On compte, depuis quelques années, de nombreux arrêtés d’interdiction de déplacement de supporters (voir, parmi de nombreux exemples : arrêté du 4 mars 2015 portant interdiction de déplacement des supporters du club de football de l’OGC Nice lors de la rencontre du samedi 7 mars 2015 avec le Sporting Club de Bastia (SC Bastia) ; arrêté du 28 avril 2015 portant interdiction de déplacement des supporters du club de football de l’AS Saint-Etienne lors de la rencontre du samedi 2 mai 2015 avec le Sporting Club de Bastia (SC Bastia) ; arrêté du 10 septembre 2015 portant interdiction de déplacement des supporters du club de football du Sporting Club de Bastia (SC Bastia) lors de la rencontre du dimanche 13 septembre 2015 avec l’Olympique de Marseille (OM) ; arrêté du 14 avril 2016 portant interdiction de déplacement des supporters du club de football de l’AS Saint-Etienne lors de la rencontre du samedi 16 avril 2016 avec le Sporting Club de Bastia (SC Bastia)). Ces arrêtés, comme celui qui fait l’objet du présent litige, ont été adoptés par le ministre de l’intérieur sur le fondement de l’article L. 332-16-1 du Code du sport, inséré par la loi n° 2001-267 du 14 mars 2011. En vertu de cet article, « le ministre de l’intérieur peut, par arrêté, interdire le déplacement individuel ou collectif de personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d’une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public ». La qualité de supporter a été définie par le Conseil d’État comme désignant les personnes qui, « soit manifestent lors de leur trajet vers le stade, notamment par leur tenue vestimentaire, leur qualité de supporter, soit détiennent des billets leur permettant d’accéder au parcage visiteur » (CE, ord., 8 nov. 2013, Olympique Lyonnais et autres, n° 373129 et n° 373170, inédit). Le succès de ce dispositif mérite d’être salué puisque, ainsi que le relevait un commentateur, il semblerait qu’il ait permis « de faire reculer ces derniers mois la violence dans les stades à la plus grande satisfaction des « vrais » supporters » (O. Magnaval, « L’État, le juge et les hooligans », AJDA 2013, p. 1613).
En l’espèce, par un arrêté du 11 décembre 2015 adopté dans le contexte de l’état d’urgence, le ministre de l’intérieur a interdit le déplacement des supporters des clubs de l’Olympique de Marseille, du Montpellier Hérault SC, du Paris Saint-Germain, du Stade rennais FC, du FC Nantes et du FC Metz, à l’occasion des matches joués par ces clubs, les 16, 18, 19 et 20 décembre, dans le cadre des dix-neuvième journées du championnat de Ligue 1 et de Ligue 2 et du huitième de finale de la coupe de la Ligue.
Par trois requêtes distinctes que le Conseil d’État a jointes, l’Association nationale des supporters, l’Association Lutte pour un football populaire et l’Association de défense et d’assistance juridique des intérêts des supporters ont demandé l’annulation de cet arrêté pour excès de pouvoir.
Le Conseil d’État avait déjà été amené à connaître de cet arrêté dans le cadre des procédures de référé qui avaient été engagées. Dans le cadre d’un référé-liberté, il avait jugé qu’aucun des moyens soulevés par les associations requérantes n’était de nature à caractériser l’existence d’une illégalité manifeste portant gravement atteinte à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’association, à la liberté de réunion et à la liberté d’expression (CE, ord., 18 décembre 2015, Association nationale des supporters, n° 395273, inédit). Dans le cadre d’un référé-suspension, il avait jugé qu’aucun des moyens soulevés n’était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté (CE, ord., 18 décembre 2015, Association lutte pour un football populaire et Association de défense et d’assistance juridique des intérêts des supporters, n° 395339, inédit).
Par le présent arrêt, mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’État confirme cette analyse en rejetant les requêtes.
