Le roi Midas est connu pour s’être repenti d’avoir voulu – et pu – transformer tout ce qu’il touchait en or. Mais quiconque a lu Ovide sait aussi qu’il s’est vu, par la suite, donné des oreilles d’âne par Apollon pour avoir préféré au son de la lyre de ce dernier celui de la flûte du dieu Pan, contrairement à l’avis de tous, et notamment de Tmolus. C’est à travers ce second mythe qu’il est possible d’éclairer l’affaire ici commentée, ce qui ne saurait surprendre dès lors qu’elle intéresse la coupe aux grandes oreilles. En effet, alors que la société BFM-TV (filiale du groupe Altice) – Midas – pensait pouvoir librement et indépendamment décider de diffuser la finale de la ligue des champions dont elle disposait des droits, le CSA – Apollon – lui imposa sa vision, contraire, des choses, sans que le Conseil d’État – Tmolus – y trouve quoi que ce soit à redire.
L’unilatéralisme de la décision n’avait pourtant rien d’évident tant la régulation du secteur de l’audiovisuel est généralement présentée comme l’exemple de la « régulation par le contrat », spécialement en matière d’autorisations d’émission de services audiovisuels sur des fréquences hertziennes (v., notamment, J. Chevallier, « Le modèle politique du contrat dans les nouvelles conceptions des régulations économiques », in M.‑A. Frison‑Roche (dir.), Les engagements dans le système de régulation, Dalloz, Coll. Th. et comm., Paris, 2006, n°271 et s.). L’article 28 de la loi Léotard (loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) renvoie en effet à des conventions particulières le soin de fixer, notamment, les « caractéristiques générales du programme propre » à chaque éditeur de service. Mais comme souvent en matière de contractualisation, de telles conventions sont, en réalité, « fort éloignée[s] du schéma classique du contrat » (J. Chevallier, « Contractualisation et action publique », RFDA, 2018, p. 213).
Le Conseil d’État avait, en effet, déjà souligné toute l’originalité contentieuse de ces conventions. Contrairement au principe qui prévaut en contentieux contractuel, les mesures d’exécution de telles conventions peuvent en effet être contestées par la voie de l’excès de pouvoir par le cocontractant du CSA (v., not., CE, 25 novembre 1998, Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion, req. n°168125, T. pp. 1030, 1074, 1090, 1154 et 1155) et les tiers peuvent se prévaloir utilement de leurs clauses dans le cadre d’autres contentieux (CE, 2 décembre 2009, Société NRJ Group et Société Vortex, req. n°311903, T. p. 934). De telles exceptions ont toujours été justifiées de la même manière : les conventions en cause ne sont pas de « véritable[s] contrat[s] » (D. Chavaux, « Application de la directive Télévision sans frontières – Concl. sur CE, 25 novembre 1998, Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion, req. n°168125 », AJDA, 1999, p. 55) ; elles sont des « pseudo-contrats » (J.‑Ph. Colson et P. Idoux, Droit public économique, 9e éd., LGDJ, Coll. Manuels, n°785 et s.). Elles traduisent ainsi le phénomène de « remise en cause », ou du moins le besoin de « renouvellement », des « classifications traditionnelles » induit par l’essor de la régulation et de son contentieux (M. Crespy-De Coninck, Recherches sur les singularités du contentieux de la régulation économique, Dalloz, Coll. NBT, Vol. 164, Paris, 2017, n°892 et s.). La distinction du contrat et de l’acte unilatéral n’y échappe pas, même si elle n’a pas attendu cet essor pour témoigner de ses limites (Y. Madiot, Aux frontières du contrat et de l’acte administratif unilatéral : recherches sur la notion d’acte mixte en droit public français, LGDJ, Coll. Bibl. de Droit public, T. 103, Paris, 1971, 390 p.).
C’est à l’aune de ces difficultés de classification qu’il est possible d’analyser la réponse apportée par le Conseil d’État aux recours formés par la société BFM-TV à l’encontre de deux délibérations du CSA – une prise de position et une mise en demeure – s’opposant à ce qu’elle diffuse la finale de la ligue des champions. Alors que ces conventions se trouvent aux frontières du contrat et de l’acte unilatéral, le Conseil les traite, tant au stade de la recevabilité (I.) qu’à celui du bien‑fondé (II.) comme de purs actes unilatéraux. Ce faisant, il déplace le problème aux frontières du pseudo-contrat et du droit souple, ce qui n’est pas conventionnel, quel que soit le sens que l’on retienne de ce terme.
