Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la consommation, le 17 février 2014, par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Élie ABOUD, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Jean-Pierre BARBIER, Sylvain BERRIOS, Philippe BRIAND, Dominique BUSSEREAU, Guillaume CHEVROLLIER, Éric CIOTTI, François CORNUT-GENTILLE, Jean-Louis COSTES, Gérald DARMANIN, Olivier DASSAULT, Bernard DEFLESSELLES, Jean-Pierre DOOR, Mme Virginie DUBY-MULLER, MM. Christian ESTROSI, Daniel FASQUELLE, Mme Marie-Louise FORT, MM. Marc FRANCINA, Laurent FURST, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Christophe GUILLOTEAU, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Denis JACQUAT, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Mme Valérie LACROUTE, MM. Marc LAFFINEUR, Jacques LAMBLIN, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Marc LE FUR, Pierre LELLOUCHE, Dominique LE MÈNER, Pierre LEQUILLER, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Hervé MARITON, Alain MARTY, Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Mme Dominique NACHURY, MM. Yves NICOLIN, Jean-Frédéric POISSON, Mme Josette PONS, MM. Franck RIESTER, François SCELLIER, Fernand SIRÉ, Éric STRAUMANN, Claude STURNI, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, François VANNSON, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Jean-Pierre VIGIER, Philippe VITEL, Éric WOERTH et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés ;
Et le même jour par MM. Jean-Claude GAUDIN, Gérard BAILLY, Philippe BAS, René BEAUMONT, Michel BÉCOT, Jean BIZET, Mme Françoise BOOG, MM. Pierre BORDIER, Joël BOURDIN, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François-Noël BUFFET, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Raymond COUDERC, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mme Marie-Hélène DES ESGAULX, MM. Éric DOLIGÉ, Michel DOUBLET, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, André DULAIT, Ambroise DUPONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul EMORINE, André FERRAND, René GARREC, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Patrice GÉLARD, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Charles GUENÉ, Pierre HÉRISSON, Michel HOUEL, Jean-François HIMBERT, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Jean-Jacques HYEST, Roger KAROUTCHI, Mme Elisabeth LAMURE, MM. Gérard LARCHER, Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Gérard LONGUET, Roland du LUART, Michel MAGRAS, Philippe MARINI, Pierre MARTIN, Mme Hélène MASSON-MARET, M. Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Louis NÈGRE, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, André REICHARDT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Bruno SIDO, Mme Esther SITTLER, M. André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. François TRUCY et Jean-Pierre VIAL, sénateurs.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;
Vu la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le code des procédures civiles d’exécution ;
Vu le code de la mutualité ;
Vu le code de l’organisation judiciaire ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ;
Vu la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires ;
Vu la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 4 mars 2014 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la consommation ; que les députés contestent la procédure d’adoption de ses articles 37, 39, 54 et 67 et mettent en cause la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 2, 67, 76, 113, 121, 123, 125 et 130 ; que les sénateurs mettent en cause la conformité à la Constitution des articles 1er, 9 et 67 ;
– SUR LES ARTICLES 1er et 2 :
2. Considérant que les articles 1er et 2 de la loi sont relatifs à l’action de groupe ; que l’article 1er complète le titre II du livre IV du code de la consommation par un chapitre III intitulé « Action de groupe », comprenant les articles L. 423-1 à L. 423-26 ; que l’article 2 complète notamment le code de l’organisation judiciaire pour confier aux tribunaux de grande instance la compétence pour connaître de ces actions ;
3. Considérant que, selon l’article L. 423-1 du code de la consommation, l’action de groupe a pour objet de permettre la réparation des préjudices patrimoniaux individuels résultant des dommages matériels « subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles », soit à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services, soit lorsque ces préjudices résultent de certaines pratiques anticoncurrentielles ;
