RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le second moyen :
Vu les articles L. 243-5 et L. 623 -1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu que le premier alinéa du premier des ces textes, qui en fixe le champ d’application, ne visant que les créances dues par un commerçant, un artisan, ou une personne morale de droit privé même non commerçante, il en résulte que les remises prévues par le sixième alinéa du même article ne s’appliquent pas aux créances dues par une personne physique exerçant à titre libéral, le fait que l’article L. 243-5 figure dans la liste des textes du régime général ; que le second des articles susvisés rend applicable au régime des non-salariés non agricoles n’étant pas de nature à en modifier la portée ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, masseur-kinésithérapeute exerçant à titre libéral, ayant été placé en redressement judiciaire, le juge-commissaire n’a admis l’inscription au passif de la créance de la CARPIMKO qu’à hauteur du montant des cotisations impayées, à l’exclusion des pénalités de retard et des frais de procédure ; que pour confirmer l’ordonnance du juge-commissaire, la cour d’appel énonce essentiellement qu’il résulte de l’article L. 623-1 du code de la sécurité sociale que la totalité des dispositions de l’article L.243-5 du même code a vocation à s’appliquer aux professions libérales quelle que soit la forme de leur exercice ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 octobre 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens ;
Condamne M. Y…, ès qualités, aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y…, ès qualités, et de M. X… ; condamne M. Y…, ès qualités à payer à la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers masseurs kinésitherapeutes pédicures podologues orthophonistes et orthoptistes la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers masseurs kinésitherapeutes pédicures podologues orthophonistes et orthoptistes.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué de n’avoir pas admis la créance de la Carpimko correspondant aux majorations de retard ;
ALORS QU’aux termes de l’article L 244-9 du code de la sécurité sociale « les contraintes émises par le directeur d’un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et des majorations de retard comportent, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, tous les effets d’un jugement et confèrent notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire », de sorte que le juge commissaire, statuant sur l’admission de créances ayant fait l’objet de contraintes non contestées, n’a pas le pouvoir d’apprécier si elles sont dues ; qu’ainsi la cour d’appel, en refusant l’admission de majorations de retard ayant fait l’objet de telles contraintes, a violé le texte précité.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué de n’avoir pas admis la créance de la Carpimko correspondant aux majorations de retard ;
AUX MOTIFS QUE, l’article L 243-5 du code de la sécurité sociale, qui figure dans le livre II consacré au régime général de la sécurité sociale, édicte, en son alinéa 6, que « en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les pénalités, majorations de retard et frais de poursuite dues par le redevable à la date du jugement d’ouverture sont remis » ; que par ailleurs, l’article L 623-1 du même code, relatif aux dispositions communes à l’ensemble des régimes d’assurance vieillesse, édicte que « pour les professions non agricoles, sont applicables aux organismes et personnes entrant dans le champ d’application des titres (…) IV du présent livre (c ‘est à dire les professions libérales) les articles (…) L 243-5 », il résulte expressément de ce second texte que la totalité des dispositions de l’article L 243-5 (aucune distinction dans ce texte n’étant prévue quant aux dispositions applicables de cet article) a bien vocation à s’appliquer aux professions libérales quelle que soit la forme de leur exercice, l’emploi du mot « personne » pouvant tout aussi bien signifier personne morale pour un exercice en commun, que personne physique pour un exercice à titre individuel ; ainsi que l’a relevé justement le premier juge, et contrairement aux arguments de la société Carpimko, sur ce point, l’absence de mention expresse, dans le premier alinéa de cet article L 243-5 des professions libérales exercées à titre personnel ne saurait suffire pour considérer que ces dernières sont aussi exclues du champ d’application de l’alinéa 6 du même texte, pour les motifs suivants :
