Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 27 juin 2018
N° de pourvoi: 18-80069
Publié au bulletin Rejet
M. Soulard (président), président
SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. René X…,
contre l’arrêt n° 7, de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 2e section, en date du 18 décembre 2017, qui, dans l’information suivie notamment contre lui des chefs d’abus de confiance, blanchiment, détournement de fonds publics, recel de ce délit et blanchiment de fraude fiscale, a prononcé sur l’annulation d’actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 16 mai 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. Steinmann, Germain, Larmanjat, Mme Zerbib, MM. d’Huy, Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Petitprez ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général PETITPREZ, Me SPINOSI, avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 9 février 2018, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 27 juillet 2012, le service Tracfin a adressé au procureur de la République une note signalant la situation de l’association « Union républicaine du Sénat » (URS), cercle de réflexion politique, créée et présidée par M. Philippe K… , alors vice-président délégué de l’UMP, et dont le secrétaire général est M. François B…, dont les comptes ont été, entre septembre 2009 et mars 2012, presque exclusivement alimentés par des chèques tirés sur les deux comptes bancaires du groupe Union pour un Mouvement Populaire du Sénat, lesdites sommes ayant été ensuite débitées sous forme de retraits d’espèces, de virements ou de chèques ayant bénéficié, notamment, à des sénateurs ainsi qu’à l’association « Cercle de réflexion et d’Etudes sur les Problèmes internationaux » (CRESPI), présidée par M. André C…, sénateur des Deux-Sèvres, et dont le secrétaire général est également M. B… ; que le procureur de la République a, le 6 novembre 2013, à l’issue de l’enquête préliminaire qu’il avait diligentée, ouvert une information des chefs d’abus de confiance et blanchiment, qu’il a étendue ensuite, par réquisitoires supplétifs successifs, à des faits de détournements de fonds publics, recel de ce délit, manquement à l’obligation déclarative de fin de mandat par un sénateur et blanchiment ;
Que les investigations effectuées dans ce cadre ont permis d’établir que, en 2002, à la suite de la création du parti Union pour une majorité présidentielle (UMP) ainsi que de la constitution d’un groupe du même nom au Sénat, fusionnant trois anciens groupes politiques distincts, le Rassemblement Pour la République (RPR), le groupe centriste et le groupe de l’Union des Républicains et Indépendants (UDI), il aurait été décidé, afin de permettre aux anciens présidents des groupes fusionnés de compenser la perte de certaines fonctions et de fidéliser les élus qui auraient des velléités de soutenir l’action d’un autre parti, de créer deux associations, l’URS, intéressant plus précisément les anciens du groupe UDI, et le CRESPI, intéressant pour sa part les anciens centristes, puis devenue la branche « diplomatie » de l’URS, l’existence de ces deux associations étant restée ignorée des services de la questure du Sénat ;
Que les mouvements des deux comptes dont le groupe UMP est titulaire respectivement auprès des banques Neuflize et HSBC, l’existence de ce dernier compte étant restée confidentielle, ont montré qu’ils auraient été utilisés également, entre avril 2008 et avril 2015, pour effectuer divers versements à des sénateurs dont certains ont indiqué que les sommes dont ils ont bénéficié correspondent à la restitution des crédits destinés à la rémunération d’assistants qu’ils n’avaient pas consommés et qu’ils avaient délégués au groupe UMP, sans pouvoir toutefois expliquer la raison pour laquelle certains d’entre eux ou encore un simple collaborateur du groupe UMP au Sénat, non élu, avaient bénéficié de versements alors même qu’ils n’avaient procédé à aucune délégation de fonds en faveur de ce groupe ;
Que, s’agissant de M. X…, sénateur du Calvados entre 1998 et 2014, président de la commission des lois de 2001 à 2004, puis questeur jusqu’en 2011 et vice-président du Sénat à partir de septembre 2011 et bénéficiant d’une délégation de signature du trésorier du groupe UMP, il a été mis en examen, le 26 janvier 2017, des chefs de détournements de fonds publics et recel de ce délit ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 27 de la Constitution du 4 octobre 1958, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-3, 111-4, 432-15 du code pénal, préliminaire, 80-1, 591, 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que la chambre de l’instruction a rejeté la demande d’annulation de la mise en examen de M. René X… des chefs de détournement de fonds publics et de recel de ce délit ;
« aux motifs que sur l’incrimination fondant la poursuite :
que l’infraction de détournement de biens prévue et réprime à l’article 432-15 du code pénal figure au chapitre 2 du titre 111 (des atteintes à l’autorité de l’Etat), du livre quatrième du code pénal intitulé « des
crimes et délits contre la nation, l’état et la paix publique » chapitre intitulé « les atteintes à l’administration publique commise par des personnes exerçant une fonction publique » et dans la section 3, intitulée « des manquements au devoir de probité » ; que l’article 432-15 dispose que le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l’un de ses subordonnés, de détruire, de détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission, est puni de dix ans d’emprisonnement et, depuis la loi du 13 décembre 2013 d’une amende de un million d’euros dont le montant peut être porté au double du produit de l’infraction ; que sur la qualité de personne chargée d’une mission de service public : que la loi est par définition générale, devant s’appliquer au plus grand nombre, et qu’il incombe au juge de l’interpréter de l’appliquer ; qu’il ne résulte pas de la lettre de la loi que le législateur ait entendu dispenser les parlementaires parmi lesquels les sénateurs du devoir de probité en lien direct avec les missions qui leur sont confiées ; que la différence de rédaction des incriminations visées à la section 3 susvisée doit être corrélée avec la description des faits incriminés, éléments matériels de l’infraction, et ne constitue pas une cause exonératoire ; qu’il résulte au contraire des travaux parlementaires à l’occasion de l’adoption du nouveau code pénal la volonté de retenir une conception large de la notion de personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, cette définition présentant l’avantage de substituer un critère fonctionnel évitant des énumérations fastidieuses ; que le magistrat instructeur a retenu la notion de personne chargée d’une mission de service public liée à la qualité de sénateur, même si à ce stade de l’information cette qualification est par nature provisoire ; qu’aux