Contexte : Par cet arrêt rendu le 9 juillet 2015, la Cour de cassation écarte toute faute du médecin auquel il est reproché de ne pas avoir incité, par téléphone, une patiente à se soigner.
Litige : A l’issue d’un mammo-test pratiqué dans le cadre d’une campagne de dépistage du cancer du sein, une femme est informée, par courrier de l’organisme ayant réalisé le teste, de l’existence d’une anomalie nécessitant des examens complémentaires. A deux reprises, elle prend téléphoniquement contact avec le cabinet du son précédent médecin qui a également reçu le compte rendu de l’examen. Ultérieurement prise en charge par un autre praticien, elle subit un curage axillaire d’un sein associé à une tumorectomie et complété par une hormonothérapie et une radiothérapie. Elle assigne en responsabilité et indemnisation le premier médecin auquel elle reproche d’avoir commis une faute. Par un arrêt rendu le 17 avril 2013, la cour d’appel de Metz la déboute de sa demande. Elle se pourvoit en cassation.
Solution : La première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi et donne ainsi raison au médecin aux motifs que :
« Qu’ayant relevé qu’avant septembre 2001, Mme X… n’avait jamais consulté M. Y… qui avait repris le cabinet médical depuis l’an 2000, que lors de ses appels téléphoniques, son état de santé ne justifiait pas qu’il se déplace à son domicile et qu’elle ne s’était pas ensuite rendue à son cabinet, l’arrêt retient que Mme X… ne conteste pas que ce médecin reçoit sans rendez-vous, qu’une consultation médicale ne s’opère pas par voie téléphonique, surtout à l’égard d’une personne que le médecin n’a jamais rencontrée et qu’après ce premier entretien, l’intéressée n’a repris contact avec M. Y… qu’en mars 2002 ; que la cour d’appel a pu déduire de ses constatations et énonciations, sans inverser la charge de la preuve et après avoir procédé à la recherche prétendument omise, que M. Y… n’avait pas commis de faute ».
Analyse : L’article R. 4127-47 du code de la santé publique (ancien article 47 du code de déontologie médicale) impose au médecin, quelles que soient les circonstances, d’assurer la continuité des soins aux malades.
En application de cette règle déontologique, le médecin peut se dégager de sa mission mais à condition de ne pas nuire de ce fait à son malade et de s’assurer que celui-ci sera soigné en lui fournissant, le cas échéant, des renseignements utiles. C’est ainsi qu’un médecin traitant, qui connaît les antécédents du patient, commet une faute en n’assurant pas la continuité des soins à donner à un patient après sa sortie de clinique (Cass. 1re civ., 25 mai 1971, n° 69-14.266, Bull. I, n° 171).
En l’espèce, la patiente prétendait que le médecin avait manqué à ses obligations en s’abstenant, dans le cadre de cette continuité des soins, de la conseiller et de l’inciter à consulter, ne serait-ce en lui fixant un rendez-vous lorsqu’elle l’appelait, et de donner une suite utile au compte-rendu de mammographie dont il avait été destinataire.
Cette argumentation se heurte ici au constat que la patiente n’avait jamais consulté le successeur de son médecin traitant et que son état de santé ne justifiait pas une visite à domicile, de sorte qu’elle aurait pu facilement se rendre en consultation de ce médecin qui recevait sans rendez-vous.
Autrement dit, et même si la Cour de cassation ne le dit pas expressément, c’est bien la propre négligence de la patiente qui est à l’origine de l’aggravation de son état. Si le médecin est tenu de veiller à la continuité des soins du patient, encore faut-il que ce dernier les requiert en se rendant à son cabinet et non seulement en lui passant un coup de fil.