4. Considérant que les dispositions contestées instituent une procédure qui comprend trois étapes ; que la première étape est prévue par les articles L. 423-3 à L. 423-9 ainsi que, s’agissant de la procédure d’action de groupe simplifiée, par l’article L. 423-10 ; qu’elle permet à une association de consommateurs agréée d’agir devant une juridiction civile pour mettre en cause la responsabilité d’un professionnel ; que si, à l’issue de cette première étape, il a été jugé que la responsabilité du professionnel est engagée, la deuxième étape de la procédure, régie par l’article L. 423-11 et le deuxième alinéa de l’article L. 423-10, s’ouvre par une information des consommateurs afin de leur permettre d’adhérer au groupe et d’obtenir la réparation de leur préjudice ; que, s’agissant de la procédure simplifiée, cette information est donnée individuellement par le professionnel aux consommateurs intéressés afin de leur permettre d’accepter d’être indemnisés dans les termes de la décision ; que la troisième étape, prévue par les articles L. 423-12 à L. 423-14, est destinée à trancher les difficultés qui s’élèvent à l’occasion de la mise en oeuvre du jugement et à statuer sur les demandes d’indemnisation des consommateurs qui ont adhéré au groupe, ou s’agissant de la procédure simplifiée qui ont accepté l’indemnisation et auxquelles le professionnel n’a pas fait droit ;
5. Considérant que l’article L. 423-1 réserve le droit d’agir aux associations agréées de défense des consommateurs représentatives au niveau national ; que l’article L. 423-3 prévoit que, saisi par une telle association, le juge « statue sur la responsabilité du professionnel, au vu des cas individuels présentés », qu’il « définit le groupe des consommateurs à l’égard duquel la responsabilité du professionnel est engagée et en fixe les critères de rattachement », qu’il « détermine les préjudices susceptibles d’être réparés pour chaque consommateur ou chacune des catégories de consommateurs constituant le groupe qu’il a défini, ainsi que leur montant ou tous les éléments permettant l’évaluation de ces préjudices » ; que les articles L. 423-4 et L. 423-5 précisent que lorsqu’il décide que la responsabilité du professionnel est engagée, le juge ordonne les mesures adaptées pour en informer les consommateurs susceptibles d’adhérer au groupe ;
6. Considérant que l’article L. 423-10 prévoit une procédure d’action de groupe simplifiée applicable « lorsque l’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et lorsque ces consommateurs ont subi un préjudice d’un même montant, d’un montant identique par prestation rendue ou d’un montant identique par référence à une période ou à une durée » ; que, dans ce cas, après avoir statué sur la responsabilité du professionnel, le juge « peut condamner ce dernier à les indemniser directement et individuellement, dans un délai et selon des modalités qu’il fixe » ; que les consommateurs intéressés sont individuellement informés de la procédure afin de leur permettre d’accepter d’être indemnisés dans les termes de la décision ;
7. Considérant que les articles L. 423-11 à L. 423-14 sont relatifs à la mise en oeuvre du jugement, à l’indemnisation individuelle des préjudices et à l’exécution du jugement ; que, dans le délai fixé par le juge en application des articles L. 423-5 et L. 423-10, les consommateurs adhèrent au groupe afin que le professionnel procède à leur indemnisation dans les conditions, limites et délais fixés par le jugement rendu à l’issue de la première étape ; qu’en vertu de l’article L. 423-12, le juge statue sur les difficultés de mise en oeuvre du jugement ainsi que sur toutes les demandes d’indemnisation auxquelles le professionnel n’a pas fait droit ; que l’article L. 423-13 dispose que l’association précitée représente les consommateurs membres du groupe qui n’ont pas été indemnisés par le professionnel dans les délais fixés aux fins de l’exécution forcée du jugement rendu à cette occasion ;
8. Considérant que les articles L. 423-15 et L. 423-16 sont relatifs à la médiation et prévoient que seule l’association ayant agi dans le cadre de la première phase de la procédure peut y participer et que les accords doivent être homologués par le juge ;
9. Considérant que les articles L. 423-17 à L. 423-19 sont relatifs aux modalités spécifiques à l’action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence ; que l’article L. 423-17 prévoit que la responsabilité du professionnel ne peut être « prononcée. . . que sur le fondement d’une décision prononcée à l’encontre du professionnel par les autorités ou juridictions nationales ou de l’Union européenne compétentes, qui constate les manquements et qui n’est plus susceptible de recours pour la partie relative à l’établissement des manquements » ; que, dans ce cas, dans la procédure d’action de groupe, ces manquements « sont réputés établis de manière irréfragable » ;
