933 • Sous l’effet de divers facteurs, il y a immanquablement un développement, aujourd’hui, du champ d’application de la CDFUE. Ce développement est porteur d’espoir (1) pour l’avenir du texte. Mais si l’action de la CJUE est allée dans ce sens a priori, on note, a posteriori et pour l’instant, un avenir toujours peu favorable à un développement complet des « principes » de la charte (2).
1 – Un développement du champ d’application de la Charte a priori porteur d’espoir
→ Des compétences de la Cour élargies dans des domaines qui génèrent des contentieux liés aux droits fondamentaux
Un renforcement initial de la visibilité de la Charte
934 • La Charte des droits fondamentaux est devenue, depuis son accession à la force juridique contraignante, le principal instrument de protection des droits fondamentaux dans l’Union. Elle procède, dans l’essentiel, à une codification des droits protégés et réuni ainsi dans un seul document l’ensemble des droits qu’ils soient civils, politiques, économiques et sociaux. Les droits fondamentaux sont désormais affichés clairement pour encourager leur invocation par les particuliers. La Charte se substitue, ainsi et désormais, aux principes généraux du droit et à la ConvEDH même si la substitution n’apparait, pour l’essentiel que de manière formelle et qu’elle ne se traduit pas une amélioration du niveau de protection. Si la Charte a d’abord été utilisé par les avocats généraux (Cf. Par ex., conclusions F.-G. Jacobs sous CJCE, 14 juin 2001, Royaume des Pays-Bas contre Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, Aff. n° C-377/98, Rec. CJCE, I, p. 7079 ou conclusions J. Mischo sous CJCE, 10 juillet 2003, Booker Aquacultur Ltd (C-20/00) et Hydro Seafood GSP Ltd (C-64/00) contre The Scottish Ministers, Aff. jointe n°C-20/00 et C-64/00, Rec. CJCE, I, p. 7411) et le Tribunal (par ex., TPICE, 15 janvier 2003, Philip Morris International, Inc. et autres contre Commission des Communautés européennes, Aff. jointes n°T-377/00, n°T-379/00, n°T-380/00, n°T-260/01 et n°T-272/01), c’est l’échec du projet de Constitution européenne qui va amener la Cour, après un long silence, à enfin se référer à cette Charte (CJCE, 27 juin 2006, Parlement européen contre Conseil de l’Union européenne, Aff. n°C-540/03, Rec. CJCE, I, p. 5769). Après les craintes exprimées dans l’accession à la force juridique contraignante exprimées par les Etats membres (les Etats voulaient une adhésion conjointe de l’Union à la ConvEDH, une invocation seulement indirecte des droits sociaux, une garantie que la CJCE ne puisse s’affranchir du principe d’attribution des compétences voire encore l’adjonction d’un protocole au traité visant à limiter autant que possible les effets de la Charte, …), la Charte a su s’imposer dans la jurisprudence de la Cour, les arrêts les plus marquants de ces dernières années ayant notamment été rendu sur le fondement de la Charte. Toutes les voies de droit sont concernées exceptés les recours en carence (art. 265 TFUE) et recours en manquement (art. 258 à 260 TFUE). Dans ce dernier cas, c’est la Commission qui se refuse, pour l’instant, à utiliser la Charte dans le cadre de cette procédure.
Une politisation croissante de l’intégration européenne qui force la Cour à se prononcer davantage comme un juge constitutionnel (1)
935 • Lorsque la Cour de justice a été créé dans sa version CECA en 1951, la culture politique européenne ignorait dans l’ensemble la pratique de la justice constitutionnelle (excepté l’Italie et l’Allemagne qui avaient établis une cour constitutionnelle) mais sachant les conflits inévitables entre les Etats ou entre les Etats et les institutions, il se sont résolus à créer une Cour de justice. Mais une Cour de justice qui agirait alors d’abord comme peut le faire une juridiction administrative en France (l’idée première étant de protéger les Etats ou leurs ressortissants de l’action de la nouvelle Haute autorité ; les voies de recours établies par le Traité de Paris s’inspirent d’ailleurs du contentieux administratif français (recours en annulation, carence et exception d’illégalité, responsabilité extracontractuelle) mais aussi, ensuite, comme une juridiction internationale (l’idée étant de faire agir la Cour en tant qu’arbitre en cas de conflit entre Etats en cas de non-respect des obligations imparties, c’est le cas du recours en manquement). Restait une dernière possibilité dont les gouvernements ne semblaient pas avoir pris toute la mesure : celle qui consistait pour la Cour à interpréter le droit communautaire par le biais des questions préjudicielles. Les deux premiers types de recours ne mettaient pas, à proprement parler, en cause la souveraineté des Etats et ça ne devait pas être, non plus, le cas des questions préjudicielles (les juridictions nationales de renvoi restant libres de statuer sur les implications de la norme européenne et la Cour ne se prononce jamais sur le fond de l’affaire, juste sur l’interprétation du droit européen). Mais la pratique a fait en sorte de faire évoluer le mécanisme pour permettre aux particuliers de faire contrôler par la Cour le respect du droit de l’Union par les autorités et juridictions nationales donnant ainsi à cette dernière l’apparence du rôle d’une juridiction constitutionnelle d’un ordre fédéral.
Une politisation croissante de l’intégration européenne qui force les juridictions ordinaires nationales à se prononcer davantage comme un juge constitutionnel (2)
936 • Ce n’est pas seulement la juridiction de l’Union qui se comporte comme un juge constitutionnel mais aussi les juridictions nationales qui se sont vues doter d’un pouvoir que le peur propre Constitution ne leur reconnaissait pas la plupart du temps (voir, pour l’ensemble des remarques ci-dessus, P. Magnette, Le régime politique de l’Union européenne, Paris, Presses de sciences po, 2017, 4ème éd., plus spécialement le chapitre 6 intitulé « Les politiques des juges », p. 169-196). La coopération a été très fructueuse puisqu’elle a amené à interpréter le système des voies de recours et à transformer la signification même de l’ordre juridique de l’Union pour permettre aux particuliers de contrôler l’action des Etats. Avec la transformation du climat politique et la volonté de passage de l’Europe économique à l’Europe de l’Etat de droit et l’Europe sociale, la Cour doit aussi persuader les opinions publiques du bien-fondé de ses décisions. Au fur et à mesure de l’extension du domaine d’action de l’Union, la Cour se trouve entraînée sur des terrains de plus en plus sensibles. La Cour doit prendre position au sein même des institutions européennes pour régler des conflits la plupart du temps entre le Parlement européen d’un côté et le Conseil de l’Union et la Commission européenne de l’autre côté. Le conflit politique quant à la répartition des pouvoirs se transformant en conflit juridique, la plupart du temps à travers la question de la protection des droits fondamentaux.
Des compétences de la Cour élargies dans des domaines susceptibles de générer des contentieux liés aux droit fondamentaux : l’exemple du droit des étrangers (1)
937 • Des limites à la compétence de la Cour ont été, à l’origine, fixées dans l’Espace de liberté, de sécurité et de justice du fait du partage de compétences issu de la construction en trois piliers et de l’ancien article 68 TCE disposant que « la Cour de justice n’est pas compétente pour statuer sur les mesures ou décisions […] portant sur le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure ». Les limites ainsi portées ont été, en grande partie, supprimées par le Traité de Lisbonne permettant à la cour d’invoquer la Charte dans des domaines nouveaux. L’un des domaines les plus révélateurs est celui de l’asile et de l’immigration. Les décisions de la Cour en ce domaine se multiplient alors que l’utilité contentieuse des articles 18 et 19 CDFUE consacrant respectivement le droit d’asile et la protection en cas d’éloignement, d’expulsion et d’extraditionsemblait relativement limitée. Ainsi, la problématique de la vulnérabilité des demandeurs d’asile est ainsi devenue, au plan européen comme au plan interne, une problématique centrale. La CDFUE commence à être invoquée en 2008-2009 (par ex, CJCE, 1er juillet 2008, Royaume de Suède et Maurizio Turco contre Conseil de l’Union européenne, Aff. n°C-52/05, Rec. CJCE, I, p.4723) puis est progressivement mise à contribution. L’utilisation qui en est faite par la Cour de justice est plus constructive et exigeante qu’en droit des étrangers (voir en ce sens S. Slama, « Prendre au sérieux la Charte des droits fondamentaux en droit des étrangers », RDH 2014, n°5, 27 mai). Le juge de l’Union s’efforçant de mettre en cohérence le régime européen de l’asile avec la Convention de Genève, à laquelle se réfère expressément l’article 18 de Charte (ex : CJUE, GC, 2 mars 2010, Aydin Salahadin Abdulla (C-175/08), Kamil Hasan (C-176/08), Ahmed Adem, Hamrin Mosa Rashi (C-178/08) et Dler Jamal (C-179/08) contre Bundesrepublik Deutschland, Aff. jointes n°C-175/08, C-176/08, C-178/08 et C-179/08 ; CJUE, 17 juin 2010, Nawras Bolbol contre Bevándorlási és Állampolgársági Hivatal, Aff. n°C-31/09).
