CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE PATOUX c. FRANCE
(Requête no 35079/06)
ARRÊT
STRASBOURG
14 avril 2011
DÉFINITIF
14/07/2011
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Patoux c. France,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Dean Spielmann, président,
Elisabet Fura,
Jean-Paul Costa,
Isabelle Berro-Lefèvre,
Ann Power,
Ganna Yudkivska,
Angelika Nußberger, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 mars 2011,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 35079/06) dirigée contre la République française et dont Mme Marie-Claude Patoux et son époux, M. Olivier Patoux, ressortissants de cet Etat (« les requérants »), ont saisi la Cour le 21 août 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants sont représentés par Me R. Mayet, avocat à Versailles. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.
3. La requérante alléguait que son maintien en prison constitue un traitement contraire à l’article 3 de la Convention. Invoquant l’article 5 § 4, les requérants alléguaient que les juridictions n’avaient pas statué à « bref délai » sur la légalité de l’internement et que la procédure n’avait pas été équitable. Ils dénonçaient également une violation de l’article 5 §§ 1, 2, 3, et 5 de la Convention, et des articles 6, 8 et 13, concernant l’hospitalisation d’office de la requérante, la procédure pénale dirigée contre elle, et leur plainte avec constitution de partie civile.
4. Le 30 juin 2009, le président de la cinquième section a décidé de communiquer certains griefs tirés de la violation des articles 3 et 5 § 4 de la Convention au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Les requérants, Marie-Claude Patoux et Olivier Patoux, sont nés respectivement en 1946 et 1960 et résident à Villers-Saint-Paul (Oise).
A. Les faits antérieurs à la présente requête
6. Depuis 1997, la requérante était en conflit avec le médecin T. dont elle fut la patiente. A la suite de l’intervention de ce médecin, elle fit l’objet d’une hospitalisation d’office en 1998.
7. Par deux arrêts de la cour d’appel d’Amiens rendus les 7 novembre et 12 décembre 2002, la requérante fut déclarée coupable de faits de violence avec préméditation sans incapacité, dégradation de la propriété d’autrui, mise en danger d’autrui et délit de fuite. Par l’effet de ces deux condamnations, dont la confusion fut ordonnée le 30 décembre 2003 par la cour d’appel, la requérante fut placée sous le régime de la mise à l’épreuve pour une durée de trente-six mois, du 17 décembre 2002 au 17 décembre 2005.
B. L’hospitalisation d’office et les recours formés contre cette mesure
8. Le 29 mars 2006, le médecin T. signala au parquet de Beauvais qu’il était à nouveau harcelé par la requérante. Le jour même, les services de police interpellèrent cette dernière et la placèrent en garde à vue au commissariat de Creil.
9. Le 30 mars 2006, à la suite de la garde à vue, le maire de Villers-Saint-Paul prit un arrêté d’hospitalisation d’office provisoire de la requérante au centre hospitalier interdépartemental (ci-après « CHI ») de Clermont, sur le fondement de l’article L. 3213-2 du code de la santé publique (ci-après « CSP »). Elle fut admise au CHI le même jour.
10. Par un arrêté du 31 mars 2006, le préfet de l’Oise ordonna l’hospitalisation d’office de la requérante au même CHI, au motif que ses troubles mentaux nécessitaient des soins et compromettaient la sûreté des personnes ou portaient atteinte de façon grave à l’ordre public. L’arrêté fut pris sur le fondement des articles 3211-1 et suivants du CSP, et sur la base de deux certificats médicaux délivrés les 30 et 31 mars 2006 et de l’arrêté du maire de Villers-Saint-Paul.
11. Le 3 avril 2006, le requérant, agissant en tant que personne habilitée à agir pour son épouse, saisit le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Beauvais d’une demande de mainlevée de la mesure d’hospitalisation d’office sur le fondement de l’article L. 3211-12 du CSP.
12. Le 10 avril 2006, la requérante saisit le tribunal administratif d’Amiens d’une requête en référé-liberté sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, afin d’obtenir l’annulation de l’arrêté préfectoral du 31 mars 2006 et la fin immédiate de la mesure d’hospitalisation. A l’appui de sa requête, elle soutenait que l’arrêté préfectoral était irrégulier.
13. Le 11 avril 2006, fut délivré un autre certificat médical demandant le maintien de l’hospitalisation de la requérante.
14. Par une ordonnance du 12 avril 2006, le président du tribunal administratif, statuant en référé et sans tenir d’audience, rejeta la demande de la requérante. Le juge considéra qu’elle ne précisait pas, à l’appui de sa demande, la nature de la liberté fondamentale qui était en cause et qu’il était établi que le certificat médical n’émanait pas d’un psychiatre exerçant dans l’établissement accueillant l’intéressée. Le président en conclut qu’aucune atteinte grave et manifestement illégale n’était établie.
15. Le requérant, agissant tant en son nom propre que comme mandataire de son épouse, se pourvut en cassation contre cette ordonnance. Ils soutenaient que la mesure litigieuse violait la liberté d’aller et venir, et que la méconnaissance de cette liberté était implicitement mais nécessairement invoquée dans la requête initiale, que les certificats médicaux litigieux émanaient de médecins exerçant dans l’hôpital d’accueil et que les délais de notification de l’arrêté n’étaient pas conformes aux exigences de l’article L. 3213-9 du CSP.
16. Par une ordonnance du 19 avril 2006, le juge des référés du Conseil d’Etat rejeta le pourvoi, considérant qu’il était loisible au juge d’appel de se référer aux éléments d’appréciation résultant de l’instruction diligentée par le juge du premier degré et que les motifs invoqués par les requérants n’étaient pas de nature à justifier le caractère « manifestement illégal » de l’atteinte à la liberté fondamentale d’aller et venir portée par l’arrêté litigieux.
17. Le 25 avril 2006, la requérante et son avocat furent entendus par le juge des libertés et de la détention. Le ministère public conclut à la nécessité d’une expertise psychiatrique. L’affaire fut mise en délibéré au 27 avril 2006.