10. Considérant que les articles L. 423-20 à L. 423-26 sont relatifs à diverses dispositions de la procédure d’action de groupe et à l’application de cette procédure outre-mer ; que l’article L. 423-20 prévoit que l’action de groupe suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices correspondants ; que l’article L. 423-21 dispose que les décisions statuant sur la responsabilité du professionnel et celles homologuant un accord de médiation ont autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure ; que l’article L. 423-22 dispose que l’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n’entrant pas dans le champ défini par la décision du juge statuant sur la responsabilité du professionnel ou par un accord de médiation homologué ;
11. Considérant que les requérants mettent en cause la conformité à la Constitution de l’ensemble de la procédure d’action de groupe et d’action de groupe simplifiée ; qu’ils contestent, en outre, les dispositions particulières relatives à la procédure intervenant dans le domaine de la concurrence et, enfin, les modalités d’entrée en vigueur de la loi ;
. En ce qui concerne l’action de groupe :
12. Considérant que, selon les requérants, la procédure instituée par les dispositions contestées ne garantit pas que chaque consommateur sera mis à même de donner son assentiment en pleine connaissance de cause à l’action engagée pour son compte par l’association agréée ; que les députés soutiennent qu’il en résulte une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif des consommateurs ; que, selon les sénateurs, qui mettent en cause en particulier la procédure d’action de groupe simplifiée, ces dispositions portent atteinte à la liberté personnelle des consommateurs ;
13. Considérant que les députés requérants font également valoir que la procédure d’action de groupe conduit à ce que la responsabilité du professionnel soit judiciairement constatée avant que le groupe soit constitué ; que la responsabilité du professionnel serait ainsi judiciairement déclarée à l’issue d’une procédure dans laquelle celui-ci ne connaît ni le nombre ni l’identité des personnes susceptibles de lui demander réparation ; que les dispositions contestées ne préserveraient pas la faculté du professionnel de faire valoir, après que le jugement statuant sur sa responsabilité a été rendu, les exceptions et moyens de défense tendant à exclure ou à minorer sa responsabilité à l’égard de tel ou tel consommateur ; qu’il en résulterait une atteinte au droit à une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties ;
14. Considérant que les sénateurs requérants formulent les mêmes griefs à l’encontre de la seule procédure d’action de groupe simplifiée ; qu’il font valoir que, dans une telle procédure, le professionnel ne peut contester que sa seule responsabilité et ne dispose pas de la possibilité de contester la qualité de chaque consommateur pour demander individuellement la réparation de son préjudice ; qu’en particulier, le professionnel ne disposerait pas d’une voie de recours pour contester, sur ce point, le jugement statuant sur sa responsabilité ;
15. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties ;
16. Considérant, en premier lieu, que, dans le cadre de la procédure d’action de groupe prévue par l’article L. 423-3, comme dans le cadre de la procédure d’action de groupe simplifiée prévue par l’article L. 423-10, les consommateurs, lors de la première étape de la procédure, ne sont pas partie à l’instance opposant l’association de consommateurs au professionnel mis en cause ; qu’il ressort du premier alinéa de l’article L. 423-4 et du deuxième alinéa de l’article L. 423-10 que, si le jugement rendu à l’issue de cette première étape constate que la responsabilité du professionnel est engagée, des mesures de publicité ou d’information à destination des consommateurs doivent être mises en oeuvre afin de leur permettre de choisir s’ils entendent ou non obtenir la réparation de leur préjudice dans les termes de ce jugement ; qu’enfin, l’article L. 423-21 dispose que les décisions prévues aux articles L. 423-3 et L. 423 10 n’ont autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe qu’à l’issue de la procédure et à la condition que leur préjudice ait été réparé ; que, par suite, manque en fait le grief tiré de ce que les dispositions contestées auraient pour effet d’attraire des consommateurs à une procédure sans qu’ils aient été en mesure d’y consentir en pleine connaissance de cause ;
17. Considérant, en second lieu, que, d’une part, dans le cadre de l’action de groupe prévue par l’article L. 423-3, le professionnel défendeur à l’instance peut, lors de la première étape de la procédure, faire valoir, outre les exceptions relatives à la recevabilité de cette action, tous les moyens de défense relatifs à la mise en cause de sa responsabilité, à la définition du groupe des consommateurs à l’égard desquels celle-ci est engagée, aux critères de rattachement à ce groupe, aux préjudices susceptibles d’être réparés, ainsi qu’à leur montant ou aux éléments permettant l’évaluation des préjudices ; qu’après que les consommateurs ont adhéré au groupe, il peut, lors de la troisième étape de la procédure, faire valoir devant le juge saisi en application des dispositions de l’article L. 423-12, tous les autres moyens de défense relatifs à l’indemnisation individuelle des consommateurs intéressés ;
