Le margousier (azadirachta indica), qui a des propriétés fongicides, le hoodia (hoodia gordonii), qui peut faire office de coupe-faim, la pervenche de Madagascar (catharanthus roseus), utile contre le cancer, et la quinine de Cayenne (quassia amara), qui a des qualités fébrifuges, ont un point commun : ils ont tous été l’objet de biopiraterie ou sont suspectés de l’avoir été1.
Le phénomène revêt des formes très hétérogènes, implique toute sorte d’acteurs et ne connaît pas les frontières, ce qui le rend assez rétif à l’appréhension. D’ailleurs, il ne fait l’objet d’aucune définition communément acceptée. Il pourrait être désigné, d’un point de vue conceptuel, comme « l’appropriation illégitime par un sujet, notamment par voie de propriété intellectuelle, parfois de façon illicite, de ressources naturelles, et/ou éventuellement de ressources culturelles en lien avec elles, au détriment d’un autre sujet »2. Il en résulte que tout acte de biopiraterie constitue un accaparement de ressources naturelles3. D’un point de vue notionnel4, peu d’ordres juridiques en fournissent une définition. Le cas français en témoigne : alors que l’Agence française pour la biodiversité, créée par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages5, contribue à « la lutte contre la biopiraterie » (c. env., art. L. 131-8), aucune précision sur le contenu de l’expression n’est donnée. L’exposé des motifs de la loi du 8 août 2016 donne néanmoins quelques indices d’identification de ce « pillage du patrimoine génétique mondial » : il s’agit des « pratiques d’accès ou d’utilisation de certains acteurs utilisant la biodiversité en particulier dans des pays en développement, qui ne rétribuent pas ceux qui ont contribué à la préservation des ressources génétiques et connaissances traditionnelles associées »6. Ainsi, si la biopiraterie n’est pas bien identifiée, comme a pu le relever le Parlement européen qui invita à mener « des travaux plus approfondis (…) afin de clarifier et de consolider la terminologie juridique, en particulier afin de définir, en se fondant sur des données fiables, le terme « biopiraterie » »7, elle n’est pas pour autant ignorée. Cette situation a abouti, dans la plupart des cas, à l’édiction de règles pour lutter contre le phénomène, sans même qu’il ne soit défini.
En droit international, la Convention sur la diversité biologique8 ainsi que son protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation9 constituent les deux instruments incontournables sur le sujet, bien que d’autres s’y intéressent également, mais de façon plus marginale, comme le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture10. En droit européen, les deux actes principaux sont le règlement (UE) n° 511/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation11 et le règlement d’exécution (UE) 2015/1866 de la Commission du 13 octobre 2015 portant modalités d’application du règlement (UE) n° 511/2014 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le registre des collections, la surveillance du respect des règles par l’utilisateur et les bonnes pratiques12. Le régime national traitant de la question est quant à lui beaucoup plus jeune puisqu’il résulte de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (art. 37 et s. de la loi ; c. env., art. L. 412-3 et s.)13. Ces différents textes fixent, sur la base d’une même structure générale, les règles relatives à l’accès aux ressources génétiques, aux connaissances traditionnelles qui y sont associées ainsi qu’au partage des avantages découlant de leur utilisation. L’idée est de permettre au fournisseur de la ressource de discuter avec l’utilisateur potentiel afin qu’un terrain d’entente soit trouvé par convention, pour que celui-ci puisse accéder à la ressource et que celui-là puisse bénéficier d’une partie des avantages découlant de l’utilisation subséquente.
Il en résulte que, d’un point de vue pratique et opérationnel, il n’y aura de biopiraterie qu’à partir du moment où le régime juridique établi en matière d’accès et de partage des avantages (dit « APA ») ne sera pas respecté. Dès lors, à propos des ressources naturelles sous juridiction, « constitue un acte de biopiraterie toute appropriation de ressources naturelles qui ne respecterait pas les intérêts de l’État titulaire de droits sur elles, notamment lorsque ses droits ne seraient pas respectés »14 ; en d’autres termes, il y a biopiraterie dès le moment où les normes établies par l’État en la matière pour protéger ses intérêts ne sont pas respectées15. L’article L. 412-3 du code de l’environnement en atteste en se référant aux ressources génétiques « faisant partie du patrimoine commun de la Nation, défini à l’article L. 110-1 », ce dernier exprimant la souveraineté de l’État français sur ses ressources naturelles, y compris génétiques. Pour ce qui est des « ressources culturelles » (les connaissances traditionnelles associées16), la question est plus sensible. Il serait possible, d’une approche minimaliste, de se référer aussi au critère légal (le non-respect des règles établies), ce qui se justifierait au moins parce que le statut juridique des communautés usagères est tributaire du droit national ; néanmoins, une telle approche serait fondamentalement viciée car le droit des États peut tout à fait ne pas être adapté à ces communautés, lesquelles pourraient être des « victimes » de biopiraterie en raison de la réglementation nationale (dans le cas où elles ne se verraient pas reconnaître de droits par exemple17). C’est la raison pour laquelle doit être privilégiée pour l’analyse une approche maximaliste, laquelle exige de voir, au-delà du seul droit positif, la situation de fait de ces communautés (comme les liens qu’elles entretiennent avec leur environnement), sans pour autant que cela n’érige le juriste curieux en anthropologue convaincu18.
Que vaut le dispositif général français issu de la loi du 8 août 2016 face à la biopiraterie ?
Pour l’essentiel, le jeune dispositif national, constitué par la loi du 8 août 2016 ((Le projet de loi, qui a été modifié, a pu faire l’objet d’une analyse intéressante auparavant (v. Th. Burelli, « L’accès aux ressources génétiques et le Partage des Avantages (APA) dans le projet de loi relatif à la biodiversité », Dr. env., n° 226, sept. 2014, p. 319-328). Les principales critiques qui avaient pu être formulées valent encore pour l’essentiel aujourd’hui, mais elles peuvent être complétées et enrichies, en particulier sous l’angle de la biopiraterie.)) (c. env., art. L. 412-3 et s.) et ses différents actes d’application19 (c. env., art. R. 412-12 et s.) présente de bons côtés et présente de réelles potentialités pour lutter contre la biopiraterie. Cependant, plusieurs problèmes peuvent être relevés tant au niveau de son champ d’application (I) que de ses modalités de mise en œuvre (II).
I.- Les problèmes relatifs au champ d’application
Le champ d’application du dispositif national est déterminé par les articles L. 412-5 et L. 412-6 du code de l’environnement, tous les deux perfectibles. Le premier est beaucoup plus dense en ce qu’il tente de fixer le contenu (A) et les limites (B) du dispositif national. Le second est plus limité en ce qu’il ne traite que du cas particulier des collections de ressources (C).
A.- Les inclusions
L’article L. 412-5, I du code, qui se lit à la lumière de l’article L. 412-4 relatif aux définitions, énonce sans ambages que sont inclus dans le champ du dispositif général « l’accès aux ressources génétiques en vue de leur utilisation » et « l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques ». Ces deux volets, naturel (1) et culturel (2), appellent plusieurs remarques.
1.- Le volet naturel
L’« utilisation de ressources génétiques », à partir de laquelle se met en œuvre le dispositif, désigne « les activités de recherche et de développement sur la composition génétique ou biochimique de tout ou partie d’animaux, de végétaux, de micro-organismes ou autre matériel biologique contenant des unités de l’hérédité, notamment par l’application de la biotechnologie, ainsi que la valorisation de ces ressources génétiques, les applications et la commercialisation qui en découlent » (c. env., art. L. 412-4, 1°). Cette définition est intéressante en ce qu’elle s’inscrit dans la continuité des définitions fournies par le Protocole de Nagoya (art. 2) et le règlement (UE) n° 511/2014 (art. 3), tout en étant plus précise20. Sans doute cela laisse-t-il transparaître le souci du législateur d’être précis et opérationnel, là où une convention-cadre et son protocole ou un règlement européen peuvent se permettre quelques approximations, et où l’à-peu-près se comprend plus aisément. Toutefois, cette définition française n’est pas exempte de défauts, tant s’en faut.
