6ème Chambre A
ARRÊT N°723 et 724
R.G : 14/04384 ; 14/04550
CONSEIL GENERAL DE LOIRE ATLANTIQUE
C/ PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE NANTES
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2014
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Agnès LESVIGNES, Président,
Madame Geneviève SOCHACKI, Conseiller,
Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Sandrine KERVAREC, lors des débats, et Madame Nathalie DANIEL, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
- Z., subtitut général, auquel l’affaire a été régulièrement communiquée et qui a pris des réquisitions écrites.
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 13 Octobre 2014
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Novembre 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats, et signé par Geneviève SOCHACKI, Conseiller ayant participé au délibéré, pour le Président empêché.
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APPELANTS et INTIMES :
CONSEIL GENERAL DE LOIRE ATLANTIQUE représenté par son Président domicilié en cette qualité audit siège, représenté par Me Jean-Christophe B., avocat au barreau de PARIS,
LE MINISTÈRE PUBLIC en la personne du PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR
D’APPEL DE RENNES représenté à l’audience par Monsieur Z., substitut général, entendu en ses réquisitions.
INTIMES :
Monsieur X. comparant en personne, assisté de Me Pauline L., avocat au barreau de NANTES et de Me Pierre V., avocat au barreau de Paris (bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/008124 du 05/09/2014 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)
INTERVENANTS :
Madame M. épouse G.
Monsieur G. comparants en personne, assistés de Me Maryvonne L.’H. de la SCP L.’H./G./B./D./S./A./A. S./G., avocat au barreau de RENNES et Me Guillaume LE M., avocat au barreau de PARIS
Monsieur PREFET DE LOIRE ATLANTIQUE représenté par Me Vincent C., avocat au barreau de NANTES,
Vu l’assignation à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Nantes délivrée le 13 janvier 2014 au conseil général de Loire-Atlantique et au procureur de la République de Nantes par M. X. aux fins de voir :
- déclarer son action en contestation de l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat recevable,
- d’ordonner au conseil général de Loire-Atlantique de lui restituer l’enfant Y. né le 30 avril 2013 à […] et reconnu par lui le 2 mai 2013,
- condamner le conseil général au paiement au profit de Maître L., son conseil, de la somme de 2.500 euro
- condamner le conseil général à lui verser la somme de 1.000 euro au titre des dispositions de l’article 700 du CPC,
- condamner le conseil général aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pauline L., conformément aux dispositions des articles 699 du CPC ;
Vu le jugement du 24 avril 2014 du tribunal de grande instance de Nantes ayant :
- déclaré M. X. recevable en sa demande,
- prononcé l’annulation de l’arrêté du 30 avril 2013 du président du conseil général de Loire- Atlantique admettant l’enfant Y. en qualité de pupille de l’Etat,
- ordonné au président du conseil général de Loire-Atlantique de restituer l’enfant Y. X. né le 30 avril 2013 à […] à M. X. né le 13 avril 1985 à […] qui l’a reconnu le 2 mai 2013,
- dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du CPC,
- condamné le président du conseil général de Loire-Atlantique, ès qualités, aux dépens recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle ;
Vu la déclaration d’appel du conseil général de Loire-Atlantique reçue au greffe de la cour le 26 mai 2014 ;
Vu la déclaration d’appel du procureur de la République de Nantes reçue au greffe de la cour le 2 juin 2014 ;
Vu les écritures du conseil général de Loire-Atlantique du 18 septembre 2014 qui demande à la cour de :
- dire et juger qu’à compter du 12 juillet 2013, M. X. avait la possibilité d’exercer tout recours aux fins de faire prospérer ses droits et, en particulier, de saisir le tribunal de grande instance d’une demande d’annulation de l’arrêté d’admission de Y. en qualité de pupille de l’Etat sur le fondement de l’article L 224-8 du Code de l’action sociale et des familles, ci-après dit CASF, et que M. X. est irrecevable en son action, et à titre principal de :
- dire et juger que l’action de M. X. dirigée contre le conseil général ne peut prospérer, ce dernier n’étant pas à même de décider de la restitution ou non de l’enfant Y.,
