encourager le développement de la responsabilité pour résistance abusive en droit administratif
Les avantages offerts par la responsabilité pour résistance abusive de l’administration, tant à long terme qu’à court terme, sont importants (A). Leur mise en lumière invite à exploiter les différents moyens, d’ores et déjà disponibles, pour favoriser cette responsabilité en droit administratif (B).
A) Les avantages offerts par la responsabilité de l’administration en cas de résistance abusive
La responsabilité de l’administration pour résistance abusive présente deux grands avantages : réparer, bien sûr, mais aussi dissuader.
1. La première et principale vertu de cette hypothèse particulière de responsabilité administrative s’inscrit dans le court terme : elle tient à la réparation de la victime.
Il est aujourd’hui admis que l’administration puisse, dans certains cas, agir en justice dans des conditions qui excèdent la protection légitime de ses droits et se livrer, ce faisant, à des recours considérés comme abusifs46. Or, aucune raison n’interdit de reconnaître la situation inverse : sauf à consacrer une différence de traitement injustifiée entre l’action et la défense de l’administration, il doit être admis qu’en refusant, de mauvaise foi, de se soumettre aux prétentions bien fondées du demandeur, l’autorité administrative puisse faire dégénérer sa résistance en faute47. L’octroi de dommages-intérêts permet alors de réparer le préjudice causé au demandeur par cette faute de l’administration. Concrètement, une telle action en réparation peut concerner, d’abord, l’hypothèse générale où le préjudice du requérant est la conséquence du refus de l’administration d’accéder à une demande qu’il lui avait directement présentée : tel est le cas, par exemple, lorsque la victime supposée reproche à l’administration d’avoir résisté, de mauvaise foi, à la demande tendant au paiement d’une somme d’argent48, à l’octroi du concours de la force publique49 ou à l’exécution de travaux publics50. L’action en réparation peut, ensuite, intéresser l’hypothèse où le préjudice invoqué est consécutif à l’inexécution d’une décision de justice : il est alors fait grief à l’administration d’avoir refusé de se soumettre à la solution retenue par le juge, en s’abstenant de la mettre en œuvre51. Cette dernière hypothèse – qui n’est pas exclusive de la première52 – met en lumière l’utilité propre de l’action pour résistance abusive : une telle voie de droit n’a pas vocation à obtenir l’exécution d’une décision de justice favorable au demandeur ; elle a seulement pour objet de solliciter le versement de dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice causé par le refus abusif de l’administration de se soumettre, précisément, à cette décision de justice. L’action en responsabilité pour résistance abusive dispose donc d’une finalité et, partant, d’un périmètre qui lui sont spécifiques : elle ne saurait se confondre avec les instruments, prévus notamment aux articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, permettant au juge de forcer l’administration à exécuter les décisions qu’il rend53.
2. Quoique tournée vers le long terme, la seconde vertu de la condamnation pécuniaire de l’administration pour résistance abusive n’est pas moins importante que la première : elle tient à la force de dissuasion de cette hypothèse de responsabilité. En l’état actuel du droit positif, les textes ne prévoient pas d’amende pour résistance abusive sur le modèle de ce que prévoit l’actuel article R. 741-12 du code de justice administrative à propos de la requête abusive54. Certains auteurs, tel le président Daniel Chabanol, ont pu, d’ailleurs, déplorer cette lacune : selon ce dernier, « Tout autant que le requérant abusif, l’autorité administrative qui s’obstine à ne pas reconnaître, par une abrogation ou un retrait bienvenus, qu’elle a commis une illégalité relevant du domaine de l’évidence, perturbe la bonne marche de la justice administrative en contribuant à l’encombrer de recours qu’un minimum de bon sens aurait permis d’éviter. Cela ne mérite-t-il pas une amende ? »55. Or, si l’objet premier de la responsabilité pour résistance abusive n’est pas de sanctionner, mais de réparer, son développement en droit administratif pourrait, néanmoins, avoir une portée dissuasive similaire à celle que revêt l’amende. La condamnation de l’administration au versement de dommages-intérêts pour avoir abusivement résisté au demandeur, est de nature, en effet, à pousser cette dernière à revoir le choix de ses stratégies contentieuses : dès l’instant où, sur le plan pécuniaire, choisir de refuser de se soumettre à des prétentions qu’elle sait être fondées peut lui coûter cher, l’administration a tout intérêt à faire preuve de bonne foi et d’accéder immédiatement, le cas échéant, aux demandes qui lui sont soumises. Or, les conséquences positives de cet effet dissuasif sont potentiellement importantes. Une telle dissuasion peut contribuer, dans une perspective de bonne administration, à moraliser l’action administrative – les services étant appelés à faire preuve d’une plus grande loyauté vis-à-vis des administrés56 – et, par suite, à favoriser l’apaisement des relations entre l’administration et les citoyens, lesquels sont parfois convaincus de faire l’objet d’un « acharnement administratif »57. De même, si l’administration se trouve dissuadée de résister abusivement aux administrés, ces derniers ne seront plus contraints de saisir le juge pour faire valoir leurs droits. Le développement de la responsabilité pour résistance abusive peut donc, à long terme, contribuer à prévenir l’augmentation du contentieux et répondre ainsi à l’objectif de bonne administration de la justice58.
