Cour de cassation
Assemblée plénière
Audience publique du vendredi 19 mai 1978
N° de pourvoi: 76-41211
Publié au bulletin REJET
P.PDT M. Bellet, président
RPR M. Sauvageot, conseiller rapporteur
P.AV.GEN. M. Schmelck, avocat général
Demandeur AV. M. Waquet, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
SUR LE MOYEN UNIQUE, PRIS EN SES TROIS BRANCHES :
Attendu que, selon les énonciations de l’arrêt attaque (Lyon, 7 octobre 1976), dame R., institutrice au cours sainte Marthe, établissement privé d’enseignement catholique lie à l’Etat par un » contrat simple « , a été, le 3 septembre 1970, licenciée de ses fonctions en raison de son remariage après divorce; qu’elle a obtenu une indemnité pour brusque renvoi mais a été déboutée de sa demande en réparation du dommage résultant du caractère abusif de son licenciement; attendu qu’il est fait grief a la cour d’appel, statuant sur renvoi après cassation, d’en avoir ainsi décide, alors que, selon le pourvoi, d’une part, est fautif le licenciement motive par l’exercice, dans le cadre de la vie privée du salarie, d’une des libertés fondamentales garanties par la constitution, comme la liberté du mariage et la liberté religieuse, alors que, d’autre part, le caractère confessionnel d’un établissement ne constitue pas un motif impérieux suffisant pour justifier une atteinte à la liberté du mariage et encore moins a la liberté religieuse, alors, enfin, que l’établissement, ayant passé un contrat avec l’état, devait dispenser a ses élèves un enseignement non confessionnel place sous le contrôle de l’Etat ; que l’employeur ne pouvait donc se fonder sur un motif relevant d’une doctrine religieuse pour licencier un professeur X…, rémunère et surveille par l’éducation nationale, charge de dispenser cet enseignement, et, donc non tenu de respecter dans sa vie privée la morale catholique et, encore moins, de l’inculquer a ses élèves; que le maintien du caractère propre de l’établissement ne justifie pas l’atteinte portée a la liberté du mariage du salarie;
Mais attendu, en premier lieu, qu’il ne peut être porte atteinte sans abus a la liberté du mariage par un employeur que dans des cas très exceptionnels ou les nécessités des fonctions l’exigent impérieusement; que, dans des motifs non critiques par le moyen et qui, quel qu’en soit le mérite, suffisent à justifier leur décision, les juges du fond ont retenu que lors de la conclusion du contrat par lequel l’association Sainte-Marthe s’était liée a dame R., les convictions religieuses de cette dernière avaient été prises en considération et que cet élément de l’accord des volontés, qui reste habituellement en dehors des rapports de travail, avait été incorpore volontairement dans le contrat dont il était devenu partie essentielle et déterminante; qu’ils ont ainsi relevé l’existence de circonstances très exceptionnelles opposables a dame R. , à laquelle il incombait, selon la législation alors en vigueur, d’établir la faute commise par son employeur dans l’exercice de son droit de rompre un contrat a durée indéterminée; que les juges du fond, ayant rappelé que le cours Sainte-Marthe, attache au principe de l’indissolubilité du mariage, avait agi en vue de sauvegarder la bonne marche de son entreprise, en lui conservant son caractère propre et sa réputation, ont pu décider que cette institution n’avait commis aucune faute;
Attendu, en second lieu, que l’arrêt attaque énonce exactement que le fait, par un établissement d’enseignement prive, d’avoir conclu avec l’état le » contrat simple » prévu par la loi du 31 décembre 1959 n’avait pas eu pour effet de le priver de son caractère propre; d’où il suit que le moyen ne peut être accueilli;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 7 octobre 1976 par la cour d’appel de Lyon.
Analyse
Publication : Bulletin des arrêts Cour de Cassation Assemblée plénière N. 1 P. 1
Décision attaquée : Cour d’appel Lyon (Chambres réunies) , du 7 octobre 1976