Des compétences de la Cour élargies dans des domaines susceptibles de générer des contentieux liés aux droit fondamentaux : l’exemple du droit des étrangers (2)
938 • L’affaire la plus emblématique est l’affaire « N.S. » (CJUE, GC, 21 décembre 2011, N. S. (C-411/10) contre Secretary of State for the Home Department et M. E. et autres (C-493/10) contre Refugee Applications Commissioner et Minister for Justice, Equality and Law Reform, Aff. jointes n°C-411/10 et n°C-493/10) où la Cour a jugé que la « confiance mutuelle » que peuvent s’accorder les Etats membres lors de l’application du règlement « Dublin 2 », n’était pas irréfragable dans l’hypothèse où il y aurait lieu de craindre « sérieusement » qu’il existe des défaillances « systémiques » de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant (art. 4 CDFUE). Le juge de l’Union a aussi utilisé les articles 41 (droit à une bonne administration) et 47 (droit à un recours effectif) CDFUE pour apporter un certain nombre de garanties procédurales aux demandeurs d’asile (voir, par ex., CJUE, 28 juillet 2011, Brahim Samba Diouf contre Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, Aff. n°C-69/10 ou CJUE, 22 novembre 2012, M. M. contre Minister for Justice, Equality and Law Reform e.a., Aff. n°C-277/11). Enfin, la Cour a aussi décidé, plus récemment (CJUE, 25 janvier 2018, F contre Bevándorlási és Állampolgársági Hivatal, aff. n°C-473/16), que le recours à une expertise psychologique en vue d’apprécier la réalité de l’orientation sexuelle d’un demandeur d’asile n’était pas, au regard de la Charte, conforme à la directive (Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection JOUE, L 337, 20 décembre 2011, p. 9–26) ou que en l’absence de critères légaux objectifs définissant le risque de fuite, tout placement en rétention administrative d’un demandeur d’asile en procédure « Dublin III » est illégal (Cf. Règlement n°(UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et CJUE, 15 mars 2017, Policie ČR, Krajské ředitelství policie Ústeckého kraje, odbor cizinecké policie contre Salah Al Chodor e.a., Aff. n°C-528/15).
Des compétences de la Cour élargies dans des domaines susceptibles de générer des contentieux liés aux droit fondamentaux : l’exemple des décisions d’éloignement visant des citoyens européens
938-1 • Le juge de l’Union a, récemment, précisé les modalités d’exécution des décisions d’éloignement visant des citoyens de l’Union qui ont perdu leur droit de séjour dans l’Etat membre d’accueil. Il juge notamment que l’exécution de telles décisions implique le départ réel et effectif de l’intéressé et que, dans l’hypothèse où la déchéance du droit de séjour est motivée par des raisons d’ordre ou de sécurité publics, il est loisible aux Etats membres de prévoir les mesures nécessaires afin d’assurer le départ (CJUE, GC, 22 juin 2021, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, Aff. n°C-719/19 ; CJUE, GC, 22 juin 2021, Ordre des barreaux francophones et germanophone et autres, Aff. n°C-718/19 ; CJUE, 17 décembre 2020, Generalstaatsanwaltschaft Berlin, Aff. n°C-710/19). En l’absence de règlementation spécifique, les dispositions applicables aux litiges en cause sont similaires ou identiques à celles qui sont applicables aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Le droit de séjour des citoyens européens peut donc être retiré (distinction entre citoyenneté européenne et la citoyenneté classique) mais ils peuvent invoquer la protection du droit de l’Union quant à leurs modalités d’éloignement. Le juge préserve ici à la fois les intérêts étatiques et les droits des citoyens mais la solution retenue limite aussi la protection des plus vulnérables (Voir en ce sens, V. Réveillère« L’éloignement des pauvres : la conditionnalité du droit de séjour », RTDE 2021, p. 724 et suiv.).
Des compétences de la Cour élargies dans des domaines susceptibles de générer des contentieux liés aux droit fondamentaux : l’exemple du mandat d’arrêt européen (1)
939 • Le mandat d’arrêt européen se définit comme une décision judiciaire émise par un Etat membre pour l’arrestation et la remise par un autre Etat membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté. Il amène à supprimer l’extradition entre Etats membres et à substituer cette procédure par un nouveau système de remise entre autorités judiciaires (Décision-cadre n°2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, JOCE, L 190, 18 juillet 2002, p. 1-20). Ce dispositif constitue ainsi dans le domaine du droit pénal la première concrétisation du principe de reconnaissance mutuelleque le Conseil de l’Union a qualifié de « pierre angulaire de la coopération judiciaire ». Jusqu’à présent, la jurisprudence de la Cour en la matière inquiétait en raison de la priorité reconnue par cette dernière au principe de primauté du droit de l’UE sur la protection des droits fondamentaux (CJUE, 26 février 2013, Stefano Melloni contre Ministerio Fiscal, Aff. n°C‑399/11 précité ; CJUE, 30 mai 2013, Jeremy Forrest contre Premier ministre, Aff. n°C-168/13PPU). Mais il a été admis petit à petit que malgré l’absence d’une cause expresse de refus d’exécution fondée sur les droits fondamentaux, ceux-ci pouvaient être pris en compte et invoqué « exceptionnellement » pour refuser l’exécution d’un mandat (Rapport COM/2007/0407 final de la Commission sur la mise en œuvre, depuis 2005, de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres [SEC (2007) 979]). Puis, depuis quelques années, les mauvaises conditions de détentionont commencé à poser problème dans le cadre de la procédure notamment quant au respect du droit à la dignité humaine(art. 1er CDFUE). L’arrêtAranyosi- Caldararu(CJUE, 5 avril 2016, Pál Aranyosi et Robert Căldăraru, Aff. jointes C‑404/15 et C‑659/15 PPU) a ainsi admis que si, pour le bon fonctionnement de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, les autorités judiciaires du pays d’émission doivent se fonder sur une présomption de ce respect des droits fondamentaux, cette présomption peut être renversée dans le cas d’un risque sérieux de violation des droits fondamentaux du fait des conditions de détention du pays d’émission du mandat d’arrêt européen.
L’avocat général, Yves Bot, n’était pas de cet avis. Selon lui, l’inexécution du mandat d’arrêt européen devait être l’œuvre uniquement du Conseil européen statuant à l’unanimité après approbation du Parlement, car le fait, pour un État membre, de pouvoir mettre fin à une telle procédure, même à la suite d’un risque réel de violation des droits fondamentaux, est clairement une atteinte au principe de reconnaissance mutuelle sur lequel est fondé le mécanisme du mandat d’arrêt. La Cour a préféré mettre en avant le respect des droits fondamentaux à travers la Charte.
Des compétences de la Cour élargies dans des domaines susceptibles de générer des contentieux liés aux droit fondamentaux : l’exemple du mandat d’arrêt européen (2)
940 • L’exécution d’un mandat d’arrêt européen doit être reportée s’il existe un risque réel de traitement inhumain ou dégradant en raison des conditions de détention de la personne concernée dans l’Etat membre d’émission du mandat. Dans le cas contraire, cependant, aucune possibilité de refus d’exécution n’est ouverte. En vertu du principe de primauté, l’autorité judiciaire d’exécution devra remettre l’individu même si son système juridique national accorde une protection supérieure.L’exécution du mandat d’arrêt européen constitue le principe, le refus d’exécution d’un tel mandat est conçu comme une exception qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte (CJUE, 29 juin 2017, Daniel Adam Popławski, Aff. n°C-579/15 ; CJUE, 10 août 2017, Tadas Tupikas, Aff. C-270/17 PPU). A titre d’illustration, on peut évoquer l’arrêt « Piotrowski » (CJUE, GC, 23 janvier 2018, Dawid Piotrowski, Aff. n°C-367/16). Il y était question de savoir si un mineur de 17 ans, ayant commis deux infractions graves dans son Etat d’origine, pouvait tomber sous le coup d’un mandat d’arrêt européen. L’Etat d’exécution du mandat d’arrêt, en l’occurrence la Belgique, était-il en mesure de refuser d’exécuter ce mandat au motif que l’intéressé n’avait que 17 ans à l’époque des faits et que les conditions prévues par le droit belge pour poursuivre un mineur n’étaient pas remplies. La Cour a répondu, de façon assez sévère, par la négative en faisant prévaloir la décision-cadre sur les droits de l’enfant tels que prévus dans le cadre du droit pénal belge et tels que reconnus dans l’article 24-2 CDFUE. L’Avocat général Bot proposait pourtant à la Cour une autre approche plus respectueuse des droits de l’enfant (proposition qui faisait en sorte d’interpréter la disposition de la décision-cadre à la lumière de l’article 24-2 CDFUE estimant que « tout système qui n’établirait aucune différence entre les peines applicables à un délinquant majeur et celles applicables à un délinquant mineur violerait, en réalité, les droits fondamentaux du mineur en question, l’individualisation de la peine – condition nécessaire au jeu du principe de la préférence éducative – étant alors rendue impossible dans la mesure où la liberté d’appréciation du juge se trouverait ici paralysée par la loi elle-même » (conclusions Y. Bot présentées le 6 septembre 2017, § 51).
Des compétences de la Cour élargies dans des domaines susceptibles de générer des contentieux liés aux droit fondamentaux : l’exemple du mandat d’arrêt européen (3)
940-1 • Le contentieux du mandat d’arrêt européen confère au juge de l’Union, dans le contexte déjà décrit de crise des valeurs, un rôle déterminant dans le rapprochement des législations pénales nationales mais aussi le renforcement de la protection des droits fondamentaux. Le juge de l’Union a, par exemple, refusé que les parquets allemands émettent des mandats d’arrêt européen car ceux-ci pouvaient, du moins en théorie, se voir adresser des instructions individuelles de la part du pouvoir exécutif (CJUE, GC, 27 mai 2019, OG & PI, Aff. n°C‑508/18 et n°C‑82/19 PPU). Des craintes sont légitimement apparues du côté des principaux parquets des Etats membres quant à la nécessité d’une autorité d’émission qui soit indépendante, alors même que le mandat ne se situe qu’au moment de l’enquête ou de l’exécution de la peine. Mais le juge de l’Union a, par la suite, indiqué que les parquets français, belges et suédois étaient bien des « autorités judiciaires d’émission » au sens de la décision-cadre 2002/584 et qu’ils pouvaient ainsi continuer à émettre des mandats, le juge n’exigeant pas que les parquets soient indépendants (CJUE, 12 décembre 2019, JR & YC, Aff. jointes, n°C-566/19 PPU et n°C-626/19 PPU ; XD, Aff. n°C-625/19 PPU et ZB, Aff. n°C-627/19 PPU). Le juge de l’Union impose, néanmoins, un contrôle de proportionnalité du mandat au moment de l’exécution sur le fondement de la protection juridictionnelle effective (Depuis CJUE, 10 novembre 2016, Ruslanas Kovalkovas, Aff. n°C‑477/16 PPU ; voir aussi, par exemple, CJUE, 9 octobre 2019, NJ, Aff. n°C-489/19 PPU). Mais si l’autorité d’exécution peut faire part de ses doutes à la CJUE sur la validité d’un mandat (CJUE, 12 décembre 2019, Aff. n°C-566/19 et n°C-626/19 précitées, elle ne peut pas le faire en matière de décision d’enquête européenne (CJUE, 2 septembre 2021, XK, Aff. n°C-66/20) (Voir, pour une approche générale, B. Aubert, « Le mandat d’arrêt européen », RSC 2021, p. 531 et suiv.).