termes de la Constitution, le Parlement vote la loi, contrôle l’action du gouvernement et évalue les politiques publiques ; que le sénateur, comme le député, est chargé de voter la loi ; qu’il participe également au contrôle de l’action du gouvernement ; qu’il détient donc à ce titre et à raison de sa mission une parcelle d’autorité publique ; qu’en application des dispositions de l’article 719 du code de procédure pénale les députés et des sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les établissements pénitentiaires et des centres éducatifs fermés mentionnés à l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ; qu’il en est de même des lieux de rétention administrative, et des zones d’attente ; que cette disposition légale reprend le texte de l’article 720 – A de ce code issu de l’article 129 de la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d’innocence qui disposait que les députés et les sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et les établissements pénitentiaires, ces dispositions ayant pour objet de permettre aux élus de la nation de vérifier que les conditions de détention répondent à l’exigence du respect de la personne humaine ; qu’elles ont pour objet de vérifier que la personne privée de liberté n’est pas soumise à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ; que cette seule disposition suffit à caractériser pour le sénateur la qualité de personne chargée d’une mission de service public au sens de l’article 432 – 15 susvisé ; que la qualité de personne chargée d’une mission de service public est reconnue à toute personne chargée, directement ou indirectement d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, peu important qu’elle ne disposât d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique, que la mission reconnue aux parlementaires est par essence même une mission d’intérêt général ; que c’est encore cette qualité de personne chargée d’une mission de service public par les juridictions correctionnelles qui est retenue lorsque des parlementaires sont victimes de violences volontaires, d’outrage, ou de menaces ;
« 1°) alors que la loi pénale est d’interprétation stricte ; qu’il résulte des dispositions de l’article 432-15 du code pénal que le délit de détournement de fonds publics ne peut être constitué qu’à l’égard d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l’un de ses subordonnés ; qu’en affirmant, pour refuser d’annuler la mise en examen de M. X…, qu’un sénateur a la qualité de personne chargée d’une mission de service public, lorsqu’un parlementaire n’entre pas dans cette catégorie mais dans celle, non visée par l’article 432-15 du code pénal, des personnes investies d’un mandat électif public, la chambre de l’instruction a violé les texte et principe susvisés ;
« 2°) alors que la loi pénale est d’interprétation stricte ; qu’en l’espèce, pour retenir que l’article 432-15 du code pénal était applicable aux parlementaires, la chambre de l’instruction a affirmé qu’il ne résultait pas de la lettre de la loi que le législateur ait entendu les dispenser du devoir de probité en lien direct avec les missions qui leur sont confiées ; qu’en se fondant ainsi sur l’existence d’un devoir général de probité pour étendre aux sénateurs l’application des dispositions de l’article 432-15 du code pénal bien que ce dernier, contrairement à d’autres textes de la section 3 du chapitre 2 du titre III du livre 4 du code pénal, ne vise pas les personnes investies d’un mandat électif public, la chambre de l’instruction a violé le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale ;
« 3°) alors qu’en énonçant, pour juger que l’article 432-15 du code pénal était applicable aux parlementaires, que la rédaction des incriminations visées à la section 3 du chapitre 2 du titre III du livre 4 du code pénal « doit être corrélée avec la description des faits incriminés, éléments matériels de l’infraction, et ne constitue pas une cause exonératoire », lorsque la nature des faits incriminés par ce texte ne peut expliquer que les personnes investies d’un mandat électif public n’y soient pas visées, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision ;
« 4°) alors que outre, les parlementaires ne disposent d’aucune parcelle d’autorité publique ; qu’en affirmant le contraire pour refuser d’annuler la mise en examen de M. X… du chef de détournement de fonds publics, la chambre de l’instruction s’est prononcée par des motifs erronés ;
« 5°) alors que l’activité législative, qui correspond à l’exercice de la souveraineté nationale, n’est pas un service public ; qu’en se fondant, pour juger que les sénateurs étaient des personnes chargées d’une mission de service public, sur le fait que le code de procédure pénale leur reconnaissait la possibilité de visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et les établissements pénitentiaires, lorsque ce droit de visite, qui est destiné à les éclairer sur les conditions de détention, est exclusivement lié à leur activité législative, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision » ;
Attendu que, pour refuser d’annuler la mise en examen de M. X…, sénateur, et reconnaître à celui-ci la qualité de personne chargée d’une mission de service public, l’arrêt, après avoir relevé qu’il ne résulte pas de la lettre de la loi que le législateur ait entendu dispenser les parlementaires, parmi lesquels les sénateurs, du devoir de probité en lien direct avec les missions qui leur sont confiées, énonce que la différence de rédaction des incriminations visées à la section du code pénal intitulée « des manquements au devoir de probité », qui ne constitue pas une cause exonératoire, doit être corrélée avec la description des faits incriminés, éléments matériels de l’infraction, et qu’il résulte au contraire des travaux parlementaires à l’occasion de l’adoption du nouveau code pénal la volonté de retenir une conception large de la notion de personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, cette définition présentant l’avantage de substituer un critère fonctionnel évitant des énumérations fastidieuses ; que les juges ajoutent, après avoir rappelé qu’à ce stade de l’information cette qualification est par nature provisoire, que le juge d’instruction a retenu la notion de personne chargée d’une mission de service public liée à la qualité de sénateur, celui-ci, comme le député, votant la loi, participant au contrôle de l’action du Gouvernement, détenant donc à ce titre et à raison de sa mission une parcelle d’autorité publique ; que la chambre de l’instruction, après avoir constaté que les parlementaires sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les établissements pénitentiaires et les centres éducatifs fermés ainsi que les lieux de rétention administrative et les zones d’attente, en application de l’article 719 du code de procédure pénale qui permet aux élus de la Nation de vérifier