- constater que M. X. n’a jamais contesté la décision du tuteur devant le tribunal de grande instance,
- dire et juger que l’article 352 du code civil fait obstacle à la restitution de l’enfant Y. par le conseil général et à titre subsidiaire,
- constater que l’intérêt supérieur de l’enfant fait obstacle à la restitution de l’enfant Y. à M. X.,
- débouter, en conséquence, M. X. de ses demandes et, ‘en tout état de cause’, condamner M. X. à lui verser la somme de 5.000 euro au titre des dispositions de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens dont distraction conformément à l’article 699 du CPC pour ceux d’appel au profit de la selarl C.-V.- S. ;
Vu les écritures du 26 septembre 2014 du préfet de Loire-Atlantique, ès qualités de tuteur de l’enfant, qui demande à la cour de :
- déclarer son intervention volontaire recevable,
- lui décerner acte qu’il appuie au sens des dispositions de l’article 330 du CPC les prétentions des appelants, à savoir le conseil général de Loire Atlantique et celles du ministère public, en ce qu’ils concluent à « l’infirmation du jugement du 24 avril 2014 »,
- dire et juger qu’une telle infirmation est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant Y.,
- statuer ce que de droit sur les dépens ;
Vu les conclusions du parquet général du 3 octobre 2014 qui rappelle, en particulier, l’existence dans le code de l’action sociale et des familles d’un recours contre les décisions de placement émanant du conseil de famille à l’article L 224-3 du CASF et qui ajoute qu’à la date du placement de Y., la décision de placement du conseil de famille n’était pas définitive et qui demande à la cour de confirmer le jugement dont appel ;
Vu les écritures de M. X. du 10 octobre 2014 qui demande à la cour, à titre principal, de :
- confirmer le jugement dont appel et y ajoutant,
- d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur familial et à titre subsidiaire
- de lui accorder un droit de visite à l’égard de l’enfant Y. et en tout état de cause, de
- débouter le conseil général de toutes ses demandes fins et prétentions,
- de condamner au visa de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 le conseil général de Loire-Atlantique à verser à Maître Pauline L., son conseil, la somme de 2.500 euro,
- condamner le conseil général de Loire-Atlantique à lui payer la somme de 1.000 euro au titre des dispositions de l’article 700 du CPC,
- condamner le conseil général, le préfet de Loire-Atlantique et M et Mme G. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pauline L. conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC ;
Vu les écritures de M et Mme G. qui demandent à la cour de :
- les recevoir en leur intervention volontaire et in limine litis de déclarer M. X., qui n’a introduit sa demande que le 13 janvier 2014, alors que l’enfant Y. était régulièrement placé à leur foyer depuis le 12 juillet 2013, irrecevable en son action et à titre principal de,
- constater que le 12 juillet 2013 alors que l’enfant Y. venait d’être placé à leur domicile en vue de son adoption, M. X. a formulé uniquement et tardivement une demande de suspension de la procédure de placement en vue de l’adoption,
- dire et juger, en conséquence, que l’article 352 du code civil fait alors obstacle à la restitution de l’enfant Y. par le conseil général,
- débouter, en conséquence, M. X. de l’ensemble de ses demandes et à titre subsidiaire de,
- constater que l’intérêt supérieur de l’enfant fait obstacle à son retrait de la famille dans lequel il est placé en vue de l’adoption depuis ’15 mois’ et à la remise de l’enfant à M. X.,
- débouter celui-ci de l’ensemble de ses demandes et, à titre très subsidiaire,
- constater que l’intérêt supérieur de l’enfant fait obstacle à la remise de l’enfant Y. à M. X. et avant toute décision au fond,
- ordonner toute mesure d’expertise tant sur Y. que sur M. X. et les époux G. afin de déterminer les conséquences d’une mesure ou d’une autre sur l’intérêt de l’enfant et en tout état de cause,
- condamner M. X. aux entiers dépens recouvrés conformément à l’article 699 du CPC dont distraction au profit de Maître L.’M. ;
SUR CE
– sur la jonction des deux procédures
Considérant que pour une bonne administration de la justice il convient d’ordonner la jonction des procédures inscrites sous les numéros de rôle général 14/04384 et 14/04550, la procédure se poursuivant sous le N°14/04384 ;
– sur la recevabilité du recours de M. X.
