La clause relative à la durée de vie d’une société est bien évidemment essentielle. Le groupement dont la durée de vie expire est dissout et il faut procéder à sa liquidation, à moins que son patrimoine ne soit transmis à l’associé unique personne morale. Il est bien sûr possible de reconstituer une société, mais ce ne sera plus la même personne morale, et des contrats pourront être perdus si le cocontractant refuse leur transfert à la nouvelle entité.
Le contentieux sur la durée de vie de la société concerne parfois une décision de prorogation (v. récemment Cass. com., 20 déc. 2017, n° 16-19283) et plus rarement une décision de réduction, comme dans l’arrêt commenté, rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 28 nov. 2018 et non destiné à publication au Bulletin.
A vrai dire, une décision de dissolution anticipée est aussi une décision de réduction de la durée de vie de la société, mais la première met immédiatement fin au groupement là où la seconde lui laisse un répit.
Ici, une société voyait son assemblée réduire la durée de vie de 99 ans à 19 ans, ce qui raccourcissait tout de même un peu la durée de vie de la société. Alors qu’elle espérait vivre jusqu’en 2096, l’assemblée tenue en 2013 ne lui laissait plus que… trois années à vivre ! La décision de réduction de la durée de la société était expressément visée par les statuts, qui exigeaient en cette matière une majorité des deux tiers, tandis qu’il existait par ailleurs une ambiguïté dans les statuts (une « contradiction » avait dit la cour d’appel) quant aux conditions requises pour décider la dissolution anticipée, puisqu’on pouvait hésiter la concernant entre la majorité qualifiée précitée et l’unanimité.
La Cour de cassation refuse par le présent arrêt d’assimiler la décision de réduire la durée de vie de la société à la décision de la dissoudre immédiatement. Même si la réduction de la durée de vie est proche d’une dissolution à effet différé, l’arrêt ne rapproche pas les deux décisions, et ce alors même que la durée de vie de la société se trouvait réduite des quatre cinquièmes, et que la durée restant à vivre passait de 83 ans à 3.
On aurait pu s’attendre à ce que la fraude soit invoquée par l’associé qui s’opposait à la réduction de la durée de vie, mais cet argument ne se retrouve pas dans le moyen du pourvoi.
Bruno DONDERO