Il n’y a d’abord pas de définition arrêtée d’une « activité de recherche et de développement ». Le code de la recherche, auquel il n’est par ailleurs fait aucun renvoi, n’est guère plus prolixe, même s’il précise que la politique nationale en la matière vise à « 1° accroître les connaissances ; 2° partager la culture scientifique, technologique et industrielle ; 3° valoriser les résultats de la recherche au service de la société ; 4° promouvoir la langue française comme langue scientifique » (art. L. 111-1). Pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ces activités « englobent les travaux de création entrepris de façon systématique en vue d’accroître la somme des connaissances, y compris la connaissance de l’homme, de la culture et de la société́, ainsi que l’utilisation de cette somme de connaissances pour de nouvelles applications »21. La recherche d’une effectivité optimale pour le dispositif national exige alors de retenir une définition la plus large possible de l’activité de recherche et de développement, qui désignerait toute activité consistant a minima en l’approfondissement des connaissances sur un objet donné. Cela dit, du point de vue de la définition de ces activités – et non pas du point de vue du seul champ d’application du dispositif – il peut paraître redondant, voir curieux, que le législateur inclue spécifiquement à côté des activités de recherche et de développement, « la valorisation de ces ressources génétiques, les applications et la commercialisation qui en découlent », alors même que l’on aurait pu penser que celles-ci entraient dans le champ de celles-là. Peut-être le législateur a-t-il entendu insister sur la dimension économique de certaines activités, en dépit du lien plus ou moins distendu qu’elles pouvaient avoir avec une activité plus « technique » de recherche et de développement.
A contrario, tout ce qui ne relève pas d’une activité de recherche et de développement ou d’une valorisation de ressources génétiques, des applications et de la commercialisation qui en découlent n’est pas concerné par le dispositif. C’est le cas, par exemple, pour les prélèvements de ressources « dont le but est la consommation directe (extraction de bois d’œuvre ou chasse) »22. Cela permet de souligner l’importance et la portée du recours à l’expression « ressource génétique » en droit international, ou de « composition génétique ou biochimique de tout ou partie d’animaux, de végétaux, de micro-organismes ou autre matériel biologique contenant des unités de l’hérédité » en droit interne : il est ici fait référence à la finalité de l’accès, les ressources étant appréhendées en raison de l’intérêt qu’elles présentent du point de vue de leurs caractéristiques intrinsèques, appréciées par rapport à leur composition génétique ou biochimique ou au fait qu’elles comportent ou constituent des unités fonctionnelles de l’hérédité23. Elles ne sont pas seulement, pour le dire autrement, de simples « ressources biologiques ». Or, la finalité de l’accès repose en grande partie sur l’intention de l’accédant : quelques graines dans une poche peuvent tomber sous le coup du dispositif, ou y échapper ((L’exemple du rooibos (v. supra, note 15) est évocateur. L’entreprise Nestlé avait acquis la ressource par le biais d’un opérateur économique sud-africain, ce qui n’est pas constitutif de biopiraterie. La situation a changé dès que la multinationale a engagé des recherches sur la ressource, c’est-à-dire à partir du moment où elle s’est plus intéressée à la « ressource génétique » qu’à la « ressource biologique ».)). Cela signifie que le dispositif repose grandement sur la « bonne foi » et la diligence de l’accédant, ce qui a pour conséquence – mais peut-il vraiment en être autrement ? – que l’élément subjectif joue un rôle capital dans l’effectivité du dispositif24. Il en résulte que la biopiraterie, dans sa dimension naturelle, ne pourra sans doute pas disparaître totalement.
2.- Le volet culturel
Le dispositif national concerne également « l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques », ce qui désigne « leur étude et leur valorisation » (c. env., art. L. 412-4, 2°). L’intérêt d’une définition aussi succincte est qu’elle est suffisamment large et vague pour embrasser bon nombre de situations, et donc pour étendre le champ d’application du dispositif. En effet, il ressort de l’étude d’impact de la loi du 8 août 2016 que la formulation a vocation à couvrir, outre les connaissances encore conservées exclusivement par les communautés, les « connaissances traditionnelles déjà diffusées dans la littérature scientifique »25. Partant, elle est susceptible d’englober, selon une interprétation plus large, l’accès à ces connaissances par d’autres biais, comme les bases de données, dont on sait les risques pour les communautés26. Il reste alors à savoir ce que sont ces « connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques » : ce sont « les connaissances, les innovations et les pratiques relatives aux propriétés génétiques ou biochimiques de cette ressource, à son usage ou à ses caractéristiques, qui sont détenues de manière ancienne et continue par une ou plusieurs communautés d’habitants mentionnées au 4°, ainsi que les évolutions de ces connaissances et pratiques lorsqu’elles sont le fait de ces communautés d’habitants » (c. env., art. L. 412-4, 5°).
Cette définition, qui exprime l’audace – ou le courage ? – du législateur, présente avant tout le grand mérite d’exister. Il vient en effet s’aventurer sur un terrain glissant en proposant des critères d’identification d’une notion qui ne fait l’objet d’aucun consensus sur la scène internationale. Même la définition proposée par le règlement (UE) n° 511/2014, de laquelle elle se rapproche, reste en retrait par rapport à celle proposée par le législateur français. Selon le texte européen, ces connaissances sont « les connaissances traditionnelles détenues par une communauté́ autochtone ou locale présentant un intérêt pour l’utilisation des ressources génétiques et décrites en tant que telles dans les conditions convenues d’un commun accord qui s’appliquent à l’utilisation des ressources génétiques » (art. 3, 7). Si des rapprochements peuvent être faits entre l’approche européenne et l’approche française et que des critiques similaires peuvent à cet égard leur être adressées, il y a lieu de préciser que leurs enjeux ne sont pas les mêmes compte-tenu de leur portée respective. En étant plus précis, le législateur s’est livré à un exercice périlleux dont le résultat prête – hélas – le flanc à la critique.
La référence faite aux « connaissances », « innovations » et « pratiques » peut procurer une certaine satisfaction : cela traduit une volonté d’appréhender ces savoirs quelles que soient leurs manifestations. Il en est de même pour le lien exigé entre ces ressources culturelles et les ressources naturelles, n’étant concernées que les connaissances « relatives aux propriétés génétiques ou biochimiques de cette ressource, à son usage ou à ses caractéristiques ». En fait, la définition pêche surtout à propos des liens exigés entre ces ressources et les communautés d’où elles sont issues.
Ainsi, il est fait référence à un lien de « détention » et non pas à un lien de « propriété », matérielle ou intellectuelle. D’un point de vue juridique, l’expression est assurément en manque d’assises ; d’ailleurs, ce flottement se retrouve dans le règlement européen et le Protocole de Nagoya, dans lequel le terme de « possession » n’est employé qu’une fois, en préambule (al. 23).
Ces savoirs doivent encore être détenus « de manière ancienne et continue ». Qu’est-ce qu’une détention ancienne ? Mais encore, un tel lien d’ancienneté était-il nécessaire ? Une détention ne saurait-elle donc être récente et tout aussi continue ? Il est probable qu’il y ait eu une mauvaise compréhension de l’adjectif « traditionnel », accolé aux connaissances, qui fait moins l’objet d’une approche temporelle sur le plan international que d’une approche matérielle, puisqu’il désigne surtout un mode de vie particulier, invitant, pour le comprendre, à adopter une approche plus globale et contextuelle des communautés détentrices27. En fait, que le terme « traditionnel » contienne une dimension temporelle ne fait aucun doute ; que cette temporalité soit « ancienne » est néanmoins plus discutable, car elle occulte, d’une certaine façon, la capacité d’innovation de ces communautés. Peut-être une précision sur la caractérisation de ce qui est « ancien » aurait-t-elle évité de tels doutes. Cela étant, il est satisfaisant que le dispositif concerne pareillement « les évolutions de ces connaissances et pratiques lorsqu’elles sont le fait de ces communautés », puisqu’il s’agit là de la reconnaissance textuelle du caractère vivant de ces communautés et de leurs savoirs.