→ Un développement des droits fondamentaux sous l’influence croissante de la Charte dans des domaines qui ne relevait pas jusque-là de la fondamentalité
La nouvelle fondamentalité de la protection des consommateurs (1)
941 • Il y certains droits qui ne faisaient pas partie de la catégorie des droits fondamentaux qui appartiennent, de façon plus solennelle à cette catégorie depuis l’avènement de la Charte. L’un des premiers droits que l’on peut citer concerne la protection du consommateur de l’article 38 CDFUE. L’article disposant qu’un « niveau élevé de protection des consommateurs est assuré dans les politiques de l’Union ». Le droit de l’Union s’est efforcé, bien avant, de conférer des droits spécifiques au profit des consommateurs (Cf. Aujourd’hui art. 169 TFUE) mais ces droits n’ont pas formellement été qualifiés de droits fondamentaux. C’est à la Cour de justice d’agir en ce sens et elle a pu relever qu’en l’absence d’affirmation d’un droit spécifique protégeant le consommateur dans un texte particulier de droit dérivé, l’article 38 CDFUE ne saurait en lui-même imposer reconnaissance d’un tel droit (CJUE, 27 février 2014, Pohotovosť s. r. o. contre Miroslav Vašuta, Aff. n°C-470/12, § 52). L’article de la Charte a, en ce sens et a priori, très peu d’effets à faire valoir. Il n’y a pas à proprement parler de droit à la protection des consommateurs dans la jurisprudence de la Cour mais juste des références à « l’intérêt public sur lequel repose la protection assurée aux consommateurs » (Par ex., CJUE, 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, SA contre Joaquín Calderón Camino, Aff. n°C-618/10, §68). La protection européenne des consommateurs est, en réalité, davantage imprégnée de considérations économiques que sociales. Le consommateur est protégé en raison de son rôle économique dans les échanges au sein du marché intérieur et non pas en raison d’une quelconque philosophie sociale protectrice de la partie faible au contrat (Cf., par ex., H.-W. Micklitz, « De la nécessité d’une nouvelle conception pour le développement du droit de la consommation dans la Communauté européenne », Mélanges Calais-Auloy, Paris, Dalloz, 2004, p. 725 et suiv.).
La nouvelle fondamentalité de la protection des consommateurs (2)
942 • Certains droits nationaux comme le droit français de la consommation ne répondent pas à cette logique et se sont avant tout construits sur une philosophie sociale de protection de la partie faible. Il semble, que sous l’influence de la Charte et des droits fondamentaux, cette dernière logique prenne de l’ampleur dans la jurisprudence du juge de l’Union. Déjà dans l’arrêt « Sánchez Morcillo » (CJUE 17 juill. 2014, Juan Carlos Sánchez Morcillo et María del Carmen Abril García contre Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, Aff. n°C-169/14, § 22), la Cour avait mis en valeur l’importance de l’égalité des armes entre le consommateur et le professionnel (en relevant que la législation nationale mise en cause serait contraire à la directive 93/13/CE concernant les clauses abusives et à l’art. 47 CDFUE si le droit interne ne conférait pas aux consommateurs un droit de recours alors que le créancier bénéficie, quant à lui, d’un tel droit dans le cas inverse). Elle a pu aussi insister à nouveau dans l’arrêt « Kusionová » (CJUE 10 septembre 2014, Monika Kušionová contre SMART Capital, a.s., Aff. n°C-34/13), sur la nécessité de protéger face aux professionnels certains consommateurs particulièrement vulnérables, surtout lorsqu’ils sont confrontés au risque de perdre leur logement.Conformément à cette perspective, on peut considérer que la protection des consommateurs est un droit fondamental en voie d’affirmation. Il existe en ce sens, aujourd’hui, un mouvement consistant à interpréter largement les dispositions protectrices et à leur conférer une effectivité dans leur mise en œuvre. Et ce mouvement trouve dans l’article 38 ConvEDH une arme supplémentaire pour se développer. La Cour a ainsi pu faire récemment référence à la protection des consommateurs « consacrée à l’article 169 TFUE ainsi qu’à l’article 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » pour justifier une interprétation favorable à la protection accrue et effective des consommateurs (CJUE, 2 mars 2017, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs Frankfurt am Main eV contre comtech GmbH, Aff. n°C-568/15, §28) (Voir, pour une étude plus générale, M. Ilieva, La protection des consommateurs et les droits fondamentaux dans l’Union européenne, Bruylant, 2021).
La nouvelle fondamentalité de la liberté de circulation et de séjour (1)
943 • L’article 45 CDFUE en disposant que « tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres » met en évidence, au titre des droits de citoyenneté, un droit déjà consacré en droit de l’Union (art. 20 TFUE) et n’apporte, d’un prime abord, pas de garantie supplémentaire ce que reconnait la Cour de justice (CJUE, 4 septembre 2014, Michal Zeman contre Krajské riaditeľstvo Policajného zboru v Žiline, Aff. n°C-543/12, §39). Cette dernière a toujours eu une interprétation extensive de la liberté de circulation des personnes en s’attachant à garantir que les citoyens de l’Union ne souffrent pas de discriminations sur la nationalité mais aussi en garantissant que les législations nationales ne créent, non seulement, pas de discrimination directe, mais, également, pas de discrimination qui aurait dans les faits, les mêmes effets qu’une discrimination fondée sur la nationalité. Sont particulièrement concernées les éventuelles discriminations visant les membres de la famille du citoyen de l’Union qui ne seraient pas ressortissant de l’Union. C’est là qu’entre en jeu le droit d’avoir une vie familiale normale garantie par l’article 7 CDFUE ainsi que la nouvelle fondamentalisation de ce droit. C’est un statut personnel et familial relevant d’un droit fondamental qui est ainsi élaboré par le biais de la citoyenneté européenne (Cf. E. Pataut, « La citoyenneté européenne : vers l’élaboration d’un statut personnel et familial » in H. Fulchiron et C. Bidaut-Garon, Vers un statut européen de la famille, Paris, Dalloz, 2014, p. 97 et suiv.).
La nouvelle fondamentalité de la liberté de circulation et de séjour (2)
944 • En vertu du statut personnel et familial décrit ci-dessus, la libre circulation des personnes est de droit pour tous les citoyens des Etats Membres de l’Union, mais également pour les membres de leur famille, même ressortissants d’Etats-tiers, détenant un titre de séjour valable dans l’un des Etats de l’Union. La jurisprudence a été mise en place par la Cour depuis le début des années 2000 (Voir, notamment, CJCE, 20 septembre 2001, Rudy Grzelczyk contre Centre public d’aide sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, Aff. n°C-184/99 ; CJCE, 19 octobre 2004, Kunqian Catherine Zhu et Man Lavette Chen contre Secretary of State for the Home Department, Aff. n°C-200/02 ; CJCE, 23 avril 2009, Uwe Rüffler contre Dyrektor Izby Skarbowej we Wrocławiu Ośrodek Zamiejscowy w Wałbrzychu, Aff. n°C-544/07, Rec. CJCE, I, p. 3389 et CJUE, 12 mai 2011, Malgožata Runevič-Vardyn et Łukasz Paweł Wardyn contre Vilniaus miesto savivaldybės administracija et autres, Aff. n°C-391/09) et continue à être régulièrement appliquée (CJUE, 18 décembre 2014, McCarthy et autres contre Secretary of State for the Home Department, Aff. n°C-202/13 où un visa supplémentaire pour voyager au Royaume-Uni à une ressortissante colombienne possédant une « carte de séjour de membres de la famille d’un citoyen de l’Union » délivrée par l’Espagne et souhaitant déménager et vivre avec son époux britannique au Royaume-Uni, a été jugé contraire à la liberté de circulation des personnes). Le juge de l’union a aussi pu, au titre de la garantie d’une vie familiale normale, consacrer des droits dérivés à la notion de citoyenneté européenne. On pense d’abord, dans la lignée de la jurisprudence « Zambrano » (CJUE, 8 mars 2011, Gerardo Ruiz Zambrano contre Office national de l’emploi (ONEm), Aff. n°C-34/09, Ruiz Zambrano), à la reconnaissance, pour les parents ressortissants d’Etats tiers de très jeunes mineurs ayant la nationalité d’un Etat membre, d’un droit de séjour et du fait de bénéficier d’un permis de travail (pour des illustrations de droits dérivés de la notion de citoyenneté européenne au bénéfice de parents ressortissants d’Etats tiers de très jeunes mineurs ayant la nationalité d’un État membre : CJUE, GC, 13 septembre 2016, Alfredo Rendón Marín contre Administración del Estado, Aff. n°C-165/14 ; CJUE, 13 septembre 2016, Secretary of State for the Home Department contre CS, Aff. n°C-304/14 ; CJUE, 10 mai 2017, H.C. Chavez-Vilchez e.a. contre Raad van bestuur van de Sociale verzekeringsbank e.a., Aff. n°C-133/15).
