REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 1er juin 1990, présentée pour la ville de Lyon, représentée par son maire, par la SCP Bresard, Coulaud, Peycelon et Bremens, avocats ;
La ville de Lyon demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement en date du 22 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Lyon a déclaré non fondé un commandement de payer émis le 6 février 1985 à l’encontre de Mlle X… et lui a donné décharge de la somme de 271 320,27 francs,
2°) de rejeter les demandes de Mlle X… ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l’habitation ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 avril 1991 :
– le rapport de Mme Lemoyne de Forges, conseiller ;
– les observations de la SCP Bresard, Coulaud, Peycelon, Bremens, avocat de la ville de Lyon ;
– et les conclusions de M. Jouguelet, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article L.511-3 du code de la construction et de l’habitation : « En cas de péril imminent, le maire, après avertissement donné au propriétaire, provoque la nomination par le juge du tribunal d’instance d’un homme de l’art qui est chargé d’examiner l’état des bâtiments dans les 24 heures qui suivent sa nomination. Si le rapport de cet expert constate l’urgence ou le péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité et, notamment, l’évacuation de l’immeuble. Dans le cas où ces mesures n’auraient point été exécutées dans le délai imparti par la sommation, le maire a le droit de faire effectuer d’office les mesures indispensables » ; que si en vertu de ces dispositions, le maire, qui doit se limiter aux « mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité », ne peut en principe ordonner la démolition de l’immeuble en cause, une telle limitation cesse en cas de circonstances exceptionnelles ;
Considérant que, par arrêté du 12 janvier 1984, le maire de la ville de Lyon a ordonné à Mlle X… de faire procéder aux travaux d’urgence, consolidation ou démolition, prescrits par l’expert et énumérés dans le rapport de ce dernier, joint à l’arrêté ; que le 18 janvier 1984 il fut procédé d’office à la démolition de la villa ;
Considérant qu’il résulte du rapport d’expertise que, malgré les mesures conservatoires d’urgence prises antérieurement, l’état de la villa de Mlle Perrat s’était aggravé très brutalement et présentait un danger très grave et imminent pour les propriétés situées en contrebas ; que, dans sa réunion du 16 janvier 1984, la sous-commission technique des balmes avait constaté qu’il n’existait pas de mesure de confortement provisoire adaptée à la situation de l’immeuble, implanté sur un terrain en forte déclivité et surplombant des habitations, dans une zone où l’effondrement d’une maison survenu dans des circonstances peu différentes avait quelques années auparavant entraîné mort d’homme ; que compte tenu de ce que l’effondrement de la villa ou du mur de soutènement pouvait survenir inopinément, et de ce que seule l’édification d’un important barrage en béton eût été susceptible d’empêcher les blocs de maçonnerie de dévaler cette pente et percuter les habitations situées en dessous, la situation à laquelle était confronté le maire de Lyon doit être regardée comme ayant été exceptionnelle, et l’autorisait dans ces conditions à ordonner, dans le cadre de la procédure définie à l’article L.511-3 précité, la démolition de la villa de Mlle Perrat, pour autant qu’étaient réunies les autres conditions présidant à la mise en oeuvre de cette procédure ; que la ville de Lyon est donc fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont estimé que les dispositions précitées faisaient obstacle à ce que soit ordonnée la démolition du bâtiment en cause ;
Considérant toutefois, qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner l’autre moyen soulevé par Mlle X… tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;
Considérant que les dispositions des articles L.511-1 et suivants du code précité, qui prévoient notamment de mettre à la charge du propriétaire les mesures destinées à remédier à l’état de péril de son immeuble, ne sont pas applicables au cas où la ruine dont est menacé cet immeuble est exclusivement la conséquence d’accidents naturels tels que ceux qu’énumère l’article L.131-2° 6 du code des communes ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que les désordres apparus dans la villa de Mlle Perrat et qui ont donné lieu à l’arrêté du 12 janvier 1984 susmentionné, ont pour origine non un vice de construction ou un défaut d’entretien de l’immeuble mais la survenance de pluies diluviennes et l’effondrement de galeries souterraines ; que la grande profondeur desdites galeries, ainsi que leur ancienneté doivent faire regarder leur effondrement comme un accident naturel, quels qu’en soient les propriétaires ; que dès lors, s’il appartenait au maire, par application de l’article L.131-2° 6 du code des communes, de prescrire l’exécution des mesures de sûreté exigées par ces circonstances étrangères à l’immeuble, c’est à tort qu’il a engagé la procédure prévue à l’article L.511-3 du code de la construction et de l’habitation et mis à la charge de Mlle X… les frais de démolition de sa villa et les frais d’expertise ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la ville de Lyon n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a déclaré non fondé le commandement de payer émis par la ville à l’encontre de Mlle X… et l’a déchargée de la somme de 271 320,27 francs ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article R.222 susmentionné et de condamner la ville de Lyon à payer à Mlle X… la somme de 5 000 francs au titre des sommes exposées par elle et nom comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la ville de Lyon est rejetée.
Article 2 : La ville de Lyon versera à Mlle X… une somme de 5 000 francs au titre de l’article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.