Considérant que M. X., qui était à l’époque détenu, a bénéficié d’un parloir en unité de vie familiale au mois de juin 2012 avec sa compagne et a su, avant que celle-ci ne mette fin à leur relation, qu’elle attendait un enfant; qu’il est établi que dès le 14 décembre 2012 il a demandé aux services de l’état civil de Nantes de reconnaître l’enfant ; que le procureur de la République a autorisé les services de l’état civil à procéder à l’enregistrement de la reconnaissance de l’enfant ; que le 2 mai 2013 M. X. a déclaré reconnaître pour son enfant, l’enfant dont sa compagne était alors enceinte ;
Considérant qu’il a ensuite, assisté de son conseil, déposé en juin 2013 une requête devant le juge aux affaires familiales et a tenté d’obtenir pour la régularisation du dossier une copie intégrale de l’acte de naissance de l’enfant ;
Considérant que c’est dans ces circonstances que le 12 juillet 2013 le conseil de M. X. a informé le procureur de République de Nantes qu’il venait de découvrir que la compagne de son client avait anonymement donné naissance à l’enfant, qui serait né le 30 avril 2013 à […], de sorte que la transcription de la filiation paternelle s’avérait impossible ; que conformément aux dispositions de l’article 62-1 du Code civil son conseil a alors informé le procureur de la République de Nantes qui a procédé à la recherche des date et lieu d’établissement de l’acte de naissance de l’enfant; que le conseil de M. X. indiquait dans ce courrier qu’il informait le conseil général de cette situation et joignait la copie intégrale de l’acte de reconnaissance, la demande faite aux services d’état civil en décembre 2012 et leur réponse du 4 avril 2013 ;
Considérant que le 12 juillet 2013 le conseil de M. X. a écrit au président du conseil général de Loire-Atlantique pour l’informer que le procureur de la République était saisi en application des dispositions de l’article 62-1 du Code civil ; que ce courrier demandait également que les éléments d’information communiqués soient pris en compte et ‘qu’il soit sursis à statuer à toute décision de placement en vue de l’adoption’ ; que la copie intégrale de l’acte de reconnaissance était jointe ; que ce courrier a fait l’objet d’une transmission par fax le 12 juillet 2013 à 13 h 33 et a été réceptionné selon avis de réception le 15 juillet 2013
Considérant que dans le même temps et par suite de l’accouchement anonyme et selon arrêté du président du conseil général de Loire Atlantique l’enfant Y.. né le 30 avril 2013 a été admis en qualité de pupille de l’Etat, à titre provisoire, à compter du 30 avril 2013 ; que l’arrêté indique en son article 2 que « si l’enfant n’est pas repris avant cette date, il sera admis en qualité de pupille de l’Etat à titre définitif à compter du 30 juin 2013 » ;
Considérant que par courrier du 17 octobre 2013 le conseil de M. X. a informé le président du conseil général de Loire-Atlantique que le procureur de la République de Saint Nazaire avait ordonné l’apposition de la mention de la reconnaissance effectuée par M. X. le 2 mai 2013 en marge de l’acte de naissance de l’enfant Y. né le 30 avril 2013 dans cette localité et sollicité au nom de M. X. la restitution de « l’enfant Y. à sa famille paternelle », courrier réceptionné le 18 octobre 2013 ;
Considérant que le président du conseil général a alors informé le conseil de M. X. de ce que l’enfant avait été recueilli par ses services le 30 avril 2013 et qu’aux termes des deux mois suivant son admission en qualité de pupille de l’Etat, soit le 30 juin 2013, il n’apparaissait pas à l’état civil de reconnaissance paternelle de cet enfant né sous X et que de la sorte le conseil de famille des pupilles de l’Etat réuni par le préfet avait donné son consentement à l’adoption, l’enfant ayant ensuite fait l’objet d’un placement en vue d’adoption au terme de ce délai de deux mois et que l’alinéa 1er de l’article 352 du code civil disposant que le placement en vue d’adoption met obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine, il n’était pas autorisé malgré l’apposition de la reconnaissance en date du 21 octobre 2013 à donner une suite favorable « à la demande de restitution de l’enfant » ;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’alinéa 1er de l’article L 224-8 du CASF, dans sa rédaction applicable à la date du 30 avril 2013, «l’admission en qualité de pupille de l’Etat peut fait l’objet d’un recours, formé dans le délai de 30 jours suivant la date de l’arrêté du président du conseil général devant le tribunal de grande instance, par les parents, en l’absence d’une déclaration judiciaire d’abandon ou d’un retrait total de l’autorité parentale, par les alliés de l’enfant ou toute personne justifiant d’un lien avec lui, notamment, pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait et qui demandent à en assumer la charge » ;
