Contexte : Dans cette décision rendue le 15 juin 2016, la Cour de cassation nous éclaire sur le point de départ du délai de prescription de l’action en réparation du dommage résultant d’un produit défectueux régie par le droit commun de la responsabilité civile, avant l’entrée en vigueur de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.
Litige : Au mois de février 1998, souffrant d’une rhinopharyngite fébrile, un patient se voit prescrire un traitement à base d’aspirine, de paracétamol et d’antibiotique, à la suite duquel il a présenté divers troubles, notamment une atteinte de la muqueuse oculaire ayant conduit à une cécité, qui ont été attribués à un syndrome de Lyell. Après avoir obtenu en référé une expertise judiciaire, la victime et ses parents saisissent le juge d’une demande en réparation de leur dommage. L’action est déclarée irrecevable comme prescrite en application de l’article 2270-1 du code civil, interprété à la lumière des articles 10 et 11 de la directive.
Solution : La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 27 mars 2015 aux motifs que :
« pour déclarer l’action des consorts X… irrecevable comme prescrite, l’arrêt retient qu’en application de l’article 2270-1 du code civil interprété à la lumière des articles 10 et 11 de la directive, qui imposent de retenir comme point de départ du délai de prescription non pas la date de consolidation du dommage, mais celle de sa manifestation, le délai prévu par ce texte, qui avait commencé à courir à compter du 13 février 1998, date de la manifestation du dommage subi par M. Lucas X…, était expiré au 16 juillet 2008, date de l’action des consorts X… ».
Analyse : Cette décision s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence qui aboutit à contenir les effets néfastes de la directive à l’égard des victimes de médicaments.
En effet, après avoir affirmé l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation de l’article 10 de la directive, la première chambre civile n’hésite pas à retenir que l’article 2270-1 (ancien) du code civil, interprété à la lumière de la directive, doit s’entendre de la même façon dont l’article 2270 (ancien) était lui-même interprété contra legem par la jurisprudence qui fixait, avant d’être consacrée par l’article 2226 du code civil issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le point de départ du délai de prescription à la date de consolidation du dommage.