18. Par un arrêté du 26 avril 2006, le préfet de l’Oise prononça le maintien de l’hospitalisation d’office de la requérante pour une durée de trois mois à compter du 30 avril 2006, en se basant, notamment, sur un certificat médical délivré le 24 avril 2006.
19. Par une ordonnance de référé du 27 avril 2006, le juge des libertés et de la détention ordonna une expertise psychiatrique de la requérante. Il demanda qu’un pré-rapport lui soit communiqué dès la visite de la requérante et que le rapport d’expertise soit déposé dans les quinze jours.
20. Le 4 mai 2006, le médecin désigné par le juge rencontra la requérante. Le 10 mai 2006, le rapport d’expertise fut déposé. Le juge des libertés et de la détention appela l’affaire à une nouvelle audience le 17 mai 2006. A cette audience, l’avocat de la requérante sollicita une contre-expertise.
21. Par un arrêté du 11 mai 2006, le préfet de l’Oise accorda une permission de sortie à la requérante pour les 13 et 14 mai 2006.
22. Le 14 mai 2006, la requérante ne réintégra pas le CHI.
23. Le 18 mai 2006, la requérante saisit le tribunal administratif d’une requête en référé-liberté afin d’obtenir la suspension de l’exécution de l’arrêté du 26 avril 2006. Elle soutenait, à l’appui de sa requête, que l’arrêté était entaché d’irrégularité, faute de s’approprier le contenu du certificat médical exigé et de l’avoir annexé audit arrêté.
24. Par une ordonnance du 19 mai 2006, le président du tribunal administratif, statuant en référé et sans tenir d’audience, rejeta la demande de la requérante, considérant que l’irrégularité alléguée, à la supposer établie, ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté personnelle d’aller et venir. Le requérant, agissant au nom de son épouse, se pourvut en cassation.
25. Par une ordonnance de référé du même jour, le juge des libertés et de la détention dit n’y avoir lieu à la mainlevée du régime d’hospitalisation et rejeta la demande de contre-expertise, considérant qu’elle était inutile en raison de l’unanimité des avis concernant la requérante, du caractère sérieux et argumenté de l’expertise et qu’elle était, par ailleurs, impossible, la requérante étant en fugue. Dans cette ordonnance, le juge fit référence au rapport d’expertise qui établissait notamment que la requérante présentait un délire de persécution avec persécuteur désigné, qu’il s’agissait d’une personnalité psychorigide, se plaçant en victime, déniant toute pathologie, que cet état rendait impossible l’expression d’un consentement éclairé au maintien de l’hospitalisation d’office et rendait nécessaire le maintien de soins assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier, en hospitalisation d’office. Le juge ajouta que la sortie de la requérante ne pourrait se faire qu’une fois qu’elle aurait accepté un traitement neuroleptique, et qu’une amélioration serait jugée suffisante pour écarter toute dangerosité par rapport au persécuteur désigné. Le 30 mai 2006, le requérant, agissant en tant que personne habilitée à agir pour son épouse, interjeta appel de l’ordonnance.
26. Par un arrêt du 29 juin 2006, la cour d’appel d’Amiens déclara l’appel irrecevable. Elle rappela qu’en l’absence de toute disposition particulière, l’appel de la décision du président du tribunal de grande instance ou du juge des libertés et de la détention statuant en la forme des référés devait être formé, s’agissant d’une procédure contentieuse, par déclaration au greffe de la cour par l’avoué constitué par l’appelant, conformément aux dispositions du nouveau code de procédure civile.
27. Le 27 août 2006, les requérants déclarèrent se pourvoir en cassation contre l’arrêt du 29 juin 2006. Le 11 septembre 2006, le greffe de la Cour de cassation les invita à se pourvoir par l’intermédiaire d’un avocat aux Conseils ou à solliciter le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Le Gouvernement indique que le pourvoi n’a jamais été régulièrement formé ensuite.
28. Par une ordonnance du 8 janvier 2007, le Conseil d’Etat requalifia le recours formé contre l’ordonnance du 19 mai 2006 du président du tribunal administratif de pourvoi en cassation et le déclara non admis, faute d’avoir été présenté par un avocat aux Conseils, malgré une invitation à régulariser le pourvoi.
29. Par un arrêté du 30 janvier 2007, le préfet de l’Oise prononça la levée de l’hospitalisation d’office de la requérante.
C. Procédures pénales à l’encontre de la requérante
1. Délits commis en 2004 et 2005
30. La requérante fut poursuivie pour divers délits qu’elle aurait commis entre septembre 2004 et février 2005, notamment pour violence avec préméditation suivie d’une incapacité sur la personne du médecin T. Elle fut convoquée à une audience du tribunal correctionnel de Senlis le 1er avril 2005. L’affaire fut ensuite renvoyée aux audiences des 29 avril, 27 mai, 23 septembre, 12 décembre 2005 et 13 mars 2006.
31. Par un jugement du 26 juin 2006, le tribunal correctionnel de Senlis déclara la requérante notamment coupable de violences avec préméditation sans incapacité. Il la condamna à un an d’emprisonnement ferme, décerna un mandat d’arrêt à son encontre et ordonna la révocation partielle des sursis avec mise à l’épreuve attachés aux précédentes condamnations. Les juges prirent en compte l’examen psychiatrique effectué par un médecin dans une autre procédure ; ils constatèrent que la requérante présentait « une pathologie narcissique classée dans les états limites », qu’une notion de dangerosité et un risque de récidive ne pouvaient absolument pas être écartés, que des soins spécialisés au long cours étaient indiqués et qu’au moment des faits, elle était atteinte d’un trouble psychique ayant altéré son discernement et entravé le contrôle de ses actes. La requérante interjeta appel du jugement.
32. Le 13 septembre 2006, elle fut arrêtée et écrouée à la maison d’arrêt de Beauvais.
33. Par un arrêt du 31 janvier 2007, la cour d’appel d’Amiens confirma partiellement le jugement du 26 juin 2006. Elle ordonna la révocation des sursis avec mise à l’épreuve antérieurement prononcés et prononça une mesure d’interdiction des droits civils, civiques et de famille pour une durée de cinq ans. Le 2 février 2007, la requérante se pourvut en cassation.