B) Les moyens disponibles pour favoriser la responsabilité de l’administration en cas de résistance abusive
La mise en lumière des avantages de la condamnation de l’administration pour résistance abusive doit conduire à reconsidérer les obstacles de fond et de procédure qui, pour l’heure, entravent la mise en œuvre effective de cette hypothèse particulière de responsabilité. Différents moyens existent, d’ores et déjà, permettant de surmonter ces obstacles et d’accroître les chances de succès des actions en réparation entreprises sur ce fondement. Ces moyens sont à la disposition aussi bien des requérants qui entreprennent de telles actions indemnitaires que du juge amené à en connaître.
1. De fait, les moyens d’action les plus significatifs et les plus directs appartiennent, au premier chef, aux auteurs de demandes en réparation pour résistance abusive – ce qui vise les justiciables et, le cas échéant, leurs conseils. Du point de vue des obstacles de fond, bien que leur marge de manœuvre demeure modeste, les requérants pourraient soigner davantage la preuve des allégations contenues dans leurs écritures. En particulier, en ce qui concerne la démonstration de leur préjudice, il leur appartient d’établir en détail le dommage allégué, en insistant sur sa nature (préjudice financier, préjudice moral, troubles dans les conditions d’existence, etc.) et son importance (laquelle peut dépendre du degré de résistance opposée par l’administration)59. Surtout, les requérants ont largement les moyens de lever les obstacles d’ordre procédural qui justifient trop souvent le rejet de leur demande indemnitaire. L’identification de la formation de jugement compétente pour connaître de leur action en responsabilité ne pose pas de réelle difficulté. De même, l’irrecevabilité de leurs conclusions peut être prévenue sans grands efforts. S’agissant de l’exigence de motivation, ils doivent seulement s’attacher à exposer l’argumentation factuelle et juridique permettant au juge d’apprécier le bien-fondé de leur demande. En ce qui concerne la liaison du contentieux, ils doivent être attentifs à l’obligation de saisir l’administration d’une réclamation préalable. S’ils ne le sont pas suffisamment, deux dispositifs jurisprudentiels peuvent être, au demeurant, exploités pour éviter l’irrecevabilité : d’une part, la solution formalisée à l’occasion de l’affaire Dame veuve Ducroux60, selon laquelle le mémoire en défense de l’administration qui conclut, à titre principal, au mal-fondé des prétentions indemnitaires du demandeur, équivaut à une décision de rejet susceptible de lier le contentieux devant le juge administratif ; d’autre part, le procédé, plus récent, issu de la jurisprudence Établissement français du sang61, qui offre au requérant la possibilité de provoquer et d’obtenir, en cours d’instance, une décision préalable de l’administration. Enfin, un examen initial des enjeux et du potentiel du litige doit permettre aux justiciables de présenter, dès la première instance, des conclusions aux fins de réparation pour résistance abusive de manière à anticiper, le cas échéant, l’irrecevabilité des demandes nouvelles en appel.
