RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur la péremption :
Attendu que la défenderesse est irrecevable à demander de constater la péremption de l’instance pour des raisons acquises antérieurement à l’ordonnance du premier président qui dit n’y avoir lieu à constater la péremption de l’instance et autorise la réinscription de l’instance afférente ;
Sur le moyen unique :
Vu l’article 1er du Protocole n 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé le 10 août 1994 par l’Association vers la vie pour l’éducation des jeunes (AVVEJ) ; que contestant son licenciement intervenu le 9 octobre 2001 et estimant notamment ne pas avoir été rempli de ses droits au titre des temps de responsabilité de surveillance nocturne assumés en chambre de veille, le salarié a saisi la juridiction prud’homale ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des heures de nuit, l’arrêt retient que l’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail dispose que « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes et permanences nocturnes, comportant des temps d’inaction, effectuées sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux de travail agréés en vertu de l’article 16 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l’absence de validité des dites clauses » ; que le Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme dispose que toute personne a droit au respect de ses biens ; qu’en l’espèce, ce sont des créances ; que celles-ci doivent être suffisamment établies pour être exigibles, ce qui n’est pas le cas, vu les incertitudes juridiques qui ont prévalu dans le domaine de la rémunération des heures de surveillance nocturne ;
Attendu cependant, d’abord, que le juge national doit tenir compte de la définition par la Cour européenne des droits de l’homme de la notion de bien protégé par l’article 1er du Protocole n 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, ensuite, que caractérise un bien, au sens de ce texte, l’intérêt patrimonial qui constitue une « espérance légitime » de pouvoir obtenir le paiement de rappels de salaires au titre des temps de responsabilité de surveillance nocturne ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle avait constaté que les demandes de rappels de salaires invoquées portaient sur une période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000, ce dont elle devait déduire l’existence d’une espérance légitime de créance la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures de nuit, l’arrêt rendu le 15 septembre 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;
Condamne l’Association vers la vie pour l’éducation des jeunes aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par M. X…
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement rendu le 17 Octobre 2002, par le Conseil des Prud’hommes de RAMBOUILLET, et d’avoir débouté le demandeur de l’ensemble des demandes formées à l’encontre de l’A.V.V.E.J., tendant principalement au paiement d’arriérés d’heures supplémentaires au titre de permanences nocturnes en chambre de veille, aux motifs :
-Considérant que ces surveillances nocturnes-ne peuvent être assimilées à un travail effectif, les demandeurs n’établissant pas qu’ils fournissent la nuit un travail éducatif et qu’ils étaient dans l’impossibilité de vaquer à des occupations personnelles :
ALORS QUE:
Le demandeur au pourvoi se tenait, dans les locaux de l’entreprise, à la disposition permanente de l’employeur, sur des périodes nocturnes interdisant le moindre bruit, ce dont il ressortait une présomption suffisante de ce qu’il effectuait alors un travail effectif, cette présomption n’étant nullement renversée par l’A.V.V.E.J,
ET QUE:
En faisant porter sur le demandeur au pourvoi la charge de la preuve de l’effectivité du travail, la Cour a renversé cette charge,
ET ENFIN QUE:
En exigeant que l’effectivité du travail se rapporte à un travail éducatif, la Cour a ajouté aux exigences légales une condition non prévues par les texte,
CE QUE FAISANT LA COUR A PRIVE SON ARRÊT DE TOUTE BASE LEGALE, ENCOURANT, AINSI LA CENSURE E LA COUR DE CASSATION,
Et au motif que :
Considérant qu’en l’espèce, l’AVVEJ est une institution privée qui gère des établissements médico-sociaux et qui est placée sous contrôle d’une autorité publique, le département, qui en assure le financement:
le coût des condamnations susceptibles d’être prononcées serait de nature à compromettre son équilibre financier, son fonctionnement et sa pérennité,
ALORS QUE :
S’il est exact que le département est une autorité de contrôle, il est constat: qu’il n’en est nullement le financeur, l’établissement en cause étant un institut de rééducation dont le prix de journée est uniquement financé par les organismes de sécurité sociale, cette simple constatation suffisant à écarter tout risque, quelque en soit la nature pour l’équilibre financier et la pérenhlite du département,
CE QUE FAISANT LA COUR A, UNE SECONDE FOIS PRIVE SON ARRET DE TOUTE BASE LEGALE, ENCOURANT UNE SECONDE FOIS LA CENSURE DE LA COUR DE CASSATION,
et au motif que :
Considérant que le protocole additionnel dispose que toute personne a droit ail respect de ses biens,
Qu’en l’espèce ce sont des créances,
Que celle-ci doivent être suffisamment établies pour être exigibles, ce qui n’est pas cas, vu les incertitudes juridiques qui ont prévalu dans le domaine de la rémunération des heures de surveillance nocturne,
ALORS QUE :
L’article 1 du protocole additionnel n° 1 à la Convention Européenne des Droits de l’Homme et de Sauvegarde des Libertés Fondamentales, garantit à chacun le respect de ses biens,
Que la Cour Européenne des droits de l’homme juge de manière constante, que ce texte garantit le respect d’une créance quand bien même celle-ci resterait » virtuelle », dès lors que celui qui s’en réclame ait pu avoir une espérance légitime de la voir se concrétiser, (Arrêt PRESSOS COMPAGNA NOVIERA S.A. et autres c/ Belgique – 28 Octobre 1995)
Qu’en l’espèce, l’état du droit positif existant à la date à laquelle le demandeur saisissait la juridiction prud’homale lui laissait un espoir raisonnable d’obtenir gain de cause et de voir sa créance concrétisée,
QU’AINSI LA COUR A, VIOLE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE ADDITIONNEL N° 1, PRIVANT SA DECISION DE BASE LEGALE, QUE LA CASSATION EST ENCOURUE, DERECHEF :
Et au motif que:
que, certes, la jurisprudence de la Cour de Cassation a été fluctuante, mais qu’en son dernier état, l’assemblée plénière, par un arrêt du 24 janvier 2003 et la Chambre sociale, le 18 mars 2003 ont admis l’applicabilité des dispositions rétroactives de l’article 29 de la loi précitée, estimant que si » le principe de prééminence du droit la notion de procès équitable, énoncés par l’article 6 de la Convention européenne sauvegarde des droits de l’homme et des libertés foiidainentales, s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intêret général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice, afin d’influer sur le dénouement judiciaire des litiges, obéissait à d’impérieux motifs d’intêret général, l’intervention du législateur destinée à aménager les effets d’une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptés et handicapées, »,
ALORS QUE:
La simple référence à un arrêt précédent de la Cour de Cassation ne saurait à elle seule constituer une base légale,
Que la Cour saisie de conclusions tendant à faire juger que l’article 29 de la loi du 18 Janvier 2000 enfreignait les dispositions de l’article 6-1 de la Convention Européenne était tenue de caractériser précisément l’existence du motif impérieux d’intérêt général,
Qu’en ne faisant référence qu’à 2 arrêts de la Cour de Cassation, la Cour d’Appel a, ensemble, violé l’article 6-1 de la Convention Européenne, l’article 5 du code civil, et l’article 455 du N.C.P.C., privant sa décision de base légale,
Que la Cassation est encourue de ces chefs,
et au motif que :
qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer ni jusqu’à la décision de la Cour de justice des Communautés Européennes, celle-ci étant saisi pour avis par le conseil d’état, appelé à statuer sur la légalité du décret du 31 décembre 2001, ni jusqu’à une décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui serait saisi d’un recours à propos duquel aucun élément n’est produit,
ALORS QUE:
Il eût été de bonne Justice, la légalité du décret du 31 décembre 2001 étant contestée devant son juge naturel, le Conseil d’état et la Haute juridiction ayant saisi la CJCE, de cette question, de surseoir à statuer, la légalité dudit décret devant nécessairement influer sur la solution du litige.