que les conditions de détention répondent à l’exigence de respect de la personne humaine, retient que le texte susvisé suffit à caractériser, pour le sénateur, la qualité de personne chargée d’une mission de service public au sens de l’article 432-15 du code pénal qui est reconnue à toute personne chargée, directement ou indirectement d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, peu important qu’elle ne disposât d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique, la mission dévolue aux parlementaires étant par essence une mission d’intérêt général, cette qualité étant par ailleurs retenue par les juridictions correctionnelles lorsque des élus sont victimes de violences, d’outrages ou de menaces ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors qu’est chargée d’une mission de service public au sens de l’article 432-15 du code pénal la personne qui accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, la chambre de l’instruction, qui n’a pas méconnu les dispositions légales et conventionnelles invoquées, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 27 de la Constitution du 4 octobre 1958, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-3, 111-4, 321-1, 432-15 du code pénal, préliminaire, 80-1, 591, 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que la chambre de l’instruction a rejeté la demande d’annulation de la mise en examen de M. X… des chefs de détournement de fonds publics et de recel de ce délit ;
« aux motifs que sur le détournement de fonds publics que la dotation financière accordée par le Sénat pour et aux sénateurs a la nature de fonds publics ; qu’il résulte de la déposition du 24 septembre 2014, de M. Jean-Marc D…, premier questeur du Sénat, que l’objet de la dotation financière est de permettre au groupe de rémunérer leurs collaborateurs et d’assurer leurs charges de fonctionnement, les collaborateurs relevant du droit privé et n’étant pas des fonctionnaires du Sénat ; que si selon l’article 5 du règlement du Sénat les groupes politiques du Sénat jouissent de la libre administration de leur compte et qu’il n’appartient donc pas à la questure de vérifier l’utilisation de ces fonds par les groupes politiques, dès 2009 le bureau du Sénat a invité les groupes politiques à faire certifier leurs comptes par un expert-comptable ; que s’agissant des faits objets de l’enquête, il affirmait que les services administratifs de la questure ignoraient l’existence des associations citées, et qu’il n’y avait à son sens aucune justification à ce que des fonds publics provenant de la questure soient utilisés pour des associations qui les reversent à des sénateurs ; que les groupes peuvent recevoir, dans la limite de 30% de l’enveloppe, les crédits normalement gérés par l’AGAS pour la rémunération des assistants parlementaires si le sénateur concerné fait le choix de ne pas recruter la totalité des assistants auxquels il a droit et de déléguer au groupe dont il est membre cette part des crédits ; que cependant, qu’ils aient pour origine la dotation financière attribuée au Groupe ou le choix par un sénateur de ne pas utiliser l’intégralité de l’enveloppe mise à sa disposition, via l’AGAS, pour rémunérer des assistants, ces crédits doivent faire l’objet d’un usage déterminé qui est soit de permettre aux groupes de rémunérer leurs collaborateurs soit de faire face à leurs dépenses de fonctionnement et non de revenir aux sénateurs à titre personnel, fut-ce pour une activité politique, en sus des indemnités qu’ils perçoivent notamment l’Indemnité Représentative de Frais de Mandat (IRFM) qui est « destinée à couvrir les frais inhérents à l’exercice des fonctions parlementaires. » ; que ses déclarations sont corroborées par les documents par lui remis émanant du Sénat, et notamment ;
– la note (D52/58) établie par les services du Sénat- relative à la réglementation, interne au Sénat, des « (•••) conditions du transfert aux groupes d’une fraction du crédit mensuel destiné à la rémunération des collaborateurs de sénateurs », note mentionnant que « L’objectif du transfert au groupe est le recrutement de salariés par le groupe, lequel est tenu, en application de la réglementation, «d’assurer aux personnels de leur secrétariat rémunérés à l’aide des crédits transférés de la dotation de l’AGAS un salaire ou des honoraires » dont le montant minimal doit être conforme à la réglementation appliquée par l’AGAS aux collaborateurs ; que le transfert est assuré incluant les sommes représentatives des charges patronales, à charge pour le groupe politique bénéficiaire de fixer le niveau de rémunération à ses collaborateurs ; que l’arrêté de bureau prévoit que le groupe prend en charge les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail des personnes ainsi recrutées. » ; que la note mentionnant également « Il est appliqué aux transferts aux groupes les mêmes règles d’usage que pour les collaborateurs rémunérés par l’AGAS : le crédit est strictement mensuel ; il n’est pas capitalisable en cas de vacance d’emploi ni mobilisable par anticipation. Le montant du transfert est abondé des charges patronales correspondantes. Il est communiqué chaque mois par l’AGAS aux présidents des groupes mais, concrètement, les sommes sont mandatées directement par le budget du Sénat au profit des groupes. » ;
– le formulaire (D52/60) de « demande de transfert d’une fraction du Crédit mensuel à un groupe politique » qui doit être rempli par le sénateur concerné ; que ce formulaire mentionne « Cette somme sera versée chaque mois, augmentée des charges sociales patronales correspondantes (…). » ;
– l’arrêté N°95-190 modifié, en date du 12 décembre 1995 (D52/61) qui régit les assistants de sénateurs et dispose dans son article 7 (D52/63) :« Par dérogation aux dispositions des articles premier, 2, 5 et 6 ci-dessus, un Sénateur peut, dans les conditions ci-après définies, déléguer au groupe politique dont il est membre 33,33 % au plus du crédit, hors complément salarial d’ancienneté, mis à sa disposition pour l’emploi de ses collaborateurs ; les présidents de groupe peuvent transférer à leur groupe politique 66,66 % dudit crédit ; que cette demande de transfert de crédit du budget de l’Association pour la gestion des assistants de sénateurs à celui du groupe politique concerné est formulée par écrit par le sénateur au président de cette association ; qu’elle porte, sauf cas de force majeure, sur une période minimale d’une année renouvelable par tacite reconduction ; que les groupes politiques sont tenus d’assurer aux personnels de leur secrétariat rémunérés à l’aide des crédits transférés de la dotation de l’Association pour la gestion des assistants de sénateurs un salaire dont le montant minimal est fixé conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article 2 ci-dessus ; que dans le cas de cessation du mandat du sénateur ayant accepté de transférer une fraction de son crédit de