2. Par ailleurs, au-delà des justiciables, le juge lui-même dispose de certains moyens pour favoriser l’engagement de la responsabilité de l’administration en cas de résistance abusive. En premier lieu, il pourrait admettre plus facilement, à travers un changement de culture ou, en tout cas, d’appréhension de la réalité, le principe selon lequel l’administration peut abuser de son droit de se défendre – tout comme elle peut abuser de son droit d’agir. Il ne s’agit pas de retenir l’abus de droit à chaque fois que l’administration résiste – cela ne serait conforme ni aux droits de la défense ni à la définition de l’abus –, mais seulement d’accepter plus facilement l’idée même d’une résistance abusive de l’administration, étant entendu que la preuve d’une telle faute s’avère, on l’a dit, particulièrement délicate. Entre autres exemples, le juge pourrait ainsi reconnaître plus facilement le caractère abusif de la résistance de l’administration lorsque celle-ci se trouvait – en vertu d’une jurisprudence bien établie qu’elle ne pouvait sérieusement ignorer – en situation de compétence liée pour faire droit à la demande initiale du requérant62 ou lorsque la dette au paiement de laquelle elle a résisté n’était pas sérieusement contestable63. En deuxième lieu, le juge administratif pourrait, à tout le moins, motiver davantage ses décisions par lesquelles il déclare infondées les demandes en réparation pour résistance abusive dont il est saisi. Jusqu’à présent, celui-ci se contente souvent d’affirmer, de façon péremptoire, que le refus de l’administration de se soumettre n’a pas revêtu, « dans les circonstances de l’espèce », le caractère abusif allégué par le demandeur64. À l’instar de la grille de lecture qu’il a proposée à propos de l’amende pour recours abusif65, il lui serait possible d’expliciter les critères à l’aune desquels le caractère abusif de la résistance de l’administration doit être apprécié66. Ce faisant, les justiciables intéressés disposeraient d’éléments d’information utiles pour emporter la conviction du juge.
En troisième et dernier lieu, le juge administratif pourrait, dans l’hypothèse particulière où l’action en résistance abusive fait suite au refus de l’administration de verser une somme d’argent et où des intérêts moratoires au taux légal ont été versés au demandeur, décider plus souvent que ce dernier justifie d’un préjudice indépendant de celui réparé par ces intérêts. Pour l’heure, en effet, la juridiction administrative se montre sur ce point particulièrement exigeante envers les requérants, jugeant, dans la quasi-totalité des cas, que le demandeur ne justifie pas d’un préjudice distinct du retard de paiement de l’administration – qui est donc indemnisé par les intérêts moratoires de l’article 1153, alinéa 1er, du code civil. Comparée à la pratique du juge judiciaire, qui admet volontiers que le requérant puisse se prévaloir d’un préjudice distinct de ces intérêts67, l’approche du juge administratif apparaît excessivement restrictive. La modification de cette dernière pourrait ainsi facilement accroître les chances de succès des demandes indemnitaires des administrés. Une telle modification contribuerait, au surplus, à rapprocher les positions du juge administratif de celles de la juridiction civile qui, ne le perdons pas de vue, a permis la première l’émergence de la responsabilité pour cause de résistance abusive, sans pour autant faire l’expérience de débordements regrettables.