Reste alors à s’intéresser au « détenteur » de ces connaissances, à savoir la « communauté d’habitants ». Le recours à l’expression en France, par rapport à celle de « communauté autochtone et locale » retenue ailleurs, ne saurait surprendre au regard de la conception que retient la France du principe d’indivisibilité de la République française28. L’expression est même peu innovante puisqu’elle se retrouve déjà à l’article R. 170-56 du code du domaine de l’État où il est prévu que « le préfet constate au profit des communautés d’habitants qui tirent traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt l’existence sur les terrains domaniaux de la Guyane de droits d’usage collectifs pour la pratique de la chasse, de la pêche et, d’une manière générale, pour l’exercice de toute activité nécessaire à la subsistance de ces communautés »29). Ce qui interpelle en revanche est le fait que le législateur fournisse une définition de la communauté d’habitants : il s’agit de « toute communauté́ d’habitants qui tire traditionnellement ses moyens de subsistance du milieu naturel et dont le mode de vie présente un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité́ » (c. env., art. L. 412-4, 4°).
Le caractère tautologique de la définition frappe d’emblée : la communauté d’habitants est donc une communauté d’habitants… aucune précision qualitative ou quantitative n’étant donnée sur ce qu’est exactement une « communauté ».
Celle-ci doit « tirer traditionnellement ses moyens de subsistance du milieu naturel ». L’utilisation de l’adverbe « traditionnellement », à l’instar des connaissances traditionnelles, peut interroger : une conception exclusivement temporelle n’ayant que peu de sens ici, cela signifie qu’une communauté « traditionnelle » ne saurait avoir un mode de vie plus « contemporain » ou « moderne », ce qui entraîne une conception surprenante de l’idée même de « communauté », laquelle n’existerait dans le cadre du dispositif qu’au regard de son mode de vie « traditionnel ». Dans la même lignée, leur mode de vie doit présenter un « intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité ». Il résulte encore de cette précision qu’il ne saurait, en France, y avoir d’autres communautés que celles qui correspondent à la vision dans l’imaginaire collectif de la communauté « autochtone » (les communautés rurales par exemple). En filigrane, il y a en effet une certaine conception de ces communautés ; cela peut étonner puisque cela donne la désagréable impression que l’expression, issue originellement du décret n° 87-267 du 14 avril 1987 modifiant le code du domaine de l’État et relatif aux concessions domaniales et autres actes passés par l’État en Guyane en vue de l’exploitation ou de la cession de ses immeubles domaniaux30, n’a pas évolué depuis. S’il s’agissait, pour le législateur, de se conformer à « l’esprit de la Convention sur la diversité biologique »31, qui ne vise que les communautés autochtones et locales, il aurait pu aller plus loin car pour le moment, de telles communautés ne sont identifiées qu’en Guyane et à Wallis-et-Futuna (c. env., art. R. 412-28). Or, comme cela a pu être relevé récemment, « des savoirs traditionnels sur l’utilisation des plantes médicinales constituent un patrimoine culturel important, encore vivace, mais fragile, à La Réunion »32. En définitive, le dispositif s’accommode assez mal de la diversité culturelle dans la République, ce qui est problématique du point de vue de la biopiraterie : alors que certaines connaissances relatives aux plantes sont protégées par le dispositif, d’autres ne le sont pas, et restent a priori hors du dispositif.
B.- Les exclusions
Le champ d’application du dispositif national n’est pas illimité. Il est borné tant dans son volet naturel (1) que dans son volet culturel (2).
1.- Le volet naturel
Parmi les ressources qui ne relèvent pas du dispositif issu de la loi du 8 août 2016, il y a lieu de citer d’abord les ressources génétiques humaines (c. env., art. L. 412-5, II, 1°, a), auxquelles sont attachées des considérations particulières. Sont aussi exclues les ressources génétiques prélevées en dehors du territoire national et des zones sous souveraineté ou juridiction française (c. env., art. L. 412-5, II, 1°, b), ce qui paraît assez cohérent puisque le fondement du dispositif est la souveraineté des États sur leurs ressources naturelles – ce qui porte au demeurant l’attention sur les mesures adoptées pour contrôler la légalité de l’accès et de l’utilisation des ressources « non nationales » (v. infra). Sont pareillement exclues les ressources génétiques couvertes par des instruments internationaux spécialisés d’accès et de partage des avantages répondant aux objectifs de la convention sur la diversité biologique et qui n’y portent pas atteinte33 (c. env., art. L. 412-5, II, 1°, c), ainsi que les ressources génétiques des espèces utilisées comme modèles dans la recherche et le développement, et dont la liste est fixée par un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture, de la recherche, de la santé et de la défense34 (c. env., art. L. 412-5, II, 1°, a).
Enfin, plusieurs ressources ne relèvent pas du dispositif en ce qu’ils relèvent de régimes nationaux spéciaux d’accès et de partage des avantages (c. env., art. L. 412-5, III) : ressources génétiques issues d’espèces domestiquées ou cultivées35, ressources génétiques des espèces végétales apparentées36, ressources génétiques objets de sylviculture régies par l’art. L. 153-1-2 du code forestier, ressources génétiques collectées par les laboratoires dans le cadre de la prévention, de la surveillance et de la lutte contre les dangers sanitaires concernant les animaux, les végétaux et la sécurité sanitaire des aliments, au sens des 1° et 2° de l’article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime, ressources génétiques collectées par les laboratoires au titre de la prévention et de la maîtrise des risques graves pour la santé humaine, régies par l’article L. 1413-8 du code de la santé publique. La mise en cohérence de l’ensemble de ces dispositifs mérite une attention particulière pour éviter que la biopiraterie puisse sévir encore, ce qui reste encore perfectible aujourd’hui37.
2.- Le volet culturel
Les exclusions relatives au volet culturel du dispositif sont essentiellement des conséquences des inclusions réalisées par le code de l’environnement. Par exemple, si les évolutions des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques sont incluses dans le dispositif « lorsqu’elles sont le fait de ces communautés d’habitants », cela implique que celles qui ont évolué hors de ces communautés ne relèvent pas du dispositif. Sont donc aussi concernées par cette exclusion les connaissances qui ont été « appropriées » par des personnes hors de ces communautés sans le consentement de ces dernières et qui les auraient fait évoluer – par « leur étude et leur valorisation » par exemple – sans partage aucun des avantages qui en seraient issus, ce qui est constitutif de biopiraterie… Dans l’angle mort du dispositif national, il peut conséquemment y avoir des actes de biopiraterie, passés, qui ne peuvent être appréhendés sur ce terrain. La question peut encore se poser du cas où un accès à ces connaissances pour les répertorier (pour la constitution d’ouvrages, de documentaires, ou de base de données) a été réalisé : qu’en est-il de l’accès à ces connaissances via ces canaux ? A priori, ils sont censés tomber sous le coup du dispositif, mais les preuves seront dans ce cas extrêmement difficiles à rapporter ; ces communautés peuvent avoir été « dépossédées » en partie de leurs savoirs38 (v. infra à propos des collections).