34. Par un arrêt du 24 octobre 2007, la Cour de cassation déclara son pourvoi non admis.
2. Délits commis en 2006
35. La requérante fut également poursuivie pour divers délits qu’elle aurait commis le 29 mars 2006.
36. Par un jugement du 5 février 2007, le tribunal correctionnel de Senlis la déclara coupable de violence avec préméditation ou guet-apens sans incapacité. Il la condamna à neuf mois d’emprisonnement et rejeta sa demande de confusion des peines. La requérante interjeta appel du jugement.
37. Par un arrêt du 17 octobre 2007, la cour d’appel d’Amiens confirma le jugement dans ses dispositions relatives à la culpabilité de la requérante et la condamna à quatre mois d’emprisonnement ferme. La requérante ne se pourvut pas en cassation.
38. La requérante fut remise en liberté le 29 mai 2008.
39. Par un arrêt du 11 juin 2008, la cour d’appel d’Amiens rejeta sa demande de confusion des peines prononcées les 31 janvier et 17 octobre 2007.
3. Demandes de mise en liberté
40. La requérante déposa des demandes de mise en liberté les 15 décembre 2006, 2 et 9 février et 22 mars 2007. Par des arrêts rendus les 31 janvier, 21 mars et 29 juin 2007, la cour d’appel d’Amiens les rejeta, au motif qu’elles étaient infondées et injustifiées. La cour d’appel estima notamment que le maintien en détention de la requérante s’imposait tant pour garantir sa mise à la disposition de la justice que pour préserver l’ordre public, lequel continuait d’être troublé de façon persistante et exceptionnelle, à raison des agissements réitérés commis par cette dernière à l’encontre des fonctionnaires de la police. La cour releva également que, lors des débats des 24 janvier, 14 mars et 27 juin 2007, la requérante n’avait produit aucune pièce utile permettant de s’assurer que ses garanties de représentation seraient suffisantes et que le trouble à l’ordre public avait cessé. La cour poursuivit en considérant qu’une réitération des agissements incriminés continuait d’être d’actualité, l’intéressée restant dans une attitude de déni quant aux agissements reprochés, à l’instar de celle déjà constatée par les médecinspsychiatres du CHI de Clermont chargés de la soigner.
41. La requérante déposa une autre demande de mise en liberté le 2 novembre 2007. Le 26 décembre 2007, la cour d’appel d’Amiens déclara cette demande sans objet, l’arrêt du 31 janvier 2007 étant devenu définitif (paragraphe 33 ci-dessus).
4. Plainte avec constitution de partie civile contre X
42. Le 30 juillet 2003, la requérante déposa une plainte avec constitution de partie civile contre X auprès d’un juge d’instruction de Senlis pour des faits de violences, dégradation de bien et faux témoignages, impliquant entre autres le médecin T. et sa famille. Par une ordonnance du 13 juillet 2006, le juge d’instruction prononça un non-lieu. La requérante interjeta appel. Par un arrêt du 13 mars 2007, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Amiens confirma l’ordonnance.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
43. Concernant les voies de recours en matière d’hospitalisation d’office, il existe en droit français une double compétence juridictionnelle, fondée sur le principe de séparation des pouvoirs. A cet égard, la Cour renvoie aux paragraphes 66 à 68 de l’arrêt Baudoin c. France du 18 novembre 2010 (Baudoin c. France, no 35935/03, 18 novembre 2010).
Jusqu’en 1997, chaque ordre de juridiction pouvait accorder réparation des éventuels préjudices dans sa sphère de compétence. Cependant, dans un arrêt du 17 février 1997 (Préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, JCP. éd. G, 1997-II-22885), le Tribunal des conflits a modifié la répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions en confiant au seul juge civil l’ensemble du contentieux de la réparation (la juridiction administrative restant compétente pour apprécier la régularité des actes administratifs ordonnant l’internement). Il a ainsi statué :
« (…) si l’autorité judiciaire est seule compétente (…) pour apprécier la nécessité d’une mesure de placement d’office en hôpital psychiatrique et les conséquences qui peuvent en résulter, il appartient à la juridiction administrative d’apprécier la régularité de la décision administrative qui ordonne le placement ; (…) lorsque cette dernière s’est prononcée sur ce point, l’autorité judiciaire est compétente pour statuer sur les conséquences dommageables de l’ensemble des irrégularités entachant la mesure de placement d’office (…) »
44. Les articles L. 521-1-12 et L. 521-2 du code de justice administrative prévoient également la possibilité de saisir le juge administratif d’un référé-suspension ou d’un référé-liberté :
L. 521-1-12
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. »
L. 521-2
« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »
45. Les dispositions pertinentes du code de la santé publique sont ainsi libellées :
Article L. 3211-1
« Une personne ne peut sans son consentement ou, le cas échéant, sans celui de son représentant légal, être hospitalisée ou maintenue en hospitalisation dans un établissement accueillant des malades atteints de troubles mentaux, hormis les cas prévus par la loi et notamment par les chapitres II et III du présent titre.
Toute personne hospitalisée ou sa famille dispose du droit de s’adresser au praticien ou à l’équipe de santé mentale, publique ou privée, de son choix tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur psychiatrique correspondant à son lieu de résidence. »
Article L. 3211-12
« Une personne hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que ce soit, public ou privé, qui accueille des malades soignés pour troubles mentaux, son tuteur si elle est mineure, son tuteur ou curateur si, majeure, elle a été mise sous tutelle ou en curatelle, son conjoint, son concubin, un parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du malade et éventuellement le curateur à la personne peuvent, à quelque époque que ce soit, se pourvoir par simple requête devant le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance du lieu de la situation de l’établissement qui, statuant en la forme des référés après débat contradictoire et après les vérifications nécessaires, ordonne, s’il y a lieu, la sortie immédiate.
Une personne qui a demandé l’hospitalisation ou le procureur de la République, d’office, peut se pourvoir aux mêmes fins.