- S’agissant du droit civil, v. code de procédure civile, art. 32-1 : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés » ((v. aussi art. 559, à propos du recours en appel ; art. 581, à propos de la tierce opposition et du recours en révision ; et art. 628, à propos du pourvoi en cassation [↩]
- V. not. CE, 8 août 2008, Assistance publique à Marseille, n° 272033, T., p. 870 : le juge de cassation revient sur la qualification d’appel abusif retenue par les seconds juges [↩]
- Pour un cas intéressant le contentieux de l’excès de pouvoir, v. CE, sect., 24 nov. 1967, Noble, n° 66271, Rec., p. 443, D., 1968, p. 142, concl. J. Baudouin. Pour un cas concernant le contentieux électoral, v. CE, 21 déc. 1977, Élections municipales de Crolles, n° 08374, Rec., p. 525 [↩]
- Lequel n’est pas nécessairement le juge administratif : v., en ce sens, Cass., Civ. 3ème, 9 mai 2012, n° 11-13597, Bull., n° 71 [↩]
- Code de l’urbanisme, art. L. 600-7, issu de l’art. 2, 3°, de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juill. 2013 relative au contentieux de l’urbanisme. Sur l’application immédiate de ces dispositions aux instances en cours, v. CE, avis cont., 18 juin 2014, SCI Mounou et a., n° 376113, Rec., p. 163 [↩]
- « […] celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts » [↩]
- Et seulement en appel ; une telle demande formée pour la première fois en cassation est irrecevable : v. CE, 3 juill. 2015, Syndicat des copropriétaires La Parade Collectif, n° 371433, à mentionner aux T [↩]
- V. not. Cass., Com., 14 fév. 1961, n° 59-11555, Bull., n° 87 ; Cass., Soc., 22 mars 1962, n° 60-13 562, Bull., n° 318 ; Cass., Civ. 1ère, 7 déc. 1964, n° 63-12572, Bull., n° 540. [↩]
- Cass., Civ. 1ère, 18 juill. 1995, n° 93-14485 ; Cass., Civ. 3ème, 6 mai 2014, n° 13-14407. [↩]
- V. not. Cass., Com., 11 mai 1976, n° 75-11906, Bull., n° 156 : si le juge judiciaire omet de se prononcer sur une telle demande, l’omission ne peut alors être réparée que selon la procédure spéciale de l’article 462 du code de procédure civile. [↩]
- V. Cons. const., 2 déc. 1976, décision n° 76-70 DC, Loi relative au développement de la prévention des accidents du travail, Rec., p. 39. [↩]
- Cass., Civ. 2ème, 20 janv. 1971, n° 69-12477, Bull., n° 17 ; Cass., Civ., 2ème, 28 janv. 1971, n° 69-13963, Bull., n° 33 ; Cass., Civ. 2ème, 20 nov. 1974, n° 73-12274, Bull., n° 306. [↩]
- V. not. Cass., Com., 9 mars 1976, n° 74-15032, Bull., n° 84. [↩]
- V. not. Cass., Civ. 1ère, 20 mai 2003, n° 01-14186, à propos de « manœuvres d’obstruction » ; Cass., Civ. 1ère, 15 avr. 2015, n° 14-14043, à propos d’une « attitude inconstante et dilatoire ». [↩]
- V. not. Cass., Civ. 1ère, 26 fév. 1964, n° 62-12698, Bull., n° 113 ; Cass., Com., 23 mai 1977, n° 75-15565, Bull., n° 147. [↩]
- V. not. Cass., Soc., 10 mars 2004, n° 01-45069 ; Cass., Com., 25 mars 2014, n° 12-24487. [↩]
- Code civil, art. 1153, dernier alinéa : « Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance ». S’agissant de l’articulation entre cette disposition et la notion de résistance abusive, v., par ex., Cass., Soc., 20 nov. 1996, n° 93-46732. [↩]
- Par ex., v. Cass., Com., 10 mai 2005, n° 03-17118 (crédit-bail) ; Cass., Soc., 10 oct. 2013, n° 12-18176 (relations de travail) ; ou encore Cass., Com., 17 fév. 2015, n° 13-15792 (assurance). [↩]
- V. not. CE, 3 déc. 1975, Boyé, n° 90047, Rec., p. 616 ; CE, 4 juin 1976, Sté toulousaine immobilière, n° 85342, Rec., p. 303 ; CE, 26 sept. 1986, Cne de Tignes, n° 59376 ; CE, sect., 5 juin 1987, Lalain, n° 38177 et a., Rec., p. 195. [↩]