Considérant que pour dire recevable l’action de M. X. les premiers juges ont indiqué que le conseil général de Loire-Atlantique soutenait à tort que le délai de contestation était expiré le 30 mai, ‘l’admission définitive de l’enfant Y. en qualité de pupille de l’Etat n’ayant pu intervenir qu’à compter du 30 juin 2013, point de départ du délai de contestation de 30 jours qui expirait, en conséquence, le 30 juillet 2013″ ; que les premiers juges ont, par ailleurs, retenu que l’information donnée par le conseil de M. X. au conseil général le 12 juillet 2013 comportait ‘des éléments d’identification, notamment, quant à la date et au lieu de naissance de l’enfant dont il n’était aucunement établi, ni même allégué, qu’ils étaient susceptibles de se rapporter à un autre enfant que Y.’ ; qu’ils ont également précisé que si par application des dispositions de l’article 352 du Code civil le placement de l’enfant en vue d’adoption met obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine, il apparaissait en l’espèce ‘que le placement était intervenu suivant délibération du conseil de famille des pupilles de l’Etat du 3 juillet 2013 en considération des termes de l’arrêté du 30 avril 2013, sans que la situation de l’enfant ait fait l’objet d’un nouvel arrêté et alors même que le délai de recours contre l’admission définitive n’était pas expiré’ ; que les premiers juges ont donc estimé que ‘par le placement de l’enfant en vue de l’adoption réalisé avant l’expiration du délai de recours en considération du seul arrêté rendu non contradictoirement le 30 avril 2013, M. X. s’était trouvé placé dans l’impossibilité d’exercer tout recours effectif, fut ce à titre conservatoire, contre l’arrêté d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat alors même qu’il l’avait reconnu dès le 2 mai 2013 et ce en violation de son droit à voir sa cause utilement examinée en justice garanti par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que le Conseil constitutionnel a déclaré l’inconstitutionnalité des dispositions du premier alinéa de l’article L 244-8 du CASF pour méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration de 1789 avec effet au 1er janvier 2014 ; que postérieurement la Cour de cassation par arrêt du 9 avril 2013 a jugé, au visa de l’article 6 de la convention CEDH, qu’un délai de recours ne peut commencer à courir lorsqu’une décision est prise non contradictoirement et que n’est pas assurée l’information des personnes admises à la contester ;
Considérant que pour soutenir à nouveau devant la cour l’irrecevabilité du recours de M. X., le conseil général fait valoir que dès le 12 juillet 2013 il est certain que celui-ci avait connaissance de la procédure d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat, à titre définitif, et qu’il pouvait dès lors exercer les voies de recours prévues à l’article L 224-8 du CASF ; qu’il fait valoir également qu’ayant demandé à cette date la suspension de la procédure en vue de l’adoption, procédure qui n’est initiée qu’à l’issue de la période provisoire d’admission en qualité de pupille de l’Etat, il savait parfaitement que l’enfant avait été admis à titre définitif depuis ‘le 1er juillet 2013″ ; qu’il ajoute que M. X. connaissait la date de naissance de l’enfant et la date de remise sous le secret de l’enfant au service du conseil général, soit le 30 avril 2013, de sorte qu’il connaissait la date d’admission, à titre provisoire, de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat pour une période de deux mois, soit jusqu’au 30 juin 2013 et qu’ainsi le premier courrier de M. X. du 12 juillet 2013 fait courir le délai de 30 jours pour saisir le tribunal de grande instance contre la décision d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat et en demander la restitution ;
Considérant que les époux G. font valoir que M. X. a exercé son recours six mois après le placement de l’enfant à leur foyer ; que les 12 juillet et 7 octobre 2013 il n’a pas demandé la restitution de l’enfant « mais de stopper la procédure d’adoption » et que le 17 octobre 2013 en s’adressant au conseil général et non comme il aurait dû le faire au tuteur pour en demander la restitution, M. X. savait que le processus d’adoption était lancé et que l’arrêté d’admission était définitif et qu’il est, en conséquence, irrecevable en son action ;
Considérant que le préfet de Loire-Atlantique qui intervient à titre accessoire pour appuyer les prétentions du conseil général et du ministère public n’a fait valoir aucun moyen distinct ;
