RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 4 de la Convention n° 98 de l’organisation internationale du travail (OIT), 5 de la Convention n° 135 de l’OIT, 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 5 de la Charte sociale européenne, 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, L. 2122-1 et L. 2122-2 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que le groupement d’intérêt économique (GIE) des laboratoires a saisi, par requête du 10 décembre 2009, le tribunal d’instance en annulation de la désignation de M. X… en qualité de délégué syndical par l’union départementale des syndicats du Rhône FO ;
Attendu que pour débouter le GIE de sa demande, le tribunal, après avoir constaté que le syndicat n’avait présenté aucun candidat aux élections au comité d’entreprise et que M. X… n’avait pas été candidat à ces élections, retient que l’obligation faite aux syndicats, pour être reconnus représentatifs, de recueillir au moins 10 % des suffrages exprimés, tous collèges confondus, au premier tour des élections au comité d’entreprise, en ce qu’elle interdit à ceux qui n’ont pas obtenu un tel score lors des dernières élections de participer aux négociations dans l’entreprise, les privant ainsi d’un élément essentiel du droit syndical, et en ce qu’elle affaiblit les représentants syndicaux au profit des représentants élus, est contraire aux textes susvisés ;
Attendu cependant que si le droit de mener des négociations collectives est, en principe, devenu l’un des éléments essentiels du droit de fonder des syndicats et de s’affilier à des syndicats, pour la défense de ses intérêts, énoncé à l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les Etats demeurent libres de réserver ce droit aux syndicats représentatifs, ce que ne prohibent ni les articles 5 et 6 de la Charte sociale européenne ni l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ni les conventions n° 98 et 135 de l’OIT ; que le fait pour les salariés, à l’occasion des élections professionnelles, de participer à la détermination des syndicats aptes à les représenter dans les négociations collectives n’a pas pour effet d’affaiblir les représentants syndicaux au profit des représentants élus, chacun conservant les attributions qui lui sont propres ;
Qu’en statuant comme il a fait, le tribunal a violé les texte susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 10 mars 2010, entre les parties, par le tribunal d’instance de Villeurbanne ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Lyon ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour le groupement d’intérêt économique des laboratoires.
Il est fait grief au jugement attaqué d’avoir constaté que les articles L.2324-2, L.2122-1, L.2143-3 et L.2143-22 étaient contraires au droit communautaire et d’avoir débouté le GIE des laboratoires de ses demandes tendant à l’annulation de la désignation de M. X… en qualité de délégué syndical comme à voir reconnaître la cessation de son mandat ;
AUX MOTIFS QU’il résulte de l’article L.2143-3 du code du travail que les syndicats représentatifs désignent leur délégué syndical parmi les candidats qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections au comité d’entreprise ; que par ailleurs, l’article L.2122-1 du code du travail dispose que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise sont celles qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections au comité d’entreprise ; qu’il est par conséquent avéré, en l’espèce, qu’en application de la loi d’août 2008, M. X… a été désigné le 5 novembre 2009 par l’union départementale des syndicats du Rhône FO, et qu’à la date du 26 novembre 2009 du 1er tour des élections au comité d’entreprise, l’union départementale des syndicats du Rhône FO n’a pas présenté de candidat aux élections du comité d’entreprise du 26 novembre 2009 et n’a donc pas pu recueillir au moins 10% des suffrages exprimés ; que par ailleurs, M. X… ne s’est pas présenté en tant que candidat aux élections du comité d’entreprise et n’a donc pas pu obtenir au moins 10% des suffrages ; et que dans ces conditions le mandat de M. X… faute de remplir les conditions pour être désigné en qualité de délégué syndical, a cessé de plein droit ; que cependant l’union départementale des syndicats du Rhône FO et M. X… ne contestent pas les conditions d’application du texte de la loi du 20 août 2008, mais demandent au tribunal de l’écarter comme contraire aux dispositions internationales et communautaires ; qu’il résulte des textes communautaires et internationaux comme l’article 11 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, l’article 6 de la Charte Sociale européenne, qu’ils ont pour objet essentiel de protéger l’individu contre les ingérences arbitraires dans l’exercice des droits consacrés par la convention ; que par ailleurs la Cour européenne rappelle que l’article 11 de la Convention n’accepte pas les restrictions non nécessaires qui affectent les éléments essentiels de la liberté syndicale ; qu’enfin l’article 5 de la convention n°135 de l’Organisation Internationale du Travail dispose que lorsqu’une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées doivent être prises pour garantir que la présence de représentants élus ne puisse affaiblir la situation des syndicats ou de leurs représentants ; que par conséquent, il ressort de l’ensemble des traités susvisés, que la