La nouvelle fondamentalité de la protection de l’environnement (1)
945 • L’article 37 CDFUE indique sobrement qu’un « niveau élevé de protection de l’environnement et d’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable ». En dépit de son importance aujourd’hui pour l’avenir de l’humanité, la protection de l’environnement est l’un « des parents pauvres » de la Charte comme le juge de l’Union a pu froidement le constater (CJUE, 21 décembre 2016, Associazione Italia Nostra Onlus contre Comune di Venezia e.a., Affaire n°C-444/15, § 61 à 63). Si la nature particulière de l’environnement sain (notamment son caractère indéterminé) rend difficile sa subjectivisation et, par là même, la reconnaissance de sa fondamentalité, il y a néanmoins un risque de décalage dans la protection offerte par l’Union par rapport à ce qui peut être consacré au niveau de certains droits nationaux ou au niveau du droit européen voire international. Au-delà du droit international (Convention des nations unies d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement), le « droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » est explicitement mentionné en France à l’article 1er de la Charte de l’environnement (même si la portée de ce droit n’est pas clairement définie). Il a été, de même, reconnu par la CourEDH, de manière prétorienne et courageuse, par une interprétation extensive de l’article 8 de la ConvEDH (CourEDH, 9 décembre 1994, Lopez Ostra contre Espagne, req. n°16798/90 § 51) qui a été complété par des obligations positives (comme l’obligation de prévention et de protection : CourEDH, 10 janvier 2012, Di Sarno et autres contre Italie, req. n°30765/08, § 106 ou comme l’obligation d’information et d’équité du processus décisionnel : CourEDH, GC, 8 juillet 2003, Hatton et autres contre Royaume-Uni, req. n°39022/97, § 128). Ce décalage de l’Union pose d’autant problème que la Cour de justice a une appréciation très stricte quant à la recevabilité des recours concernant les associations défendant un intérêt général qui agissent la plupart du temps en la matière et concernant le domaine particulier de la matière environnementale (Cf. CJCE, 15 juillet 1963, Plaumann & Co. contre Commission de la Communauté économique européenne, Aff. n°C-25/62, Rec. CJCE, p. 199).
La nouvelle fondamentalité de la protection de l’environnement (2)
946 • Si le juge de l’Union est quelque peu revenu sur le caractère très sévère de sa jurisprudence (Cf. CJUE, 12 mai 2011, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland Landesverband Nordrhein-Westfalen eV contre Bezirksregierung Arnsberg, Aff. n°C-155/09, Rec. CJUE, I, p. 3673, §42 et 46) il reste très difficile pour les associations de protection de l’environnement de démontrer qu’elles sont individuellement concernées par l’acte en cause voire même de solliciter l’application juridictionnelle des accords internationaux, comme la convention d’Aarhus, aux fins d’examiner la validité du droit dérivé de l’Union lui donnant exécution (CJUE, GC, 13 janvier 2015, Conseil de l’Union contre Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, Aff. n° C-401/12 P et C-403/12 P, § 52 à 55 ; CJUE, GC, 13 janvier 2015, Conseil et Commission contre Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe, Aff. jointes C-404/12 P et C-405/12 P, § 44 à 47). Malgré ces difficultés, certains gardent espoir quant à une future fondamentalisation de ce droit, on peut effectivement parler d’un « mouvement progressif en faveur de la reconnaissance du droit à un environnement sain » qui serait à terme susceptible d’entrainer le juge de l’Union (Nina Le Bonniec, « La reconnaissance d’un droit fondamental à un environnement sain dans l’ordre juridique de l’Union européenne : simple possibilité ou réelle nécessité ? », RUE 2016, p. 211 et suiv.). Néanmoins la politique restrictive du juge de l’Union continue à être critiquée (Voir, par ex., E. Brosset et E. Truilhé-Marengo, « L’accès au juge dans le domaine de l’environnement : le hiatus du droit de l’Union européenne », RDLF 2018, chron. n°7) et a encore été rappelé tout récemment par le juge de l’Union (CJUE, 25 mars 2021, Carvalho et autres contre Parlement et Conseil, Aff. n°C-565/19 P). Le juge de l’Union maintient un accès restreint au prétoire au titre du recours en annulation en matière environnementale. Les requérants ne peuvent établir leur affectation individuelle vis-à-vis des dispositions en cause en invoquant les effets du changement climatique sur les individus ni, dans ce cadre, une violation de leurs droits fondamentaux qui leur serait propre. La protection de l’article 47 CDFUE, concernant le droit à un recours juridictionnel effectif, n’exige pas qu’un justiciable puisse, de manière inconditionnelle, intenter un recours en annulation, directement devant la juridiction de l’Union. Pour autant, il y a, aujourd’hui un mouvement général en matière de contentieux climatiques qui pourrait amener le juge de l’Union à revoir sa position (Voir, en ce sens, C. Cournil, « Les prémisses de révolutions juridiques ? Récents contentieux climatiques européens », RFDA 2021, p. 957 qui souligne, notamment, les nouvelles requêtes déposées devant la CourEDH qui soulèvent des interrogations inédites sur l’interprétation des obligations climatiques à la charge des États ; voir aussi C. Cournil et C. Perruso, « Le climat s’installe à Strasbourg. Les enseignements des premières requêtes portées devant la Cour européenne des droits de l’homme », L’Observateur de Bruxelles 2021, n°124, p. 24 et suiv.)
La prise en compte de la Charte dans le contrôle des accords internationaux et de l’action extérieure de l’Union
947 • Depuis que l’Union s’affirme comme un acteur à part entière dans le concert des nations, la légalité de son action externe soulève des questions de plus en plus nombreuses. Il existe, à ce sujet, une procédure exceptionnelle en droit international public permettant à la Cour de justice de se prononcer par voie d’avis sur la compatibilité avec les traités de l’Union d’un accord international dont l’Union envisage la conclusion (art. 218-11 TFUE). Par cette procédure, la Cour de justice, qui ne peut être saisi que par certains acteurs institutionnels (Etat membre, Parlement européen, Conseil ou Commission), est appelé à contrôler un acte qui n’existe pas encore et en ce sens amené à jouer un rôle important dans l’équilibre et la prise de décision au sein de l’Union dans les rapports extérieurs de l’institution. Par nature préventif, le contrôle tend à éviter les inconvénients d’une contradiction entre l’accord et les Traités par un examen préalable. Si l’avis est négatif, il subordonne la conclusion de l’accord soit à une modification de celui-ci selon la procédure de l’article 48 TUE, soit à une révision des traités. La procédure a été conçue, au départ, comme un moyen d’empêcher l’Union de dépasser le champ de sa compétence en empiétant sur le domaine réservé des Etats membres (dans la plupart des cas, la Cour de justice s’est prononcée sur la compétence de la Communauté ou de l’Union pour conclure à la régularité de l’accord), elle amène désormais la Cour à se prononcer, de plus en plus, sur la compatibilité stricto sensu de ces accords au regard, notamment, de la question des droits fondamentaux ouvrant ainsi de nouvelles perspectives quant à la potentialité de la procédure. Elle s’est d’abord prononcée indirectement sur cette question des droits fondamentaux (Voir, notamment : CJUE, 28 mars 1996, Avis 2/94 relatif à l’adhésion de la Communauté à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Rec. CJCE, I, p. 1763 ; CJUE, Ass. Plén., 18 décembre 2014, Avis 2/13 relatif à l’adhésion de l’Union à la Convention de de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) avant que, sous l’influence conjuguée de l’action du Parlement européen et de l’accession à la force juridique contraignante de la Charte, elle ne soit directement saisie de la conformité d’un accord externe avec la CDFUE. En l’occurrence celui envisagé avec le Canada pour lutter contre le terrorisme et les formes graves de criminalité transnationales et concernant le transfert et le traitement des données des dossiers passagers (données dites « PNR » de Passenger Name Record) signé en 2014 (CJUE, GC, 26 juillet 2017, Avis 1/15 Accord PNR UE-Canada). Pour la Cour, l’accord ne peut pas être conclu sous sa forme actuelle en raison de l’incompatibilité de plusieurs de ses dispositions avec les articles 7 et 8 CDFUE. Le Canada et l’Union doivent ainsi reprendre l’accord pour le rendre conforme. La Charte doit ainsi être respecté quand les institutions de l’Union agissent dans le cadre de leur compétences internes comme dans le cadre de leur action extérieure notamment quand l’union s’engage par un accord conventionnel (voir, en ce sens, R. Tinière, « L’influence croissante de la Charte des droits fondamentaux sur la politique extérieure de l’Union européenne », RDLF 2018, chron. n°02).
→ La mise en place d’un socle européen des droits fondamentaux avec la Charte sociale européenne porteur d’espoir
Un droit de l’Union en retrait par rapport aux dispositions consacrées par la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe (1)
948 • La Charte sociale européenne (CSE) est une convention du Conseil de l’Europe qui a été signée le 18 octobre 1961 à Turin et qui garantit les droits économiques, sociaux et culturels qui ne sont pas garantis dans la ConvEDH. A l’heure actuelle, elle engage la majeure partie des Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment la France, qui a ratifié sa version complétée et modernisée, c’est-à-dire celle de la CSE « révisée » du 3 mai 1996 (34 Etats Membres ont ratifié la Charte sociale révisée de1996, 9 ont ratifié seulement la Charte sociale européenne de 1961 et 4 ont ratifié aucune des deux chartes ; la CSE ayant été mise à jour pour adapter le contenu matériel de la Charte, afin de tenir compte en particulier des changements sociaux fondamentaux intervenus depuis son adoption). Le domaine social relève, au sein de l’Union, de celui couvert par l’article 153 TFUE dans lequel l’Union peut soutenir et compléter l’action des Etats membres, notamment par l’adoption de directives contenant des prescriptions minimales et excluant toute mesure d’harmonisation. Or, les garanties de la CSE excèdent, à certains égards, les domaines ainsi couverts et les niveaux de protection qui peuvent être mis en place par l’Union à travers les mesures d’harmonisation. La Cour de justice est venue ainsi rappeler que les dispositions des traités et notamment de la CDFUE sont applicables à toutes les situations régies par le droit de l’Union (CJUE, GC, 26 février 2013, Åklagaren contre Hans Åkerberg Fransson, Aff. n°C-617/10). Or, le champ d’application peut se trouver relativement restreint en matière sociale faute d’une activité législative importante. De même, un Etat membre, parce qu’il est tenu de se conformer aux obligations imposées par le droit de l’Union, peut, dans certains cas, renoncer à garantir certains droits sociaux (ex : mesures prises en vue de l’établissement du marché intérieur). La CDFUE, enfin, s’inspire, certes, de plusieurs dispositions de la CSE ou de celle révisée (par ex : art. 14 CDFUE (droit à l’éducation) qui correspond à l’art. 10 CSE ; l’art. 25 CDFUE (droit des personnes âgées) qui correspond à l’art. 23 CSE révisée ; l’art. 26 CDFUE (intégration des personnes handicapées) qui correspond à l’art. 15 CSE ; l’art. 27 CDFUE (droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise) qui correspond à l’art. 21 CSE révisée ; l’art. 28 (droit de négociation et d’actions collectives) qui correspond à l’art. 6 CSE ; l’art. 30 (protection en cas de licenciement injustifié) à l’art. 24 CSE révisée, etc…). Mais elle est en retrait sur certains droits comme, par exemple, le droit au travail, le droit à une rémunération équitable, le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale ou encore le droit au logement qui sont reconnus de manière explicite dans la CSE révisée.