Le juge des libertés et de la détention peut également se saisir d’office, à tout moment, pour ordonner qu’il soit mis fin à l’hospitalisation sans consentement. A cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu’elle estime utiles sur la situation d’un malade hospitalisé. »
Article L. 3213-1
« A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l’Etat prononcent par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié, l’hospitalisation d’office dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l’hospitalisation nécessaire.
Dans les vingt-quatre heures suivant l’admission, le directeur de l’établissement d’accueil transmet au représentant de l’Etat dans le département et à la commission mentionnée à l’article L. 3222-5 un certificat médical établi par unpsychiatre de l’établissement (…) »
Article L. 3213-2
« En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d’en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l’Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’hospitalisation d’office dans les formes prévues à l’article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l’Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d’une durée de quarante-huit heures. »
Article L. 3213-4
« Dans les trois jours précédant l’expiration du premier mois d’hospitalisation, le représentant de l’Etat dans le département peut prononcer, après avis motivé d’un psychiatre, le maintien de l’hospitalisation d’office pour une nouvelle durée de trois mois. Au-delà de cette durée, l’hospitalisation peut être maintenue par le représentant de l’Etat dans le département pour des périodes de six mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités.
Faute de décision du représentant de l’Etat à l’issue de chacun des délais prévus à l’alinéa précédent, la mainlevée de l’hospitalisation est acquise.
Sans préjudice des dispositions qui précèdent, le représentant de l’Etat dans le département peut à tout moment mettre fin à l’hospitalisation après avis d’un psychiatre ou sur proposition de la commission mentionnée à l’article L. 3222-5. »
46. L’article D. 398 du code de procédure pénale se lit comme suit :
« Les détenus atteints des troubles mentaux visés à l’article L. 342 du code de la santé publique ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire.
Au vu d’un certificat médical circonstancié et conformément à la législation en vigueur, il appartient à l’autorité préfectorale de faire procéder, dans les meilleurs délais, à leur hospitalisation d’office dans un établissement de santé habilité au titre de l’article L. 331 du code de la santé publique.
Il n’est pas fait application, à leur égard, de la règle posée au second alinéa de l’article D. 394 concernant leur garde par un personnel de police ou de gendarmerie pendant leur hospitalisation. »
47. L’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire (ancien article L. 781-1) est libellé comme suit :
Article L. 141-1
« L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.
Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »
48. Extrait du jugement du 14 septembre 2005 du tribunal de grande instance de Paris :
« Le fait d’attendre une décision de mainlevée immédiate d’un placement en raison d’un fonctionnement défectueux de l’institution judiciaire, gardienne des libertés individuelles, pendant plus de deux mois est constitutif d’un préjudice moral certain. »
EN DROIT
I. SUR LA QUALITÉ DE VICTIME DU REQUÉRANT
49. D’emblée, la Cour estime nécessaire de se prononcer sur le point de savoir si le requérant, M. Patoux, peut se prétendre « victime » des violations alléguées de la Convention.
50. Aux termes de l’article 34 de la Convention, « la Cour peut être saisie d’une requête par toute personne physique (…) qui se prétend victime d’une violation par l’une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles (…) ».
51. La Cour rappelle que selon sa jurisprudence constante, par « victime » l’article 34 désigne la personne directement concernée par l’acte ou l’omission litigieux, c’est-à-dire la personne ayant un intérêt personnel, direct et valable à obtenir qu’il y soit mis fin (Gayduk et autres c. Ukraine (déc.), nos 45526/99 et autres, CEDH 2002-VI).
52. En l’espèce, bien que le requérant ait agi en son nom et comme mandataire de son épouse dans diverses procédures internes, la Cour constate qu’il n’était pas directement concernépar les mesures critiquées qui visaient uniquement son épouse. Il ne saurait se prétendre lui-même victime d’une situation qui aurait porté atteinte aux droits de son épouse, sans établir en quoi cette situation a affecté directement les siens.
53. Il s’ensuit que pour autant que la requête a été introduite par le requérant, elle est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 a) et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
54. La requérante estime que son maintien en détention en établissement pénitentiaire de septembre 2006 au 30 janvier 2007 – alors qu’elle faisait toujours l’objet d’une mesure d’hospitalisation d’office – constitue un traitement contraire à l’article 3 de la Convention. Elle se plaint également de n’avoir pas bénéficié de soins psychiatriques appropriés. L’article 3 de la Convention est ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
55. Le Gouvernement expose que ce grief est irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes car il n’aurait pas été invoqué devant les juridictions internes. En outre, la requérante n’aurait saisi la Cour de ce grief qu’en janvier 2007, soit quatre mois après son incarcération. Enfin, le Gouvernement fait valoir que, durant sa détention, elle a bénéficié d’une surveillance médicale étroite, de soins médicaux et de traitements appropriés ; à cet égard, il renvoie à divers avis médicaux et expertises psychiatriques effectués avant son incarcération et ajoute que dès la consultation psychiatrique initiale de la requérante, son traitement médicamenteux a été réévalué, qu’elle s’est entretenue à quatorze reprises avec un médecin généraliste entre septembre 2006 et mai 2008, et qu’à partir du début de l’année 2007, elle a été prise en charge par un psychologue jusqu’à sa libération. Le Gouvernement ajoute qu’à partir du moment où la détention de la requérante était effective, son retour en hospitalisation d’office ne pouvait s’envisager que sur le fondement de l’article D. 398 du code de procédure pénale. Or, le psychiatre qui a consulté la requérante le 14 septembre 2006 n’a pas estimé nécessaire son retour en hôpital.
56. En réplique, la requérante conteste avoir rencontré à quatorze reprises un médecin généraliste, tout en ajoutant que ce dernier n’avait aucune compétence en matière psychiatrique.
57. La Cour relève que ce grief, par ailleurs insuffisamment étayé, n’a pas été invoqué devant les juridictions internes, notamment à l’appui de ses demandes de mise en liberté.
58. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION
59. La requérante allègue que les juridictions judiciaires n’ont pas statué « à bref délai » sur sa demande de sortie immédiate du centre hospitalier interdépartemental (« CHI ») de Clermont où elle avait été internée. Elle dénonce une violation de l’article 5 § 4 de la Convention. Sous l’angle des articles 5 § 5, 6 § 1 et 13, elle dénonce également l’absence de voie de recours permettant de faire accélérer les procédures visant à obtenir la sortie immédiate ou la suspension de l’exécution des mesures litigieuses dans un « bref délai ».
60. Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, la Cour estime que le second grief est identique au premier et qu’il doit être examiné uniquement sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention, qui se lit comme suit :
«Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »
61. Le Gouvernement s’oppose à la thèse de la requérante. A titre principal, il soulève deux exceptions d’irrecevabilité tirées du non-épuisement des voies de recours internes et de la tardiveté de la requête. A titre subsidiaire, le Gouvernement fait valoir que le grief est manifestement mal fondé.
A. Sur la recevabilité
62. S’agissant tout d’abord de l’exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes, le Gouvernement soutient que la requérante n’a pas régulièrement formé de pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel du 29 juin 2006 et qu’elle aurait pu engager une action en indemnisation sur le fondement de l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire (désormais article L. 141-1) afin de mettre en cause la responsabilité de l’Etat pour la lenteur supposée de la justice et obtenir réparation. A cet égard, il cite un extrait du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 14 septembre 2005 (paragraphe 50 ci-dessus).
63. La Cour rappelle que l’article 5 § 4 de la Convention a précisément pour fondement – notamment par l’exigence qu’il comporte qu’il soit statué à « bref délai » – de garantir l’effectivité de la voie de recours instituée aux fins d’examen de la légalité de la privation de liberté d’un individu. Elle ne saurait donc astreindre les Etats contractants à la mise en place, et parallèlement les requérants à l’épuisement, d’une voie de recours interne destinée à faire respecter les garanties de l’article 5 § 4 (voir, notamment, Menvielle c. France (no 2), no 97/03, § 33, 16 janvier 2007 et Baudoin c. France (déc.), no 35935/03, 27 septembre 2007). En conséquence, la Cour rejette cette exception.
64. Le Gouvernement soutient ensuite que la requête doit être rejetée comme tardive car la requérante n’a déposé le formulaire de requête et les informations complémentaires que le 18 janvier 2007, soit plus de cinq mois après sa première lettre adressée à la Cour le 20 août 2006.
65. La requérante fait valoir que cette tardiveté ne peut lui être opposée dans la mesure où les ordonnances du juge des référés administratif des 12 avril et 19 mai 2006 avaient fait l’objet de pourvois devant le Conseil d’Etat.
66. La Cour rappelle que la date d’introduction d’une requête est celle de la première lettre par laquelle un requérant formule, ne serait-ce que sommairement, les griefs qu’il entend soulever. Cependant, lorsqu’un intervalle de temps important s’écoule avant qu’un requérant ne donne les informations complémentaires nécessaires à l’examen de la requête, il y a lieu d’examiner les circonstances particulières de l’affaire pour décider de la date à considérer comme date d’introduction de la requête (Gaillard c. France (déc.), no 47377/99, 11 juillet 2000).
67. Dans la présente affaire, la Cour note que la première communication de la requérante, parvenue à la Cour le 23 août 2006, contenait l’exposé des faits de l’espèce, ses griefs tirés de la violation de l’article 5 § 4 de la Convention accompagnés de ses observations, ainsi que les décisions internes des 12 et 19 avril 2006 et 29 juin 2006. L’intervalle de cinq mois écoulé entre la première communication et la date de réception du formulaire de requête, à savoir le 18 janvier 2007, ne saurait être considéré comme un intervalle « important » de temps (en ce sens, voir Paulescu c. Roumanie, no 34644/97, § 27, 10 juin 2003, et Belkiza Kaya et autres et İbrahim Kaya et İbrahim Kaya c. Turquie (déc.), nos 33420/96 et 36206/97, 2 septembre 2003). Partant, la Cour rejette cette exception.
68. Par ailleurs, la Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
69. Selon la requérante, en examinant sa demande de sortie immédiate quarante-six jours après avoir été saisi, le juge des libertés et de la détention n’a pas statué à « bref délai » sur la légalité de son internement, comme l’exige l’article 5 § 4 de la Convention.
70. Le Gouvernement s’oppose à la thèse de la requérante et fait valoir que le délai doit être apprécié aux vu des circonstances de la cause. Il ajoute que le juge des libertés et de la détention n’est pas tenu de statuer sur la demande de sortie immédiate dans un délai déterminé, mais « après un débat contradictoire et après les vérifications nécessaires ». S’appuyant sur la décision Boucheras c. France (no 14438/88, décision de la Commission du 11 avril 1991), le Gouvernement estime qu’en l’espèce, la période de quarante-six jours pour statuer sur la demande de la requérante n’a pas excédé le « bref délai » prévu par l’article 5 § 4 de la Convention. Cette conclusion serait renforcée par le fait qu’à partir du 13 mai 2006, le régime juridique de la requérante ne relevait plus de l’article 5 de la Convention, celle-ci ayant bénéficié d’une permission de sortie à l’issue de laquelle elle n’a pas réintégré l’hôpital. Concernant l’appel formé par la requérante à l’encontre de l’ordonnance du 19 mai 2006, le Gouvernement fait valoir qu’il n’a pas été effectué dans les formes et selon les procédures prescrites. Il ajoute que la cour d’appel a statué le 29 juin 2006, soit dix-neuf jours après avoir été saisie.
71. La Cour rappelle qu’en garantissant aux personnes arrêtées ou détenues un recours pour contester la régularité de leur privation de liberté, l’article 5 § 4 de la Convention consacre aussi le droit pour elles, à la suite de l’institution d’une telle procédure, d’obtenir à bref délai une décision judiciaire concernant la régularité de leur détention et mettant fin à leur privation de liberté si elle se révèle illégale (voir, par exemple, Menvielle c. France (no 2), précité, § 23, Musiał c. Pologne [GC], no 24557/94, § 43, CEDH 1999-II, et Baranowski c. Pologne, no 28358/95, § 68, 28 mars 2000, CEDH 2000-III).