S’il ne fait, pour l’essentiel, que confirmer l’analyse retenue par les ordonnances rendues dans le cadre des procédures de référé, cet arrêt apporte néanmoins trois précisions intéressantes. La première porte sur la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’État pour connaître d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un arrêté du ministre de l’intérieur portant interdiction de déplacement de supporters (I). La deuxième porte sur l’absence d’effet direct des stipulations de l’article 3 de la Convention européenne sur la violence de spectateurs et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football du 19 août 1985 (II). La troisième a trait au triple test d’adaptation, de nécessité et de proportionnalité auquel le Conseil d’État soumet l’arrêté d’interdiction (III).
I. La compétence du Conseil d’État en premier et dernier ressort
Par cet arrêt, le Conseil d’État reconnaît, implicitement mais nécessairement, sa compétence en premier et dernier ressort pour connaître d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un arrêté du ministre de l’intérieur portant interdiction de déplacement de supporters, pris sur le fondement de l’article L. 332-16-1 du Code du sport. On remarquera, après beaucoup d’autres (voir notamment R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 13e éd., Montchrestien, « Domat droit public », 2008, n° 354 ; D. Pouyaud, « Compétence de premier ressort du Conseil d’État », J.-Cl. Justice administrative, fasc. 30, n° 6), que, si le Code de justice administrative retient l’expression « en premier et dernier ressort » (art. R. 311-1 du Code de justice administrative), il serait sans doute plus juste et plus clair de parler de « compétence directe » du Conseil d’État, comme il le fait d’ailleurs parfois lui-même (CE Sect., 25 avril 2001, Association Choisir la vie, n° 211638, Rec. p. 190 ; RFDA 2002, p. 541, concl. S. Boissard). L’expression « en premier et dernier ressort » serait ainsi réservée aux décisions relevant du contrôle de cassation du Conseil d’État.
La compétence directe du Conseil d’État repose sur l’article R. 311-1 du Code de justice administrative, qui prévoit, dans son 2e, que le Conseil d’État est compétent en premier et dernier ressort pour connaître « des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre leurs circulaires et instructions de portée générale ». La compétence directe du Conseil d’État pour connaître des actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale se justifie par l’importance de « l’objet du litige », au sens de l’article L. 311-1 du Code de justice administrative, qui, rappelons-le, dispose que : « Les tribunaux administratifs sont, en premier ressort, juges de droit commun du contentieux administratif, sous réserve des compétences que l’objet du litige ou l’intérêt d’une bonne administration de la justice conduisent à attribuer à une autre juridiction administrative ». Par ailleurs, la compétence directe du Conseil d’État a été étendue à l’hypothèse du refus de prendre un acte réglementaire (CE Ass., 8 juin 1973, Richard, Rec. p. 405) ainsi qu’à celle du refus de modifier un acte réglementaire (CE, 27 mars 2000, Syndicat des travailleurs du transport solidaires, unitaires et démocratiques, n° 205503, Rec. T. p. 789 et 910).
En admettant sa compétence directe, le Conseil d’État reconnaît donc implicitement le caractère réglementaire de l’arrêté du ministre de l’intérieur portant interdiction de déplacement de supporters. Si l’arrêt n’en dit mot, c’est ce que retient explicitement l’analyse faite par le Centre de recherches et de diffusion juridiques du Conseil d’État : « Le Conseil d’Etat est compétent en premier et dernier ressort, en application du 2° de l’article R. 311-1 du code de justice administrative, pour connaître d’un recours pour excès de pouvoir contre un arrêté du ministre de l’intérieur portant interdiction de déplacement de supporteurs en application de l’article L. 332-16-1 du code du sport, cet arrêté ayant un caractère réglementaire ».