collaborateur à son groupe politique, ce dernier assume les charges directes et indirectes liées à l’emploi des personnes concernées et, le cas échéant, les indemnités légales ou conventionnelles occasionnées par une rupture du contrat de travail des intéressés ; qu’il assume également les indemnités légales ou conventionnelles résultant d’une éventuelle rupture ou novation des contrats de travail indépendantes de la cessation du mandat du sénateur déléguant. » ; qu’il résulte de ces dispositions de l’arrêté du bureau du Sénat ainsi que la note de présentation que la part des crédits, non utilisés par un sénateur pour ses propres assistants et transférés au groupe doit avoir un usage déterminé, soit servir au paiement de collaborateurs du groupé ; que même si M. L…, directeur des affaires financières du Sénat, a relevé que l’arrêté du 12 décembre 1995 n’a pas repris la formulation de celui du 13 décembre 1988 qui précisait explicitement (D169/2) « Les sommes ainsi transférées sont utilisées par les groupes politiques à la rémunération des personnels de leur secrétariat », il était constant que ces fonds devaient à tout le moins, être affectées au fonctionnement du groupe et ne pouvaient être utilisées discrétionnairement ni a fortiori revenir personnellement au sénateur ; qu’aucune disposition légale ou réglementaire de quelque nature que ce soit n’autorisait à la période des faits un sénateur, sous quelque manière que ce soit, directement ou par association interposée, à bénéficier d’une rétrocession de ces fonds publics non utilisés et à les affecter à un usage personnel ; que le principe d’égalité à lui seul impose qu’un sénateur affilié à un groupe ne puisse de ce seul fait prétendre à des rétrocessions discrétionnaires de fonds publics dont serait privé un sénateur indépendant ; qu’il ne peut davantage être valablement soutenu qu’avant l’arrêté adopté le 4 juillet 2014, ces fonds publics pouvaient être utilisés à leur guise par les sénateurs, que ce fait ne serait désormais prohibé que depuis cette date, et qu’en raison du principe de l’autonomie des groupes parlementaires, ces groupes avaient ou ont encore la possibilité de se fixer à eux-mêmes leurs règles de ce chef ; qu’il résulte du principe de la légalité des délits et des peines que seule la loi peut créer une incrimination pénale ; qu’il est de l’office des sénateurs que de contribuer à l’élaboration de la loi notamment pénale ; qu’un sénateur ne peut donc avancer qu’à son encontre un simple arrêté pourrait créer une infraction ; que le principe d’autonomie des groupes parlementaires n’a de sens qu’au regard de la mission que leur reconnaît la loi ; qu’il ne constitue pas un principe d’impunité que par analogie si la loi reconnaît au juge une totale indépendance dans son action de juger dont il ne peut lui être demandé aucun compte si ce n’est par l’exercice des droits de recours, cette indépendance ne l’autorise pas pour autant à commettre à l’occasion de ses jugements des infractions à la loi pénale comme par exemple, tenir des propos ou rédiger des décisions comportant des appréciations discriminatoires ou racistes ou outrageantes pouvant tenant tomber sous le coup de la loi pénale pour un particulier ; que pour revendiquer la disposition libre et sans contrôle de ces fonds publics, le mis en examen prétend également qu’il s’agit de la conséquence de la rétrocession consentie par des sénateurs à leur groupe, crédits délégués que le groupe administre librement ; que cette affirmation est contraire en fait aux éléments révélés par l’enquête ; qu’en effet il résulte des éléments ci-dessus rappelés qu’il a été versé des rétrocessions à un homme politique alors qu’il M. Michel E… qui était conseiller du groupe mais n’avait pas la qualité de sénateur a reçu des chèques de PURS entre juillet 2007 et avril 2012 puis du compte HSBC du groupe ; que MM. C… et X… qui n’avaient délégué aucun crédit d’assistants au groupe UMP entre 2010 et 2014 ont pu malgré tout bénéficier de chèques tirés sur le compte de l’URS sommes ; que si certaines rétrocessions de montant variable pouvaient prendre l’apparence de reversements proportionnés à l’enveloppe initiale, d’autres s’exécutaient sur la base de sommes arrondies déconnectées de tout mode de calcul logique ; qu’il résulte de la convergence des déclarations de MM. F… et G… que le principe de rétrocession a été convenu au moment de la création du groupe UMP pour permettre aux sénateurs anciens groupes Centristes et Républicains et Indépendants qui avaient accepté de dissoudre leur groupe, de conserver le même train de vie et les mêmes avantages de leur permette de maintenir « un certain standing » et aussi de fidéliser les sénateurs qui auraient pu avoir des velléités de soutenir l’action d’un autre parti ; que ces rétrocessions ont également eu pour objet de les indemniser ou de compenser la perte d’avantages pécuniaires que certains pouvaient tirer de l’exercice de certaines fonctions particulières auxquelles ils avaient consenti à renoncer ou dont ils avaient pu être évincés à l’occasion de renouvellement ou de prise d’autres fonctions ; que ce pacte a été scellé lors de la création de l’UMP à fin que les anciens centristes et républicains et indépendants puissent disposer de fonds publics répartis et utilisés de façon totalement discrétionnaire ; que les associations URS et Crespi n’ont eu pour principale utilité que de faciliter cette redistribution discrète aux sénateurs sous couvert de structures à caractère associatif et en fonction de leur famille d’origine ; que leur existence était à ce point discrète qu’elles étaient inconnues de la questure du Sénat ; que ces associations ont le caractère de « coquille vide » ; que Mme H… trésorière de l’association Crespi, association qui selon M. B… n’avait plus aucune activité depuis 2012, simple assistante parlementaire n’avait en réalité aucun rôle dans cette association, ayant été uniquement requise pour pouvoir mettre un nom dans les statuts ; que selon les déclarations de M. B…, l’association URS était une coquille vide créée par les sénateurs centristes lors de la naissance du groupe UMP du Sénat ; que les sénateurs centristes restaient méfiants à l’égard de leurs partenaires issus du RPR et avec l’accord de ces derniers avaient souhaité conserver une certaine autonomie financière notamment pour financer leurs campagnes électorales ou asseoir et maintenir leur influence directe ou indirecte auprès des maires qui constituaient leur collège électoral ; que les fonds issus de l’URS étaient remis sans justificatif aux sénateurs ex centristes de l’UMP essentiellement sur décision de M. Jean-Claude I… qui signait à cette fin les chèques URS ; que M. I…, trésorier du groupe UMP, a procédé à la signature de chèques tirés sur le compte de l’association URS alors même qu’il n’exerçait aucune activité en son sein et qu’il ne disposait d’aucune délégation de