I. Une recevabilité contentieuse non-conventionnelle
Le Conseil d’État ouvre en grand les portes du recours pour excès de pouvoir à l’encontre des prises de positions du CSA relatives à la compatibilité du comportement d’un opérateur avec la convention conclue avec ce dernier afin de déterminer le contenu autorisé à la diffusion. Ce faisant, la décision commentée soulève certaines interrogations auxquelles il convient de tâcher d’apporter, si ce n’est des réponses, du moins un certain éclairage à la lumière de la jurisprudence relative à l’extension progressive de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes de droit dit « souple ».
En évoquant la question de la recevabilité d’un tel recours à l’encontre d’une prise de position consistant à rappeler à un opérateur ses obligations nées d’une convention conclue le 19 juillet 2005, les juges du Palais-Royal poursuivent l’œuvre de la jurisprudence Fairvesta (CE, Ass., 21 mars 2016, Sté Fairvesta international GMBH, n° 368082) en considérant que, « eu égard à sa portée et aux conditions dans lesquelles elle a été prise, la délibération du 3 avril 2019 revêt le caractère d’un acte susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ». Il convient en l’occurrence de souligner que le Conseil d’État procède là à une extension de la recevabilité dans un esprit conforme, d’une part, à sa jurisprudence la plus récente et, d’autre part, au considérant de principe selon lequel des actes de droit souple « peuvent également faire l’objet d’un tel recours, (…), lorsqu’ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ».
Une telle décision ne lui était pourtant pas recommandée par son rapporteur public. Alors que ce dernier ne contestait en aucune façon la recevabilité à l’encontre de la mise en demeure adoptée par le CSA, il semblait en effet davantage réservé s’agissant de la solution à adopter à l’égard de la prise de position en raison, notamment, de sa portée individuelle et de la limitation de ses effets ; en d’autres termes, de son lien étroit avec une convention dont elle se contentait tout bonnement de rappeler le contenu obligatoire. Les juges du Palais-Royal ont cependant pris leur rapporteur public à contre-pied en considérant au contraire qu’une telle prise de position, malgré l’adoption par la suite d’une mise en demeure, devait être appréhendée à la lumière de son objet. Cet objet était d’inciter la société BFM TV à adopter un comportement conforme à ses obligations conventionnelles et donc d’influencer de manière significative le comportement de la personne à laquelle cette prise de position s’adressait. Une incertitude persiste toutefois à la lecture de ce raisonnement concernant l’appréciation à porter sur l’expression « de manière significative » au cas de l’espèce. Une telle prise de position, n’ayant dans les faits eu aucune incidence sur le comportement de son destinataire, et se bornant de surcroit à rappeler des obligations préexistantes, peut-elle être considérée comme ayant eu néanmoins pour objet d’influencer de manière significative son comportement ?
Le critère de l’objet de l’acte ainsi retenu, malgré cette incertitude, ne doit cependant pas surprendre la doctrine tant il était prévisible au regard de la jurisprudence récente relative à la recevabilité des recours en annulation à l’encontre des actes de droit « souple ». Ce n’est en effet plus exclusivement à l’aune de ses seuls effets que la juridicité d’un acte est désormais appréhendée mais également, de manière complémentaire, en fonction de son objet ; autrement dit, de la volonté ayant présidé à son adoption. En outre, l’appréhension de cette volonté ne dépend plus seulement du degré d’injonction ou d’impérativité qu’elle entend exprimer, mais plus largement de l’influence attendue sur le comportement du destinataire de l’acte. Si l’admission d’une telle recevabilité à l’encontre d’une prise de position peut toutefois paraître non-conventionnelle, c’est en particulier du fait de la dimension casuistique et conséquentialiste, matinée par la science administrative, que semble revêtir dès lors l’analyse des juges du Palais-Royal qui s’intéressent plus précisément « à l’aspect illocutoire de ce qui est dit » (Cl. Malverti et C. Beaufils, « Le Conseil d’État donne du mou au droit souple », AJDA, 2019, p. 1995). Une dimension que la décision Mme Le Pen, à l’instar de la décision commentée, met particulièrement en évidence dans la mesure où elle considère expressément que, « alors même qu’elle est dépourvue d’effets juridiques, cette prise de position d’une autorité administrative (…) est de nature à produire, sur la personne du député qu’elle concerne, des effets notables, notamment en termes de réputation, qui au demeurant sont susceptibles d’avoir une influence sur le comportement des personnes, auxquelles elle s’adresse » (CE, Ass., 19 juillet 2019, Mme Le Pen, n° 426389).