Le caractère réglementaire de l’arrêté d’interdiction ne s’imposait cependant pas avec la force de l’évidence. L’acte réglementaire se caractérise en effet, par opposition à l’acte non réglementaire – qu’il soit individuel ou ni réglementaire ni individuel – par quatre caractères : la généralité, l’abstraction, l’impersonnalité et la permanence (voir B. Plessix, Droit administratif général, LexisNexis, « Manuels », 2016, n° 844). On pouvait en l’espèce émettre quelques réserves notamment sur la généralité et sur la permanence de l’arrêté. S’agissant de la généralité, s’il ne visait pas une ou plusieurs personnes spécifiées, nominativement désignées, il désignait tout de même les supporters de certains clubs, qui étaient, quant à eux, nominativement désignés. Quant à la permanence, l’arrêté contesté avait vocation à épuiser ses effets très rapidement, à l’issue des rencontres sportives concernées, c’est-à-dire moins de dix jours après son adoption.
La solution du Conseil d’État témoigne ainsi d’une conception large du caractère réglementaire des actes des ministres, et, par conséquent, de sa compétence en premier et dernier ressort. À moins d’ailleurs qu’il soit plus réaliste d’inverser les deux temps du raisonnement : c’est parce que le Conseil d’État entend connaître directement de ces recours, qu’il reconnaît, sans toujours s’en expliquer, le caractère réglementaire des actes qui en font l’objet.
Il convient de relever que la solution du Conseil d’État prolonge un courant jurisprudentiel qui adopte une conception compréhensive de la notion d’actes réglementaires des ministres. On peut en citer quelques exemples. Relèvent ainsi de la compétence directe du Conseil d’État les recours exercés contre : les arrêtés fixant la répartition des indemnités entre départements victimes de calamités agricoles (CE, 3 novembre 1982, Moscato, Rec. T. p. 704), la décision fixant la liste des abattoirs agréés pour recevoir des animaux importés vivants (CE, 28 décembre 1992, Fédération nationale de exploitants d’abattoirs prestataires de services, Rec. p. 459), le refus du ministre de l’intérieur de procéder à la suppression d’une circonscription rabbinique et à la création d’une nouvelle circonscription (CE, 28 septembre 1998, Association séfarade de Mulhouse, Rec. p. 343), l’arrêté d’agrément d’une convention d’assurance-chômage (CE, 6 octobre 2000, Jouanine, Rec. T. p. 1187) ou encore l’approbation d’une convention médicale (CE Sect., 18 février 1977, Hervouët, Rec. p. 100, concl. Ph. Dondoux).
En dépit des quelques réserves que l’on peut émettre sur le caractère authentiquement réglementaire des arrêtés d’interdiction de déplacement de supporters, la solution adoptée par le Conseil d’État paraît opportune, en raison de la portée importante de ces arrêtés et de la nécessité de régler définitivement les litiges dont ils font l’objet dans un délai raisonnable. La compétence directe du Conseil d’État tranche cependant avec la volonté du pouvoir réglementaire de réduire progressivement la liste des litiges relevant directement de la compétence du Conseil d’État, volonté manifestée notamment par le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives. Ce décret a resserré la liste des compétences directes du Conseil d’État, en en retirant notamment « les recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif » ou encore « les recours dirigés contre les sanctions administratives prises par le directeur général du Centre national de la cinématographie ».
II. L’absence d’effet direct des stipulations de l’article 3 de la Convention européenne sur la violence de spectateurs et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football
Dans l’ordre interne, seules les normes internationales dotées d’effet direct s’imposent aux autorités nationales, et notamment à l’administration. Il en résulte que la méconnaissance des normes d’effet direct peut seule être utilement invoquée devant le juge administratif, notamment à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif (CE Sect., 23 avril 1997, GISTI, Rec. p. 142, concl. R. Abraham).
À cet égard, les associations requérantes tentaient de se prévaloir de l’article 3 de la Convention européenne sur la violence de spectateurs et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football du 19 août 1985, que la France a ratifiée en mars 1987. Le Conseil d’État estime cependant que « ces stipulations, qui ont pour objet exclusif de régir les relations entre États et requièrent l’intervention d’actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers, sont dépourvues d’effet direct » et que, par conséquent, « les associations requérantes ne peuvent utilement s’en prévaloir ».
