Demandeur(s) : Mme X…, épouse Y…
Défendeur(s) : Association Baby-Loup
Sur les cinq moyens réunis, pris en leurs diverses branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2013), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 19 mars 2013, n° 11 28.645, Bull. 2013, V, n° 75) que, suivant contrat à durée indéterminée du 1er janvier 1997, lequel faisait suite à un emploi solidarité du 6 décembre 1991 au 6 juin 1992 et à un contrat de qualification du 1er décembre 1993 au 30 novembre 1995, Mme X…, épouse Y… a été engagée en qualité d’éducatrice de jeunes enfants exerçant les fonctions de directrice adjointe de la crèche et halte garderie gérée par l’association Baby Loup ; qu’en mai 2003, elle a bénéficié d’un congé de maternité suivi d’un congé parental jusqu’au 8 décembre 2008 ; qu’elle a été convoquée par lettre du 9 décembre 2008 à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire, et licenciée le 19 décembre 2008 pour faute grave, pour avoir contrevenu aux dispositions du règlement intérieur de l’association en portant un voile islamique et en raison de son comportement après cette mise à pied ; que, s’estimant victime d’une discrimination au regard de ses convictions religieuses, Mme X…, épouse Y… a saisi la juridiction prud’homale le 9 février 2009 en nullité de son licenciement et en paiement de diverses sommes ;
Attendu que Mme X…, épouse Y… fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l’entreprise de tendance ou de conviction suppose une adhésion militante à une éthique philosophique ou religieuse et a pour objet de défendre ou de promouvoir cette éthique ; que ne constitue pas une entreprise de tendance ou de conviction une association qui, assurant une mission d’intérêt général, se fixe pour objectifs dans ses statuts « de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d’oeuvrer pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes (…) sans distinction d’opinion politique et confessionnelle » ; qu’en se fondant sur les missions statutairement définies pour qualifier l’association Baby Loup d’entreprise de conviction cependant que son objet statutaire n’exprime aucune adhésion à une doctrine philosophique ou religieuse, la cour d’appel a violé les articles L. 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail, ensemble l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 4 § 2 de la directive 78 /2000/CE du 27 novembre 2000 ;
2°/ que les convictions ou tendances d’une entreprise procèdent d’un choix philosophique, idéologique ou religieux et non de la nécessité de respecter des normes juridiques ou des contraintes attachées à la nature des activités de l’entreprise ; que la nécessité prétendue de protéger la liberté de conscience, de pensée et de religion de l’enfant déduite de la Convention de New York ou celle de respecter la pluralité des options religieuses des femmes au profit desquelles est mise en oeuvre une insertion sociale et professionnelle dans un environnement multiconfessionnel ne sont pas constitutivement liées à une entreprise de conviction ; qu’en se fondant sur cette « nécessité » pour qualifier l’association Baby Loup d’entreprise de conviction en mesure d’exiger la neutralité de ses employés, la cour d’appel a violé les articles L. 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail, ensemble l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et l’article 4 § 2 précité de la directive 78 /2000/CE du 27 novembre 2000 ;
3°/ que l’article 14 de la Convention relative aux droits de l’enfant –qui n’est pas au demeurant d’application directe– n’emporte aucune obligation qu’une entreprise recevant de petits enfants ou dédiée à la petite enfance soit obligée d’imposer à son personnel une obligation de neutralité ou de laïcité ; que la cour d’appel a violé ledit texte par fausse application, outre les textes précités ;
4°/ qu’en tant que mode d’organisation de l’entreprise destiné à « transcender le multiculturalisme » des personnes à qui elle s’adresse, la neutralité n’exprime et n’impose aux salariés l’adhésion à aucun choix politique, philosophique ou idéologique seul apte à emporter la qualification d’entreprise de tendance ou de conviction ; que la cour d’appel a violé les articles L. 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail, ensemble l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et l’article 4 § 2 de la directive 78/2000/CE du 27 novembre 2000 ;
5°/ que la laïcité, principe constitutionnel d’organisation de l’Etat, fondateur de la République, qui, à ce titre, s’impose dans la sphère sociale ne saurait fonder une éthique philosophique dont une entreprise pourrait se prévaloir pour imposer à son personnel, de façon générale et absolue, un principe de neutralité et une interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion ; que la cour d’appel a violé les articles L. 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail, ensemble les articles 9 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 1er de la Constitution ;