signature bancaire ; qu’aucune comptabilité n’était tenue, qu’aucun justificatif n’était demandé ni conservé ; que ces éléments matériels suffisent à caractériser le détournement de fonds publics au sens de l’article 432-15 du code pénal ; que sur la mise en examen de M. X…, qu’il résulte des dispositions de l’article 80-1 du code de procédure pénale qu’à peine de nullité, le juge d’instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; qu’il ne peut procéder à cette mise en examen qu’après avoir préalablement entendu les observations de la personne ou l’avoir mise en mesure de le faire en étant assistée par son avocat ; que le juge d’d’instruction ne peut procéder à la mise en examen de la personne que s’il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté ; que les indices graves ou concordants exigés par l’article 80-1 du code de procédure pénale ne doivent être compris ni comme la preuve des faits objet de l’information, dont l’appréciation appartient aux juges du fond, ni comme un ou plusieurs éléments constitutifs d’une infraction, mais comme un ou plusieurs éléments matériels permettant de s’assurer/ de rendre vraisemblable que la personne mise en examen a pu réaliser l’une des actions ayant matériellement permis la réalisation d’une infraction ; qu’ils s’apprécient au vu des éléments recueillis jusqu’au moment la mise en examen, l’information ayant précisément pour objet de vérifier si ces indices graves ou concordants deviendront ou non, au cours de la procédure des charges suffisantes pour justifier un renvoi devant la juridiction de jugement qui, elle, appréciera l’existence ou non de preuves de culpabilité ; que M. X… a été mis en examen le 26 janvier 2017 pour :
– avoir à Paris, courant janvier 2013 à avril 2014, étant chargé d’une mission de service public, en l’espèce sénateur, détourné des fonds publics, en l’espèce en remettant ou faisant remettre à certains des sénateurs du groupe, pour quelque usage que ce soit, via le compte HSBC N[…] intitulé « groupe UMP du Sénat » des crédits, versés par la Trésorerie du Sénat, pour être affectés au fonctionnement dudit groupe, faits qualifiés de détournement de fonds publics par une personne exerçant une fonction publique faits prévus et réprimés par les articles 432-15,432-17 du code pénal ;
– avoir à Paris courant juillet 2011 à mai 2014, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, sciemment recèle 92 100 euros qu’il savait provenir du délit de détournement de fonds public, fait qualifié de recel de détournement de fonds publics, prévu et réprimé par les articles 321-1,321- 3 321-4, 321-9 , 321-10 du code pénal ; qu’il résulte à la date de cet acte que, sénateur du Calvados en septembre 1998, puis réélu en septembre 2008, il avait siégé jusqu’au renouvellement de septembre 2014 où il ne s’était pas représenté ; qu’il avait été initialement membre du groupe Républicain indépendant jusqu’à la constitution du groupe UMP en décembre 2002 ; qu’au sein du groupe, il n’avait pas eu de fonction particulière si ce n’est par délégation du trésorier du groupe la signature sur le compte qui était à l’origine le compte des Républicains Indépendants au CCF, devenu ensuite un compte HSBC ; qu’il remplaçait d’abord épisodiquement le trésorier, M. I…, lorsqu’il était absent, puis de façon plus régulière lorsqu’il était devenu Vice-Président du Sénat en septembre 2011 au moment la majorité du Sénat a changé ; que concernant ses fonctions au sein des instances du Sénat, M. X… avait été président de la Commission des lois de 2001 à 2004, date à laquelle il était devenu questeur, occupant cette fonction de questeur de 2004 jusqu’à 2011 au moment où la majorité du Sénat avait basculé ; que s’agissant des faits présumés de détournements de fonds publics, il avait eu la signature sur le compte HSBC N[…] intitulé « Groupe UMP du Sénat » qui était l’ancien compte CCF du groupe RI, cette délégation de signature lui ayant été donnée lorsqu’il avait quitté la présidence de la Commission des lois ; qu’il ne contestait pas les constatations consignées dans le signalement TRACFIN du 16 juin 2015 et les investigations ayant fait apparaître que, de janvier/février 2013 jusqu’à septembre 2014, sur le compte HSBC « Groupe UMP du Sénat » des chèques avaient été émis au bénéfice de sénateurs qui en avaient précédemment reçus tirés sur le compte de l’URS ; qu’ainsi de février 2013 à septembre 2014, seize sénateurs, dont 14 ont reçu des fonds de PURS auxquels se rajoutait M. E…, ont reçu un total 237 320,46 euros, lui-même étant, avec M. I…, signataire de la totalité des chèques ; qu’il indiquait qu’il se limitait à signer les chèques mais qu’il n’avait jamais participé aux décisions concernant les modalités de calcul des sommes ainsi versées ; qu’il renvoyait à M. I… « qui réglait cela avec M. E… qui avait été secrétaire général des Républicains Indépendants et qui a continué par la suite à travailler avec M. I… » ;
que bien qu’alléguant qu’il s’agissait pour une partie de la restitution aux sénateurs de crédits d’assistants délégués au groupe qu’ils pouvaient récupérer dans la limite d’un 1/3, il ne pouvait expliquer pourquoi certains chèques portaient un montant de sommes variables pouvant correspondre à des restitutions d’une partie des crédits d’assistants délégués alors que d’autres chèques présentaient des sommes rondes ; que s’agissant du chèque à l’ordre de M. J… de 8 500 euros le 25 octobre 2013, il indiquait ne pas avoir d’explication émettant l’hypothèse d’une restitution de crédits d’assistants sur deux mois que quant au chèque à l’ordre de M. C… de 5 000 euros le 25 mars 2014, il avançait celui-ci ayant été Vice-Président du Sénat, il avait été décidé au sein du groupe que lorsqu’un sénateur du groupe abandonnait au cours de son mandat une fonction au sein des instances du Sénat, jusqu’à la fin de son mandat le groupe arrondissait les restitutions de crédits d’assistants à un montant supérieur ; que ce montant supplémentaire au-delà de la restitution des crédits d’assistants ainsi versé était destiné à compenser au moins partiellement les avantages dont il disposait lorsqu’il occupait ces fonctions ; » qu’il a admis avoir lui-même lorsque il avait quitté ses fonctions de questeur, reçu ainsi des compléments, en déduisant que c’était la même chose pour M. C… ; que sur présentation du courrier par lui le 21 janvier 2013 à la HSBC aux fins d’effectuer mensuellement des retraits d’espèces de 3 500 euros sur le compte HSBC N° […] intitulé « Groupe UMP du Sénat », retraits effectués entre février 2013 et septembre 2014 pour des montants, habituellement, de 3 000 euros mensuels pour un total de 93 000 euros les bordereaux de retrait étant signés de sa main, il admettait s’être « la première fois » rendu à la banque avec M. E…, la somme ayant été placée par M. E… dans le coffre de son bureau Rue Garancière ; que pour les retraits suivants, en raison de