72. Le souci dominant que traduit cette disposition est bien celui d’une certaine célérité de la justice. Pour arriver à une conclusion définitive, il y a donc lieu de prendre en compte les circonstances de l’affaire et notamment le délai à l’issue duquel une décision a été rendue par les autorités judiciaires (voir E. c. Norvège, 29 août 1990, § 64, série A no 181‑A, et Delbec c. France, no 43125/98, § 33, 18 juin 2002).
73. La Cour constate qu’en l’espèce, la requérante a déposé sa demande de sortie immédiate le 3 avril 2006 et que c’est plus de vingt jours après que le juge des libertés et de la détention a entendu la requérante en audience et ordonné une expertise psychiatrique. Le rapport d’expertise a été ensuite déposé le 10 mai 2006 et la requérante a, une fois encore, été convoquée par le juge à l’audience du 17 mai suivant. Le juge a rendu une ordonnance de rejet le 19 mai 2006, soit quarante-six jours après le dépôt de la demande de sortie immédiate. La Cour note également que la cour d’appel a statué un mois après avoir été saisie.
74. Bien que la requérante ait été autorisée à sortir du CHI le 13 mai 2006 sans l’avoir réintégré par la suite, il convient de souligner qu’elle était susceptible d’être réinternée à tout moment dès lors que l’arrêté d’hospitalisation d’office n’était pas levé et que le tribunal n’avait pas statué.
75. Comparant le cas d’espèce avec d’autres affaires où elle a conclu au non-respect de l’exigence de « bref délai » au sens de l’article 5 § 4 (voir, par exemple, L.R. c. France, no 33395/96, § 38, 27 juin 2002, et Mathieu c. France, no 68673/01, § 37, 27 octobre 2005, où il s’agissait, respectivement, de délais de vingt-quatre jours et de plus de quatre mois), la Cour estime que le retard dénoncé par la requérante est excessif.
76. Au vu de ce qui précède, la Cour estime que les autorités compétentes, s’agissant d’une procédure particulière dont le but était de faire statuer sans délai sur une demande de sortie immédiate, n’ont pas statué « à bref délai ».
77. Partant, il y a eu, en l’espèce, violation de l’article 5 § 4 de la Convention.
IV. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
A. Légalité de l’hospitalisation d’office et de la détention (article 5 § 1)
78. La requérante dénonce l’irrégularité de son hospitalisation d’office au CHI intervenue en mars 2006. Elle allègue également que son placement en détention le 13 septembre 2006 était illégal dans la mesure où elle faisait toujours l’objet d’un arrêté d’hospitalisation d’office, qui n’a été levé que le 30 janvier 2007. Elle invoque l’article 5 §§ 1 e), 3 et 4 de la Convention.
79. Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, la Cour estime que ces griefs doivent être examinés uniquement sous l’angle de l’article 5 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
a) s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;
(…)
e) s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ; »
1. La légalité de l’hospitalisation d’office
80. A supposer les voies de recours internes épuisées, la Cour relève que la requérante a été internée le 30 mars 2006 au CHI de Clermont en vertu d’arrêtés d’hospitalisation d’officemotivés, pris sur le fondement de dispositions du code de la santé publique (notamment les articles L. 3211-1, 3213-1, 3213-2, 3213-4 ; paragraphe 45 ci-dessus), par le maire de Villers‑Saint-Paul puis par le préfet de l’Oise, sur la base de certificats médicaux délivrés par des médecins qui ont pu examiner l’état de santé de la requérante. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que la requérante a été placée en hospitalisation d’office, au terme d’une procédure prévue par la loi, au sens de l’article 5 § 1 e) de la Convention.
2. La légalité de la détention en établissement pénitentiaire
81. Dans la mesure où la requérante remet en cause la légalité de sa détention intervenue entre le 13 septembre 2006, date à laquelle elle a été écrouée à la maison d’arrêt de Beauvais, et le 29 mai 2008, date à laquelle elle a été remise en liberté, la Cour relève qu’elle a été privée de liberté en exécution d’un mandat d’arrêt décerné le 26 juin 2006 par le tribunal correctionnel de Senlis qui l’a déclarée coupable de divers délits et l’a condamnée à une peine d’un an d’emprisonnement. La requérante a donc été condamnée, au terme d’une procédure prévue par la loi, par un tribunal compétent au sens de l’article 5 § 1 a) de la Convention.
82. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
B. Notification de la mesure (article 5 § 2)
83. La requérante estime que l’information qui lui a été délivrée concernant la mesure d’hospitalisation d’office a été lacunaire. Elle invoque l’article 5 §§ 2 et 4 de la Convention.
84. La Cour relève que le grief n’est pas suffisamment étayé et que la requérante n’a pas saisi le juge administratif de ce grief alors même que dans l’arrêt du 17 février 1997, le Tribunal des conflits a explicitement confirmé la compétence de ce juge en la matière (paragraphe 43 ci-dessus ; voir également Baudoin (déc.), précité). Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1, 3 a) et 4 de la Convention.
C. Présentation à un juge (article 5 § 3)
85. Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, la requérante soutient que son internement a eu lieu dans le cadre de son incrimination pour divers délits et qu’elle n’a été présentée à un juge qu’un mois après son admission au CHI, à la suite de la saisine des juges des libertés et de la détention.
86. Concernant tout d’abord la première branche du grief, la Cour estime qu’elle vise en réalité à contester la légalité de son internement au sens de l’article 5 § 1 e) de la Convention, grief qu’elle a précédemment déclaré irrecevable (paragraphes 80 et 82 ci-dessus).
87. Quant à la seconde branche du grief, le Gouvernement soutient qu’elle est irrecevable. Expliquant en détail les différents régimes juridiques dont relevait la requérante, il précise qu’elle a été interpellée et placée en garde à vue le 29 mars 2006 et placée en hospitalisation d’office le lendemain.
88. En réplique, la requérante fait valoir que son internement a été décidé sans qu’elle soit présentée à un juge et assistée d’un avocat.