6°/ qu’une entreprise ne peut s’ériger en « entreprise de conviction » pour appliquer des principes de neutralité –ou de laïcité– qui ne sont applicables qu’à l’Etat ; que ni le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution, ni le principe de neutralité consacré par le Conseil constitutionnel au nombre des principes fondamentaux du service public, ne sont applicables aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public ; qu’ils ne peuvent dès lors être invoqués pour les priver de la protection que leur assurent les dispositions du code du travail ; qu’il résulte des articles L. 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché ; qu’en retenant que l’association Baby Loup pouvait imposer une obligation de neutralité à son personnel dans l’exercice de ses tâches, emportant notamment interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion aux motifs de la nécessité de protéger la liberté de pensée, de conscience et de religion à construire pour chaque enfant ainsi que la pluralité des options religieuses des femmes au profit desquelles est mise en oeuvre une insertion sociale et professionnelle aux métiers de la petite enfance, et que l’entreprise assure une mission d’intérêt général subventionnée par des fonds publics, la cour d’appel a violé les articles L. 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail, ensemble l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les articles 1 à 4 de la directive 78/2000/CE du 27 novembre 2000 ;
7°/ que des restrictions à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peuvent être créées que par la loi nationale au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ; que cette loi nationale doit elle même, au sens de cette jurisprudence respecter l’ordre interne de création des normes ; qu’il en résulte que la création d’un type d’entreprise de conviction fondée sur le seul principe de neutralité ne peut résulter que de la loi au sens organique du terme ; que la cour d’appel a violé les articles 34 de la Constitution, 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, 9 § 2 de la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 et 14 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, L. 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail, 1 à 4 de la directive 78/2000/CE du 27 novembre 2000, 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et a excédé ses pouvoirs ;
8°/ qu’une mesure ou une différence de traitement fondée notamment sur les convictions religieuses peut ne pas être discriminatoire si elle répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ; qu’en énonçant que les restrictions prévues au règlement intérieur « répondent aussi dans le cas particulier à l’exigence professionnelle essentielle et déterminante de respecter et protéger la conscience en éveil des enfants », la cour d’appel, qui a confondu exigence professionnelle essentielle et déterminante, et objectif légitime, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1133 1 et L. 1132 1 du code du travail, 1 à 4 de la directive 78/2000/CE du 27 novembre 2000, 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
9°/ que l’arrêt attaqué, qui n’a pas constaté ni caractérisé, au vu des éléments particuliers et concrets de l’espèce (tâches dévolues à Mme Y… personnellement dans son emploi, âge des enfants, absence de comportement ostentatoire ou prosélyte de Mme Y…) l’incompatibilité du port de son voile islamique avec l’engagement et l’emploi de Mme Y…, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail, ensemble les articles 9 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1 à 4 de la directive 78/2000/CE du 27 novembre 2000, 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
10°/ qu’à supposer que l’employeur eût été en l’espèce une entreprise de conviction au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et définie par la directive communautaire 78/2000/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, en l’absence de dispositions particulières en droit interne, de telles entreprises sont soumises, comme tout employeur de droit privé, aux dispositions des articles L. 1121 1, L. 1132 1 et L. 1321 3 du code du travail dont il résulte que les restrictions aux libertés fondamentales des salariés, dont la liberté religieuse, doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché ; qu’en retenant qu’une personne morale de droit privé, constituant une entreprise de conviction au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, peut se doter d’un règlement intérieur prévoyant une obligation générale de neutralité du personnel dans l’exercice de ses tâches emportant notamment interdiction de tout signe ostentatoire de religion, la cour d’appel a violé les articles L. 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail, ensemble l’article 4 § 2 de la directive communautaire 78/2000/CE du 27 novembre 2000, 9 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
11°/ que la qualification d’entreprise de conviction –ou de tendance– si elle autorise exceptionnellement le licenciement d’un salarié à raison d’une conviction ou de la manifestation d’une conviction contraire ou devenue contraire à celle de son employeur, c’est à dire pour un motif a priori discriminatoire ou interdit, n’autorise pas que le comportement ainsi allégué comme motif de rupture puisse être imputé à faute au salarié ; qu’en validant un licenciement prononcé pour faute grave, la cour d’appel a violé les textes précités outre les articles L. 1234 1, L. 1234 5 et L. 1234 9 du code du travail ;