sa santé M. E… ne l’accompagnait plus et qu’il lui remettait à son retour la somme, destinée au fonctionnement du groupe ; qu’il admettait pourtant que le compte HSBC n’était pas le compte du groupe UMP ouvert à la banque Neufelize, et affirmait alors que ces fonds étaient destinés au fonctionnement du sous-groupe RI puisque, « malgré la constitution du groupe UMP ont continué à fonctionner des sous-groupes RI d’une part mais aussi centristes avec l’URS et RPR avec l’amicale gaulliste » ; qu’il admettait que des sommes, peu importantes pour financer des campagnes électorales, avaient pu jusqu’au renouvellement de septembre 2014 être versées par le groupe, « le principe était que le groupe remboursait aux sénateurs les frais au demeurant peu importants dans un département ordinaire » ; qu’il indiquait que lors de sa première élection, il avait dépensé de l’ordre 8 500 francs, mais on lui avait remis un chèque de 10 000 francs, et qu’il s’en était étonné ; que s’agissant des faits présumés de recel de détournement de fonds publics, soit la somme de 12 000 euros dont il a bénéficié par trois chèques des 26 juillet 2011, 5 mars 2012 et 2 avril 2012 tirés sur le compte Société générale de l’URS signés de M. I… pour l’un et C… pour les deux autres, puis entre janvier 2013 et mai 2014, depuis le compte HSBC intitulé « Groupe UMP du Sénat », de 17 chèques représentant mensuellement 5 000 euros signés par M. I… encaissés sur son compte Banque postale soit un total de 92 100 euros entre juillet 2011 et mai 2014, alors qu’il apparaissait qu’il n’avait jamais délégué de crédits d’assistant au groupe UMP, selon les états mensuels de l’AGAS retraçant les crédits délégués par les sénateurs UMP à leur groupe pour les années 2010 à 2014, il s’en disait étonné, n’ayant jamais eu plus de deux assistants et un seul les trois dernières années de son mandat, ayant dit au groupe qu’il lui abandonnait les crédits qu’il n’utilisait pas : « mais ensuite j’ignore selon quelles modalités concrètes tout cela s ‘est mis en place » ; que s’agissant des 5 000 euros mensuels précités, ils correspondaient selon lui d’une part aux crédits d’assistants non utilisés et mis à la disposition de son groupe, d’autre part au fait que lorsqu’il était questeur, il avait pu payer sur son compte personnel des frais de repas par exemple qui n’avaient pas été réglés par les sénateurs RI qui utilisaient les locaux de la questure ; qu’il avançait avoir en tant que questeur, constitué une cave en achetant des bouteilles à la cave du Sénat sur ses deniers personnels, cave qui lui avait, selon lui, été rachetée par le groupe quand il avait quitté ses fonctions de questeur ; qu’il ne pouvait produire aucun justificatif ; qu’il convenait, au vu des sommes « rondes » mensuelles de 5 000 euros ainsi perçues, qu’il ne s’agissait pas de simples remboursements qui auraient alors été de montants variables, avançant qu’à partir du moment où il avait quitté ses fonctions de questeur en 2011, ses remboursements ont été arrondis par un complément destiné à compenser partiellement l’abandon des fonctions de questeur ; qu’il a convenu que ces sommes étaient créditées sur son compte CCP alimenté presque exclusivement par ces 5 000 euros mensuels et un virement du Sénat d’environ 4 700 euros, ce virement correspondant selon lui à l’IRFM perçue sur ce compte CCP Paris, l’indemnité parlementaire étant virée sur son autre compte CCP ouvert à Rouen ; qu’il avançait avoir utilisé ces sommes pour son activité politique en recevant à Paris des élus locaux qui étaient mon collège électoral et qu’il invitait lorsqu’ ils assistaient à une séance du Sénat ; qu’il reconnaissait cependant, face aux éléments de preuve, que sur ce compte apparaissaient au débit des dépenses n’ayant aucun lien avec son activité politique, comme pour la période de deux mois du 9 mars 2012 au 4 mai 2012 où il avait déposé deux chèques de 5 000 euros les 9 mars et 4 avril, le troisième étant déposé le 4 mai 2012, et le relevé du compte de la période faisant apparaître quasi exclusivement des dépenses de la vie courante ou d’agrément ; qu’il convenait d’un « un mélange fâcheux, j’ai considéré que j’avais fini mon temps. Concernant les dépenses en Irlande j’avais dû partir avec ma carte de crédit. » ; qu’ayant exercé la fonction de questeur, M. X… ne pouvait ignorer que l’existence de l’association URS et son fonctionnement étaient ignorés des services administratifs de la Questure et qu’il n’y avait aucune justification à ce que les fonds publics remis par la Questure au groupe soient utilisés par les associations pour les reverser à des sénateurs de manière discrétionnaire ; qu’il est également suffisamment établi qu’il a profité de rétrocessions injustifiées à titre de compensation, dépourvues de tout fondement juridique, sommes utilisés à des fins personnelles ; qu’il résulte suffisamment des éléments ci-dessus rapportés l’existence d’indices graves ou concordants réunis à l’encontre de M. X… d’avoir pu commettre les faits reprochés à sa mise en examen ; que cette mise en examen est régulière et bien fondée ; que la requête en nullité est mal fondée et doit être rejetée ; qu’enfin que la cour qui examiné l’ancienne procédure n’a relevé aucune nullité d’actes ou de pièces de la procédure jusqu’à la côte D 370 » ;
« 1°) alors que le délit de détournement de fonds publics suppose un acte de détournement, qui consiste en l’utilisation des fonds à des fins étrangères à celles prévues ; qu’en refusant d’annuler la mise en examen de M. X…, lorsque, à l’époque des faits, aucun texte n’imposait l’affectation des crédits transférés au groupe politique au recrutement de personnel de sorte que l’utilisation de ces sommes à d’autres fins ne pouvait s’analyser en un acte de détournement au sens de l’article 432-15 du code pénal, la chambre de l’instruction a violé les textes visés au moyen ;
« 2°) alors que la loi pénale doit être suffisamment claire et prévisible ; qu’en refusant d’annuler la mise en examen de M. X… lorsque, à l’époque des faits, aucun texte n’imposait l’affectation des crédits transférés au groupe politique au recrutement de personnel, de sorte qu’il n’était pas prévisible que l’affectation de ces crédits à d’autres fins puisse être qualifié de détournement de fonds publics, la chambre de l’instruction a méconnu le principe susvisé ;
« 3°) alors que nul ne peut être mis en examen pour des faits non expressément réprimés par la loi pénale ; qu’en refusant d’annuler la mise en examen de M. X… aux motifs qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’autorisait à la période des faits un sénateur à bénéficier d’une rétrocession des crédits non utilisés et à les affecter à un usage personnel, la chambre de l’instruction a méconnu le principe de la légalité des délits et des peines ;