- V. not. CE, 12 fév. 1982, Port autonome de Nantes Saint-Nazaire et Cie générale d’armement maritime, n°s 19034 et a. ; CE, 26 janv. 1990, Cne de Gières, n° 70752 ; CE, 27 sept. 2006, Cne de Baalon, n° 284022, T., p. 1061. [↩]
- Pour une rare illustration, v. CE, 14 oct. 1987, Gregoire, n° 45618. [↩]
- Pour une appréhension globale de la notion d’abus de droit en droit administratif, v. L. DUBOUIS, La théorie de l’abus de droit et la jurisprudence administrative, LGDJ, 1962, 472 p. [↩]
- Rappelant cette solution, v. CAA Versailles, 25 sept. 2014, Cne de Saint-Ouen, n° 13VE00231 ; CAA Bordeaux, 16 avr. 2015, Chandernagor, n° 13BX02485. [↩]
- L’expression apparaît, en tant que telle, dans les décisions juridictionnelles : v. not. CE, 12 fév. 1982, Port autonome de Nantes Saint-Nazaire et Cie générale d’armement maritime, préc. [↩]
- V. not. CE, 5 avr. 1991, Sté mosellane de travaux publics, n° 63218 ; CAA Nancy, 30 avr. 1992, SA Travaux Isolation Bâtiment Étanchéité, n° 90NC00357 ; CAA Nantes, 5 nov. 1992, Renaud de la Faverie, n° 90NT00018. [↩]
- V. CE, 30 juin 1993, Cie générale d’entreprise de chauffage, n° 44427 ; CAA Bordeaux, 27 juin 1994, Sté CMCA Établissements Mauret, n° 92BX01021 ; CAA Paris, 3 avr. 1997, Électricité de France, n° 94PA00157 ; CAA Lyon, 18 déc. 2014, Cne de Salindres et a., n° 12LY22281 ; CAA Marseille, 2 fév. 2015, Sté La Financière Sport et Loisir, n° 12MA01395 ; CAA Douai, 2 juill. 2015, Pilard, n° 14DA01417. [↩]
- V. CAA Lyon, 3 oct. 1990, Martin, n° 89LY01495 ; CE, 30 déc. 2002, Aumont, n° 224462, T., p. 953 ; CAA Paris, 9 mai 2014, Préfet de police, n° 13PA03862. Dans le même sens, v. CAA Douai, 13 mars 2001, Cne d’Oye-Plage, n° 97DA01999 ; CAA Bordeaux, 11 juin 2015, SCI de Cadoul, n° 13BX01954. [↩]
- V. CAA Bordeaux, 27 juin 2000, Syndicat intercommunal d’aménagement du bassin de Bassecq, n° 98BX01945 ; CAA Lyon, 9 déc. 2003, Dpt de la Drôme, n° 02LY00728. [↩]
- V. not. CAA Bordeaux, 15 oct. 2013, Pichon, n° 11BX01821. [↩]
- V. CAA Bordeaux, 23 nov. 1992, Mutuelle d’assurance artisanale de France, n° 90BX00233 ; CAA Bordeaux, 16 juill. 1996, Chambre de commerce et d’industrie des Deux-Sèvres, n°s 96BX00889 et a. ; CAA Marseille, 2 nov. 1999, Carbonnel, n° 97MA10278. [↩]
- V. CAA Paris, 19 déc. 1994, Cne de Brunoy, n° 93PA00587 ; CAA Bordeaux, 2 mai 1995, Blaise et a., n°s 92BX00752 et a. ; CAA Nancy, 13 juin 1996, Lejzerzon, n° 93NC00165. [↩]
- V. not. CE, 6 mai 1988, Mabileau, n° 40999. [↩]
- V. CAA Nancy, 2 déc. 1999, Office public départemental d’HLM du Territoire de Belfort, n° 95NC00653 ; CAA Paris, 28 janv. 2013, Consorts Maata, n° 12PA03417 ; CAA Marseille, 24 fév. 2014, Syndicat mixte du Boréon, n° 11MA01259 ; CAA Douai, 3 avr. 2014, Sté Les compagnons paveurs, n° 12DA01302 ; CAA Paris, 23 mars 2015, Sté ACIECO, n° 14PA02184 ; CAA Douai, 11 juin 2015, Sté SMAC, n° 13DA01909. [↩]
- Telle est, en tout cas, la position de la cour administrative d’appel de Bordeaux : v. CAA Bordeaux, 20 janv. 1997, Crespin et Sanchez, n°s 96BX01244 et 96BX01245 (2 espèces différentes). [↩]
- V. CAA Bordeaux, 30 sept. 2013, Cne du Marin, n° 12BX02004 : le juge des référés qui fait droit à une demande de dommages-intérêts pour résistance abusive « méconnaît son office ». [↩]
- V., par ex., CAA Lyon, 19 mars 1990, Juge, n° 89LY00155 ; CAA Nantes, 8 sept. 1993, Syndicat intercommunal pour l’extension du golf de Cabourg-Varaville, n° 91NT00859. [↩]
- V. code de justice administrative, art. R. 421-1 : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision ». [↩]