Considérant que le conseil général qui indique que la Cour de cassation dans son arrêt du 9 avril 2013 a écarté les dispositions de l’article L 224-8 du CASF « en ce qu’elles opposent aux tiers un délai de 30 jours à compter de la décision d’admission définitive » fait une mauvaise interprétation de la décision, aux termes de laquelle tout plaideur pouvait dès avant le 1er janvier 2014 demander que le délai indiqué par l’article L224-8 soit écarté en raison de sa contrariété avec la disposition garantissant un procès équitable garanti par la Convention
Considérant que le conseil général ne justifiant pas avoir notifié la décision d’admission définitive de l’enfant Y. en qualité de pupille de l’Etat, il n’y a pas lieu de rechercher si M. X. était au courant de l’admission provisoire et définitive de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat à la date du 12 juillet 2013 ; qu’il s’ensuit que la décision dont appel doit donc être confirmée quant à la recevabilité du recours ; sur le bien fondé de l’action en contestation de l’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat
Considérant qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa de l’article L 224-8 du CASF « s’il juge cette demande conforme à l’intérêt de l’enfant, le tribunal confie sa garde au demandeur, à charge pour ce dernier de requérir l’organisation de la tutelle, ou lui délègue les droits de l’autorité parentale et prononce l’annulation de l’arrêté d’admission » ;
Considérant que pour annuler l’arrêté d’admission et ordonner la restitution de l’enfant les premiers juges ont constaté « que la reconnaissance de paternité ne faisait l’objet d’aucune contestation » et que la demande de M. X. en ce qu’elle tendait à « permettre à l’enfant Y. de connaître son père et de vivre avec lui au sein de sa famille paternelle apparaissait de l’intérêt de l’enfant et conforme aux droits reconnus à ce dernier » ; qu’ils ont ajouté que « l’accueil de l’enfant dans le cadre d’un projet d’adoption n’était pas une circonstance qui apparaissait suffisante pour que la demande de restitution soit rejetée en l’état du devenir incertain de la procédure d’adoption envisagée compte tenu de l’établissement de la filiation paternelle de l’enfant et du défaut de consentement du père » ;
Considérant que M. X. fait valoir que l’arrêté d’admission ne pouvait être établi qu’après le délai de deux mois suivant l’admission à l’aide sociale à l’enfance, alors qu’en l’espèce l’arrêté d’admission a été pris le 30 avril 2013 jour de la naissance ;
Considérant, cependant, que le procès verbal de recueil indique que l’enfant est déclaré pupille de l’Etat, à titre provisoire, à compter du jour où ce procès-verbal est établi conformément aux dispositions de l’article L 224- 6 du CASF, lequel mentionne expressément que l’enfant est déclaré pupille de l’Etat, à titre provisoire, à la date à laquelle est établi le procès verbal prévu à l’article L 224-5 du CASF, l’enfant ayant été admis à ce titre en application des dispositions de l’article L 224-4 1° du CASF; qu’il a déjà été précisé que l’arrêté du 30 avril 2013 en son article 2 prévoyait une admission, à titre définitif, à compter du 30 juin 2013, selon un procédé fréquent qui consiste à n’établir qu’un seul document mettant en place le statut provisoire et le statut définitif du pupille ;
Considérant qu’au cours de sa réunion du 16 mai 2013 le conseil de famille des pupilles de l’Etat du département de Loire-Atlantique « a confirmé l’admission provisoire de Y. en qualité de pupille de l’Etat » selon les écritures du Conseil général, le document mentionnant en ce qui concerne l’ordre du jour « admission » ; qu’après avoir levé une copie intégrale de l’acte de naissance de l’enfant le 2 juillet 2013, lequel ne mentionnait aucune reconnaissance paternelle à cette date et au vu de la décision du conseil de famille du 3 juillet 2013 ayant examiné « le placement en vue de l’adoption, » Y. a été confié en vue d’adoption plénière aux époux G., lesquels en ont assumé la charge complète à compter du 12 juillet 2013, date à laquelle M. X. s’est manifesté par fax auprès du conseil général pour solliciter la suspension de la procédure de placement en vue d’adoption; que le rapport de suivi de placement du 6 janvier 2014 indique que Y. a rencontré pour la première fois M et Mme G. le 8 juillet 2013 ;
Considérant que le 28 octobre 2013 et après admission définitive de l’enfant en tant que pupille de l’Etat, après présentation des rapports sociaux concernant l’enfant et les futurs adoptants et délibérations, le tuteur après accord du conseil de famille des pupilles de l’Etat du 3 juillet 2013 a donné son consentement au placement en vue de l’adoption de l’enfant Y.