Conformément à ce qu’énonçait déjà Guy Braibant au début des années 1960, le Conseil d’État confirme expressément à travers cette décision que, « dans le style administratif, l’invitation peut être la forme polie d’un ordre » (concl. sur CE, 13 juillet 1962, Conseil national de l’ordre des médecins ; RDP, 1962, p. 739), et ce quand bien même cet ordre ne serait que la réitération d’une obligation contractuelle clairement identifiée, et donc en aucun cas en mesure de faire naître par elle-même une telle obligation. Il convient d’ailleurs de souligner que la décision commentée replace la ligne jurisprudentielle du Conseil d’État dans le sillon de la décision Fairvesta après le flou que semblait y avoir apporté la décision Mme Le Pen. Qu’il s’agisse du rappel de l’importance du critère de la régulation – en présence ici d’une prise de position du CSA –, comme du critère de la prise en compte des effets et de l’objet de l’acte – alors que la prise de position en question avait « eu pour objet d’influer de manière significative sur le comportement de la chaîne » –, les juges du Palais-Royal procèdent prima facie à une application conventionnelle de la jurisprudence afin d’admettre la recevabilité du recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la prise de position du CSA destinée à modifier le comportement d’un opérateur. Une solution qu’il conviendrait également de situer – dans une certaine mesure – dans le prolongement de la décision Société Bouygues Télécom dans la mesure où le juge administratif acceptait à l’occasion de celle-ci d’ouvrir le recours pour excès de pouvoir aux « lignes directrices par lesquelles les autorités de régulation définissent, le cas échéant, les conditions dans lesquelles elles entendent mettre en œuvre les prérogatives dont elles sont investies » eu égard à leur objet et à leurs effets sur leurs destinataires (CE, 13 décembre 2017, Société Bouygues Télécom, n° 401799). La prise de position contestée serait effectivement susceptible d’être interprétée comme un acte permettant d’informer la société BFM TV des éventuelles conséquences que pourraient entraîner son comportement.
Il convient toutefois de relever, pour paraphraser un grand auteur, que si le sens de cette décision a été donné « dans le zig », une partie de la doctrine l’attendait sûrement « dans le zag » dès lors qu’il s’agissait pour le CSA de rappeler, à travers cette prise de position comme à travers sa mise en demeure, les obligations contractuelles incombant à la société BFM TV. En l’occurrence, si la décision de recevabilité peut paraître conventionnelle eu égard à la jurisprudence relative aux actes de droit « souple » dans leur ensemble, elle peut tout autant surprendre eu égard à la jurisprudence récente relative à de tels actes élaborés par le CSA (cf. Ch. Nicolas et Y. Faure, « Audiovisuel : surveiller et punir », AJDA, 2018, p. 2383 et s.). En l’occurrence, le rapporteur public ne manquait pas de rappeler dans ses conclusions que, par sa décision Commune de Cassis, le Conseil d’État avait considéré qu’une lettre de rappel d’une chaîne à ses obligations contractuelles assortie d’une mise en garde n’était pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (CE, 14 février 2018, Commune de Cassis, n° 406425). Il conviendrait par conséquent de voir, peut-être, à travers cette décision – surprenante à cet égard – une manifestation de la volonté du Conseil d’État d’uniformiser les critères de recevabilité du recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes de droit « souple », et donc d’affaiblir l’éventuelle protection qu’il aurait accordé jusqu’alors aux actes du CSA au nom de la préservation de sa fonction de régulateur (cf. L. Calandri, « Les évolutions récentes du contrôle des actes de soft law du Conseil supérieur de l’audiovisuel », Comm. Comm. élec., n° 11, novembre 2019, ét. n° 19). Une hypothèse qui semble toutefois insuffisante pour éclairer le sort réservé à un acte se bornant à réitérer une obligation de nature contractuelle.
