Contexte : Par cette décision rendue le 25 janvier 2017, la Cour de cassation se prononce pour la première fois en faveur de l’allocation à la victime d’un manquement à un devoir d’information sur les risques encourus d’une indemnisation à fois sur le terrain du préjudice d’impréparation et sur celui de la perte de chance d’éviter le dommage.
Litige : A la suite du diagnostic d’une sténose carotidienne, une patiente subit une artériographie, à l’issue de laquelle elle présente une hémiplégie des membres inférieur et supérieur gauches. Elle assigne le chirurgien vasculaire ainsi que le radiologue mais également l’ONIAM en invoquant, d’une part, un défaut d’information préalable d’hémiplégie lié à la pratique d’une artériographie et, d’autre part, la survenue d’un accident médical non fautif relevant d’une indemnisation au titre de la solidarité nationale. Les praticiens sont condamnés pour défaut d’information, à réparer, en premier lieu, le préjudice de perte de chance d’éviter le dommage et, d’autre part, un préjudice moral d’impréparation. La part du dommage corporel non réparée par les praticiens est mise à la charge de l’ONIAM.
Solution : La première chambre civile rejette le grief reprochant à la cour d’appel d’avoir réparé deux fois le même dommage aux motifs :
« (…) qu’indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins a fait perdre une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques, en refusant qu’il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque le risque se réalise, un préjudice moral résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, qui, dès lors qu’il est invoqué, doit être réparé ; qu’il en résulte que la cour d’appel a retenu, à bon droit et sans méconnaitre le principe de réparation intégrale, que ces préjudices distincts étaient caractérisés et pouvaient être, l’un et l’autre, indemnisés ».
Analyse : Si le préjudice d’impréparation et la perte de chance d’éviter le dommage résultent l’un et l’autre d’un manquement du médecin à un devoir d’information et supposent que le risque omis se soit réalisé, leurs points communs s’arrêtent là.
Le préjudice d’impréparation répare l’atteinte à un droit subjectif, celui qu’a tout patient d’être préalablement informé des risques encourus avant d’accepter ou de refuser la réalisation d’un acte médical, fût-il nécessaire pour la sauvegarde de sa santé. Il s’agit d’un préjudice moral « pur », en ce sens qu’il doit être appréhendé, spécialement du point de vue de son évaluation, indépendamment des atteintes corporelles que la réalisation du risque a entrainées pour la victime. Il consiste dans le fait de n’avoir pas pu se préparer à l’éventualité de subir un risque inhérent à l’acte médical projeté.
La perte de chance répare la disparation d’une éventualité favorable, en l’occurrence celle d’échapper au risque de subir une atteinte corporelle, par une décision mieux éclairée. L’autonomie de chef de préjudice par rapport au préjudice corporel final est limitée, notamment du point de vue de son évaluation qui correspond à une fraction des différents chefs de préjudice corporel déterminée en mesurant la chance perdue.
Il s’agit donc de deux chefs de préjudice distincts dont l’indemnisation cumulée ne porte nullement atteinte au principe de réparation intégrale. Encore faut-il toutefois qu’une demande ait été demandée à ces deux titres (V. Cass. 1re civ., 15 juin 2016, n° 15-11.339).
A partir de là, comme l’énonce ici la première chambre civile, la victime du risque de paraplégie inhérent à l’artériographie, sans qu’elle en ait été préalablement informée, pouvait parfaitement prétendre à une indemnité au titre de la perte de chance d’éviter le dommage mais aussi à une indemnité au titre du préjudice d’impréparation.