Un droit de l’Union en retrait par rapport aux dispositions consacrées par la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe (2)
949 • A cela s’ajoute la distinction mise en place entre « principes » et « droits », les « principes », essentiellement cantonnés dans le domaine social, ne pouvant, comme déjà vu, être invoqués qu’une fois mis en œuvre par des actes législatifs et exécutifs pris par les institutions de l’Union et par des actes des Etats membres mettant en œuvre le droit de l’Union dans leurs compétences respectives. Cette distinction qui limite déjà la justiciabilité des droits sociaux est, de plus, interprétée de manière assez rigide par la Cour de justice amenant à positionner les dispositions de la CDFUE encore davantage en retrait par rapport à celle de la CSE. Les droits sociaux sont majoritairement concernés par la notion de « principes » et non celle de « droits ». Les décisions de la Cour qualifiant, par exemple, respectivement comme tel, quand il y a doute, le droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise (art. 27 CDFUE) (CJUE, GC, 15 janvier 2014, Association de médiation sociale contre Union locale des syndicats CGT, Aff. n°C-176/12) et l’intégration des personnes handicapées (art. 26 CDFUE) (CJUE, 22 mai 2014, Wolfgang Glatzel contre Freistaat Bayern, Aff. n°C-356/12). La justiciabilité des « principes » est, au surplus, admise de façon réduite dans la mesure où le juge de l’Union refuse d’admettre leur invocabilité dans un litige horizontal à l’encontre d’une mesure nationale de transposition, mais encore en appréciation de la validité d’un acte législatif de l’Union les mettant en œuvre. Faute de concrétisation préalable, les « principes » ne peuvent être invoqués même à l’encontre d’un acte qui les mettrait en œuvre. Cette place des droits sociaux en droit de l’Union a été dénoncée par le Comité européen des droits sociaux (CEDS), ce dernier rejetant la présomption de protection équivalente s’agissant de la conformité des textes juridiques de l’Union à la CSE (CEDS, 23 juin 2010, Réclamation n°55/2009, CGT contre France, § 35).
Une Charte sociale européenne très peu usitée ou utilisée
950 • La CSE n’est pas totalement méconnue du droit de l’Union. Tous les Etats membres sont parties à la CSE ou à la CSE révisée. Les traités constitutifs y font, au surplus, référence dans le préambule du TUE (« Confirmant leur attachement aux droits sociaux fondamentaux tels qu’ils sont définis dans la Charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961 ») et à l’article 151 TFUE où est évoquée une certaine conscience relativement aux droits sociaux fondamentaux tels que consacrés par la CSE. Beaucoup d’actes et de dispositions du droit primaire ont évoqué la CSE et soulignés ainsi sa contribution à la construction de l’ordre juridique de l’Union (Cf. O. De Schutter, « La contribution de la Charte sociale européenne au développement du droit de l’Union européenne », CRIDHO Working Paper 2006/10, www.rm.coe.int). Mais sa reconnaissance n’a pas été pleine et entièrecontrairement à son pendant en matière de droits individuels qu’est la ConvEDH. Contrairement à cette dernière, la Cour de justice ne lui accorde pas de « signification particulière » parmi les instruments internationaux de protection des droits de l’homme (CJCE, 21 septembre 1989, Hoechst AG contre Commission des Communautés européennes, Aff. jointes n°46/87 et n°227/88). Elle n’intègre pas dans les PGD de l’Union la CSE et l’interprétation qui en est faite par le CEDS (exception faites de l’arrêt impact en 2008, C-268/06, §113). Enfin, elle se réfère rarement à la CSE dans ses motifs ou en tout cas jamais de manière unique (à noter néanmoins une exception dans les décisions CJCE, GC, 18 décembre 2007, Laval un Partneri Ltd, Aff. n°C-341/05 et CJCE, 11 décembre 2007, Viking Line ABP, Aff. n° C-438/05 qui se fondent expressément sur la CSE pour consacrer le droit de mener une action collective).
Une Charte sociale mieux acceptée aujourd’hui (1)
951 • Il y a un double handicap qui empêche la CSE d’être, notamment en France, effective et mieux acceptée aujourd’hui. Il n’existe pas, d’abord, la concernant, de mécanisme international de contrôle qui soit formellement juridictionnel. La procédure de réclamations collectives du fait de son caractère quasi-juridictionnel a redynamisé la fonction du CEDS et contribué à mieux faire connaître son travail d’interprétation de la Charte. Pour autant, les décisions de ce dernier n’ont toujours pas de caractère contraignant ce qui amoindrit considérablement l’efficacité de son contrôle. Ensuite, les juges internes, à l’image des Etats membres de l’Union, ont toujours refusé, de manière persistante, de connaitre de la CSE. Les juges français ont, jusqu’à une date récente, systématiquement rejeté les moyens fondés sur la CSE pour absence d’effet direct, les dispositions de la CSE ne créant pas de droits ou obligations dans le chef des particuliers dont ils puissent se prévaloir en justice contrairement à celles de la ConvEDH. Deux arguments sont invoqués : l’insuffisante précision des dispositions de la CSE nécessitant l’adoption de mesures internes complémentaires et le fait que l’Etat n’ait pas de réelle intention d’accorder un tel effet en créant des droits subjectifs à destination des individus. Que ce soit le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation, ils ont, à l’origine, rejeté en bloc l’effet direct (CE, 20 avril 1984, Melle Valton et Melle Crépeaux, req. n°37772 et n°37774 ; CE, 4 juillet 2012, Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes (CFPSAA), req. n° 341533 et CE, 7 novembre 2012, M. Yannick, Faratea, Hugues B., req. n°350313 ; Cass., Soc., 17 décembre 1996, Glaziou, n° de pourvoi : 92-44.203). Mais les positions ont progressivement changé. C’est d’abord la Chambre sociale qui a admis l’effet direct de certaines des dispositions de la CSE. Elle a reconnu un tel effet aux articles 5 (Droit syndical) et 6 (Droit à la négociation collective) de la CSE révisée (Cass., Soc., 14 avril 2010, n° de pourvoi : 09-60.426 et 09-60.429 ; Cass., soc., 10 novembre 2010, n° de pourvoi : 09-72.856 ; Cass., soc., 1er décembre 2010, n° de pourvoi : 10-60.117 ; Cass., soc., 16 février 2011, n° de pourvoi : 10-60.189 et 10-60.191 ; Cass., soc., 23 mars 2011, n° de pourvoi : 10-60.185) mais aussi à certaines de ses dispositions générales (Cass., Soc., 29 février 2012, n° de pourvoi : 11-60.203 ; Cass., Soc., 10 mai 2012, n° de pourvoi : 11-60.235) (Cf. pour l’ensemble de la jurisprudence citée : C. Nivard, « L’effet direct de la Charte sociale européenne devant les juridictions suprêmes françaises », RDLF 2012, chron. n°28).
Une Charte sociale mieux acceptée aujourd’hui (2)
952 • Quant au Conseil d’Etat, il a d’abord, pour la première fois, clarifié sa jurisprudence en matière d’effet direct des traités et accords internationaux pour la rendre plus souple (CE, Ass., 11 avril 2012, Gisti et Fapil, req. n°322326, RFDA 2012, p. 547, concl. G. Dumortier). Si celle-ci n’a pas eu de répercussions immédiates sur l’ensemble des traités et accords internationaux (D. Burriez, « Retour sur les critères de l’effet direct depuis l’arrêt GISTI du Conseil d’État du 11 avril 2012 », RFDA 2015, p. 1031 et suiv.), elle a néanmoins abouti à un renversement de sa jurisprudence quant à l’effet direct de la CSE mais là encore relativement à certaines seulement de ses dispositions voir par ex. pour des cas d’invocabilité directe (CE, 10 février 2014, Fischer, req. n°358992 à propos de l’art. 24 CSE et le droit à la protection en cas de licenciement ; CE, 23 juillet 2014, Syndicat national des collèges et des lycées, req. n°358349 à propos de l’art. 5 CSE et le droit syndical et le droit à des conditions de travail équitables). Il y a des cas où l’invocabilité directe n’a pas été reconnue : le droit des personnes handicapées (CE, 4 juillet 2012, Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes, req. n°341533 à propos de l’art. 15 CSE), le droit des personnes âgées à une protection sociale (CE, 7 novembre 2012, M. Yannick, Faratea, Hugues B., req. n°350313 à propos de l’art. 23 CSE), le droit à des conditions de travail équitables (CE, 30 janvier 2015, Union syndicale solidaires, req. n°363520 à propos de l’art. 2 de la partie II CSE), le droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique (CAA Paris, 2 février 2015, M. C. D. contre Préfet de Seine et Marne, n° 14PA01938 à propos de l’article 16 CSE), le droit au travail (CAA Paris, 20 juin 2016, M. A et autres contre Pôle emploi, n° 15PA01325, n° 15PA01326 ; n° 15PA01327 à propos de l’article 1er CSE). Au final, au regard du risque de contradiction inhérent à ce type de jurisprudence, l’admission novatrice de l’effet direct renforce l’effectivité de la CSE et compense dans l’ordre juridique interne les faiblesses du mécanisme de garantie existante au niveau international (En ce sens, C. Nivard, « L’effet direct de la Charte sociale européenne devant le juge administratif – Retour sur la question évolutive de l’effet direct des sources internationales », RDLF 2016, chron. n°22). A noter, cependant, à titre de bémol, que le juge judiciaire a refusé l’applicabilité directe dans un litige entre particuliers de l’’article 24 CDFUE (Cass., Ass. Plén., 17 juillet 2019, avis n°15012 et n°15013). C’est une solution qui apparait contraire à celle dégagée par le Conseil d’Etat qui a admis explicitement l’effet direct de cet article l’arrêt « Fischer » précité même si c’est l’effet direct horizontal qui est rejeté et qu’un potentiel effet direct vertical pourrait néanmoins être retenu par le juge judiciaire (En ce sens, C. Nivard, « L’obscure clarté du rejet de l’effet direct de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée », Droit social 2019, p. 79 et suiv.).