12°/ que l’inscription éventuelle, dans le règlement intérieur d’une entreprise de tendance ou de conviction, de la nécessité pour les salariés de s’y conformer, ne peut avoir pour effet de constituer en faute le salarié dont la conviction viendrait à changer ; que la cour d’appel a encore violé l’ensemble des textes précités ;
13°/ qu’ en toute hypothèse, aux termes de l’article 4 § 2 de la directive précitée du 27 novembre 2000, le régime dérogatoire prévu pour les entreprises de tendance s’applique « aux activités professionnelles d’églises » et « aux autres organisations publiques ou privées dont l’éthique est fondée sur la religion ou les convictions » lorsque « par la nature de ces activités ou par le contexte dans lequel elles sont exercées, la religion ou les convictions constituent une exigence professionnelle essentielle, légitime et justifiée eu égard à l’éthique de l’organisation » ; que cette disposition instaure une clause de standstill qui exige que les dispositions spécifiques aux entreprises de tendance, autorisant une différence de traitement fondée sur la religion ou les convictions d’une personne, résultent de la « législation nationale en vigueur à la date d’adoption de la présente directive » ou d’une « législation future reprenant des pratiques nationales existant à la date d’adoption de la présente directive » ; que cette clause interdit pour l’avenir l’adoption de normes réduisant le niveau de protection des droits reconnus aux salariés par l’ordonnancement juridique de l’Etat membre ; qu’en retenant qu’une personne morale de droit privé, constituant une entreprise de conviction au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, peut se doter d’un règlement intérieur prévoyant une obligation générale de neutralité du personnel dans l’exercice de ses tâches emportant notamment interdiction de tout signe ostentatoire de religion, et licencie pour faute un salarié au seul motif du port d’un signe religieux, la cour d’appel a violé les articles L. 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail, ensemble l’article 4 § 2 de la directive communautaire 78/2000/CE du 27 novembre 2000, 9 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
14°/ que le règlement intérieur fût ce dans une entreprise dite de tendance ou de conviction ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ne répondraient pas à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et ne seraient pas proportionnées au but recherché ; que l’article II A) du règlement intérieur de l’association Baby Loup, figurant au titre des « règles générales et permanentes relatives à la discipline au sein de l’association » applicables à l’ensemble du personnel, est ainsi rédigé : « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche » ; qu’en ce qu’elle soumet l’ensemble du personnel à un principe de laïcité et de neutralité, applicable à l’ensemble de ses activités, sans préciser les obligations qu’elle impliquerait, en fonction des tâches à accomplir, cette disposition, générale et imprécise, est illicite et porte une atteinte disproportionnée aux libertés des salariés ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 1121 1, L. 1321 3 et L. 1132 1, du code du travail, ensemble les articles 9 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
15°/ que la clause du règlement intérieur de 1990 selon laquelle « le personnel doit respecter et garder la neutralité d’opinion politique et confessionnelle au regard du public accueilli tel que mentionné dans les statuts » est entachée du même vice de généralité et contraire aux textes précités que la cour d’appel a derechef violés ;
16°/ qu’en estimant, sous couvert d’interprétation, que la disposition précitée de l’article II A) du règlement intérieur de l’association Baby Loup est d’application limitée « aux activités d’éveil et d’accompagnement des enfants à l’intérieur et à l’extérieur des locaux professionnels » et « exclut les activités sans contact avec les enfants, notamment celles destinées à l’insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier qui se déroulent hors la présence des enfants confiés à la crèche », la cour d’appel, qui en a dénaturé les termes et la portée, a violé l’article 1134 du code civil ;
17°/ que le licenciement, prononcé en violation d’une liberté ou d’un droit fondamental ou pour un motif discriminatoire, est nul, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs visés à la lettre de licenciement ; que le licenciement intervenu en l’espèce à raison du refus de la salariée d’ôter un signe d’appartenance religieuse est nul, de sorte qu’en se fondant sur les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement pour justifier le licenciement, la cour d’appel a violé les articles L. 1132 4 L. 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail ;
