RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :Statuant sur le pourvoi formé par :
– la société Laboratoires de Biologie Réunis,
contre l’arrêt n° 849 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de RENNES, en date du 18 décembre 2015, qui, dans l’information suivie contre elle du chef d’offre par une entreprise assurant des prestations produisant ou commercialisant des produits pris en charge par des régimes obligatoires de sécurité sociale d’avantages en nature ou en espèces à des auxiliaires médicaux, a prononcé sur sa demande d’annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 11 octobre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, Farrenq-Nési, MM. Bellenger, Lavielle, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référendaire ;
Avocat général : Mme Caby ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUÉHO, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général référendaire CABY ;
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 8 avril 2016, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 3 mai 2013, M. Joseph X…, médecin biologiste ayant dirigé de 1999 à 2010 un laboratoire d’analyses médicales à Liffré (35), a porté plainte et s’est constitué partie civile contre M. Eric Y…et la société Laboratoires de biologie réunis (société LBR) qu’il dirigeait, celle-ci venant aux droits de la société Laboratoires de biologie associés (société LBA), pour offre par une entreprise assurant des prestations produisant ou commercialisant des produits pris en charge par des régimes obligatoires de sécurité sociale d’avantages en nature ou en espèces à des auxiliaires médicaux ; que le juge d’instruction a mis en examen de ce chef la société LBR ; que cette dernière a déposé une requête en annulation de pièces de la procédure ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 170, 173, 174, 591, 593, 802 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure ;
» aux motifs que, sur la demande d’annulation de l’audition de M. Eric Y…du 27 avril 2011, le requérant soutient que, lorsque M. Y…a été entendu, il ne lui a pas été indiqué l’objet et le cadre juridique de l’enquête des agents intervenants ; que le procès-verbal de déclaration, en date du 27 avril 2011, par lequel M. Y…a été entendu (D2) indique que M. A…, inspecteur des services extérieurs de la DIRECCTE, habilité pour procéder aux enquêtes nécessaires à l’application des articles L. 4113-6, L. 4113-8 et L. 4221-17 du code de la santé publique par les articles L. 4163-1 et L. 4223-4 du même code au visa de l’article L. 215-3 du code de la consommation, y a procédé, rendez-vous préalablement pris ; que M. Y…a signé ce procès-verbal dont copie lui a été remise ; que le procès-verbal de constatation de l’infraction (D 1) auquel il est annexé, indique que MM. A… et B…, inspecteurs, se sont présentés le 5 mai 2010 au siège de la société Laboratoires de biologie réunis (LBR), où ils ont rencontré les responsables, dont M. Y…; que ce procès-verbal, qui porte en tête, tout renseignement sur l’objet et le cadre juridique de l’enquête ainsi que les textes visés, précise dans le premier paragraphe que les agents intervenus, se présentant au siège de la société, ont décliné leur qualité et exposé l’objet de l’enquête : « à savoir la vérification du respect des dispositions de l’article L. 4113-6 du code de la santé publique par les sociétés Laboratoires de Biologie Réunis et Laboratoires de Biologie Associés » ; que, par l’ensemble de ces mentions, il est suffisamment établi que, contrairement à ce qu’il est soutenu, les agents de l’administration ont délivré les informations nécessaires et que M. Y…, co-gérant de la société, comme les autres dirigeants rencontrés, M. C…et Mme D…, avaient parfaite connaissance de l’objet et du cadre juridique de l’enquête ;
» 1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que les personnes entendues lors d’une enquête doivent être informées de l’objet de celle-ci, de son cadre juridique et du secteur concerné ; qu’en retenant, pour écarter la nullité du procès-verbal d’audition de M. Y…du 27 avril 2011, que le procès-verbal de constatation de l’infraction du 5 mai 2010, auquel était annexé le procès 4 verbal d’audition précité, indiquait que les enquêteurs s’étaient présentés au siège de la société Laboratoires de biologie réunis, qu’il portait en tête tout renseignement sur l’objet et le cadre juridique de l’enquête ainsi que le texte visé, et rappelait que les enquêteurs avaient décliné leur qualité et exposé l’objet de l’enquête, sans s’expliquer, comme elle y était invitée, sur les ambiguïtés du procès-verbal d’audition du 27 avril 2011 lui-même qui comportait des mentions tant des dispositions du code de commerce relatives à la pratique concurrentielle et à la concentration économique, que des dispositions du code de la consommation relatives à la conformité des services et des produits, ni sur l’absence de précision par ce procès-verbal du secteur concerné, la chambre de l’instruction n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés ;
» 2°) alors qu’en laissant sans aucune réponse les conclusions péremptoires par lesquelles la société Laboratoires de biologie réunis poursuivait la nullité du procès-verbal d’audition de M. Y…en ce que ce dernier n’avait pas été informé par les enquêteurs de son droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (mémoire de la requérante, p. 13, § n° 34 ; p. 18, § n° 49), la chambre de l’instruction n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés » ;
Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité de l’audition de M. Y…réalisée par les inspecteurs de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) le 27 avril 2011 et des actes subséquents, tiré de la violation notamment des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et préliminaire du code de procédure pénale, en ce que l’intéressé n’avait alors pas connaissance de l’objet de l’enquête, du cadre juridique d’intervention ni du secteur concerné et ne s’était pas vu notifier son droit de ne pas s’auto-incriminer, l’arrêt attaqué retient que le procès-verbal par lequel M. Y…a été entendu indique que l’inspecteur de la DIRECCTE, habilité pour procéder aux enquêtes nécessaires à l’application des articles L. 4113-6, L. 4113-8 et L. 4221-17 du code de la santé publique et par les articles L. 4163-1 et L. 4223-4 du même code au visa de l’article L. 215-3 du code de la consommation, y a procédé, rendez-vous préalablement pris ; que les juges ajoutent que le procès-verbal de constatation de l’infraction auquel il est annexé indique que deux inspecteurs se sont présentés le 5 mai 2010 au siège de la société LBR, où ils ont rencontré les responsables, dont M. Y…, et que ce procès-verbal, qui porte en entête tout renseignement sur l’objet et le cadre juridique de l’enquête ainsi que les textes visés, précise dans le premier paragraphe que les agents intervenus, se présentant au siège de la société, ont décliné leur qualité et exposé l’objet de l’enquête, à savoir la vérification du respect des dispositions de l’article L. 4113-6 du code de la santé publique par les sociétés LBR et LBA ; que la chambre de l’instruction en déduit que les agents de l’administration ont délivré les informations nécessaires et que M. Y…avait parfaite connaissance de l’objet et du cadre juridique de l’enquête ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, et dès lors qu’aucun texte n’imposait aux agents de la DIRECCTE, avant de recueillir les déclarations d’une personne dans le cadre de leurs pouvoirs d’enquête, de lui notifier un droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, la chambre de l’instruction, qui a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires du mémoire dont elle était saisie, a justifié sa décision sans méconnaître la disposition conventionnelle invoquée ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 170, 173, 174, 591, 593, 802 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir négatif ;
» en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure ;
» aux motifs que, sur la demande d’annulation du procès-verbal CX/ 12, en date du 6 mai 2011, le requérant soutient que cette pièce est nulle en raison de ce que les auditions des représentants légaux de la société qui y sont partiellement reprises en page 4 ne sont pas présentes au dossier ; que ce procès-verbal constitue une pièce de la procédure dans la mesure où il constitue un des éléments servant de base à la poursuite et à la mise en examen de cette société ; mais que ce procès-verbal de constatation d’infraction, qui reprend les différents éléments de l’enquête diligentée et fait référence, par citation, à un certain nombre de pièces annexées, se suffit à lui-même ; qu’il appartiendra le cas échéant au magistrat instructeur de réunir et joindre au dossier de l’information les pièces annexées au procès-verbal, ou au requérant, s’il l’estime opportun, d’en faire la demande ;
» alors que le dossier doit permettre de s’assurer, à tout moment, de la régularité des pièces de procédure qui y figurent ; que la société Laboratoires de biologie réunis poursuivait l’annulation du procès-verbal CX/ 12 du 6 mai 2011 établi par les agents de la DIRECCTE au motif que cet acte se référait à des déclarations de M. C…, représentant légal de la société Laboratoires de biologie réunis, faites au cours d’auditions dont les procès-verbaux n’étaient pas joints à la procédure, en sorte qu’il était impossible d’en vérifier la régularité au regard du respect des droits de la défense, notamment quant à la transmission à la personne entendue des informations concernant l’objet de l’enquête, son cadre juridique et le secteur concerné ; qu’en retenant que ce procès-verbal se suffisait à lui-même et qu’il appartiendra le cas échéant au magistrat instructeur de réunir et joindre au dossier de l’information les pièces annexées au procès-verbal, ou au requérant, s’il l’estime opportun, d’en faire la demande, la chambre de l’instruction, qui devait trancher la contestation dont elle était saisie sans pouvoir subordonner la preuve de la régularité du procès-verbal litigieux à une démarche ultérieure du magistrat instructeur ou de la société Laboratoire de biologie réunis, a méconnu son office, en violation des textes et principes susvisés » ;
Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité du procès-verbal CX/ 12 établi par les agents de la DIRECCTE le 6 mai 2011 fondé sur la violation notamment des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme et préliminaire du code de procédure pénale, en ce qu’il fait référence à des auditions des dirigeants de la société LBR qui ne sont pas jointes au dossier de l’information et dont il n’est dès lors pas possible de vérifier la régularité, l’arrêt attaqué retient que ce procès-verbal de constatation d’infraction, qui reprend les différents éléments de l’enquête diligentée et fait référence, par citation, à un certain nombre de pièces, se suffit à lui-même ; que les juges ajoutent qu’il appartiendra le cas échéant au magistrat instructeur de réunir et joindre au dossier de l’information les pièces mentionnées comme étant annexées au procès-verbal ou au requérant, s’il estime opportun, d’en faire la demande ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que, si la personne mise en examen est recevable à invoquer l’irrégularité d’un acte dépendant d’une procédure distincte, elle ne saurait toutefois se faire un grief de l’absence au dossier de l’information de tels actes auxquels il est fait référence lorsqu’elle n’a pas usé de la faculté de solliciter auprès du juge d’instruction le versement à la procédure des pièces y afférentes, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que la société Laboratoires de biologie réunis devra payer à M. X… au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq octobre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.