Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2010, présentée pour la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP), dont le siège social est 54, quai de la Rapée, 75599 Paris cedex 12, par Me Delelis ; la RATP demande à la cour d’ordonner, à titre principal, qu’il soit, sur le fondement de l’article R 811-15 du code de justice administrative, sursis à l’exécution du jugement n° 0808815, 0808823 et 0808827 du 5 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d’une part, annulé la décision du 18 septembre 2007 par laquelle le directeur de la RATP a rejeté l’offre présentée par la société 20 MINUTES répondant à l’avis d’appel public à candidatures pour l’attribution d’autorisations précaires d’occupation du domaine public de la Régie permettant la distribution de journaux périodiques gratuits, la décision du 30 novembre 2007 par laquelle le directeur de la RATP a signé la convention autorisant la société BOLLORÉ SA à occuper le domaine public de la RATP , et la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant deux mois par le directeur de la RATP sur la demande présentée le 19 janvier 2008 par la société 20 MINUTES France tendant à ce qu’il soit mis un terme à convention d’occupation du domaine public conclue le 30 novembre 2007 avec la société BOLLORE SA, et a, d’autre part, enjoint à la RATP, si elle ne pouvait obtenir de la société BOLLORE SA qu’elle accepte la résolution de la convention d’occupation du domaine public conclue avec elle, de saisir le juge du contrat dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement aux fins de voir prononcer la résolution de ladite convention ; à titre subsidiaire , sur le fondement de l’article R. 811-17 du code de justice administrative , qu’il soit sursis à exécuter la décision du tribunal en ce qu’il lui a enjoint de saisir le juge du contrat dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement aux fins de voir prononcer la résolution de ladite convention ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 mars 2011 :
– le rapport de M. Even, rapporteur,
– les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,
– et les observations de Me Pellous pour la RATP, les observations de Me Renaux pour la société 20 MINUTES France et les observations de Me Joly pour la société BOLLORE SA ;
Après avoir pris connaissance des deux notes en délibéré enregistrées les 17 mars et 21 mars 2011 présentées pour la société 20 MINUTES France, par Me Renaux, et de la note en délibéré, enregistrée le 24 mars 2011, présentée pour la société BOLLORE SA, par Me Cabanes;
Sur l’intervention de la société BOLLORE SA :
Considérant que la société BOLLORE SA étant l’attributaire de la convention litigieuse l’autorisant à occuper le domaine public de la RATP pour distribuer des journaux gratuits a intérêt au maintien du jugement attaqué ; qu’ainsi, son intervention est recevable ;
Sur les conclusions à fin de sursis :
Considérant qu’aux termes de l’article R. 811-14 du code de justice administrative : Sauf dispositions particulières, le recours en appel n’a pas d’effet suspensif s’il n’en est autrement ordonné par le juge d’appel … ; qu’aux termes de l’article R. 811-15 du même code : Lorsqu’il est fait appel d’un jugement de tribunal administratif prononçant l’annulation d’une décision administrative, la juridiction d’appel peut, à la demande de l’appelant, ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l’appelant paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement ; qu’aux termes de l’article R. 811-17 du même code : Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l’exécution de la décision de première instance attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l’état de l’instruction ;
Considérant, en premier lieu, que s’il appartient à l’autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l’intérêt du domaine et de son affectation que dans l’intérêt général, il lui incombe en outre lorsque, conformément à l’affectation de ces dépendances, celles-ci sont le siège d’activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération le principe de liberté du commerce et de l’industrie ainsi que les diverses règles notamment de concurrence dans le cadre desquelles s’exercent ces activités ; qu’il appartient alors au juge de l’excès de pouvoir, à qui il revient d’apprécier la légalité des actes juridiques de gestion du domaine public, de s’assurer que ces actes ont été pris compte tenu de l’ensemble de ces principes et de ces règles et qu’ils en ont fait, en les combinant, une exacte application ;
Considérant que, pour annuler les décisions de la RATP susvisées, le tribunal administratif a estimé que, par l’effet conjugué du découpage des lots, de la sélection d’un seul éditeur pour le lot principal et de l’exclusivité accordée à cet éditeur, de l’absence de tout critère objectif dans la détermination du montant de la redevance, de l’existence de clauses faisant obstacle à l’installation de concurrents et visant à favoriser le candidat ayant remporté le lot principal, la RATP a porté une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l’industrie ;
Considérant que le moyen invoqué par la RATP tiré de l’absence d’atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie ne peut être regardé, en l’état de l’instruction, comme sérieux ; que, par suite, les conclusions principales de la requête de la RATP tendant, sur le fondement des dispositions précitées de l’article R.811-15 du code de justice administrative, au sursis à exécution du jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 14 septembre 2010 en tant qu’il a annulé la décision du 18 septembre 2007 par laquelle le directeur de la RATP a rejeté l’offre présentée par la société 20 MINUTES répondant à l’avis d’appel public à candidatures pour l’attribution d’autorisations précaires d’occupation du domaine public de la Régie permettant la distribution de journaux périodiques gratuits, la décision du 30 novembre 2007 par laquelle le directeur de la RATP a signé la convention autorisant la société BOLLORÉ SA à occuper le domaine public de la RATP, et la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant deux mois par le directeur de la RATP sur la demande présentée le 19 janvier 2008 par la Société 20 MINUTES France tendant à ce qu’il soit mis un terme à convention d’occupation du domaine public conclue le 30 novembre 2007 avec la société BOLLORE SA, doivent être rejetées ;
Considérant, en second lieu, que l’annulation d’un acte détachable d’un contrat n’implique pas nécessairement la nullité dudit contrat ; qu’il appartient au juge de l’exécution, saisi d’une demande d’un tiers tendant à ce qu’il soit enjoint à une partie au contrat de saisir le juge compétent afin d’en constater la nullité, de prendre en compte la nature de l’acte annulé ainsi que le vice dont il est entaché et de vérifier que la nullité du contrat ne portera pas, si elle est constatée, une atteinte excessive à l’intérêt général ; que lorsque les motifs d’annulation ne constituent pas seulement un motif de procédure, mais concernent l’objet même du contrat, les annulations impliquent nécessairement que soit recherchée la nullité du contrat sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le contrat aurait été entièrement exécuté ; que s’il ne résulte de l’instruction aucune circonstance de nature à démontrer une atteinte excessive à l’intérêt général, le requérant, dont les conclusions ne sont pas sans objet, est fondé à demander d’ordonner de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité du contrat en cause ;
Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’exécution de la décision de première instance attaquée risquerait d’entraîner des conséquences difficilement réparables pour la RATP ; que, par suite, les conclusions subsidiaires de sa requête tendant au sursis à exécution de l’injonction faite par le tribunal, si elle ne pouvait obtenir de la société Bolloré SA que cette dernière accepte la résolution de la convention d’occupation du domaine public conclue avec elle, de saisir le juge du contrat dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement aux fins de voir prononcer la résolution de ladite convention, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la RATP une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société 20 MINUTES France et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L’intervention présentée par la société BOLLORE SA est admise.
Article 2 : La requête de la RATP est rejetée.
Article 3 : La RATP versera à la société 20 MINUTES France une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.