En outre, sont exclues du dispositif les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques ne pouvant être attribuées à une ou plusieurs communautés d’habitants (c. env., art. L. 412-5, II, 1°, e). Faute de détenteur, il apparaît difficile de pouvoir solliciter un consentement ou même de partager les avantages avec une ou plusieurs communautés. De même, ne relèvent pas du dispositif national les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques dont les propriétés sont bien connues et ont été utilisées de longue date et de façon répétée en dehors des communautés d’habitants qui les partagent (c. env., art. L. 412-5, II, 1°, f), ce qui vise les ressources « tombées dans le domaine public ». Cette dernière hypothèse a pour conséquence malheureuse mais inéluctable, de laisser se poursuivre les actes de biopiraterie possiblement intervenus avant l’entrée en vigueur du dispositif. Enfin, sont écartées les « connaissances et les techniques traditionnelles associées aux modes de valorisation définis à l’article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime dont sont susceptibles de bénéficier les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer » (c. env., art. L. 412-5, II, 1°, g).
Dans les deux cas, qu’il s’agisse des ressources naturelles ou des ressources culturelles, ne relèvent pas du dispositif « l’échange et (…) l’usage à des fins personnelles ou non commerciales de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées au sein des communautés d’habitants et entre elles » (c. env., art. L. 412-5, II, 2°) ainsi que les accès et utilisations « concourant à la sauvegarde des intérêts de la défense et de la sécurité nationale » (c. env., art. L. 412-5, II, 3°).
C.- Les collections
Le cas particulier des collections de ressources naturelles et culturelles doit être mis en lumière. Le terme, défini uniquement pour ce qui est des ressources génétiques, renvoie à « un ensemble d’échantillons de ressources génétiques prélevés et les informations y afférentes, rassemblés et stockés, qu’ils soient détenus par des entités publiques ou privées » (c. env., art. L. 412-4, 8°). S’agissant des collections de ressources génétiques ou de connaissances traditionnelles associées, l’article L. 412-6 du code contient implicitement l’idée que toutes les collections constituées après la publication de la loi du 8 août 2016 sont soumises au dispositif général ; pour celles constituées avant elle, il précise de façon explicite qu’il s’applique « 1° À tout accès ultérieur à la publication de la même loi pour les fins mentionnées au I de l’article L. 412-7 ; 2° À toute nouvelle utilisation pour les autres fins ».
Il paraît assez logique qu’échappent au dispositif l’accès et l’utilisation des ressources naturelles et culturelles intervenus avant l’entrée en vigueur de la loi, ne serait-ce qu’au regard de la non-rétroactivité de la loi ou du principe de sécurité juridique (il est possible de songer à d’autres éléments comme les moyens de preuve, etc.). En d’autres termes, il n’est pas possible de revenir sur ce qui a été fait.
Cependant, toute nouvelle utilisation de ressources ayant fait l’objet d’un accès avant l’entrée en vigueur de la loi – et donc se trouvant déjà en possession de l’accédant –, relève du dispositif d’accès et de partage. L’enthousiasme aurait pu être entier si le législateur n’avait pas fourni cette définition de ce à quoi correspond une « nouvelle utilisation » : « toute activité de recherche et de développement avec un objectif direct de développement commercial et dont le domaine d’activité se distingue de celui précédemment couvert par le même utilisateur avec la même ressource génétique ou connaissance traditionnelle associée » (c. env., art. L. 412-6, in fine). Le fait que l’activité nouvelle doit « avoir un objectif direct de développement commercial » donne l’impression que le dispositif d’accès et de partage poursuit une finalité essentiellement économique alors qu’il est censé, avant tout, contribuer à la conservation de la diversité biologique et de ses éléments ainsi qu’à leur utilisation durable. Surtout, une telle précision exclut du dispositif toutes les utilisations ne poursuivant pas un tel objectif commercial : recherche « fondamentale », inventaire et collecte, etc. Or, une telle exclusion s’agissant des ressources se trouvant en collection est difficilement compréhensible d’autant que, pour ce qui est des ressources ne se trouvant pas dans des collections – autrement dit, celles se trouvant dans la nature – le législateur inclut distinctement les activités de recherche et de développement (c’est-à-dire des activités sans objectif commercial) ainsi que la valorisation, les applications et la commercialisation qui en découlent. Enfin, il est difficile de comprendre pourquoi, dans sa définition de ce qu’est une « nouvelle utilisation », le législateur exige de façon cumulative un domaine d’activité distinct de celui précédemment couvert par le même utilisateur avec la même ressource génétique ou connaissance traditionnelle associée. Cela complique assurément l’encadrement de la biopiraterie en France.
En définitive, le champ d’application du dispositif issu de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages est un peu satisfaisant car il donne un cadre global pour certaines activités relatives à certaines ressources. Cependant, il comporte trop de zones d’ombres et de points critiquables pour faire pleinement face à la biopiraterie. Il en va de même s’agissant de ces modalités de mise en œuvre.
II.- Les problèmes relatifs aux modalités de mises en œuvre
Les modalités de mise en œuvre du dispositif général sont, comme son champ d’application, perfectibles. Sa première caractéristique mérite néanmoins d’être saluée : il est dual. En effet, l’accès aux ressources naturelles et culturelles se fait soit selon une procédure de déclaration (A), plus légère, soit selon une procédure d’autorisation (B), plus exigeante, lesquelles s’effectuent devant l’« autorité administrative compétente »39. Cette adaptation des exigences procédurales, qui correspond à une modulation de la charge administrative en fonction des ressources concernées et des finalités de l’accès, évite d’avoir un dispositif trop lourd pour une utilisation « simple » (inventaire, référencement, etc.) ou, au contraire, un dispositif trop souple pour une utilisation plus « poussée ». Aussi, pour pouvoir apprécier pleinement l’effectivité du dispositif du point de vue de ses modalités d’application, encore faut-il voir les procédures de contrôle qu’il a instaurées pour s’assurer du respect des normes établies (C).
A.- La procédure de déclaration
Il convient tout d’abord de relever que l’article L. 412-7 du code, relatif au régime déclaratif, ne vise que les ressources génétiques et non les connaissances traditionnelles. En effet, ces dernières ne relèvent que de la procédure d’autorisation : « En effet, si l’État peut être considéré comme détenteur de ces dernières [les ressources génétiques], les détenteurs des connaissances traditionnelles associées à celles-ci sont les communautés autochtones et locales (…) »40.
Le régime déclaratif concerne deux cas d’utilisation « simple » : l’accès aux ressources génétiques lorsqu’il se fait « en vue de leur utilisation à des fins de connaissance sur la biodiversité, de conservation en collection ou de valorisation sans objectif direct de développement commercial » (L. 412-7, I, al. 1), et lorsqu’il se fait « lorsque des situations d’urgence relatives à la santé humaine, à la santé animale ou à la santé végétale, autres que celles régies par l’article L. 1413-8 du code de la santé publique, le justifient » (L. 412-7, III). Il peut être surprenant que, outre l’urgence (seconde hypothèse), l’intention commerciale – la dimension économique donc – soit si décisive pour un allègement de procédure. Par ailleurs, il peut être difficile de savoir ce qu’est véritablement une intention commerciale : l’obtention d’un brevet relève-t-elle, par exemple, d’une telle intention ? Le doute est permis.
En tout état de cause, dans les deux cas, pour accéder à la ressource, une déclaration doit être adressée au ministre chargé de l’environnement (sur son contenu, v. c. env., art. R. 412-13). Ce dernier délivrera un récépissé au déclarant si la déclaration est complète (c. env., art. R. 412-14), et la transmettra au Centre d’échange sur l’accès et le partage des avantages (Protocole de Nagoya, art. 14) (c. env., art. R. 412-15). Les détenteurs de collections peuvent quant à eux bénéficier d’une déclaration annuelle simplifiée (v. c. env., art. R. 412-16 et L. 412-16). Mais, si les ressources génétiques en cause se trouvent sur le territoire d’une collectivité où sont présentes des communautés d’habitants, le ministre doit accompagner la déclaration d’une procédure d’information des communautés d’habitants, qui est organisée par une personne morale de droit public, habilitée par le code (c. env., art. L. 412-10)41, et qui reçoit également un exemplaire du récépissé (c. env., art. R. 412-15). Par la suite, le demandeur est tenu de restituer à cette personne morale les informations et connaissances acquises à partir de ces ressources, « à l’exclusion des informations confidentielles relevant du secret des affaires » (c. env., art. L. 412-7). Cette dernière précision a été rajoutée par la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires42 (sur le contenu du « secret des affaires », v. c. com., art. L. 151-1) et ne peut que laisser circonspect : comment une telle exception peut-elle exister alors même que la procédure déclarative n’est valable que s’il n’y a pas d’objectif direct de développement commercial ? À moins d’une interprétation extrêmement souple du caractère « direct » de l’intention commerciale, cela signifie qu’il peut y avoir un résultat commercial à l’issue de la procédure déclarative… alors même que cela devrait relever de la procédure d’autorisation (v. aussi le 7° du II de l’article R. 412-13 du code). Il serait possible d’y voir là une faille du dispositif.