loi du 20 août 2008 est contraire au préambule de la constitution de 1946 qui prévoit que tout homme peut adhérer au syndicat de son choix et que l’obligation de choisir le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10% est contraire au principe de la liberté syndicale et constitue une ingérence dans le fonctionnement syndical ; que lobligation, en l’espèce, de recueillir au moins 10% des suffrages exprimés, tous collèges confondus, au 1er tour des élections au comité d’entreprise pour être considéré comme organisation représentative dans l’entreprise, a pour effet d’empêcher l’union départementale des syndicats du Rhône FO de participer à toute négociation au sein de l’entreprise, élément essentiel à l’exercice du droit syndical ; qu’enfin cette obligation a pour but de donner prépondérance aux représentants élus au détriment de la représentation désignée, contrairement aux dispositions susvisées qui sont destinées à contre balancer les pressions susceptibles d’être exercées sur l’électorat au sein des entreprises ; que par conséquent, bien que le juge judiciaire n’ait pas compétence pour supprimer un texte contraire aux dispositions internationales et aux règles communautaires, peut malgré tout, écarter l’application de la règle nationale contraire à ces textes en vertu de la primauté du droit communautaire ; qu’en l’espèce, les dispositions de la loi du 20 août 2008 qui permettent à l’union départementale des syndicats du Rhône FO d’être représentatif pour les salariés de la catégorie qu’elle représente en obtenant au moins 10% dans le seul collège où elle se présente, mais qui ne permet pas à un syndicat comme l’union départementale des syndicats du Rhône FO d’être représentatif pour les salariés de ce collège, sont discriminatoires et violent les règles communautaires ; qu’en conséquence, il y a lieu de rejeter les demandes d’annulation du mandat de M. X… en qualité de délégué syndical au sein de l’UES CAE GIE laboratoires ;
1/ ALORS QUE les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise sont celles qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections au comité d’entreprise ; que les syndicats représentatifs désignent leur délégué syndical parmi les candidats qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections au comité d’entreprise ; que ces dispositions ne heurtent aucune prérogative inhérente à la liberté syndicale ni ne constituent une ingérence arbitraire dans le fonctionnement syndical ; que le tribunal d’instance a relevé que l’union départementale des syndicats du Rhône FO n’avait pas présenté de candidat aux élections du comité d’entreprise et n’avait pas pu recueillir au moins 10% des suffrages exprimés ; qu’il a encore constaté que M. X…, qui ne s’était pas présenté en tant que candidat aux élections du comité d’entreprise, n’avait donc pas pu obtenir au moins 10% des suffrages ; qu’en énonçant, de façon erronée, pour refuser de faire droit aux demandes de l’exposant, que les dispositions applicables étaient discriminatoires et violaient les règles communautaires, le tribunal d’instance a violé par refus d’application les articles L.2143-3, L.2121-1 et L.2122-1 du code du travail ;
2/ ALORS QU’en déboutant, dans le dispositif de son jugement, le GIE des laboratoires de ses demandes comprenant celle tenant à voir reconnaître la cessation du mandat de délégué syndical de M. X…, après avoir relevé dans les motifs de ce même jugement, que le mandat de M. X… faute de remplir les conditions pour être désigné en qualité de délégué syndical, avait cessé de plein droit, le tribunal d’instance a entaché son jugement d’une contradiction entre ses motifs et son dispositif et méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS QUE le tribunal d’instance, faisant application des articles L.2143-3, L.2121-1 et L.2122-1 du code du travail, a constaté que le mandat de M. X… faute de remplir les conditions pour être désigné en qualité de délégué syndical, avait cessé de plein droit ; qu’en décidant ensuite d’écarter les mêmes dispositions légales s’agissant du prononcé de la nullité de la désignation de M. X… en qualité de délégué syndical, le tribunal d’instance a violé les articles susvisés du code du travail ;
4/ ALORS QUE subsidiairement, l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’interdit pas de réserver un statut spécial aux syndicats représentatifs ; qu’en fixant un seuil de représentativité correspondant à 10% des suffrages exprimés, la loi du 20 août 2008 n’a pas méconnu l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme ; qu’en décidant le contraire, le tribunal d’instance a violé le texte susvisé et par refus d’application les articles L.2122-1, L.2143-3, L.2143-22 et L.2324-2 du code du travail ;
5/ ALORS QUE subsidiairement, l’article 5 de la convention n°135 de l’Organisation Internationale du Travail se borne à prévoir que des mesures appropriées devront être prises (chaque fois qu’il y a lieu) pour que la présence des élus ne serve pas à affaiblir la situation des syndicats ; que le fait de désigner les représentants du syndicat parmi les personnes qui ont été candidates aux élections en vertu de l’article L.2143-3 du Code du travail, n’a pas pour effet de donner prépondérance aux représentants élus au détriment de la représentation désignée ; qu’en décidant le contraire, le tribunal d’instance a violé les textes susvisés.