Considérant que le 28 octobre 2013 le directeur départemental de la cohésion sociale (Préfet de la Loire-Atlantique) en application de la loi du 6 juin 1984 et du 23 août 1985 (article 18) a décidé en accord avec le conseil de famille du 3 juillet 2013, de confirmer la date du 12 juillet 2013 pour le placement en vue d’adoption de Y. au foyer des époux G.;
Considérant que le président du conseil général a alors le 13 novembre 2013 fait connaître au conseil de M. X. que malgré l’apposition de la reconnaissance paternelle en date du 21 octobre 2013 « il n’était pas autorisé par la Loi à donner une suite favorable à la demande de restitution de l’enfant » ;
Considérant que lors de sa réunion du 13 janvier 2014 le tuteur, après accord du conseil de famille des pupilles de l’Etat du même jour, a consenti à l’adoption plénière de l’enfant pupille de l’Etat au titre de l’article L224-4 1 du CASF depuis le 30 juin 2013 par M et Mme G. qu’une requête en adoption plénière a été déposée par les époux G. devant le tribunal de grande instance de Nantes qui est en suspens dans l’attente du présent arrêt ;
Considérant, en l’espèce, que l’enfant a été admis en qualité de pupille de l’Etat au titre des dispositions du 1° de l’article L 224-8 du CASF soit le groupe d’enfants qui n’a pas de parent et que l’admission définitive de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat varie selon son appartenance à l’un des différents groupes ;
Considérant que le conseil général, qui fait état d’insécurité juridique à la date du 1er juillet 2013, date d’admission à titre définitif de Y. en qualité de pupille de l’Etat, par suite de l’intervention des décisions du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, a placé l’enfant 12 jours après cette admission et alors que le délai de recours de 30 jours visé à l’article L 224-8 du CASF n’était pas expiré ;
Considérant que les époux G. font valoir que contrairement aux conclusions du parquet général M. X. ne pouvait se prévaloir du délai de recours contre les décisions du conseil de famille, ce recours n’étant ouvert qu’au tuteur et aux membres du conseil de famille ;
Considérant que le procureur général soutient que le 30 juin 2013 la filiation de l’enfant avait été établie antérieurement par le père le 2 mai 2013, date de la reconnaissance et que le 12 juillet 2013 date de son placement pour l’adoption, l’adoption ne pouvait être considérée comme valablement et définitivement consentie ;
Considérant que les époux G. répliquent que ce n’était pas au père qu’il appartenait de consentir puisque l’enfant n’était pas identifié au moment où le consentement devait être donné, soit avant le placement effectué le 12 juillet, mais au conseil des pupilles ; qu’ils ajoutent que s’il résulte des articles 335,336,341-1 et 352 du code civil que la reconnaissance d’un enfant naturel prend effet à la date de naissance de l’enfant dès lors qu’il a été identifié, la saisine du procureur de la République date en l’espèce du 12 juillet 2013 ;
Considérant, en effet, que si M. X. a effectué le 2 mai 2013 une reconnaissance « dite avant naissance » l’enfant étant, en réalité, né le 30 avril 2013, devant l’officier d’état civil de Nantes, et si la reconnaissance d’un enfant naturel étant déclarative de filiation, ses effets remontent au jour de sa naissance et si le consentement à l’adoption est donné par le parent à l’égard duquel la filiation est établie, il doit être observé que M. X. a fait connaître qu’il avait identifié l’enfant le 12 juillet 2013, soit postérieurement au 3 juillet 2013, date à laquelle le conseil de famille des pupilles de l’Etat, qui n’était pas informé de la reconnaissance, a donné son consentement à l’adoption ;
Considérant qu’il est acquis également que M. X. n’a pas d’emblée sollicité la restitution de l’enfant et ce alors même qu’il n’a pas formé de demande en application des dispositions de l’alinéa 2 de l’article L 224-6 du CASF auprès du tuteur, seul compétent, étant observé, cependant, que le conseil général dans son courrier du 13 novembre 2013 a fait usage dans sa réponse du terme restitution ;