Par ailleurs, certaines activités de bioprospection se trouvent dans une situation ambiguë vis-à-vis de cette procédure dont ils relèvent a priori. En effet, ces activités constituent de véritables explorations du milieu naturel, dans le but d’inventorier et de référencer ce qui est connu… ou découvert. Or, l’article R. 412-13 du code exige que soit précisée sur la déclaration la ressource pour laquelle l’accès est envisagé, ce qui est assez « compliqué » dans la mesure où il n’est pas possible de prévoir les découvertes réalisées à cette occasion43.
Quoi qu’il en soit, les modalités de partage des avantages en la matière sont prévues par l’article R. 412-12 du code et sont assez variées.
B.- La procédure d’autorisation
La procédure d’autorisation concerne aussi bien les ressources naturelles (1) que les ressources culturelles (2).
1.- Le volet naturel
S’agissant du volet naturel, la procédure d’autorisation peut d’abord résulter d’une demande de l’accédant, si celui-ci estime que les modalités de partage des avantages s’appliquant à son activité dans le cadre du régime déclaratif (c. env., art. R. 412-12) ne sont pas adaptées à son cas (c. env., art. L. 412-7, IV).
Plus largement, l’article L. 412-8 du code prévoit que tous les cas ne relevant pas de la procédure de déclaration relèvent de la procédure d’autorisation. Cela vise, en premier lieu, les cas où l’intention commerciale est « directe ». Dès lors, un changement de régime, de la déclaration à l’autorisation, peut s’opérer : c’est le cas lorsqu’un utilisateur n’a pas eu d’intention commerciale initialement, mais que celle-ci est apparue au fur et à mesure de son utilisation. Là, « l’utilisateur doit passer d’un régime à l’autre, et demander une autorisation même s’il avait fait au départ une déclaration »44.
Quoi qu’il en soit, pour accéder à la ressource suivant cette procédure, une demande d’autorisation doit être adressée au ministre chargé de l’environnement (sur son contenu, v. c. env., art. R. 412-18, II), qui délivre à ce moment-là un accusé de réception mentionnant la date d’enregistrement. À compter du moment où le dossier est estimé complet (ce qui s’apprécie dans les quinze jours après la date d’enregistrement), le ministre doit notifier au demandeur le délai retenu pour parvenir à un accord sur le partage des avantages, qui ne peut être, par principe, supérieur à quatre mois (c. env., art. R. 412-19). S’il n’y a pas d’accord, une procédure de conciliation peut-être engagée (c. env., art. L. 412-8, VII et art. R. 412-21), et ce n’est qu’à partir du moment où un terrain d’entente est trouvé (pour le détail, v. c. env., art. R. 412-22) que le ministre de l’environnement dispose de deux mois pour statuer (c. env., art. L. 412-8, I et R. 412-22).
Aussi, lorsque l’accès se fait sur certaines zones en particulier, des procédures particulières doivent être mises en œuvre (c. env., art. L. 412-8, I). Il est intéressant de constater qu’une demande d’avis est requise lorsque le prélèvement de ressource est prévu dans un parc national alors qu’une simple procédure d’information (et non de consultation) est envisagée lorsque le prélèvement a lieu sur le territoire d’une collectivité où sont présentes des communautés d’habitants. Si l’information n’implique pas un lien de droit entre les communautés et les ressources, elle indique a minima qu’il y a un lien de fait entre eux, ce qui correspond à une certaine reconnaissance de l’autochtonie ((L. Peyen, Droit et biopiraterie. Contribution à l’étude du partage des ressources naturelles, op. cit., p. 93 et s.)).
Les cas dans lesquels l’autorisation peut être refusée sont précisés (c. env., art. L. 412-8, IV) : absence d’accord sur le partage des avantages entre le demandeur et l’autorité compétente ; partage des avantages ne correspondant pas à ses capacités techniques et financières ; risque de nuisance à la biodiversité de manière significative, de restreindre l’utilisation durable de cette ressource ou d’épuiser la ressource génétique en cause. Il est intéressant de relever que le refus ne peut être motivé par le risque d’épuisement de la ressource lorsque l’utilisation projetée a pour objet de maîtriser certaines composantes de la biodiversité en application d’autres législations…
L’autorisation est importante. Elle précise les conditions d’utilisation des ressources pour lesquelles l’accès est accordé (v. aussi c. env., art. R. 412-25) ainsi que les conditions de partage des avantages en découlant, telles que déterminées par l’accord de volonté (c. env., art. L. 412-8, II). L’arrêté et le contrat sont aussi notifiés au Centre d’échange et, le cas échéant, à la personne morale de droit public lorsque sont concernées des communautés d’habitants (c. env., art. R. 412-24).
S’agissant enfin des modalités de partage des avantages, il est prévu que « les contributions financières susceptibles d’être versées par les utilisateurs sont calculées sur la base d’un pourcentage du chiffre d’affaires annuel mondial hors taxes réalisé et des autres revenus, quelle que soit leur forme, perçus grâce aux produits ou aux procédés obtenus à partir de la ou des ressources génétiques faisant l’objet de l’autorisation », pourcentage ne pouvant dépasser 5% « quel que soit le nombre de ressources génétiques couvertes par l’autorisation » (c. env., art. L. 412-8, V). Par ailleurs, en dessous d’un certain seuil, aucune contribution financière n’est demandée, ce qui contribue à une meilleure attractivité des ressources françaises. La question peut néanmoins se poser de savoir ce qu’il en sera lorsque le demandeur n’aura pas de « chiffre d’affaires » stricto sensu.
Enfin, lorsqu’il est question d’un avantage financier en matière de partage, celui-ci doit être affecté à l’Agence française pour la biodiversité, qui ne peut l’utiliser que pour certains objectifs en particulier, et compte tenu de la situation particulière des outre-mer : enrichissement ou préservation de la biodiversité, concomitamment à son utilisation durable, préservation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques, création d’emplois pour la population et développement de filières associées à l’utilisation durable des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées ou permettant la valorisation de la biodiversité, collaboration, coopération et contribution à des activités de recherche, d’éducation, de formation, de sensibilisation ou transfert de compétence et de technologies (c. env., art. L. 412-8, VI ; art. L. 412-4, 3°, a-d).
2.- Le volet culturel
S’agissant du volet culturel, la procédure de déclaration est la seule possible pour l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques (de Guyane et des îles Wallis-et-Futuna…). La procédure est sensiblement la même que la précédente, sauf que le rôle de la personne morale de droit public susmentionnée est beaucoup plus important et décisif ici.