II. Une interprétation contentieuse non-conventionnelle
La légalité de la délibération et de la mise en demeure contestées dépendait, pour l’essentiel, de l’interprétation de la convention liant le CSA à la société BFM TV. Force est cependant de constater, ici aussi, que l’apparence contractuelle de l’acte a été ignorée.
La démonstration d’une telle idée est probablement moins aisée que la précédente. Il est en effet difficile, d’une part, d’isoler strictement l’interprétation des contrats administratifs de l’interprétation des actes administratifs unilatéraux (v., pour une remarque analogue, Y. Madiot, Th. préc., n°661). Il est surtout dangereux, d’autre part, de s’essayer à interpréter une interprétation contentieuse. La rédaction de l’arrêt, même éclairée par les conclusions du rapporteur public, ne permet jamais de percer ce qui a emporté la conviction d’une formation de jugement.
Malgré ces limites, il est pourtant possible de comprendre l’interprétation retenue par le Conseil d’État en l’espèce comme étant guidée par « la volonté de conformer l’ordre existant et notamment les capacités de contrainte unilatérale détenues par les pouvoirs publics » (J.‑Ph. Colson et P. Idoux, op. cit., n°890), plutôt que par celle de favoriser une véritable « normativité endogène », élaborée par les acteurs de la régulation audiovisuelle (G. Timsit, « La régulation – La notion et le phénomène », RFAP, 2004/1, p. 18).
Le raisonnement interprétatif du Conseil d’État ne laisse aucune place, en premier lieu, à une analyse de ce qu’ont voulu les parties à la convention. Un renvoi explicite à la commune intention des parties aurait, il est vrai, ravivé le débat sur la nature de ces conventions en ce que la recherche de cette commune intention est présentée comme propre à l’interprétation des contrats administratifs (A. de Laubadère, F. Moderne, P. Delvolvé, Traité des contrats administratifs, T. I, LGDJ, Paris, 1983, n°698). Les juges du Palais-Royal auraient pu se référer à des éléments relatifs à la négociation de la programmation du service de télévision BFM TV – par exemple le procès-verbal de l’audition publique obligatoirement menée dans le cadre de la procédure d’attribution de l’autorisation d’utilisation de la fréquence hertzienne, audition qui permet notamment au futur titulaire de préciser ses engagements aux termes du III. de l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 – sans encourir un tel risque. Si la référence à la commune intention des parties est le marqueur formel de l’interprétation contractuelle, la négociation n’est pas le critère du contrat – que l’on pense aux contrats d’adhésion désormais codifiés à l’article 1110 du code civil ou aux actes unilatéraux négociés.
Un tel constat ne saurait être remis en cause, en deuxième lieu, du fait de l’intérêt apparemment donné par l’arrêt et surtout par le rapporteur public à la rédaction même de la convention en cause – rédaction qui reflèterait la volonté des parties. Dans une conception cognitiviste de l’interprétation, les termes du contrat ne pouvaient être présentés comme intrinsèquement clairs. Alors que ces conventions doivent notamment, mais précisément, particulariser l’objet de la programmation des éditeurs de service de télévision, le premier alinéa de l’article 3-1-1 de la convention de la société BFM-TV stipule de manière extrêmement générale que « Le service est consacré à l’information, notamment à l’information économique et financière. Il offre un programme réactualisé en temps réel couvrant tous les domaines de l’actualité ». On peut douter, à ce titre, que le terme « information » suppose toujours, comme le pense Nicolas Polge, « un travail de sélection, d’analyse, de distanciation », ou, à l’inverse, qu’un tel travail irait nécessairement « au‑delà du commentaire sportif à chaud ». Certains commentaires d’actualité politique ou économique à froid valent largement certaines analyses sportives à chaud et inversement. Mais cela ne regarde pas le juriste.