18°/ que le refus du salarié de se soumettre à une mise à pied conservatoire injustifiée ne peut justifier le licenciement ; qu’en l’absence de faute grave susceptible d’être reprochée à Mme Y… pour avoir refusé de quitter son voile, la mise à pied conservatoire n’était pas justifiée ; qu’en se fondant dès lors sur le fait que Mme Y… était demeurée sur son lieu de travail malgré la mise à pied qui lui avait été signifiée pour justifier le licenciement pour faute grave, la cour d’appel a violé les articles L. 1234 1, L. 1331 1, L. 1234 9, L. 1232 1 du code du travail ;
19°/ que n’est pas fautif le comportement du salarié qui n’est que l’expression du refus par celui ci de se conformer à une décision illicite de l’employeur ; que l’ensemble des autres griefs reprochés à Mme Y… n’ayant été que l’expression, aussi vive soit elle, de son refus de se conformer à l’ordre illicite qui lui avait été donné de quitter son voile, la cour d’appel ne pouvait y puiser la justification de son licenciement pour faute grave sans violer les articles L. 1234 1, L. 1331 1, L. 1234 9, L. 1232 1 du code du travail ;
20°/ que, lorsque sont invoqués plusieurs griefs de licenciement dont l’un d’eux est susceptible d’entraîner la nullité de ce licenciement, le juge est tenu d’examiner ce grief au préalable, et de prononcer la nullité du licenciement, sans pouvoir s’en dispenser au prétexte que les autres griefs invoqués seraient à eux seuls constitutifs de faute grave ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme elle y était expressément invitée, si le refus de la salariée d’ôter son voile islamique pouvait, s’agissant de l’exercice d’une liberté et de l’expression de convictions personnelles licites, être sanctionné disciplinairement et caractériser une faute et donc de s’interroger sur la nullité du licenciement, la cour d’appel a méconnu l’étendue de son office et violé les articles 4 du code civil, L. 1234 1, L. 1331 1, L. 1234 9, L. 1232 1 du code du travail ;
21°/ que ne caractérise pas une faute grave privative des indemnités de licenciement le seul fait de « se maintenir sur les lieux du travail » après notification d’un ordre d’enlever un signe religieux qui, à le supposer « licite » n’en était pas moins de nature à affecter la salariée dans ses convictions, et sans que ce « maintien dans les lieux » ait affecté le fonctionnement de l’entreprise, aucun trouble à ce fonctionnement n’étant caractérisé par l’arrêt attaqué ; que la cour d’appel a violé les articles L. 1234 1, L. 1234 9, L. 1232 1, L. 1331 1 du code du travail ;
22°/ que la lettre de licenciement ne mentionnait aucun fait d’agressivité et encore moins à l’égard des « collègues » de Mme Y… ; que la cour d’appel, en lui imputant ce fait à faute, a violé le cadre du litige et les articles précités du code du travail et 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’il résulte de la combinaison des articles L. 1121 1 et L. 1321 3 du code du travail que les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ;
Attendu qu’ayant relevé que le règlement intérieur de l’association Baby Loup, tel qu’amendé en 2003, disposait que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche », la cour d’appel a pu en déduire, appréciant de manière concrète les conditions de fonctionnement d’une association de dimension réduite, employant seulement dix huit salariés, qui étaient ou pouvaient être en relation directe avec les enfants et leurs parents, que la restriction à la liberté de manifester sa religion édictée par le règlement intérieur ne présentait pas un caractère général, mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de l’association et proportionnée au but recherché ;
Et attendu que sont erronés, mais surabondants, les motifs de l’arrêt qualifiant l’association Baby Loup d’entreprise de conviction, dès lors que cette association avait pour objet, non de promouvoir et de défendre des convictions religieuses, politiques ou philosophiques, mais, aux termes de ses statuts, « de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d’œuvrer pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes (…) sans distinction d’opinion politique et confessionnelle » ;
Attendu, enfin, que la cour d’appel a pu retenir que le licenciement pour faute grave de Mme X…, épouse Y… était justifié par son refus d’accéder aux demandes licites de son employeur de s’abstenir de porter son voile et par les insubordinations répétées et caractérisées décrites dans la lettre de licenciement et rendant impossible la poursuite du contrat de travail ;
D’où il suit que le moyen, inopérant en sa treizième branche, qui manque en fait en ses dix septième à vingt-deuxième branches et ne peut être accueilli en ses sept premières branches et en ses dixième, onzième et douzième branches, n’est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Président : M. Lamanda
Rapporteur : M. Truchot, conseiller, assisté de MM. Burgaud et Pons, auditeurs au service de documentation, des études et du rapport
Avocat général : M. Marin, procureur général
Avocat(s) : Me Spinosi ; SCP Waquet, Farge et Hazan
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