CAA de DOUAI
N° 15DA02026-15DA02045-15DA02046-15DA02047
Inédit au recueil Lebon
3e chambre – formation à 3
M. Albertini, président
Mme Valérie Petit, rapporteur
M. Arruebo-Mannier, rapporteur public
SOCIETE D’AVOCATS HEPTA ; SOCIETE D’AVOCATS HEPTA ; SOCIETE D’AVOCATS HEPTA ; SOCIETE D’AVOCATS HEPTA ; SOCIETE D’AVOCATS HEPTA, avocat
lecture du jeudi 21 juin 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A…E…a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler la décision du 3 avril 2003 par laquelle l’inspecteur du travail a accordé aux liquidateurs judiciaires de la SAS Metaleurop Nord l’autorisation de le licencier ainsi que la décision en date du 18 août 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé cette décision de l’inspecteur du travail.
M. F…H…a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler la décision du 3 avril 2003 par laquelle l’inspecteur du travail a accordé aux liquidateurs judiciaires de la SAS Metaleurop Nord l’autorisation de le licencier ainsi que la décision en date du 18 août 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé cette décision de l’inspecteur du travail.
M. G…B…a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler la décision du 3 avril 2003 par laquelle l’inspecteur du travail a accordé à la SAS Metaleurop Nord l’autorisation de le licencier ainsi que la décision en date du 18 août 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé cette décision de l’inspecteur du travail.
Par un jugement nos 1402812, 1402813 et 1402814 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions de l’inspecteur du travail du 3 avril 2003 et du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité du 18 août 2003 autorisant le licenciement de MM. E…, B…etH….
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n°15DA02026 le 21 décembre 2015, M…J…etD…, liquidateurs judiciaires de la SAS Metaleurop Nord, représentés par l’association d’avocats Domaniewicz, Maquinghen, Guerville, Danset demandent à la Cour :
1°) d’annuler le jugement du 4 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter les demandes présentées par MM.E…, H…et B…devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de MM.E…, H…etB…, chacun, une somme de 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II. Par un recours, enregistré sous le n°15DA02045 le 22 décembre 2015, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du 4 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E…devant le tribunal administratif ;
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III. Par un recours, enregistré sous le n°15DA02046 le 22 décembre 2015, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du 4 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. H…devant le tribunal administratif ;
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IV. Par un recours, enregistré sous le n°15DA02047 le 22 décembre 2015, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du 4 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B…devant le tribunal administratif ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code du travail ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
– les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
– et les observations de Me K…L…, représentant MM.E…, H…etB….
Considérant ce qui suit :
1. M.E…, M.H…, et M. B…ont été employés par la société Metaleurop Nord respectivement en qualité de » conditionneur absorption acide « , d’agent de maîtrise et de » premier opérateur remplaçant chef de poste « . Par des décisions du 3 avril 2003, l’inspecteur du travail a autorisé M…J…etD…, liquidateurs judiciaires de la société Metaleurop Nord, filiale de la société Metaleurop SA, à licencier MM.E…, H…etB…, salariés protégés. Ces derniers ont formé un recours hiérarchique auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité qui, par des décisions du 18 août 2003, a confirmé les décisions de l’inspecteur du travail prises à l’encontre de ces trois salariés. Par un unique jugement du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions de l’inspecteur du travail du 3 avril 2003 et du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité du 18 août 2003 autorisant le licenciement de MM. E…, B…etH…. M…J…etD…, d’une part, et le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, d’autre part, relèvent appel de ce jugement.
Sur la recevabilité des demandes de première instance présentées par MM.E…, H…etB… :
2. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance. Il appartient au juge administratif de faire application de cette règle au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d’un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d’en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.
3. Il n’est établi, ni que les recours hiérarchiques formés contre les décisions de l’inspectrice du travail du 3 avril 2003 ont fait l’objet de l’accusé de réception prévu à l’époque par les dispositions de l’article 19 de la loi du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, ni que les décisions de rejet du ministre chargé du travail du 18 août 2003 ont été notifiées à MM.E…, H…etB…. D’ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les archives administratives qui auraient, le cas échéant, comporté les documents susceptibles de l’établir, ont été détruites au terme d’une période de deux ans, en vertu de règles établies conjointement par la direction des archives de France et la direction générale du travail. Par suite, les délais de recours fixés par le code de justice administrative ne sont pas opposables à MM.E…, H…et B…en ce qui concerne les décisions du 18 août 2003.
4. Toutefois, ces mêmes décisions du 18 août 2003 du ministre en charge du travail ont été contestées par des recours, introduit le 29 avril 2014 soit presque onze ans plus tard par MM. E…, H…etB…, soit au-delà d’un délai excédant le délai raisonnable durant lequel ils pouvaient être exercés. Il n’est pas non plus allégué par les salariés qu’ils auraient eu connaissance de ces décisions du 18 août 2003 moins d’un an avant d’introduire leurs recours le 29 avril 2014 devant le tribunal administratif de Lille. Les intéressés ne se prévalent en outre d’aucune circonstance particulière qui les aurait empêchés d’exercer ce recours dans un délai raisonnable. Contrairement à ce que font valoir les salariés, cette règle de délai raisonnable ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d’un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Eu égard au principe cité au point 2, ils ne peuvent utilement faire valoir que cette règle n’était pas applicable au moment de leur saisine du tribunal administratif. Dans ces conditions, ils doivent être regardés, chacun, dans les circonstances de l’espèce, comme ayant introduit leur recours au-delà du délai raisonnable. Le ministre en charge du travail ainsi que M…J…et D…sont ainsi fondés à soutenir que les demandes présentées par MM.E…, H…et B…étaient tardives.
5. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions du 3 avril 2003 de l’inspecteur du travail ainsi que celles du 18 août 2003 du ministre chargé du travail.
Sur les frais liés à l’instance :
6. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de MM. E…, H…et B…les sommes demandées par Me M…J…et D…au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans les présentes instances, la partie perdante le versement à MM.E…, H…etB…, des sommes qu’ils demandent sur ce fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 4 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M.E…, M. H…et M. B…devant le tribunal administratif sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me C…J…, à Me I…D…, à la ministre du travail, à M. A…E…, à M. F…H…et à M. G…B….
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N°S15DA02026, 15DA02045, 15DA2046, 15DA02047
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N° »Numéro »
Analyse
Abstrats : 54-01-07 Procédure. Introduction de l’instance. Délais.