En effet, une fois la demande d’accès déposée auprès de du ministre de l’environnement, cette personne morale de droit public désignée intervient dans la procédure, afin de recueillir le consentement préalable, en connaissance de cause, des communautés d’habitants concernées (c. env., art. L. 412-9, I et, pour le détail, les art. R. 412-28 et s.). Surtout, si elle est chargée d’organiser la consultation des communautés concernées, c’est également elle qui négocie et signe le contrat de partage des avantages avec l’utilisateur et gère, si besoin, les biens dévolus en application du contrat (c. env., art. L. 412-10 et art. L. 412-13, II). Pour mener à bien cette mission de première importance, la personne morale de droit public doit (c. env., art. L. 412-11) : identifier les communautés concernées et, éventuellement, en leur sein les éventuelles structures de représentation pertinentes pour se prononcer sur l’utilisation desdites connaissances et sur le partage des avantages en découlant45 ; déterminer les modalités d’information et de participation adaptées ; effectuer cette information ; procéder à la consultation de toute entité lorsque cela est nécessaire ; s’assurer de la participation de toutes les communautés éventuellement concernées et rechercher le consensus, consigner dans un procès-verbal le déroulement de la consultation et son résultat (obtention ou non du consentement préalable ; conditions d’utilisation des connaissances ; accord ou non sur le partage des avantages et conditions de sa réalisation le cas échéant) ; transmettre une copie de ce procès-verbal aux communautés concernées. Ce procès-verbal est d’une importance capitale (c. env., art. L. 412-12) : c’est en fonction de ce document que le ministre de l’environnement se prononce sur la demande relative aux connaissances traditionnelles et fixe le contenu et les limites du droit d’utilisation du demandeur. Enfin, les avantages sont affectés à des projets bénéficiant directement aux communautés d’habitants concernées, menés en concertation et avec leur participation (c. env., art. L. 412-9, II et, plus largement, v. les art. L. 412-14).
Cette procédure rend bien compte de la situation des « communautés » en France, lesquelles ne sont pas considérées comme titulaires de la personnalité juridique. Si elles ont une existence propre, elles ne peuvent négocier elles-mêmes, ni même contracter ou bénéficier directement des avantages, ce qui les place, en quelque sorte, dans une relation tutélaire avec la personne morale de droit public qui « s’occupe d’elles ». Là encore, au-delà du fait que cela postule une certaine vulnérabilité de ces communautés46, cela montre que un certain paradoxe : alors que le législateur admet que ces communautés « détiennent » des savoirs traditionnels, il reconnaît dans le même temps qu’elles ne disposent pas de droits pour en disposer, ce qui interroge grandement sur leur statut juridique au sein de la République indivisible. Même si cela s’explique par le fait que le dispositif a été conçu, dans l’esprit du législateur, comme un moyen d’établissement du lien juridique entre les connaissances traditionnelles et les communautés les détenant47, cela ne peut que laisser dubitatif au regard des actes de biopiraterie qui ont pu être commis par des États à l’égard des communautés se trouvant sur leur territoire.
C.- Les procédures de contrôle
Les procédures de contrôle mises en place sont de plusieurs ordres et peuvent être entendues largement.
Il est par exemple possible de songer au contrat type établi pour l’accord de volonté et aux différentes précisions qui y sont relatives (c. env., art. L. 412-13, R. 412-20 et R. 412-33), comme celle selon laquelle toute clause d’exclusivité d’accès et d’utilisation serait réputée non écrite.
D’un point de vue international, le législateur a institué un mécanisme de suivi à l’article L. 412-17 du code en prévoyant une transmission systématique des autorisations et récépissés de déclaration au Centre d’échange créé par le Protocole de Nagoya (v. supra), afin que ceux-ci jouent le rôle de certificat international de conformité, chargé de suivre la ressource et l’accompagner dans sa circulation. Ainsi, le transfert par l’utilisateur des ressources naturelles et/ou culturelles auxquelles il a accès doit s’accompagner du transfert de l’autorisation ou du récépissé de déclaration, et quelques obligations sont prévues en cas de transmission à un nouvel utilisateur (ce dernier devant effectuer une déclaration à l’autorité administrative compétente). Il est encore prévu qu’une nouvelle demande d’autorisation ou de déclaration doit être faite s’il y a un changement d’utilisation non prévu dans l’autorisation ou la déclaration. Pour des raisons de preuve et de sécurité juridique, ce système présente un réel atout qui ne pourra déployer son plein potentiel que si les États utilisateurs – autre que la France, donc – assurent un réel contrôle des utilisations faites sur leur territoire. De ce point de vue, le dispositif national est plutôt satisfaisant.
Des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect du dispositif français (un an d’emprisonnement, 150 000 euros d’amende, voire un million d’euros en cas d’utilisation commerciale, et même une interdiction de solliciter une autorisation d’accès aux ressources pendant une durée maximale de cinq ans : c. env., art. L. 415-3-1 ; v. aussi c. env., art. L. 173-2, II), ce qui est relativement dissuasif du point de vue du monde de la recherche48. D’ailleurs, plusieurs agents sont compétents pour opérer ce contrôle du respect du dispositif national (c. env., art. L. 415-1, II). Il est encore prévu des contrôles du respect de la réglementation lorsque des activités en lien avec les ressources génétiques ou connaissances traditionnelles sollicitent un financement public, aboutissent à une demande de brevet ou conduisent à une autorisation de mise sur le marché d’un produit (c. env., art. L. 412-18).
Il est assez flagrant que le dispositif national s’intéresse plus aux ressources « nationales » (la France, en tant que pays fournisseur) qu’aux ressources étrangères (la France, en tant que pays utilisateur). Néanmoins, le législateur s’en sort relativement bien, conformément aux ambitions affichées dès le début des réflexions en la matière49, en faisant de récurrentes mentions au règlement européen (en particulier à son article 4 relatif aux obligations pesant sur les utilisateurs de ressources).
Conclusion
En définitive, le dispositif national reprend grandement le contenu des normes internationales qui l’ont précédé, tout en l’adaptant et en innovant parfois. Le législateur national, comme le pouvoir règlementaire, n’ont pas simplement réitéré les textes sur lesquels ils se sont appuyés : ils ont été plus loin et c’est là la force de la réglementation française. Cependant, alors qu’il était possible d’espérer plus, celle-ci déçoit : d’une part, parce qu’elle se repose sur des acquis discutables, d’autre part, parce qu’elle contient des innovations fragiles.
Toutefois, il est indéniable que ce dispositif issu de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ne s’apparente pas à un cautère sur une jambe de bois. En dépit de son caractère centralisé, surprenant dans le cadre d’une république indivisible mais dont l’organisation est décentralisée, et en dépit des critiques qui peuvent lui être adressées, tant au regard de champ d’application que de ses modalités de mise en œuvre, il présente de grandes potentialités pour lutter contre la biopiraterie. Il ne pourra simplement pas, dans son état d’immaturité actuelle, marquer un coup d’arrêt au phénomène qui n’en sera pas moins atténué.
Cela a récemment pu être relevé : « (…) le dispositif, susceptible de constituer une avancée remarquable, voire une « révolution », pour la biodiversité – à la fois pour sa préservation et pour sa valorisation –, est à ce stade plus virtuel que concret »50. Ce constat, récemment conforté51, a d’ailleurs révélé « l’urgence qu’il y a à rendre l’APA véritablement opérationnel et à mener, dans le même temps, des actions pédagogiques de grande ampleur, ce qui ne peut pas se faire avec de très faibles moyens humains » ((Ibid., p. 133. V. aussi la recommandation n° 20, p. 134.)).
La réglementation française était déjà tardive, et il faudra encore un peu de temps pour qu’elle déploie pleinement ses effets. Mais, paraît-il, rien ne sert de courir.