89. La Cour rappelle qu’il ne saurait y avoir violation du paragraphe 3 de l’article 5 de la Convention si l’intéressé recouvre sa liberté « aussitôt » avant qu’un contrôle judiciaire de la détention ait pu se réaliser (voir, notamment, Brogan et autres c. Royaume-Uni, 29 novembre 1988, § 58, série A no 145‑B, De Jong, Baljet et Van den Brink c. Pays-Bas, 22 mai 1984, § 52, série A no 77, et Vionnet-Fuasset et Alain Herard c. France (déc.), no 16914/05, 13 septembre 2005). C’est seulement si l’élargissement n’a pas lieu « aussitôt » que l’intéressé a le droit de comparaître rapidement devant un juge ou « autre magistrat judiciaire ». La célérité de pareille procédure doit s’apprécier dans chaque cas suivant les circonstances de la cause. En l’espèce, la Cour constate que la requérante a été placée en garde à vue le 29 mars 2006 et qu’elle n’a été retenue que jusqu’au lendemain, pour être transférée et placée au CHI de Clermont sous le régime de l’hospitalisation d’office qui relève du champ d’application de l’article 5 § 1 e). Dans ces conditions, compte tenu de la rapidité avec laquelle la mesure incriminée a pris fin, la requérante ne saurait se plaindre d’une violation de l’article 5 § 3 au motif qu’elle n’a pas bénéficié d’un contrôle judiciaire immédiat.
90. La Cour en conclut que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4.
D. Équité des procédures devant les juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif et respect du « bref délai » devant le juge des référés administratif (article 5 § 4)
1. Devant les juridictions judiciaires
91. Sous l’angle des articles 5 § 4 et 6 § 1 de la Convention, la requérante dénonce l’iniquité de la procédure devant les juridictions judiciaires : selon elle, le contradictoire, l’égalité des armes et les droits de la défense n’ont pas été respectés ; et, le fait de lui avoir imposé le ministère d’avoué en appel n’est pas compatible avec cette disposition. Enfin, la requérante dénonce l’imposition du ministère d’avocats aux Conseils devant la Cour de cassation.
92. S’agissant de la première branche du grief, la Cour prend note de l’information du Gouvernement selon laquelle aucun pourvoi n’a été régulièrement formé contre l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 29 juin 2006, et constate que la requérante ne contredit pas cette information (paragraphe 27 ci-dessus). Elle n’a donc pas épuisé les voies de recours internes, comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention.
93. S’agissant de la seconde branche du grief, la Cour a déjà jugé que la spécificité de la procédure devant les juridictions de cassation, considérée dans sa globalité, « peut justifier de réserver aux seuls avocats spécialisés le monopole de la prise de parole et qu’une telle réserve n’est pas de nature à remettre en cause la possibilité raisonnable qu’ont les requérants de présenter leur cause dans les conditions qui ne les placent pas dans une situation désavantageuse » (Meftah et autres c. France [GC], nos 32911/96, 35237/97 et 34595/97, § 47, CEDH 2002‑VII). Il appartenait donc à la requérante de solliciter l’assistance d’un de ces avocats et de demander, le cas échéant, l’aide juridictionnelle. Or, en l’espèce, elle ne l’a pas fait malgré une demande de régularisation du greffe de la Cour de cassation. Ce grief est donc manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention.
94. Partant, cette partie de la requête doit être doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1, 3 a) et 4 de la Convention.
2. Devant les juridictions administratives
95. Sous l’angle des articles 5 § 4 et 6 § 1 de la Convention, la requérante estime que le Conseil d’Etat n’a pas statué à « bref délai » sur son recours et dénonce l’iniquité de la procédure devant les juridictions administratives.
96. La Cour estime que ce grief doit être examiné sous l’angle de l’article 5 qui est lex specialis par rapport à l’article 6 de la Convention en matière de détention ou d’internement (Laidin c. France (déc.), no 3191/98, 24 août 1999).
97. En l’espèce, la Cour constate que pour contester la légalité de son internement devant les juridictions administratives, la requérante n’a déposé que des recours en référé-liberté fondés sur l’article 521-2 du code de justice administrative (paragraphes 12 et 23 ci-dessus).
98. Or, dans l’arrêt Baudoin c. France du 18 novembre 2010, elle a considéré que ni le référé-suspension prévu par l’article L. 521‑1‑12 du code de justice administrative ni le mécanisme de référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 de ce même code (paragraphe 44 ci-dessus) ne tombaient sous l’empire de l’article 5 § 4 de la Convention (voir Baudoin c. France, no 35935/03, § 103, 18 novembre 2010).
99. Il s’ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 a) et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4.
E. Droit à réparation (article 5 § 5)
100. La requérante dénonce l’absence de voie de recours pour obtenir réparation du préjudice né du non-respect du « bref délai ». Elle invoque l’article 5 § 5 de la Convention, qui se lit comme suit :
« Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »
101. La Cour rappelle la jurisprudence selon laquelle l’article 5 § 5 précité « se trouve respecté dès lors que l’on peut demander réparation du chef d’une privation de liberté opérée dans des conditions contraires aux paragraphes 1, 2, 3 ou 4 » (Wassink c. Pays-Bas, 27 septembre 1990, § 38, série A no 185‑A). Elle a déjà observé que, par un arrêt du Tribunal des conflits du 17 février 1997, le système de réparation des irrégularités contestées en la matière a été simplifié et permet aux intéressés de ne s’adresser qu’à un seul juge pour être indemnisés (voir, entre autres, Pourtal et Baudoin (déc.), précités). Le droit français assure ainsi la jouissance effective du droit garanti par les dispositions de l’article 5 § 5 avec un degré suffisant de certitude.
102. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
F. Griefs tirés des articles 8 et 13 de la Convention
103. Invoquant les articles 8 et 13 de la Convention, la requérante estime qu’elle n’a pas disposé de voie de recours pertinente pour s’opposer à toute contrainte de soins.
104. La Cour relève que la requérante n’a formé aucun recours devant les juridictions internes afin de contester spécifiquement son traitement médical. Or, comme dans les affaires Menvielle et Baudoin où des griefs identiques étaient soulevés, elle relève que la requérante pouvait former un recours en responsabilité contre le service public hospitalier devant le juge administratif (voir Menvielle (no 2), précité, §§ 38-40, et Baudoin (déc.), précité).
