REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu I°), sous le n° 14PA00226, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 et 24 janvier 2014, présentés par le préfet de police, qui demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1306958 du 18 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 22 avril 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B…A…, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d’office à la frontière à l’expiration de ce délai ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B…A…devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu II°), sous le n° 14PA00358, la requête, enregistrée le 24 janvier 2014, présentée par le préfet de police, qui demande à la Cour, sur le fondement de l’article R. 811-15 du code de justice administrative, d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution du jugement n° 1306958 du 18 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 22 avril 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B…A…, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d’office à la frontière à l’expiration de ce délai ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires ;
Vu la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l’intérieur du 28 novembre 2012 sur les conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 mai 2014 :
– le rapport de M. Couvert-Castéra, président assesseur,
– les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,
– et les observations de MeC…, substituant Me Benhamou, avocat de M. B… A…;
1. Considérant que, par une requête enregistrée sous le n° 14PA00226, le préfet de police relève appel du jugement en date du 18 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d’une part, annulé son arrêté en date du 22 avril 2013 refusant de délivrer à M. B…A…, ressortissant colombien, un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d’office à la frontière à l’expiration de ce délai et, d’autre part, lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour de l’intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement ; que, par une requête enregistrée sous le n° 14PA00358, le préfet de police demande à la Cour d’ordonner le sursis à exécution de ce jugement ; que ces deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’un seul arrêt ;
Sur la requête n° 14PA00226 :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : » Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7° A l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l’article L. 311-7 soit exigée. L’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (…) » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 313-14 du même code : » La carte de séjour temporaire mentionnée à l’article L. 313-11 (…) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir (…) » ;
3. Considérant que lorsqu’il est saisi d’une demande de délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de l’une des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est loisible au préfet d’examiner d’office si l’intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d’une autre disposition de ce code ; qu’il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu’aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d’un étranger en lui délivrant le titre qu’il demande ou un autre titre, compte tenu d’éléments de sa situation personnelle dont il justifierait ;
4. Considérant qu’aux termes des deuxième et troisième alinéas de la circulaire du 28 novembre 2012 susvisée du ministre de l’intérieur, adressée aux préfets et publiée, conformément aux prescriptions du décret du 8 décembre 2008 susvisé, sur le site internet Légifrance : » (…) les demandes des étrangers en situation irrégulière qui sollicitent une admission exceptionnelle au séjour doivent faire l’objet d’un examen approfondi, objectif et individualisé sur la base des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du CESEDA en tenant compte notamment de leur intégration dans la société française, de leur connaissance des valeurs de la République et de la maîtrise de la langue française. / A cet effet, la présente circulaire (…) précise les critères d’admission au séjour sur la base desquels vous pourrez fonder vos décisions. Elle est destinée à vous éclairer dans l’application de la loi et dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui vous est reconnu par la législation » ;
5. Considérant qu’au sein du paragraphe 2 de cette circulaire, intitulé » Les critères d’admission exceptionnelle au séjour « , le point 2.1.1, qui concerne la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale » aux parents d’enfants scolarisés, indique que : » (…) lorsqu’un ou plusieurs de leurs enfants sont scolarisés, la circonstance que les deux parents se trouvent en situation irrégulière peut ne pas faire obstacle à leur admission au séjour. / Il conviendra, pour apprécier une demande émanant d’un ou des parents d’un enfant scolarisé en France, de prendre en considération les critères cumulatifs suivants : / – une vie familiale caractérisée par une installation durable du demandeur sur le territoire français, qui ne pourra être qu’exceptionnellement inférieure à cinq ans ; / – une scolarisation en cours à la date du dépôt de la demande d’admission au séjour d’au moins un des enfants depuis au moins trois ans, y compris en école maternelle (…) » ;
6. Considérant que, par ces énonciations, le ministre de l’intérieur a, sans limiter le pouvoir d’appréciation des préfets dans l’application des dispositions législatives mentionnées au point 2 ci-dessus ni le pouvoir discrétionnaire de régulariser la situation d’un étranger qui leur appartient, indépendamment de ces dispositions, et sans édicter aucune condition nouvelle de caractère réglementaire, défini des orientations générales applicables à la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale » aux ressortissants étrangers en situation irrégulière ayant au moins un enfant scolarisé en France ; que les énonciations citées au point 5 ci-dessus de la circulaire du ministre de l’intérieur du 28 novembre 2012 constituent des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir ;
7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à l’appui de sa demande d’admission exceptionnelle au séjour, déposée le 28 février 2013, M. B…A…s’est prévalu de la circulaire du 28 novembre 2012 susvisée du ministre de l’intérieur en faisant valoir que, marié depuis le 11 octobre 2002 à une compatriote, qui était en situation irrégulière en France à la date de sa demande, il résidait sur le territoire français depuis le 26 mai 2007, soit depuis plus de cinq ans à la date du dépôt de cette demande, et que leur fils, né le 15 juin 2003, était scolarisé en France depuis septembre 2009, soit depuis plus de trois ans à cette même date ;
8. Considérant que pour rejeter, par son arrêté du 22 avril 2013, la demande de titre de séjour présentée par M. B…A…, au motif que celui-ci ne remplissait aucune des conditions prévues par le 7° de l’article L. 313-11 ou par l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet de police, s’il a notamment mentionné que l’intéressé était » père d’un enfant né le 15 juin 2003 en Colombie et arrivé en France à l’âge de 4 ans » et que » la présence d’un enfant mineur, scolarisé en France » ne faisait » pas obstacle à l’éloignement « , n’a ni visé la circulaire du ministre de l’intérieur du 28 novembre 2012 ni fait référence aux critères mentionnés par les lignes directrices citées au point 5 ci-dessus ; que, par ailleurs, tant dans son mémoire en défense devant le Tribunal administratif de Paris que dans sa requête d’appel devant la Cour, le préfet de police, qui se borne à faire valoir qu’il a examiné la demande de titre de séjour de M. B…A…au regard des dispositions législatives citées au point 2 ci-dessus et de l’ensemble de la situation personnelle et familiale de celui-ci, ne soutient pas qu’il aurait pris cet arrêté après avoir procédé à un examen particulier de ladite demande au regard de ces lignes directrices ; que M. B… A…est dès lors fondé à soutenir que l’arrêté du 22 avril 2013 en litige est, pour ce motif, entaché d’erreur de droit ;
9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le préfet de police n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 avril 2013 et lui a enjoint de réexaminer la demande de M. B… A…dans un délai de trois mois ;
Sur la requête n° 14PA00358 :
10. Considérant que, la Cour statuant, par le présent arrêt, sur les conclusions de la requête du préfet de police tendant à l’annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 14PA00358, présentée par celui-ci, tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement sont privées d’objet ; qu’il n’y a pas lieu, par suite, d’y statuer ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B… A…et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 14PA00226 du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 14PA00358 du préfet de police tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution du jugement attaqué.
Article 3 : L’Etat versera à M. B…A…une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N°s 14PA00226, 14PA00358