- Pour une approche générale, v. C. Delpas, Chroniques de la biopiraterie. Du pillage au partage ?, Montreuil, Omniscience, 2012. [↩]
- L. Peyen, Droit et biopiraterie. Contribution à l’étude du partage des ressources naturelles, Paris, LGDJ, 2018, p. 5-13 [↩]
- Ibid., p. 21 et s. [↩]
- Sur la différence entre concept et notion : X. Bioy, « Notions et concepts en droit : interrogations sur l’intérêt d’une distinction », in Les notions juridiques, G. Tusseau (dir.), Paris, Economica, 2009, p. 21-53 ; F.-P. Bénoit, « Notions et concepts, instruments de la connaissance juridique. Les leçons de la Philosophie du droit de Hegel », in Mélanges en l’honneur du Professeur Gustave Peiser. Droit public, Grenoble, PUG, 1995, p. 23-38. [↩]
- JORF n° 0184 du 9 août 2016, texte n° 2. [↩]
- Rapport d’information n° 396 déposé par la Commission des affaires européennes sur la ratification et la mise en œuvre du protocole de Nagoya, Ass. Nat., 13 nov. 2012, p. 11. Le terme a également pu être défini comme « l’appropriation par une entreprise ou un laboratoire de recherche d’une ressource génétique ou d’une connaissance traditionnelle liée à une telle ressource, sans l’accord ni la rémunération de leur détenteur » (Rapport d’information n° 1096 déposé par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire en application de l’article 145-7 du Règlement sur la mise en application de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, Ass. Nat., 20 juin 2018, p. 110, note 1). [↩]
- Résolution du Parlement européen du 15 janvier 2013 sur les aspects relatifs au développement des droits de propriété intellectuelle sur les ressources génétiques: conséquences pour la réduction de la pauvreté dans les pays en développement, doc. P7_TA(2013)007, point 3. [↩]
- Rio de Janeiro, 5 juin 1992, RTNU, vol. 1760, p. 79, n° 30619. [↩]
- Nagoya, 29 oct. 2010 (tiré de COP, Décisions adoptées par la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité́ biologique, X/1, 27 octobre 2011, doc. UNEP/CBD/COP/DEC/X/1). [↩]
- Rome, 3 nov. 2001, RTNU, vol. 2400, p. 303, n° 43345. [↩]
- JOUE L 150, 20 mai 2014, p. 59. [↩]
- JOUE L 275, 20 oct. 2015, p. 4. [↩]
- Quelques instruments locaux ont précédé le dispositif national dans l’outre-mer, pour la Guyane par exemple (c. env., ancien art. L. 331-15-6), la Polynésie française (v. les art. LP. 3411-1 et s. du code de l’environnement de la Polynésie française) et la Nouvelle-Calédonie (v. par ex. les art. 311-1 et s. du code de l’environnement de la Province sud). [↩]
- L. Peyen, Droit et biopiraterie. Contribution à l’étude du partage des ressources naturelles, op. cit., p. 134. Elle se caractérise alors « dans les zones hors juridiction par l’appropriation matérielle ou immatérielle des ressources naturelles sans respecter les normes qui s’imposent en matière d’accès et d’utilisation de ces ressources » (p. 311). [↩]
- Le non-respect de la législation des États en la matière est au cœur des actes de biopiraterie les plus médiatisés. Tel fut le cas du rooibos (aspalathus linearis), plante endémique d’Afrique du Sud, traditionnellement utilisée par les communautés pour ses vertus thérapeutiques. L’entreprise Nestlé avait acquis la plante par le biais d’une entreprise sud-africaine et, après avoir mené plusieurs études, en 2010, elle déposa plusieurs demandes de brevets sur la ressource. Or, l’utilisation des ressources génétiques sud-africaine était déjà soumise à ce moment-là à un régime juridique bien établi. L’entreprise fut donc accusée de biopiraterie, jusqu’à ce que sa situation soit « régularisée ». [↩]
- Il est assez difficile de définir juridiquement l’expression (v. infra, partie I, A, 2). L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a même renoncé à en fournir une définition, afin que les débats terminologiques n’occultent pas les questions de fond. De façon assez large, il est question de tous les savoirs, connaissances et pratiques portant sur des ressources biologiques et révélant leurs propriétés (médicinales, alimentaires, phytosanitaires, etc.). [↩]
- Il est possible de songer à l’accord conclu en 1991 entre l’Institut national du Costa-Rica sur la Biodiversité (Inbio) et l’entreprise pharmaceutique Merck. Ce contrat se présentait comme le tout premier instrument organisant un partage des avantages découlant de l’accès et de l’utilisation de ressources naturelles et culturelles : l’entreprise s’était engagée à verser plus d’un million de dollars, entre autres choses, en échange d’un accès accordé à des échantillons de ressources. Or, l’une de ses carences principales était que le consentement des communautés qui utilisaient ces ressources, et dont les connaissances étaient impliquées, n’avait pas été sollicité, ni pour l’accès aux ressources, ni pour l’établissement des conditions du partage des avantages. Pourtant il était prévu qu’elles profitent en partie des retombées de cet accord. Plusieurs années après, ce contrat paraît ne pas avoir été à la hauteur des attentes qu’il avait pu susciter. [↩]
- L. Peyen, Droit et biopiraterie. Contribution à l’étude du partage des ressources naturelles, op. cit., p. 65 et s., p. 187 et s., et p. 268 et s. [↩]
- Ces textes sont les suivants : décret n° 2017-848 du 9 mai 2017 relatif à l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées et au partage des avantages découlant de leur utilisation (JORF n° 0109 du 10 mai 2017, texte n° 5) ; arrêté du 13 septembre 2017 fixant le contrat type de partage des avantages découlant de l’utilisation de ressources génétiques prélevées sur le territoire national, mentionné à l’article R. 412-20 du code de l’environnement (JORF n° 0228 du 29 sept. 2017, texte n° 8) ; arrêté du 8 novembre 2017 relatif aux formulaires de déclaration et de demande d’autorisation d’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées (JORF n° 0284 du 6 déc. 2017, texte n° 9) ; arrêté du 20 mars 2018 relatif aux modalités d’instruction des demandes d’inscription des collections de ressources génétiques au registre européen des collections et aux modalités de contrôle des procédures de gestion y afférentes (JORF n° 0090 du 18 avr. 2018, texte n° 14) ; arrêté du 20 mars 2018 portant nomination au comité d’experts chargé de l’instruction des dossiers d’inscription des collections de ressources génétiques au registre européen des collections, du contrôle des procédures de gestion y afférentes et de l’analyse des bonnes pratiques en la matière (JORF n° 0090 du 18 avr. 2018, texte n° 58) ; décret n° 2019-736 du 16 juillet 2019 portant désignation en Guyane, pour la mise en œuvre de la procédure décrite aux articles L. 412-9 et suivants du code de l’environnement, de la personne morale de droit public chargée d’organiser la consultation des communautés d’habitants détentrices de connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques (JORF n° 0164 du 17 juil. 2019, texte n° 5) ; décret n° 2019-916 du 30 août 2019 relatif à l’exemption, à titre expérimental, des procédures d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages découlant de leur utilisation pour les micro-organismes de France métropolitaine (JORF n° 0203 du 1er sept. 2019, texte n° 13). [↩]
- La définition fournie par ces textes est la suivante : « activités de recherche et de développement sur la composition génétique et/ou biochimique de ressources génétiques, notamment par l’application de la biotechnologie, conformément à la définition fournie à l’article 2 de la Convention ». [↩]
- Manuel de Frascati. Méthode type proposée pour les enquêtes sur la recherche et le développement expérimental, OCDE, 2002, p. 34, point 63. [↩]
- F. Burhenne-Guilmin, « L’accès aux ressources génétiques. Les suites l’article 15 de la Convention sur la diversité́ biologique », in Les hommes et l’environnement. En hommage à Alexandre Kiss, Paris, Frison-Roche, 1998, p. 549-562, spéc. p. 553. [↩]
- L. Peyen, Droit et biopiraterie. Contribution à l’étude du partage des ressources naturelles, op. cit., p. 261 et s. [↩]