Considérant que l’arrêté d’admission à titre définitif en qualité de pupille de l’Etat de Y. est intervenu dans le respect des textes en vigueur, seule la question de la non expiration du délai de recours visé à l’article L 244-8 du CASF pouvant être critiquée, recours dont le point de départ était, d’ailleurs, indéterminé en l’absence de notification, tandis que l’article L 225-1 du CASF prévoit que les enfants admis en qualité de pupilles de l’Etat doivent faire l’objet d’un projet d’adoption « dans les meilleurs délais » et que l’article 351 du code civil mentionne que lorsque la filiation de l’enfant n’est pas établie, il ne peut y avoir de placement en vue de l’adoption pendant un délai de deux mois à compter du recueil de l’enfant ; que compte tenu des circonstances de l’espèce le placement en vue de l’adoption met obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine en application des dispositions de l’article 352 du Code civil ;
Considérant, par ailleurs, que Y. est au foyer de M et Mme G. depuis le 12 juillet 2013 et qu’il y évolue très favorablement ; qu’aux termes d’un rapport du 28 juillet 2014 de Mme C., psychologue du service adoption, il commence à nommer M et Mme G. « papa et maman » ; qu’il est fait référence dans ce document « à un attachement sécure et mutuel en voie de construction pour ce petit garçon » ; que la psychologue précise que « cette construction est encore fragile, car juste au seuil de la première et de la deuxième année et ajoute « que les séparations dans cette période sensible faite de repères identificatoires, de permanence et de fiabilité et de sécurité pourraient présenter des risques délétères de fragilités importantes et d’effondrement majeur, toutes les études contemporaines autour de la construction du lien s’accordent à le signifier » ;
Considérant que les époux G. versent aux débats les avis de plusieurs pédo psychiatres ; que celui du Docteur G. G. rappelle que « Y. a déjà connu la séparation à la naissance avec sa mère biologique puis avec la famille d’accueil avant placement en vue de l’adoption » et qui ajoute que « la qualité actuelle est à protéger afin qu’une séparation ne réveille pas les précédentes avec le risque grave de les transformer en rupture attaquant les bases de sa personnalité et modifier le type d’attachement qu’il met en place » ; que ce spécialiste poursuit en indiquant « que l’attaque de ces bases essentielles le met en risque d’insécurité, de création de failles narcissiques, de perte de confiance dans les relations aux figures parentales et d’interrogation confuse sur son inscription dans le milieu où il est appelé à vivre » ; qu’en conclusion il est précisé « que la qualité de l’attachement actuel permettra à Y. de situer les événements et les figures de ses origines qu’il pourrait inscrire dans son existence si on lui assure la solidité du lien qu’il a construit avec ses parents » ;
Considérant que le professeur Bernard G. a mentionné le 17 septembre 2014 « que le changement de résidence et la restitution de Y. à M. X. , son père biologique, ne pourraient être que gravement traumatiques » ; qu’il fait référence aux travaux d’un auteur comme René S. qui ont montré depuis fort longtemps « que la rupture brutale de la relation d’un enfant avec sa figure maternelle ou avec ses figures parentales au-delà du troisième semestre de vie, sont littéralement catastrophiques et viennent compromettre gravement la suite du développement psycho affectif et cognitif » ; que ce spécialiste ajoute « qu’il ne s’agit bien sûr pas de dénier l’existence du père biologique mais seulement de savoir lui faire une place qui, dans la suite de l’histoire de Y., ne compromette pas la profondeur et l’importance des liens que celui-ci a forgés avec M et Mme G., candidats à l’adoption » ; Que le professeur G. conclut à « ce qu’un droit de visite au profit de M. X. préserverait tout à fait ce droit de Y. à la connaissance de ses origines » ;
Considérant que M. X. qui sollicite la restitution de l’enfant depuis le 17 octobre 2013 « à sa famille paternelle » ne justifie d’aucun projet particulier décrivant l’accueil qui lui serait réservé ; qu’il indique seulement avoir trouvé du travail et être titulaire d’un logement ; que le conseil général produit un rapport de suivi de M. X. dans le cadre d’un aménagement de peine en date du 5 décembre 2013 aux termes duquel celui-ci est déjà père d’une petite fille de 5 ans « avec laquelle il n’a plus de contact » ; qu’il est noté que M. X. a « un caractère très immature » et présente « peu de résistance à la frustration » ; Considérant qu’il verse aux débats l’avis d’une psychanalyste Mme D. DE P. qui indique « qu’il lui paraît très grave que ce petit garçon ne sache pas qui est son père et qu’il ne puisse pas a minima, le voir régulièrement, voire vivre avec lui » ; qu’elle ajoute que celui-ci l’a en effet reconnu dès qu’il a connu sa naissance, étant d’ailleurs impliqué dans le projet parental depuis la conception » ; qu’elle indique « que tout est une question de pédagogie et que si les relations entre les protagonistes sont bien accompagnées, la situation sera moins préjudiciable à ce petit garçon à l’adolescence qu’un déni de l’existence du père pratiqué par les parents adoptifs » ;