– l’alinéa 1 évoque l’obligation d’une inscription du privilège dans le cas où le débiteur est lui-même soumis à une inscription au registre du commerce et des sociétés, ce qui n’est pas le cas pour les professions libérales exercées en nom personnel ; ce premier alinéa ne pouvait donc, à raison de son contenu, évoquer ce type d’activité exercée sous cette forme ; cela ne suffit pas pour conclure que l’ensemble de l’article, qui comporte 7 alinéas en tout, ne le concerne pas ;
– le même alinéa 1 énonce qu’il concerne notamment les «personnes morales de droit privé même non commerçants » ; cela signifie qu’il s’applique aussi aux sociétés d’exercice en commun de professions libérales telles que les SCP et les SELARL ; dès lors, opérer une distinction de cet ordre entre ces sociétés d’une part, et les personnes exerçant la même activité sous forme individuelle, serait contraire à l’esprit de la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises, dont l’un des objectifs est, notamment d’étendre aux professions libérales sans distinction quant à leur forme d’exercice le régime collectif de traitement des dettes en cas de difficultés financières en mettant un terme, à cet égard, aux inégalités existant jusqu’alors, la remise de plein droit des pénalités, majorations et frais étant un des moyens mis en place pour favoriser le redressement des entreprises en difficultés ; enfin est tout aussi inopérant l’argument selon lequel appliquer l’article L 243-5 sans distinction de catégorie de débiteurs conduirait à vider de son sens les dispositions de l’article L 626-6 du code de commerce ; en effet :
– ce dernier texte prévoit la possibilité, dans le cadre de l’élaboration d’un plan de redressement pour les organismes notamment de sécurité sociale, de consentir des remises non obligatoires alors que l’article L 243-5 concerne des remises automatiques, les dites remises pouvant s’appliquer à des types de créance non visés par ce dernier texte (il en est ainsi notamment des amendes).
– l’existence parallèle de ces deux textes confirme bien qu’ils concernent des situations différentes, et que dès lors analyser le champ d’application de l’un ne peut, à lui seul, permettre de réduire celui de l’autre,
– suivre la société Carpimko dans son analyse sur ce point conduirait à considérer que la même conséquence doit être tirée pour les personnes morales d’exercice en commun de professions libérales (telles les SCP OU SELARL) qui sont, elles expressément visées par l’alinéa 1 de l’article L 243-5 lorsque ce texte évoque les « personnes morales de droit privé même non commerçantes» ; or ces personnes étant expressément mentionnées par ce premier alinéa, la Carpimko ne peut soutenir que, selon son propre raisonnement, l’alinéa 6 ne s’appliquerait pas à elles parce que cela viderait de son sens l’article L 626-6 ; qu’il ressort de l’ensemble de ces motifs que c’est à bon droit que le premier juge a considéré que, dans le cas de M. Jean Jacques X… exerçant la profession de kinésithérapeute sous forme individuelle, l’article L 243-5 du code de la sécurité sociale en son alinéa 6 était bien applicable et qu’il entraîne donc remise obligatoire des pénalités, majorations de retard et frais de poursuite, et en conséquence admis la créance de la société Carpimko au passif de M. Jean-Jacques X… à hauteur de son seul montant en principal ;
ALORS QU’ il résulte de l’article L 243-5 alinéas 1 et 6 du code de la sécurité sociale que seuls les commerçants, artisans ou personnes morales de droit privé, dont les dettes de cotisations et majorations doivent être inscrites sur un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou de grande instance, peuvent bénéficier de la remise de droit des majorations lorsqu’ils sont en redressement judiciaire, et l’article L 623-1 du même code, qui dispose que l’article L 243-5 est applicable aux professions libérales, n’a pas pour objet d’étendre le bénéfice de cette remise à des personnes autres que celles visées par ce dernier texte ; qu’ainsi la cour d’appel, en considérant qu’en application de ces textes, M. X… qui exerçait la profession de masseur kinésithérapeute à titre individuel devait bénéficier de cette remise de droit des majorations, a violé les textes précités.