- C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le règlement européen (v. notamment son art. 4) insiste sur la nécessité pour l’utilisateur de faire preuve de la diligence nécessaire (due diligence) en la matière. [↩]
- Étude d’impact du projet de loi relatif à la biodiversité, 25 mars 2014, p. 130. [↩]
- L. Peyen, « La protection des populations autochtones et de leurs savoirs par les bases de données : mythe ou
réalité́ ? », L’Observateur des Nations Unies, vol. 38, 2015, p. 55-71. Afin de lutter contre la biopiraterie, l’Inde a par exemple fait le choix de constituer une Bibliothèque Numérique de Savoirs Traditionnels (« TKDL – Traditionnal Knowledge Digital Library ») destinée à rendre accessibles les savoirs traditionnels indiens afin qu’il y ait une preuve matérielle de leur existence en cas d’appropriation non autorisée, comme cela a pu être le cas pour le margousier. Ce dernier était au cœur d’un brevet obtenu par une entreprise américaine auprès de l’Office européen des brevets ; mais le titre juridique n’était en réalité qu’une copie « modernisée » de savoirs traditionnels relatifs à la plante. Le brevet fut révoqué le 13 février 2001 par la division d’opposition de l’OEB (v. la décision révoquant le brevet européen n° 0436257, demande n° 90250319.2-2117, brevet n° 0436257). Cependant, les savoirs étant répertoriés sur cette base de données sans le consentement de leurs « détenteurs légitimes », la compatibilité du régime avec le « droit d’auteur » des communautés avait pu susciter de vives interrogations (E. Wright, « Protecting traditional knowledge in Australia : what can we learn from India and Peru ? », in Is Intellectual Property Pluralism Functional, S. Frankel (dir.), Edward Elgar, 2019, p. 206-234, spéc. p. 226). Mais le même raisonnement peut être tenu en dépassant le cadre du droit d’auteur, en prenant pour référence les dispositions de la Convention sur la diversité biologique et du Protocole de Nagoya relatives à l’obtention d’un consentement préalable des communautés pour l’utilisation des connaissances traditionnelles. [↩]
- V. par ex. Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore, Liste et explication technique succincte des différentes formes sous lesquelles les savoirs traditionnels peuvent se présenter, OMPI, 5 nov. 2010, doc. WIPO/GRTKF/IC/17/INF/9. V. encore l’exemple de la définition fameuse des « communautés, populations et nations autochtones », qui font partie des « communautés autochtones et locales » : J. R. Martinez Cobo, Study of the Problem of Discrimination Against Indigenous Populations. Conclusions, Proposals and Recommendations, United Nations, Sub-Commission on Prevention of Discrimination and Protection of Minorities, 30 sept. 1983, doc. E/CN.4/Sub.2/1983/21/Add.8, p. 50, point 379. Plus largement, v. L. Peyen, Droit et biopiraterie. Contribution à l’étude du partage des ressources naturelles, op. cit., p. 319 et s. [↩]
- F. Garde, « Les autochtones et la République », RFDA, n° 1, 1999, p. 1-13. D’ailleurs, après l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Résolution 61/295 de l’AGNU du 12 sept. 2007), le représentant de l’État français affirma « en vertu du principe d’indivisibilité́ de la République, (…) les droits collectifs ne peuvent prévaloir sur les droits individuels » (AGNU, Communiqué de presse, 107e séance plénière, 13 sept. 2007, doc. AG/10612). [↩]
- Il en est de même pour plusieurs articles du code forestier (comme l’art. L. 272-4) ou du code général de la propriété des personnes publiques (comme l’art. L. 5143-1 [↩]
- JORF du 16 avr. 1987, p. 4316. [↩]
- Étude d’impact du projet de loi relatif à la biodiversité, op. cit., p. 130. [↩]
- Rapport d’information n° 1096, op. cit., p. 129. V. la recommandation n° 19, p. 134. [↩]
- C’est le cas surtout du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture. [↩]
- Qui n’est toujours pas intervenu à ce jour. V. la question écrite n° 11495 de M. Michel Vaspart, JO Sénat du 11 juill. 2019, p. 3674, en attente de réponse. [↩]
- Ces espèces sont celles « dont le processus d’évolution a été influencé par l’homme pour répondre à ses besoins » (c. env., art. L. 412-4, 6°). [↩]
- Ces espèces sont celles « ayant la capacité de se reproduire par voie sexuée avec des espèces domestiquées, ainsi que toute espèce végétale utilisée en croisement avec une espèce cultivée dans le cadre de la sélection variétale » (c. env., art. L. 412-4, 7°). [↩]
- Ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui : Rapport d’information n° 1096, op. cit., p. 130 et s. [↩]
- Cela explique pourquoi l’OMPI insiste sur la nécessité d’intégrer les communautés dans ces processus de collecte : OMPI, Guide de la fixation des savoirs traditionnels, OMPI, 2017, p. 15 et s. [↩]
- Cette autorité administrative est le ministre chargé de l’environnement (pour la déclaration : c. env., art. R. 412-13 ; pour l’autorisation : c. env., R. 412-18). Le code prévoit aussi la possibilité d’une décentralisation des compétences en la matière. En effet, l’article L. 412-15 prévoit que les conseils régionaux de la Guadeloupe et de La Réunion, les assemblées de Guyane et de Martinique et le conseil départemental de Mayotte peuvent délibérer pour exercer cette fonction. Mais, aucune de ces collectivités n’ayant délibéré en ce sens, la compétence reste centralisée. [↩]
- Étude d’impact du projet de loi relatif à la biodiversité, op. cit., p. 106. [↩]
- Ces personnes sont désignées à l’art. D. 412-30 du code pour la Guyane et les îles Wallis et Futuna. [↩]
- JORF n° 0174 du 31 juil. 2018, texte n° 1. [↩]
- Rapport d’information n° 1096, op. cit., p. 132. [↩]
- Ibid., p. 117. [↩]
- La question de la représentation des communautés est importante, comme le montre le cas de la communauté Krahô au Brésil. L’école de médecine de l’université fédérale de Sao Paulo souhaitait entreprendre des activités de bioprospection avec le secours des Krahô, grâce à leurs riches connaissances traditionnelles. L’association Vyty-Cati, qui les représentait, consentit à l’accès et à l’utilisation des ressources naturelles et culturelles et établit des conditions de partage des avantages en découlant. Cependant, une autre association, Kapey, représentant d’autres parties de la communauté Krahô, se manifesta et accusa l’université de biopiraterie, considérant que le consentement préalable, libre et éclairé de toute la communauté n’avait pas été obtenu. En effet, il s’est avéré que si Vyty-Cati représentait effectivement une partie des Krahô, Kapey représentait la communauté dans son ensemble. Cette affaire illustre parfaitement les difficultés liées aux questions de représentation des communautés. Pour le détail, v. R. Z. Bastos, « La biopiraterie : réalité́ ou manipulation médiatico-politique ? Le cas des Indiens Krahô en Amazonie brésilienne », Hérodote, n° 134, 2009/3, p. 138-150. [↩]
- Cette vulnérabilité est parfois réelle. L’entreprise Clarins est par exemple accusée de biopiraterie vis-à-vis de certaines communautés malgaches, car elle s’est appropriée l’harunga (harungana madagascariensis), une plante utilisée traditionnellement pour plusieurs de ses propriétés, notamment médicinales, dans des conditions vraisemblablement inéquitables pour les communautés avec qui elle a contracté. [↩]
- Étude d’impact du projet de loi relatif à la biodiversité, op. cit., p. 88 et 130. [↩]
- Rapport d’information n° 1096, op. cit., p. 132. [↩]
- Rapport d’information n° 396, op. cit., p. 37. [↩]
- Rapport d’information n° 1096, op. cit., p. 109. [↩]
- Le décret n° 2019-916 du 30 août 2019 est venu préciser les cas dans lesquels il pourra être dérogé, à titre expérimental, aux procédures d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages découlant de leur utilisation pour les micro-organismes de France métropolitaine. Il est assez curieux que le législateur s’empresse de prévoir une telle dérogation (fondée sur la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (JORF n° 0119 du 23 mai 2019, texte n° 2), art. 129) alors même que le dispositif général, datant de 2016, souffre encore de lacunes. [↩]
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