105. Partant, la Cour estime que le grief tiré de l’article 8 doit être déclaré irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention et rejeté en application de l’article 35 § 4.
106. Quant au grief tiré de la violation de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 8, selon la jurisprudence constante de la Cour, l’article 13 ne s’applique que lorsqu’une personne prétendant être victime d’une violation d’un droit protégé par la Convention peut faire état d’un « grief défendable ». Or, ce n’est pas le cas en l’espèce.
107. Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 a) et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
G. Autres griefs
108. La requérante dénonce l’absence de motivation de l’arrêt de la Cour de cassation du 24 octobre 2007 (paragraphe 34 ci-dessus). La Cour estime opportun d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 6 § 3 de la Convention. Elle constate tout d’abord qu’elle n’a été saisie de ce grief que le 10 juillet 2008, soit plus de six mois après la décision incriminée. Ensuite, la Cour rappelle qu’elle a déjà jugé la procédure de non-admission des pourvois devant la Cour de cassation fondée sur l’article 567-1-1 du code de procédure pénale conforme à la Convention (voir Kotoujansky c. France (déc.), no 16157/07, 25 septembre 2008). Ce grief doit donc être rejeté en application de l’article 35 §§ 1, 3 a) et 4 de la Convention.
109. La requérante dénonce le délai d’instruction des demandes de mise en liberté et le rejet de ces demandes par la cour d’appel, et conteste l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 17 octobre 2007 l’ayant condamnée à une peine de quatre mois d’emprisonnement. Outre que le fait que les pièces du dossier ne font apparaître aucune violation de la Convention, la Cour relève que la requérante n’a pas formé de recours contre les décisions critiquées. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1, 3 a) et 4 de la Convention.
110. La requérante dénonce la lenteur de la procédure devant les juridictions pénales. La Cour rappelle que tout grief tiré de la durée d’une procédure judiciaire, introduit devant elle après le 20 septembre 1999, sans avoir préalablement été soumis aux juridictions internes dans le cadre d’un recours fondé sur l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire (paragraphe 47 ci-dessus), est en principe irrecevable, quel que soit l’état de la procédure au plan interne (Mifsud c. France (déc.) [GC], no 57220/00, CEDH 2002-VIII). Or, en l’espèce, la requérante ne justifie pas avoir exercé ce recours préalablement à la saisine de la Cour. Ce grief doit donc être déclaré irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
111. Enfin, s’agissant du reste des griefs, compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. Partant, cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
112. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
113. Au titre du préjudice moral, la requérante réclame 75 000 euros (EUR) en raison de la gravité des conséquences des violations constatées sur sa situation. Concernant le préjudice matériel, elle explique qu’il peut s’entendre de la perte d’une chance pour elle d’exercer un emploi rémunéré de mars à septembre 2006. Prenant en compte la rémunération minimum légale en France, la requérante l’évalue à 10 000 EUR.
114. Le Gouvernement estime que les demandes de la requérante sont manifestement excessives et que leurs liens avec les violations alléguées ne sont pas établis. Concernant la demande en réparation du préjudice moral, il fait valoir que la requérante n’apporte aucune précision de nature à en justifier le montant. Selon lui, une somme de 2 000 EUR constituerait une réparation adéquate du préjudice moral éventuellement subi. Quant à la demande en réparation du préjudice matériel, le Gouvernement conteste l’existence d’un lien de causalité entre les griefs invoqués et le préjudice hypothétique de « perte de chance » d’exercer un travail salarié. Le seul constat de violation constituerait une réparation adéquate du préjudice éventuellement subi et, en tout état de cause, une réparation d’ordre monétaire ne pourrait qu’être symbolique.
115. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué. Partant, elle rejette cette demande. En revanche, elle estime que la requérante a subi un préjudice moral du fait de la durée de l’examen de sa demande de sortie immédiate du centre hospitalier. Statuant en équité, comme le veut l’article 41, la Cour lui alloue 5 000 euros à ce titre.
B. Frais et dépens
116. La requérante demande 19 993,32 EUR pour frais et dépens et produit cinq notes d’honoraires.
117. Le Gouvernement estime que la somme demandée est disproportionnée et pourrait être ramenée à 1 440 EUR. Certaines notes d’honoraires relatives aux procédures internes ne distingueraient pas les frais engagés pour prévenir ou faire corriger les violations alléguées.
118. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 60 du règlement,
« 1. Tout requérant qui souhaite que la Cour lui accorde une satisfaction équitable au titre de l’article 41 de la Convention en cas de constat d’une violation de ses droits découlant de celle-ci doit formuler une demande spécifique à cet effet.
2. Sauf décision contraire du président de la chambre, le requérant doit soumettre ses prétentions, chiffrées et ventilées par rubrique et accompagnées des justificatifs pertinents, dans le délai qui lui a été imparti pour la présentation de ses observations sur le fond.
3. Si le requérant ne respecte pas les exigences décrites dans les paragraphes qui précèdent, la chambre peut rejeter tout ou partie de ses prétentions.
4. Les prétentions du requérant sont transmises au gouvernement défendeur pour observations. »
119. La Cour rappelle également que l’allocation des frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002). Il s’agit en l’occurrence de la violation de l’article 5 § 4 de la Convention, résultant du non-respect du « bref délai » par les juridictions judiciaires. Compte tenu des éléments en sa possession et des critères qui se dégagent de sa jurisprudence, la Cour estime que le montant sollicité ne saurait en l’espèce être considéré comme raisonnable et décide d’allouer à la requérante la somme de 2 500 EUR pour les frais et dépens.
C. Intérêts moratoires
120. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief de la requérante tiré du non-respect du « bref délai » au sens de l’article 5 § 4 de la Convention pour statuer sur sa demande de sortie immédiate et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;
3. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 5 000 EUR (cinq mille euros) pour dommage moral et 2 500 EUR (deux mille cinq cents euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la requérante ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 avril 2011, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Claudia Westerdiek – Greffière
Dean Spielmann -Président