Considérant que les rapports de suivi de l’adoption et le rapport du CMP consultations filiations établi par le Docteur L.-S. et Madame M. notent à plusieurs reprises « que les époux G. « respectent l’histoire de l’enfant qui leur a été remis pour adoption et qu’ils ont, d’ailleurs, gardé le prénom de Y. donné par l’équipe des professionnels » ;
Considérant que le professeur Marie Rose M. fait état également de ce que « M et Mme G. sont tout à fait conscients de la situation particulière de Y. et ne comptent pas occulter son histoire et l’existence de ses parents biologiques » ; qu’elle ajoute l’importance « de la reconnaissance, des conditions de naissance et de l’existence des parents biologiques, le tout dans un climat émotionnel harmonieux et aimant qui est actuellement très bien assuré par le foyer où il a été confié » ; que « toute rupture serait hautement dommageable pour Y. aujourd’hui et demain » ;
Considérant qu’il est ainsi démontré qu’il n’est pas de l’intérêt de Y. d’être confié à la garde de M. X. (termes de l’article L 224-8 du CASF) ; qu’il n’y a donc pas lieu d’annuler l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat, la décision étant infirmée de ce chef ; qu’il n’y a pas lieu d’accueillir davantage la demande de M. X. tendant à ce qu’il soit enjoint aux parties de rencontrer un médiateur familial;
Sur la demande subsidiaire de M.X. tendant à la mise en place d’un droit de visite à son profit Considérant qu’aux termes des dispositions du 3° alinéa de l’article L 224-8 du CASF « dans le cas où il rejette le recours, le tribunal peut autoriser le demandeur, dans l’intérêt de l’enfant, à exercer un droit de visite dans les conditions qu’il détermine » ;
Considérant que le professeur G. précise à ce sujet « qu’un droit de visite peut tout à fait être imaginé pour M. X. » ; qu’il ajoute que ce droit de visite « devra être pensé de manière à ne pas compromettre l’équilibre psycho affectif de l’enfant et ne saurait être mis en place sans un ensemble de dispositions et de précautions absolument indispensables ; que la question de l’âge à laquelle ce droit de visite pourra être exercé devra bien entendu être réfléchie soigneusement ; qu’ il importera aussi de choisir si ces visites doivent être ou non médiatisées (au moins dans un premier temps) et qu’ il sera également nécessaire de prendre en compte le fonctionnement psychologique du père biologique ainsi que ses capacités à entrer sans violence dans sa relation avec Y. et à s’inscrire dans un axe narratif de la filiation biologique » ;
Considérant qu’au vu de ces éléments et alors que Y. est seulement âgé de 19 mois il est prématuré d’accueillir la demande du père ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que la décision étant infirmée sur le fond, les entiers dépens seront à la charge de M. X. avec droit de recouvrement dans les conditions de l’article 699 du CPC ; que dès lors ni les conditions d’application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ni celles de l’article 700 du CPC n’étant réunies, il convient de rejeter les demandes respectives de Maître L. et de M. X. ;
Considérant, en outre, que l’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du CPC au profit du conseil général ;
PAR CES MOTIFS
La cour après rapport à l’audience,
Ordonne la jonction des procédures inscrites sous les numéros de rôle général 14/04384 et 14/04550, la procédure se poursuivant sous le numéro 14/04384
Infirme le jugement dont appel sauf en ses dispositions relatives à la recevabilité du recours introduit par M. X. sur le fondement de l’article L 224-8 du Code de l’action sociale et des familles et statuant à nouveau,
Rejette la demande de M. X. tendant à lui restituer l’enfant Y. né le 30 avril 2013 à […] Rejette la demande subsidiaire de M. X. tendant à se voir accorder un droit de visite ;
Rejette les autres demandes,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991au profit de Maître L.,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du CPC au profit de M. X. et au profit du conseil général,
Condamne M. X. aux entiers dépens avec droit de recouvrement dans les conditions de l’article 699 du CPC.
LE GREFFIER POUR LE PRESIDENT
EMPÊCHE