Une perspective d’évolution limitée, avec le processus de Turin et le socle européen des droits fondamentaux
953 • Longtemps méconnue, la CSE suscite, ces dernières années, un regain d’intérêt pour deux raisons principales. D’une part, son mécanisme international de garantie a été renforcé notamment par la création d’une nouvelle procédure de réclamations collectives de nature « quasi-juridictionnelle ». Par cette voie, des syndicats et des organisations non gouvernementales peuvent saisir le CEDS d’une plainte à l’encontre d’un Etat membre en raison d’une situation ou d’un état du droit qui ne serait pas conforme à la Charte. D’autre part, dans ce contexte de crise économique, le CEDS a adopté des décisions fortes en faveur des droits sociaux tranchant radicalement avec la politique menée au sein de l’Union européenne (les exemples les plus connus sont les décisions dites « anti-austérité grecque » (CEDS, 23 mai 2012, GENOP-DEI et ADEDY contre Grèce, Réclamation n°65/2011 et GENOP-DEI et ADEDY contre Grèce, Réclamation n°66/2011 ou CEDS, 7 décembre 2012, Réclamation n° 76/2012) et la décision « anti-Laval » (CEDS, 3 juillet 2013, LO et TCO contre Suède, Réclamation n°85/2012 ; Cf. C. Nivard, « Un destin divergent : les relations entre l’Union européenne et la Charte sociale européenne », RUE 2016, juillet-août, p. 416 et suiv.). Au-delà de ses éléments, a été lancé, depuis octobre 2014, et à l’initiative du secrétaire général du Conseil de l’Europe, le processus de Turin visant à mobiliser les Etats et institutions quant à l’effectivité de la prise en compte de la CSE et de la jurisprudence du CDES, seul à maintenir des positions inflexibles en faveur des droits sociaux par rapport aux nécessités et impératifs économiques (notamment par rapport aux jurisprudences conjuguées en retrait sur le sujet de la CJUE et la CourEDH). Soutenue essentiellement par le Parlement européen, l’initiative vise à faire face aux conséquences de la crise économique et financière sur le respect des droits sociaux et de mettre fin aux situations de conflit entre le standard de protection de l’Union et celui de la CSE. La proclamation, au Sommet de Göteborg du 17 novembre 2017, du socle européen des droits sociaux marque un nouveau pas vers l’Europe sociale. Le texte est d’abord symbolique puisqu’il n’est pas juridiquement contraignant mais il liste 20 principes (parmi lesquels l’égalité entre les femmes et les hommes, l’encouragement du dialogue social, un salaire minimum dans chaque Etat adapté aux conditions économiques nationales, la lutte contre les travailleurs pauvres ou encore le droit à une protection sociale adéquate et le droit à un logement pour les sans-abris, …) pour une Europe sociale destinés à servir de cadre de référence, pour le futur, aux politiques sociales et d’emploi mise en place au niveau national et européen. Ce nouveau socle européen a été accueilli de façon pour le moins modéré (Voir, par ex., P. Rodière, « Le dévissement de l’Europe sociale – sur les « explications » du socle européen des droits sociaux par la Commission », RTDE 2018, p. 45) et il n’effacera pas les divergences de vues entre les pays du Nord de l’Europe (qui veulent et mettent en place une protection sociale forte) et les pays d’Europe de l’Est (qui fondent leurs économies sur un coût du travail particulièrement faible). Mais il témoigne d’une volonté nouvelle quant à dépasser les blocages existants et d’avancées en matière de coopération institutionnelle entre le CEDS, la CJUE et la CourEDH qui, à terme, devraient favoriser une nouvelle Europe sociale.
2 – Une action de la CJUE, a posteriori et pour l’instant, toujours peu favorable au développement de la Charte
→ Une action faisant encore prévaloir l’Europe économique sur l’Europe sociale
Les prémisses = les affaires « Viking » et « Laval »
954 • L’action de la CJUE n’est, d’un premier regard, lorsqu’on analyse la justiciabilité des droits et principes consacrés par la Charte, pas favorable au développement de cette dernière en tant que source de protection. Si l’apport fondamental de la CDFUE se trouve essentiellement dans les « principes » et « droits » sociaux qu’elle a proclamés, ces derniers ont, très vite, été confrontés au droit du marché, sans conteste le moteur principal de la construction européenne. La politique sociale a, avant tout, été pensée et élaborée pour des raisons économiques avant qu’elle ne soit consacrée de façon indépendante et les questions sociales sont rapidement apparues comme des obstacles à la concrétisation de la logique économique. C’est à la Cour de justice en tant que défenseur des principes et valeurs des traités, qu’il est revenu de fixer la frontière et l’équilibre entre les atteintes aux directives sociales nouvellement crées et les exigences de la libre circulation. Or, elle a très rapidement fait pencher la balance du côté des libertés économiques. Depuis les fameux arrêts « Viking » (CJCE, GC, 11 décembre 2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union contre Viking Line ABP et OÜ Viking Line Eesti, Aff. n° C-438/05) et « Laval » (CJCE, GC, 18 décembre 2007, Laval un Partneri Ltd contre Svenska Byggnadsarbetareförbundet, Svenska Byggnadsarbetareförbundets avdelning 1, Byggettan et Svenska Elektrikerförbundet, Aff. n°C-341/05) son choix est clair, elle entend faire prévaloir les libertés économiques sur les droits sociaux et les libertés collectives. Les deux affaires concernaient la possibilité pour des salariés de s’opposer, par le biais d’une action collective, à une décision d’une entreprise portant atteinte à leur statut social (l’affaire « Laval » concernait la réalisation d’un chantier de construction par une entreprise européenne où l’employeur n’entendait pas respecter les conventions collectives du pays de destination de la prestation de service mais juste les exigences du pays d’implantation de l’employeur ; l’affaire « Viking » concernait un changement de pays d’immatriculation d’un navire qui impliquait un changement de régime juridique de l’équipage). Le droit à l’action collective était consacré par la Charte (art. 28 CDFUE) mais cette dernière n’avait pas encore de force contraignante et le droit de grève était et est encore exclu des compétences de l’Union (ancien art. 137 TCE et art. 153 TUE). Pour la Cour il y avait, par l’action des salariés, une entrave aux libertés de circulation et que, même si cette entrave pouvait être justifiée par l’exercice d’un droit fondamental comme le droit de grève, elle ne devait pas porter une atteinte disproportionnée aux libertés de circulation. A la suite des arrêts « Viking » et « Laval », il n’y avait plus d’équilibre, mais une supériorité du principe des principes économiques de libre circulation sur les droits sociaux, le juge subordonnant l’Europe sociale à l’Europe économique contrairement à ce qui pouvait alors être consacré dans les traités, ces derniers stipulant que les droits sociaux devaient être considérés comme des exceptions aux libertés économiques.
Une logique jamais remise en cause voire même confirmée : l’affaire « AGET Iraklis »
955 • La solution dégagée par la Cour dans les affaires « Viking » et « Laval » n’a jamais été remise en cause (CJCE, 3 avril 2008, Dirk Rüffert contre Land Niedersachsen, Aff. n°C-346/06, Rec. CJCE, I, p. 1989 ; CJUE, 18 juillet 2013, Mark Alemo-Herron e.a. contre Parkwood Leisure Ltd, Aff. n°C-426/11 ; CJUE, 30 avril 2015, Union of Shop, Distributive and Allied Workers (USDAW) et B. Wilson contre WW Realisation 1 Ltd e.a., Aff. n°C-80/14 ; CJUE, 13 mai 2015, Valerie Lyttle and Others v Bluebird UK Bidco 2 Limited, Aff. n°C-182/13) et a même été confirmée en grande chambre dans l’affaire « AGET Iraklis » concernant la Grèce et les conséquences sociales de la crise économique (CJUE, GC, 21 décembre 2016, Anonymi Geniki Etairia Tsimenton Iraklis (AGET Iraklis) contre Ypourgos Ergasias, Koinonikis Asfalisis kai Koinonikis Allilengyis, Aff. n°C-201/15). Le droit du travail grec a maintenu dans sa législation un contrôle administratif des licenciements économiques collectifs aboutissant, en l’espèce, à un refus d’autorisation. Saisie par l’employeur, la Cour, par rapport aux arrêts « Laval » et « Viking », procède à une mise en balance des droits fondamentaux (la liberté d’entreprise d’un côté (art. 16 CDFUE) et la protection contre tout licenciement injustifié (art. 30 CDFUE) de l’autre côté). Cela la conduit à admettre, qu’en principe, un Etat peut prévoir une procédure administrative de contrôle des licenciements ce qui, d’un prime abord, apparait favorable aux droits sociaux. Mais cela ne l’empêche de remettre en cause le dispositif grec. Si tel régime d’autorisation préalable est susceptible de répondre à l’exigence de proportionnalité et qu’il n’affecte pas par ailleurs le contenu essentiel de la liberté d’entreprise (le mécanisme grec en cause n’excluant pas la possibilité pour les entreprises de procéder à des licenciements collectifs, dès lors qu’il vise uniquement à encadrer une telle possibilité), la Cour émet néanmoins des réserves au regard des modalités concrètes du système. Les critères légaux utilisés pour s’opposer au projet de licenciement ont été formulés de façon trop générale et imprécise conduisant la Grèce à revoir sa législation sur le licenciement économique dans un contexte social pourtant particulièrement difficile.