La lecture de l’arrêt, plus que celle des conclusions, laisse plutôt penser, en troisième lieu, que l’interprétation retenue par le Conseil d’État a été guidée par une logique extra-contractuelle. Si la Haute juridiction administrative a jugé que la société BFM TV n’avait pas le droit de diffuser la finale de la Ligue des champions, c’est parce qu’elle a considéré que son interprétation présentait un intérêt au-delà du présent litige, un intérêt pour l’ensemble du secteur régulé. En effet, et comme le remarque très justement la professeure Frison-Roche, « l’ex ante avance masqué sous la solution particulière du cas tranché, l’ex ante [est] dissimulé sous le vernis de l’ex post » ; un « arrêt qui fait jurisprudence est en même temps l’ex post du problème qui a été concrètement tranché par la décision mais aussi l’ex ante des comportements qui intègreront le principe contenu dans la jurisprudence » (M.-A. Frison-Roche, « Le couple ex ante–ex post, justification d’un droit propre et spécifique de la régulation », in M.‑A. Frison-Roche (dir.), Les engagements dans le système de régulation, op. cit., resp. n°77 et n°28). Le fait que l’interprétation retenue se fonde sur une comparaison avec « certaines conventions passées avec d’autres éditeurs de services de télévision » incline en ce sens.
Certains verront peut-être dans cette méthode une « utilisation » de l’ancien article 1159 du code civil qui disposait que « ce qui est ambigu s’interprète par ce qui est d’usage ». Elle se rattache plus vraisemblablement à la logique qui fonde la méthode énoncée au second alinéa du nouvel article 1189 dudit code aux termes duquel « lorsque […] plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci ». Ces conventions participent en effet toutes à la régulation du secteur de l’audiovisuel, ce qui explique que l’interprétation retenue puisse être comprise comme le produit de cette opération. C’est indubitablement à ce stade que les dangers de l’interprétation doctrinale mis en évidence plus haut apparaissent – d’autant qu’elle repose alors sur une conception nettement plus réaliste. L’extrême diversité des impératifs d’intérêt général influant sur cette activité de régulation (D. Truchet, « Fasc. n°273-10 : Communication audiovisuelle – Régulation et secteur public », J.-Cl. Adm., n°31 et s.), de même que leur possible contradiction exclut de s’assurer la réalité du raisonnement qui va suivre. Il apparaît cependant plausible que le Conseil d’État a conforté les décisions du CSA afin d’éviter d’ouvrir la voie à des lectures excessivement constructives par les différents éditeurs de service de télévision de leurs conventions, ce qui menacerait la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels. Cette interprétation peut à ce titre être rapprochée du motif du refus initialement opposé par le CSA à LCI concernant sa demande d’autorisation d’émettre sur les canaux gratuits de la TNT : si de trop nombreux éditeurs de service peuvent se concurrencer, cela affecte leurs revenus et risque, à terme, de diminuer la qualité générale des programmes (CSA, déc. n°2014-357 du 29 juillet 2014 ; ce motif n’a pas été remis en cause par l’annulation de la décision par le Conseil d’État dans son arrêt d’Assemblée du 17 juin 2015, Société en commandite simple La Chaîne Info (LCI), req. n°384826, Rec. p. 199). Une telle interprétation laisse toutefois entier le problème de la garantie de « l’objectif d’intérêt général qu’un large public ait accès aux évènements d’importance majeure sur un service de télévision à accès libre ». Si le groupe SFR‑Altice a tenté de diffuser cette finale sur sa chaîne BFM-TV, c’est aussi parce que la procédure de rétrocession des droits de retransmission de tels évènements prévue à l’article 5 du décret n°2004-1392 du 22 décembre 2004 relatif à la diffusion d’évènements d’importance majeure ne lui assure pas une rémunération suffisante de son investissement. Or, comme une telle procédure n’assure pas non plus nécessairement la diffusion de ces évènements sur une chaîne de télévision à « accès libre » (F. Rizzo, « Fasc. n°264 : Les droits audiovisuels des évènements sportifs », J-Cl. Communication, n°54), il est difficile de voir dans la décision du Conseil d’État autre chose qu’une volonté d’éviter que les acteurs du marché de la régulation s’en approprient les règles du jeu afin de maximiser leur profit. Ainsi comprise, cette interprétation permettrait alors de réunir celles des deux mythes du roi Midas…
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