On reconnaît, dans cette formule, l’application par le Conseil d’État de la grille de lecture qu’il a redessinée en 2012 pour reconnaître à une stipulation d’un texte international un effet direct (CE Ass., 11 avril 2012, GISTI et FAPIL, n° 322326, Rec. p. 142 ; AJDA 2012, p. 936, chron. X. Domino et A. Bretonneau ; D. 2012, p. 1712, note B. Bonnet ; Dr. adm. 2012, comm. 76, note T. Fleury ; JCP A 2012, n° 2171, note A. Minet ; JCP G 2012, doctr. n° 806, note P. Cassia et S. Robin-Olivier ; RDSS 2012, p. 940, note S. Biagini-Girard ; RFDA 2012, p. 547, concl. G. Dumortier, note M. Gautier ; RTDE 2012, p. 928, obs D. Ritleng). Il résulte en effet de cet arrêt qu’une stipulation internationale est d’effet direct si elle remplit deux conditions : il faut, d’une part, qu’elle n’ait « pas pour objet exclusif de régir les relations entre États » ; il faut, d’autre part, il faut qu’elle ne requière « l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers ». L’arrêt GISTI et FAPIL ajoute que, pour déterminer si ces deux conditions sont remplies, il y a lieu de prendre en considération l’intention exprimée par les parties, l’économie générale du traité, ainsi que son contenu et ses termes. S’agissant de ce dernier élément, et contrairement à un courant jurisprudentiel antérieur, il est précisé que l’absence d’effet direct « ne saurait être déduite de la seule circonstance que la stipulation désigne les États parties comme sujets de l’obligation qu’elle définit ».
L’application de cette grille de lecture à l’article 3 de la Convention européenne sur la violence de spectateurs et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football ne laissait planer que peu de doutes sur son absence d’effet direct. Cet article stipule en effet que : « 2. Les Parties s’engagent à encourager l’organisation responsable et le bon comportement des clubs de supporters et la nomination en leur sein d’agents chargés de faciliter le contrôle et l’information des spectateurs à l’occasion des matches et d’accompagner les groupes de supporters se rendant à des matches joués à l’extérieur. 3. Les Parties encouragent la coordination, dans la mesure où cela est juridiquement possible, de l’organisation des déplacements à partir du lieu d’origine avec la collaboration des clubs, des supporters organisés et des agences de voyage, afin d’empêcher le départ des fauteurs potentiels de troubles pour assister aux matches ». Certes, le fait que la stipulation désigne les États parties comme sujets des obligations qu’elle définit ne saurait suffire à lui dénier tout effet direct. Cependant, l’article est rédigé de telle manière que son application nécessite incontestablement l’intervention d’actes complémentaires. Il n’impose en effet aux États qu’une obligation d’ « encouragement », obligation qui ne peut se concrétiser que par l’adoption d’actes.
III. Le triple test d’adaptation, de nécessité et de proportionnalité
Une mesure d’interdiction de déplacement de supporters constitue une mesure de police administrative, ainsi que le Conseil d’État avait eu l’occasion de l’affirmer sans ambiguïté : « les interdictions que le ministre de l’intérieur peut décider, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 332-16-1 du Code du sport, présentent le caractère de mesure de police » (CE, ord., 12 septembre 2014, Association « Tigers », n° 384405, inédit).
Lorsqu’il est confronté à la question de la légalité d’une mesure de police, le raisonnement du Conseil d’État se décompose en deux temps. Dans un premier temps, il identifie l’existence d’un risque de trouble à l’ordre public. L’existence d’un tel risque justifie l’intervention de l’autorité de police, qui pouvait ainsi légalement prendre une mesure de police. Le second temps de l’examen consiste à apprécier les caractéristiques de la mesure prise au regard du risque de trouble à l’ordre public et, ainsi, à se demander si l’autorité de police pouvait légalement adopter la mesure prise.