L’absence de contrôle des législations et mesures d’austérité (1)
956 • Dans le contexte de la crise financière de 2008, l’Union s’est principalement employée à sauver les banques et à imposer aux pays concernés l’adoption de réformes structurelles et mesures d’austérité déréglementant le droit du travail et démantelant les services publics. Ce fut notamment le cas en Grèce, au Portugal, en Italie et en Espagne. Les mesures adoptées ont eu beaucoup d’impact sur les systèmes de droits sociaux nationaux et sur la construction du droit social de l’Union. Seule la compétence économique et monétaire de l’Union a été mise en avant, les seuls objectifs visés étant ceux de la réduction des déficits. Ce sont les différents Etats concernés qui ont pris les mesures nécessaires mais ces mesures ont été prises essentiellement en contrepartie de l’assistance financière et donc sous une très forte influence européenne. On attendait un contrôle de la Cour pour maintenir cet équilibre entre l’Europe économique et l’Europe sociale d’autant plus depuis l’avènement de la force juridique contraignante de la Charte. Il n’en fut rien. Les procédures d’assistance budgétaire ayant été construites en marge du droit de l’Union, elles ne peuvent faire l’objet d’un recours devant la Cour de justice et donc être appréciées par rapport à une éventuelle violation de la Charte. La Cour s’est, en conséquence, déclarée incompétente pour apprécier la conformité des mesures nationales avec la Charte (Voir, en ce sens, à propos d’affaires concernant le Portugal : CJUE, 7 mars 2013, Sindicato dos Bancários do Norte e.a. contre BPN – Banco Português de Negócios SA, Aff. n°C-128/12 ; CJUE, 26 juin 2014, Sindicato Nacional dos Profissionais de Seguros e Afins contre Fidelidade Mundial – Companhia de Seguros SA, Aff. n°C-264/12 ; CJUE, 21 octobre 2014, Sindicato Nacional dos Profissionais de Seguros e Afins contre Via Directa – Companhia de Seguros SA, Aff. n°C-665/13).
L’absence de contrôle des législations et mesures d’austérité (2)
957 • Le juge de l’Union a également rejeté, pour des raisons qui se rapportent à la formulation restrictive de l’article 263-4 TFUE (recours des personnes physiques ou morales), le recours en annulation de la confédération syndicale grecque regroupant les fédérations des travailleurs employés dans le secteur public contre les décisions du Conseil de l’Union énonçant les conditions précises du soutien financier octroyé à la Grèce (TPIUE, 27 novembre 2012, Anotati Dioikisi Enoseon Dimosion Ypallilon (ADEDY) e.a. contre Conseil de l’Union européenne, Aff. n°T-541/10 et n°T-25/11). Enfin, elle s’est déclarée également incompétente pour apprécier le Mécanisme européen de stabilité (MES) (CJUE, 27 novembre 2012, Thomas Pringle contre Governement of Ireland e.a., Aff. n°C-370/12) légitimant, après les faits, la politique d’assistance financière à un membre de la zone Euro (en admettant sa compatibilité fort douteuse avec la clause de non-renflouement établit par l’article 125 TFUE) et acceptant, implicitement, la méthode intergouvernementale, seule façon légitime d’assurer la coordination des politiques économiques des États membres en cas d’urgence (malgré le fait que l’action des Etats membres et des organes de l’Union ait plus que dépasser l’acquis communautaire). Le raisonnement et la justification de la cour ont été largement critiqués (par ex., F. Martucci, « La Cour de justice face à la politique économique et monétaire : du droit avant toute chose, du droit pour seule chose », RTDE 2013, p. 239 et suiv.). Les mesures en cause sont, certes, des mesures nationales et les systèmes nationaux de droit social relèvent de la compétence principale des Etats membres mais le tout est largement encadré et institué sous la pression de l’Union.
L’absence de contrôle des législations et mesures d’austérité (3)
958 • Dans la logique de ce qui a été décrit ci-dessus, on peut affirmer, ainsi, qu’« au lieu d’utiliser les traités pour encadrer les choix des Etats membres et des organes de l’Union, la Cour de justice a opté pour l’interprétation des traités conformément aux compromis politiques auxquels les différents faiseurs du système sont parvenus » (C. Yannakopoulos, « La Cour de justice de l’Union européenne et la crise de la zone Euro : « La Trahison des images » », www.constitutionalism.gr, 28 mars 2017) faisant preuve d’une « autolimitation inconditionnée à l’égard des choix intergouvernementaux » (Ibid.). L’attitude de la Cour de justice est, à cet égard, critiquable en ce sens qu’elle aurait dû encadrer davantage ces mesures d’austérité et nouveaux pouvoirs accordés aux Etats membres et organes de l’Union ou, en tout cas « ne pas consentir à l’amollissement normatif des traités, mais adopter un point de vue plus constitutionnel et mettre en exergue le caractère exceptionnel de ces pouvoirs et mesures, ainsi que la nécessité que leurs répercussions sur les droits fondamentaux des citoyens européens soient temporaires » (Ibid.). Il faut néanmoins noter que, par son arrêt « Ledra Advertising », (CJUE, 20 septembre 2016, Ledra Advertising Ltd e.a. contre Commission européenne et Banque centrale européenne (BCE), Aff. jointes n°C-8/15 à C-10/15), la Cour de justice a, récemment, effectué une avancée importante en admettant l’obligation de la Commission européenne de veiller à la compatibilité avec le droit de l’Union, et notamment la Charte, des protocoles d’accord conclus par le MES. Mais si le juge de l’Union a réellement vocation à assurer « le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités » (art. 19-1 TFUE) et a ainsi toujours joué un rôle clef dans la création et l’évolution de l’équilibre des pouvoirs au sein de l’Union, il semble qu’elle peine plus aujourd’hui à assumer ce rôle dans le cadre de ces nouvelles considérations politiques.
L’absence d’un véritable contrôle sur les mesures touchant à la crise migratoire
959 • Au même titre que les mesures touchant à la crise économique, la Cour de justice évite le conflit avec les Etats concernant cette autre crise existentielle de l’Union qu’est la crise migratoire. Il faut ainsi, d’abord, citer le recours en annulation devant le Tribunal de première instance par plusieurs migrants concernant la Déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 mettant en place un mécanisme visant à tarir le flux migratoire passant par la Turquie. Les requérants invoquaient la violation des articles 1er (dignité humaine) 18 (droit d’asile) et 19 (protection en cas d’éloignement, d’expulsion ou d’extradition) de la CDFUE. Le Tribunal a jugé que cet accord international n’avait pas été conclu par le Conseil Européen mais par les Etats membres (le communiqué de presse évoquait pourtant une déclaration UE/Turquie après une réunion des membres du Conseil européen, le juge ne retenant que la 2nde réunion entre les chefs d’Etat et de gouvernement à laquelle ont pourtant assisté le président du Conseil européen et de la Commission européenne) l’empêchant ainsi de se prononcer sur le fond faute d’acte imputable à l’une des institutions de l’Union (TPIUE, ord., 28 février 2017, NF contre Conseil européen, Aff. n°T-192/16). Quelque temps après, dans un arrêt de grande chambre « X et X contre Etat belge » (CJUE, GC, 7 mars 2017, X et X contre Etat belge, Aff. n°C-638/16 PPU) à la question de fond posée qui était de savoir si les valeurs de l’Union obligeaient les Etats membres à ouvrir leurs frontières, depuis l’extérieur et à titre humanitaire, ne serait-ce que le temps d’examiner une demande d’asile, le juge de l’Union a répondu que l’affaire ne relevait pas du champ d’application du Code des visas (Règlement (CE) n°810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas, JOUE L 243 du 15 septembre 2009) et que les demandes de visas dont il était question étaient exclusivement soumises au droit national. L’avocat général avait pourtant rendu des conclusions contraires en démontrant qu’un Etat membre avait l’obligation de délivrer un visa à validité territoriale limitée pour des raisons humanitaires si le refus pouvait exposer les demandeurs à des traitements inhumains et dégradants interdits par l’article 4 de la Charte (§ 163 des conclusions de l’avocat général Paolo Mengozi). Ce dernier avait affirmé qu’il était crucial qu’ « à l’heure où les frontières se ferment et où les murs s’érigent, les Etats membres ne fuient pas leurs responsabilités, telles qu’elles découlent du droit de l’Union ou, permettez-moi l’expression, du droit de leur et de notre Union » (§ 4 des conclusions). Dans le contexte d’aujourd’hui où les discours de certains Etats membres sont très critiques par rapport au système de quotas de migrants, le juge de l’Union avait pourtant l’opportunité de rappeler le respect de certaines valeurs dans le traitement de la question des réfugiés. Le Code des visas paraissait tout à fait applicable et aurait permis à l’Union de jouer un rôle décisif dans un domaine dans lequel une action uniforme des États membres s’impose (Voir notamment C. Peyronnet et T. Racho, « « Ceci n’est pas un visa humanitaire » : La Cour de justice neutralise l’article 25 § 1 a) du code des visas », RDH 2017, www.journals.openedition.org/revdh/3047). En concluant ainsi, néanmoins, la Cour évite un véritable bouleversement des conditions de l’accès au territoire de l’Union.