- V. CAA Marseille, 7 mai 2013, Landru, n° 11MA01206 ; CE, 30 déc. 2013, Abdelhak et Helali, n° 338150 ; CAA Nantes, 5 juin 2014, Lepoittevin et La Vaullée, n° 14NT00007. [↩]
- En ce sens, v. CAA Marseille, 17 déc. 2013, Sté La Poste, n° 13MA00743. [↩]
- Rappelant le principe de cette irrecevabilité, v. not. CE, sect., 18 mai 1990, Ville de Nice, n° 64387, Rec., p. 130, RFDA, 1991, p. 275, concl. M. Fornacciari. [↩]
- V. CAA Nancy, 23 déc. 1993, Grundisch, n° 92NC00443 ; CAA Marseille, 12 juin 2001, Université Montpellier I, n° 98MA01562 ; CE, 24 nov. 2003, Mangin, n° 251558. [↩]
- V. CAA Nantes, 3 sept. 1992, Syndicat intercommunal sport-camping de Bagnoles-de-l’Orne – Tessé-la-Madeleine, n° 91NT00240 ; CAA Nancy, 6 janv. 2000, France Télécom, n° 96NC02141 ; CAA Paris, 8 mars 2001, Burgues, n° 99PA03193. [↩]
- Outre les exemples précédents, v. aussi CAA Nantes, 10 juill. 1997, Kahouadji, n° 95NT00655 ; CAA Bordeaux, 2 déc. 2003, Ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales, n° 02BX01272 ; CAA Marseille, 22 janv. 2004, Époux Auquier, n° 99MA00967 ; CAA Paris, 28 avr. 2014, Sté Chong On Yin, n° 12PA03504. [↩]
- V. CE, 13 mars 1998, Grundisch, n° 157081, T., p. 1133. [↩]
- V. CAA Bordeaux, 1er avr. 1999, Espinasse, n° 97BX01587. [↩]
- V., par ex., CE, 17 janv. 1996, Cne de Fontenay-sous-Bois, n° 143912 ; CE, 4 mai 1998, Cne de Saint-Sauveur-sur-École, n° 151749 ; CE, 21 janv. 2003, Cne des Angles, n° 253421. [↩]
- Sur ce point, v. not. D. CHABANOL, « Les recours abusifs dans le contentieux administratif », LaGazette.fr, Tribune juridique, 5 mars 2013 : d’après l’auteur, « les exigences du procès équitable et le principe de l’égalité des armes [veulent] que, parallèlement au recours abusif, soit reconnue la « défense abusive » ». [↩]
- V. not. CAA Paris, 28 avr. 2014, Sté Chong On Yin, préc. [↩]
- V. not. CAA Paris, 10 oct. 2000, Sté d’HLM Le logement français, n° 98PA01389. [↩]
- V. not. CAA Lyon, 13 nov. 1991, Époux Anastasio, n°s 90LY00504 et a. [↩]
- V. not. CAA Douai, 19 juin 2002, Bayard, n° 00DA00679 ; CE, 24 nov. 2003, Mangin, préc. ; CE, 1er avr. 1998, Demar, n° 138984. [↩]
- V., par ex., CAA Nantes, 3 sept. 1992, Syndicat intercommunal sport-camping de Bagnoles-de-l’Orne – Tessé-la-Madeleine, préc. [↩]
- Encore qu’il peut arriver au juge saisi de décider de mettre en œuvre certains de ces instruments – par exemple, prononcer une injonction avec astreinte – « eu égard à la résistance abusive dont fait preuve » l’administration défenderesse (en ce sens, v. CAA Marseille, 16 juin 2015, Charret, n° 14MA04070). [↩]
- Selon le Conseil d’État, « cette disposition, qui a pour objectif une bonne administration de la justice, ne restreint pas le droit reconnu à toute personne de soumettre sa cause à une juridiction [et, partant], ne méconnaît pas les stipulations de l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (CE, 14 oct. 2009, Kemlin et a., n° 322164, T., p. 904). [↩]
- D. CHABANOL, op. cit. [↩]
- À cet égard, v. A. BEDUSCHI-ORTIZ, « La notion de loyauté en droit administratif », AJDA, 2011, p. 944 : l’auteur insiste sur l’idée que, « En dehors de la matière contractuelle, l’obligation de loyauté consiste en une obligation mise à la charge de l’administration qui, agissant de bonne foi, doit s’abstenir de causer du tort aux administrés ». [↩]
- V., par ex., CAA Lyon, 17 déc. 1990, Cardaire, n° 89LY00629 ; CAA Marseille, 7 avr. 2008, La Cie agricole de la Crau, n° 05MA03258 ; CAA Lyon, 3 mai 2012, Époux Barbier, n° 10LY02247. [↩]