« 4°) alors qu’à l’époque des faits, aucun texte n’imposait expressément aux groupes politiques auxquels des crédits d’assistants avaient été transférés d’utiliser ces fonds pour le recrutement de personnel ; qu’en se fondant, pour retenir néanmoins que les fonds devaient être affectés au paiement de collaborateurs du groupe ou au fonctionnement de celui-ci et refuser d’annuler la mise en examen de M. X…, sur la déposition de M. D…, sur une note établie par le Sénat mentionnant un simple « objectif », sur l’existence du formulaire de « demande de transfert d’une fraction du crédit mensuel à un groupe politique » faisant état de charges sociales qui ne permet cependant pas d’expliquer l’affectation possible au fonctionnement du groupe et sur l’arrêté n° 95-190 du 12 décembre 1995 qui ne prévoit pourtant aucune affectation pour les crédits transférés aux groupes politiques, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision » ;
Attendu que, pour refuser d’annuler la mise en examen de M. X… et retenir la qualification de détournement de fonds publics prévue par l’article 432-15 du code pénal, l’arrêt, après avoir constaté que la dotation financière accordée par le Sénat aux sénateurs a la nature de fonds publics, énonce qu’il résulte de l’audition du premier questeur du Sénat, que, d’une part, l’objet de la dotation financière est de permettre au groupe de rémunérer ses collaborateurs et d’assurer ses charges de fonctionnement et que si les groupes politiques jouissent de la libre administration de leur compte et qu’il n’appartient pas à la questure de vérifier l’utilisation de ces fonds, le bureau du Sénat les a, dès 2009, invités à faire certifier leurs comptes par un expert-comptable, d’autre part, les services de la questure ignoraient l’existence des associations citées et qu’il n’y avait, selon le témoin, aucune justification à ce que des fonds publics provenant de la questure soient utilisés à seule fin que des associations les reversent à des sénateurs ;
Que les juges ajoutent que les crédits destinés à la rémunération des assistants reversés aux groupes, dans la limite de 30% de l’enveloppe consentie à un sénateur, doivent, cependant, faire l’objet d’un usage déterminé et sont destinés, soit à la rémunération de leurs collaborateurs, soit au règlement de leurs dépenses de fonctionnement et non à être transférés aux sénateurs à titre personnel, fût-ce pour une activité politique, en sus de Indemnité Représentative de Frais de Mandat (IRFM) qui est destinée à couvrir les frais inhérents à l’exercice des fonctions parlementaires ; que les juges relèvent que les déclarations du premier questeur sont corroborées par plusieurs éléments, notamment, d’une part, une note, remise par lui aux enquêteurs et établie par les services du Sénat, relative aux conditions de transfert aux groupes d’une fraction du crédit mensuel destiné à la rémunération des collaborateurs de sénateurs, qui mentionne que « l’objectif du transfert au groupe est le recrutement de salariés par le groupe, lequel est tenu, en application de la réglementation, d’assurer aux personnels de leur secrétariat rémunérés à l’aide de crédits transférés de la dotation de l’AGAS un salaire ou des honoraires » dont le montant minimal doit être conforme à la réglementation appliquée par celle-ci aux collaborateurs et que le transfert ainsi assuré inclut les sommes représentatives des charges patronales, d’autre part, le formulaire de « demande de transfert d’une fraction du crédit mensuel à un groupe politique » qui doit être rempli par le sénateur concerné et qui mentionne que « cette somme sera versée chaque mois, augmentée des charges sociales et patronales correspondantes », enfin, les dispositions de l’arrêté n° 95-190 du 12 décembre 1995, régissant les assistants des sénateurs, qui prévoit, dans son article 7, les conditions dans lesquelles un sénateur peut déléguer à son groupe politique 33,33% au plus du crédit mis à sa disposition pour l’emploi de ses collaborateurs, et qui précise, notamment, que dans le cas de cessation de son mandat, le sénateur ayant accepté de transférer une partie de ses crédits de collaborateur à son groupe politique assume les charges directes et indirectes liées à l’emploi des personnes concernées et, le cas échéant, les indemnités légales ou conventionnelles occasionnées par une rupture du contrat de travail des intéressés ainsi que les indemnités légales ou conventionnelles résultant d’une éventuelle rupture ou novation des contrats de travail indépendantes de la cessation du mandat du sénateur déléguant ;
Que la chambre de l’instruction constate qu’il résulte de ces éléments que la part de crédits, non utilisée par un sénateur pour ses propres assistants et transférée au groupe, doit, soit servir au paiement des collaborateurs du groupe, soit, même si le directeur des affaires financières du Sénat a relevé que l’arrêté du 12 décembre 1995 n’a pas repris la formulation de celui du 13 décembre 1988 qui précisait explicitement « Les sommes ainsi transférées sont utilisées par les groupes politiques à la rémunération des personnels de leur secrétariat », à tout le moins, être affectée au fonctionnement du groupe, aucune disposition légale ou réglementaire n’autorisant, durant la période des faits, un sénateur, sous quelque manière que ce soit, directement ou par association interposée, à bénéficier d’une rétrocession de ces fonds publics non utilisés et à les affecter à son usage personnel et le principe d’égalité imposant à lui seul qu’un sénateur affilié à un groupe ne puisse, de ce seul fait, prétendre à des rétrocessions discrétionnaires de fonds publics dont serait privé un sénateur indépendant ; qu’elle retient que, contrairement à ce que soutient le mis en examen, des fonds publics ont été versés par le groupe à un homme politique, alors qu’il n’était plus sénateur et ne déléguait pas de crédits ou encore à M. E…, conseiller politique du groupe mais non sénateur, que les associations URS et CRESPI, qui sont des « coquilles vides » et dont l’existence était ignorée des services du Sénat, n’ont eu pour principale utilité que de faciliter cette redistribution discrète aux sénateurs, sans justificatifs, et ce afin de permettre aux sénateurs des anciens groupes centriste et Républicains Indépendants de conserver les mêmes avantages et de fidéliser les sénateurs qui auraient pu avoir des velléités de soutenir l’action d’un autre parti ;