En l’espèce, s’agissant du premier temps du raisonnement, le Conseil d’État constate, qu’étant donné le contexte de menace terroriste lié aux attentats et à la mise en place de l’état d’urgence, « le ministre de l’intérieur n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que le déplacement des supporters des clubs de l’Olympique de Marseille, du Montpellier Hérault SC, du Paris Saint-Germain, du Stade Rennais FC, du FC Nantes et du FC Metz, entre les départements dans lesquels se trouvent les villes où siègent ces clubs et les villes de Bourg-en Bresse, Nice, Caen, Guingamp, Lorient, Tours, et Bordeaux, lieux des rencontres des 19ème journées de championnat de Ligue 1 et 2 et du 8ème de finale de la coupe de la Ligue était susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public » (cons. 4).
S’agissant du second temps du raisonnement, le Conseil d’État retient que la mesure d’interdiction était « adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité » (cons. 5). Ce faisant, le Conseil d’État fait explicitement référence à la triple exigence – au « triple test » – d’adaptation, de nécessité et de proportionnalité, qu’il avait introduite en 2011 (CE Ass., 26 octobre 2011, Association pour la promotion de l’image et autres, n° 317827, 317952, 318013, 318051, Rec. p. 505, concl. J. Boucher ; AJDA 2012, p. 35, chron. M. Guyomar et X. Domino ; RFDA 2012, p. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ; Dr. adm. 2012, n° 1, p. 29, note V. Tchen). Ce triple test, inspiré de la décision fondatrice Benjamin (CE, 19 mai 1933, Benjamin, Rec. p. 541), avait été introduit quelques années plus tôt par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 21 février 2008, déc. n° 2008-562 DC).
Pour retenir que la mesure était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, le Conseil d’État s’appuie notamment sur le fait « que la mobilisation exceptionnelle des forces de l’ordre pour lutter contre le terrorisme restreignait, au milieu du mois de décembre 2015, les possibilités de déployer des effectifs permettant d’assurer la sécurisation des rencontres à risque, notamment dans les grandes agglomérations » (cons. 5). Cette motivation appelle deux observations.
En premier lieu, dans le cadre du référé-suspension à l’occasion duquel il avait déjà eu à connaître de cet arrêté, le Conseil d’État avait, dans le même sens, mis en évidence les « contraintes spécifiques en termes de disponibilités des forces de l’ordre consécutives à leur mobilisation exceptionnelle au cours des dernières semaines » (CE, ord., 18 décembre 2015, Association lutte pour un football populaire et Association de défense et d’assistance juridique des intérêts des supporters, n° 395339, inédit, cons. 6).
En second lieu, il convient de remarquer que, lorsqu’il est confronté à une mesure d’interdiction, le juge administratif a parfois tendance à admettre un peu rapidement la disponibilité limitée des effectifs de police. Si la disponibilité limitée des effectifs de police est peu contestable dans le contexte d’état d’urgence dans lequel a été adopté l’arrêté contesté, le juge administratif a pu parfois faire preuve d’une certaine souplesse, le contexte d’état d’urgence en moins, notamment dans l’affaire controversée de la « soupe au cochon ». Le Tribunal administratif de Paris avait en effet jugé que, « en l’espèce, eu égard aux caractéristiques susévoquées de la manifestation projetée, et en tenant compte, par ailleurs, de la disponibilité limitée des forces de police, le préfet de police a pu légalement, sans commettre d’erreur de droit ou d’appréciation, interdire le rassemblement prévu pour le 23 février 2006 » (TA Paris, 10 février 2009, Association Solidarité des Français, n° 0600609/3-3). Or, le jugement n’apportait aucun élément tendant à démontrer « la disponibilité limitée des forces de police ». L’argument invoqué était donc difficilement vérifiable… De ce point de vue, on peut espérer qu’à l’avenir, et à plus forte raison lorsque l’état d’urgence prendra fin, le juge administratif se montrera plus disert pour convaincre le requérant comme le commentateur de la disponibilité limitée des forces de police.
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