- Certes, il pourrait être objecté que la recherche de la responsabilité de l’administration pour résistance abusive suppose nécessairement, à court terme, le dépôt de conclusions supplémentaires, voire de nouveaux recours, ce qui semble aller à rebours de l’objectif de prévention de l’augmentation du contentieux. Toutefois, la réalisation de cet objectif est envisagée à long terme, une fois que l’administration aurait, après un certain nombre de condamnations en dommages-intérêts sur ce fondement, modifié ses habitudes et pratiques. Il est noté, du reste, que l’amende pour requête abusive demeurerait à la disposition du juge pour sanctionner et dissuader les recours indemnitaires abusifs (pour des exemples où le requérant a été condamné à une telle amende alors qu’il avait formé des conclusions en réparation pour résistance abusive, v. CE, 1er juill. 1988, Cne de Saint-Égrève, n° 34138 et CAA Lyon, 23 juin 1994, Sté Merx et a., n° 93LY00608). [↩]
- V., par ex., cette affaire, soumise au juge judiciaire, dans laquelle le demandeur faisait état de « tous les ennuis, démarches et frais non taxés » causés par la résistance de son adversaire (Cass., Com., 14 fév. 1961, n° 58-10614, Bull., n° 85). [↩]
- CE, ass., 23 avr. 1965, Veuve Ducroux, n° 60721, Rec., p. 231, RDP, 1965, p. 118, concl. J.-M. Galabert, AJDA, 1965, p. 332, chron. M. Puybasset et J.-P. Puissochet. [↩]
- CE, 11 avr. 2008, Établissement français du sang, n° 281374, Rec., p. 168, AJDA, 2008, p. 1215, note G. Clamour, LPA, 29 août 2008, p. 9, concl. J.-P. Thiellay, JCP A, 24 nov. 2008, p. 30, note C. Paillard. [↩]
- Pour rappel, l’administration est considérée comme en situation de compétence liée, entendue dans son acception contentieuse, lorsqu’elle est tenue de s’abstenir ou d’agir dans un sens déterminé, « sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l’espèce » (CE, sect., 3 fév. 1999, Montaignac, n°s 149722 et a., AJDA, 1999, p. 567, chron. F. Raynaud et P. Fombeur). [↩]
- Tel fut le cas, par ex., dans l’affaire CE, 14 oct. 1987, Gregoire, préc. [↩]
- V. not. CAA Lyon, 3 déc. 1998, Lacroix, n°s 95LY00404 et a. ; CAA Nancy, 14 janv. 1999, Houpert, n° 98NC01934 ; CAA Bordeaux, 10 nov. 2011, Centre hospitalier intercommunal du Val d’Ariège, n° 09BX02017 ; CAA Paris, 18 déc. 2012, SA Colombo, n° 11PA01446 ; CAA Marseille, 29 avr. 2013, Cinesi, n° 07MA01909. [↩]
- V., par ex., CE, sect., 9 nov. 2007, Pollart, n° 293987, Rec., p. 445, RFDA, 2008, p. 137, concl. T. Olson, RDP, 2008, p. 1359, obs. E. Gonnet : le caractère abusif d’un recours s’apprécie, notamment, « eu égard à l’objet de la requête […] et aux moyens qui y [sont] développés ». [↩]
- Il est vrai que certaines décisions laissent deviner quels pourraient être certains de ces critères : v., par ex., CAA Marseille, 17 juin 2013, Polge, n° 10MA03652, qui fait référence aux initiatives prises par l’autorité administrative ; ou CAA Marseille, 4 juill. 2013, Riu, n° 13MA00074 et CAA Marseille, 21 mai 2015, CPAM du Gard, n° 13MA03351, qui font référence à la complexité de l’affaire et de la discussion contentieuse (ce dernier critère se retrouve, du reste, dans la jurisprudence judiciaire : v. Cass., Com., 9 juill. 2013, n°s 11-27417 et a., Bull., n° 117). Pour autant, aucune décision, rendue notamment par le Conseil d’État, ne synthétise clairement les critères utilisés. [↩]
- V. Cass., Soc., 20 mai 1999, n° 97-21060 ; Cass., Civ. 3ème, 24 mars 2009, n° 07-21107 ; Cass., Soc., 16 mai 2012, 10-26323 ; Cass., Com., 25 mars 2014, préc. [↩]
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