Que, s’agissant de l’existence d’indices graves ou concordants à l’encontre de M. X…, les juges relèvent que celui-ci, qui a disposé de la signature sur les comptes du groupe UMP et qui a admis avoir bénéficié du système de rétrocession après avoir quitté les fonctions de questeur, ne conteste pas être, avec M. I…, le signataire des chèques émis entre janvier 2013 jusqu’en septembre 2014, sur le compte HSBC du groupe dont ont bénéficié 16 sénateurs dont 14 avaient déjà reçu des sommes de l’URS, avoir établi et signé le courrier du 21 janvier 2013 remis à la banque HSBC autorisant M. Michel E… à retirer entre février 2013 et septembre 2014, une somme totale de 93 000 euros, avoir reçu, en 2011 et 2012, une somme totale de 12 000 euros sous la forme de trois chèques tirés sur le compte de l’URS à la Société Générale, puis, entre janvier 2013 et mai 2014, depuis le compte HSBC du groupe UMP, une somme totale de 92 100 euros sous la forme de 17 chèques de 5 000 euros, alors qu’il n’avait jamais délégué de crédits d’assistants au groupe, et avoir réglé des dépenses personnelles à l’aide de ces fonds ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits, dont elle a déduit qu’il existait des indices graves ou concordants contre M. X… qu’il ait pu participer à la commission de faits de détournement de fonds publics et de recel de ce délit, et dès lors qu’il résulte des dispositions de l’article 7 de l’arrêté n° 95-190 du 12 décembre 1995 que les sommes reçues par un groupe parlementaire au Sénat en application de ce texte, étaient destinées à rémunérer les assistants de son secrétariat, la chambre de l’instruction, qui n’a pas méconnu les dispositions conventionnelles et légales invoquées, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 27 de la Constitution du 4 octobre 1958, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-3, 111-4, 321-1, 432-15 du code pénal, préliminaire, 80-1, 591, 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que la chambre de l’instruction a rejeté la demande d’annulation de la mise en examen de M. X… du chef de recel de détournement de fonds publics ;
« aux motifs que s’agissant des faits présumés de recel de détournement de fonds publics, soit la somme de 12 000 euros dont il a bénéficié par trois chèques des 26 juillet 2011, 5 mars 2012 et 2 avril 2012 tirés sur le compte Société générale de l’URS signés de M. I… pour l’un et M. C… pour les deux autres, puis entre janvier 2013 et mai 2014, depuis le compte HSBC intitulé « Groupe UMP du Sénat », de 17 chèques représentant mensuellement 5 000 euros signés par M. I… encaissés sur son compte Banque postale soit un total de 92 100 euros entre juillet 2011 et mai 2014, alors qu’il apparaissait qu’il n’avait jamais délégué de crédits d’assistant au groupe UMP, selon les états mensuels de l’AGAS retraçant les crédits délégués par les sénateurs UMP à leur groupe pour les années 2010 à 2014, il s’en disait étonné, n’ayant jamais eu plus de deux assistants et un seul les trois dernières années de son mandat, ayant dit au groupe qu’il lui abandonnait les crédits qu’il n’utilisait pas : « mais ensuite j’ignore selon quelles modalités concrètes tout cela s’est mis en place » ; que s’agissant des 5 000 euros mensuels précités, ils correspondaient selon lui d’une part aux crédits d’assistants non utilisés et mis à la disposition de son groupe, d’autre part au fait que lorsqu’il était questeur, il avait pu payer sur son compte personnel des frais de repas par exemple qui n’avaient pas été réglés par les sénateurs RI qui utilisaient les locaux de la questure ; qu’il avançait avoir en tant que questeur, constitué une cave en achetant des bouteilles à la cave du Sénat sur ses deniers personnels, cave qui lui avait, selon lui, été rachetée par le groupe quand il avait quitté ses fonctions de questeur ; qu’il ne pouvait produire aucun justificatif ; qu’il convenait, au vu des sommes « rondes » mensuelles de 5 000 euros ainsi perçues, qu’il ne s’agissait pas de simples remboursements qui auraient alors été de montants variables, avançant qu’à partir du moment où il avait quitté ses fonctions de questeur en 2011, ses remboursements ont été arrondis par un complément destiné à compenser partiellement l’abandon des fonctions de questeur ; qu’il a convenu que ces sommes étaient créditées sur son compte CCP alimenté presque exclusivement par ces 5 000 euros mensuels et un virement du Sénat d’environ 4 700 euros, ce virement correspondant selon lui à l’IRFM perçue sur ce compte CCP Paris, l’indemnité parlementaire étant virée sur son autre compte CCP ouvert à Rouen ; qu’il avançait avoir utilisé ces sommes pour son activité politique en recevant à Paris des élus locaux qui étaient mon collège électoral et qu’il invitait lorsqu’ ils assistaient à une séance du Sénat ; qu’il reconnaissait cependant, face aux éléments de preuve, que sur ce compte apparaissaient au débit des dépenses n’ayant aucun lien avec son activité politique, comme pour la période de deux mois du 9/03/12 au 4/05/12 où il avait déposé deux chèques de 5 000 euros les 9/03 et 4/04, le troisième étant déposé le 4 mai 2012, et le relevé du compte de la période faisant apparaître quasi exclusivement des dépenses de la vie courante ou d’agrément ; qu’il convenait d’un « un mélange fâcheux, j’ai considéré que j’avais fini mon temps. Concernant les dépenses en Irlande j’avais dû partir avec ma carte de crédit. » ; qu’ayant exercé la fonction de questeur, M. X… ne pouvait ignorer que l’existence de l’association URS et son fonctionnement étaient ignorés des services administratifs de la Questure et qu’il n’y avait aucune justification à ce que les fonds publics remis par la Questure au groupe soient utilisés par les associations pour les reverser à des sénateurs de manière discrétionnaire ; qu’il est également suffisamment établi qu’il a profité de rétrocessions injustifiées à titre de compensation, dépourvues de tout fondement juridique, sommes utilisés à des fins personnelles ; qu’il résulte suffisamment des éléments ci-dessus rapportés l’existence d’indices graves ou concordants réunis à l’encontre de M. X… d’avoir pu commettre les faits reprochés à sa mise en examen ; que cette mise en examen est régulière et bien fondée ; que la requête en nullité est mal fondée et doit être rejetée ; qu’enfin que la cour qui examiné l’ancienne procédure n’a relevé aucune nullité d’actes ou de pièces de la procédure jusqu’à la côte D 370 » ;
« alors que, le délit de recel, qui est une infraction de conséquence, n’est légalement constitué que si l’infraction originaire est établie en tous ses éléments constitutifs ; qu’à l’époque des faits, aucun texte n’imposait l’affectation des crédits transférés au groupe politique au recrutement de personnel de sorte que l’utilisation de ces sommes à d’autres fins ne pouvait s’analyser en un acte de détournement de fonds publics au sens de l’article 432-15 du code pénal ; que, dès lors, la chambre de l’instruction ne pouvait refuser d’annuler la mise en examen de M. X… du chef de recel de ce délit aux motifs qu’il avait perçus des sommes provenant de son groupe politique » ;
Attendu que ce moyen est devenu sans objet à la suite du rejet des deux premiers moyens ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept juin deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
ECLI:FR:CCASS:2018:CR01469
Analyse
Publication :
Décision attaquée : Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris , du 18 décembre 2017