Une volonté tenant à développer, néanmoins, une interprétation autonome du droit d’asile de l’Union
959-1 • Avec la décision précitée « X et X contre Etat belge », le juge de l’Union préserve la compétence des Etats et fait en sorte d’empêcher que le code des visas soit un moyen utilisé par les requérants pour entrer sur le territoire de l’Union (Voir, par ex., L. Azoulai, « Le droit européen de l’immigration, une analyse existentielle », RTDE 2018, p. 519 et suiv.). Sur la base du nouveau pacte de la Commission sur la migration et l’asile (23 septembre 2020, COM (2020) 609 final), la politique du juge de l’Union devient moins réductrice sur les droits des étrangers, la CJUE développant et imposant une interprétation autonome du droit d’asile de l’Union par rapport au droit international ou aux droits des Etats membres (Cf. S. Barbou des Places, « L’autonomie du droit d’asile : à quel prix ? », RTDE 2020, p. 136 et suiv.). Elle a ainsi rappeler à l’ordre certains Etats membres quant au respect du droit d’asile de l’Union dans les affaires relatives aux décisions relocalisations et transfert des demandeurs d’asile (CJUE, GC, 6 septembre 2017, République Slovaque et Hongrie contre Conseil, Aff. jointes n°C-643/15 et n°C-647/15 ; CJUE, 2 avril 2020, Commission européenne contre Pologne, Commission contre Hongrie et Commission contre République tchèque, Aff. jointes n°C-715/17, n°C-718/17 et n°C-719/1745), les affaires relatives aux zones de transit hongroises (CJUE, GC, 14 mai 2020, FMS, FNZ, SA, SA junior, Aff. jointes n°C-924/19 PPU et n°C-925/19 PPU) ou, tout dernièrement,l’affaire relative à la criminalisation par la législation hongroise des activités de celles et ceux qui apportent une aide aux personnes demandeuses d’asile (CJUE, GC, 16 novembre 2021, Commission européenne contre Hongrie, Aff. n° C-821/19). Enfin, elle rappelle aussi constamment l’impératif d’unité et d’effectivité et la primauté du droit de l’immigration de l’Union sur les droits nationaux (Voir, par ex., CJUE, 12 décembre 2019, TBO, Aff. n°C-519/18 ou CJUE, GC, 14 mai 2019, M. et X., X., Aff. Jointes n°C-391/16, n°C-77/17 et n°C-78/17).
→ Une utilisation difficile de la Charte par les juridictions nationales
Des juges nationaux qui font une application modérée, et noyée au milieu d’autres sources de protection, de la Charte (1)
960 • Le Conseil d’Etat et la Cour de cassation française ont, dans un premier temps, considéré que la Charte, qui avait simplement été proclamée, ne pouvait pas être invoquée devant les juridictions nationales (CE, 5 janvier 2005, Melle Deprez et M. Baillard, req. n°257341 Lebon, p. 1, ; JCP A 2005, concl. D. Chauvaux ; AJDA 2005, p. 845, note L. Burgorgue-Larsen ; RFDA 2005, p. 56, note B. Bonnet ; RTDE 2006, p. 184, note A. Ondoua) ou n’avait pas de force obligatoire (Cass., 1ère civ., 13 mars 2007, n° de pourvoi : 05-16.627, Bull, I, n°113). Depuis l’entrée en vigueur du Traité du Lisbonne et le caractère contraignant de la Charte, ils ont tiré les conséquences de l’intégration de la CDFUE au droit primaire et accueillent les moyens fondés sur cette dernière lorsque le litige en cause relève du champ d’application du droit de l’Union que ce soit le Conseil d’Etat (Voir, par ex., CE, 26 janvier 2018, M. et Mme B., req. n°397611, à propos du droit d’asile garanti par l’art. 48 CDFUE ; CE, 23 décembre 2016, Société JT International SA, req. n°399117 concernant une demande d’annulation du décret relatif au paquet neutre sur le fondement de plusieurs articles de la Charte ; CE, 4 juin 2014, Halifa, req. n°370515 à propos du droit à une bonne administration de l’art. 41 CDFUE dans le cadre d’un retour d’un ressortissant d’Etat tiers en séjour irrégulier) ou la Cour de cassation (Voir, par ex., Cass., soc., 25 juin 2014, n° de pourvoi : 13-14.224 à propos du respect du droit à la non-discrimination en raison de l’âge de l’art. 21 CDFUE ; Cass., soc., 4 février 2015, n° de pourvoi : 13-20.891 à propos d’un contentieux relatif à la durée du temps du travail où dérogation possible que si respect de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, art. 31 CDFUE).
Des juges nationaux qui font une application modérée, et noyée au milieu d’autres sources de protection, de la Charte (2)
961 • Au surplus, si la Charte est invoquée devant les juridictions françaises, il est assez rare qu’elle soit la seule source alors invoquée. La plupart du temps elle est accompagnée de référence à d’autres sources de protection (par ex : CE, 31 mars 2017, M. B. et autres contre Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, req. n°360821 où la Charte est invoquée avec l’article 1er du 1er protocole additionnel à la ConvEDH dans un contentieux relatif au régime de retraite des fonctionnaires détachés à l’étranger ; CE, 12 décembre 2012, Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique (SMISP), req. n°354635 où la Charte est invoquée avec l’article 2 CSE dans un contentieux concernant le droit à un repos journalier ; Cass., soc., 4 février 2015, n° de pourvoi : 13-20891 où la Charte est citée, entre autre, en même temps que la CSE et la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs pour expliquer les garanties nécessaires des travailleurs dans les dérogations à la durée du temps de travail). On peut dire que la Charte n’a, au final, pas à proprement parler de valeur ajoutée par rapport aux autres instruments nationaux et internationaux de protection (même situation au niveau des juridictions nationales étrangères, Cf. Rapports annuels de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne).
Des juges nationaux qui font face aux limites importantes posées par le juge de l’Union
962 • Beaucoup d’arrêts écartent l’applicabilité de la Charte car le litige en cause ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union (par ex., CE, 10 juillet 2015, Mme B. contre Département du Bas-Rhin, req. n°375887 à propos du contentieux relatif au revenu de solidarité active ; CE, 25 février 2015, X contre Secrétariat général du gouvernent, req. n°375724 à propos du contentieux pénitentiaire et le droit de recevoir une alimentation conforme aux convictions religieuses ; CE, 27 novembre 2013, Syndicat national CFDT des mineurs et assimilés et du personnel du régime minier et autres, req. n°353703 à propos du régime spécial de sécurité sociale dans les mines). L’extension de la Charte s’est vu limitée aussi par des mécanismes en atténuant la portée. Des limitations peuvent être ainsi apportées, en vertu de l’article 52-1 CDFUE, « si elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ». Le juge judiciaire français a, par exemple, ainsi dérogé à la règle non bis in idem pour respecter l’objectif de l’Union tenant à « l’intégrité des marchés financiers communautaires » et à la « confiance des investisseurs » (Cass., crim., 22 janvier 2014, n° de pourvoi : 12-83.579, Bull. Crim. n°22). Cette exception de l’article 52-1 CDFUE a néanmoins été invalidé par la CourEDH au nom du principe de correspondance avec le droit européen affiché dans le même article au §3 (CourEDH, 4 mars 2014, Grande Stevens et autres contre Italie, req. n°18640/10, n°18647/10, n°18663/10, n°18668/10 et n°18698/10).
Des juges nationaux qui ont du mal à identifier le lien de rattachement avec le droit de l’Union
963 • La CDFUE n’a aussi vocation à s’appliquer qu’en présence d’un « lien de rattachement suffisant » entre la réglementation nationale, objet du litige, et le droit de l’Union et exclut donc une interprétation des droits fondamentaux reconnus par l’Union pour les mesures purement nationales relevant des compétences propres des Etats. Une mesure de mise en œuvre du droit de l’Union ne fait pas entrer automatiquement une règlementation nationale dans la sphère de compétence de la CJUE. Plus précisément, la Cour évoque la nécessité « d’un lien de rattachement d’un certain degré, dépassant le voisinage des matières visées ou les incidences indirectes de l’une des matières sur l’autre » (CJUE, 6 mars 2014, Cruciano Siragusa contre Regione Sicilia – Soprintendenza Beni Culturali e Ambientali di Palermo, Aff. n°C-206/13, §24). Certains critères peuvent être établis quant à la portée de cette obligation. L’appréciation qui en est faite par la Cour est assez stricte et confuse et elle ne facilite pas la tâche des juges nationaux à cet égard (Cf. en ce sens et pour les exemples cités, M. Safjan et D. Düsterhaus, « La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les ordres juridiques nationaux, de la mise en œuvre à la mise en balance », RTDE 2016, p. 219 et suiv.). Ainsi, si une règlementation nationale transpose une directive mais étend son champ d’application, elle ne peut, automatiquement, être réputée mettre en œuvre le droit de l’Union, il faut un champ d’application identique, spécifique et des objectifs communs. Par exemple, une règlementation qui transpose une directive sur l’étiquetage des denrées alimentaires ne met pas en œuvre le droit de l’Union parce qu’elle règlemente aussi la vente de ces produits ce qui n’est pas l’objet de la directive (CJCE, 13 juin 1996, Criminal proceedings against Jean-Louis Maurin, Aff. n°C-144/95, Rec. CJCE, I, p. 2909, §11). De même, une législation nationale concernant la protection des paysages ne met pas en œuvre le droit de l’Union dès lors que ce dernier concerne la protection de l’environnement, domaine plus large que celui de la protection du paysage (CJUE, 6 mars 2014, Cruciano Siragusa contre Regione Sicilia – Soprintendenza Beni Culturali e Ambientali di Palermo précité, §27). Enfin, une législation nationale qui n’affecte qu’indirectement le fonctionnement d’une organisation commune des marchés ne saurait, pas plus, constituer un lien de rattachement suffisant avec le droit de l’Union (CJCE, 18 décembre 1997, Daniele Annibaldi contre Sindaco del Comune di Guidonia et Presidente Regione Lazio, C-309/96, Rec. CJCE, I, p. 7493, § 22). Au-delà de ces éléments, il y a énormément de difficultés pour les juges nationaux, outre les questions de validité du droit dérivé (par ex., a été déclaré invalide, la directive relative à la conservation des données à caractère personnel : CJUE, 8 avril 2014, Digital Rights Ireland Ltd contre Minister for Communications, Marine and Natural Resources e.a. et Kärntner Landesregierung e.a., Aff. n°C-293/12 et n°C-594/12), à établir le lien de rattachement et ainsi déterminer la compétence de la Cour pour interpréter la Charte à titre préjudiciel ou l’obligation spécifique concrète qui découlerait de l’application des principes de la Charte.
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