18. Considérant que, d’autre part, dans le cadre de l’action de groupe simplifiée prévue par l’article L. 423-10, l’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus du professionnel dès la première étape de la procédure ; que la proposition d’indemnisation dans les termes du jugement rendu en application de l’article L. 423-10 ne sera adressée qu’aux seuls consommateurs ainsi identifiés ; que le professionnel peut, lors de la première étape de la procédure, soulever tous les moyens de défense tendant à démontrer que les conditions prévues par cet article ne sont pas remplies et que sa responsabilité n’est pas engagée à l’égard des consommateurs identifiés ; qu’après que les consommateurs ont accepté d’être indemnisés, le professionnel peut, lors de la troisième étape de la procédure, faire valoir devant le juge saisi en application des dispositions de l’article L. 423-12, tous les autres moyens de défense relatifs à l’indemnisation individuelle des consommateurs intéressés ; qu’aucune des dispositions contestées ne limite le droit des parties à l’instance d’exercer les voies de recours selon les règles de la procédure civile ;
19. Considérant que, dans ces conditions, les dispositions des articles L. 423-3 et L. 423-10, en vertu desquelles la première étape de la procédure se déroule sans qu’aient été déterminés au préalable le nombre et l’identité des consommateurs qui demanderont effectivement à être indemnisés dans les termes du jugement rendu à l’issue de cette étape, ne méconnaissent pas les droits de la défense ;
. En ce qui concerne les modalités spécifiques à l’action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence :
20. Considérant que les députés requérants mettent en cause les dispositions de l’article L. 423-17 du code de la consommation relatives à la procédure d’action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence ; qu’ils soutiennent qu’en prévoyant que la responsabilité du professionnel ne peut être « prononcée » dans le cadre de l’action de groupe qu’après que la décision des autorités ou juridictions nationales ou de l’Union européenne compétentes n’est plus susceptible de recours, ces dispositions permettent, a contrario, qu’une action de groupe soit « engagée » sur ce fondement alors que la procédure devant la juridiction ou autorité compétente en matière de concurrence n’est pas définitive ; qu’une telle faculté aurait pour objet de permettre que des mesures d’instruction soient ordonnées par le juge dans le cadre de la procédure d’action de groupe ; que de telles mesures d’instruction seraient inutiles et attentatoires aux droits des professionnels dès lors que, pour le constat des manquements qui peuvent fonder l’engagement de la responsabilité du professionnel dans le cadre de l’action de groupe, le juge est lié par la décision de l’autorité ou de la juridiction compétente en matière de concurrence ;
21. Considérant que les sénateurs mettent en cause les dispositions de l’article L. 423-19 applicables à l’action de groupe dans le domaine de la concurrence ; qu’ils soutiennent que la faculté pour le juge d’ordonner l’exécution provisoire du jugement statuant sur la responsabilité pour ce qui concerne les mesures de publicité porte atteinte au droit au respect de la présomption d’innocence ;
22. Considérant, en premier lieu, que, si les dispositions de l’article L. 423-17 ne font pas obstacle à ce qu’une action de groupe dans le domaine de la concurrence soit engagée sur le fondement de manquements qui n’ont pas été constatés par une décision non susceptible de recours d’une autorité ou juridiction nationale ou de l’Union européenne compétentes, le juge, saisi de l’action de groupe dans cette circonstance, ne peut apprécier lui-même les manquements dénoncés et doit surseoir à statuer dans l’attente que la décision qui constate les manquements ne soit plus susceptible de recours ; que ces dispositions ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle ;
23. Considérant, en second lieu, que la publicité ordonnée en application de l’article L. 423-19 est destinée à permettre aux consommateurs de se déclarer dans le délai imparti ; qu’elle ne constitue pas une sanction ayant le caractère d’une punition ; que, par suite, le grief tiré de l’atteinte à la présomption d’innocence est inopérant ;
24. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de ce que la procédure d’action de groupe méconnaîtrait les exigences tirées de l’article 16 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés ;
. En ce qui concerne l’entrée en vigueur des articles 1er et 2 :
25. Considérant que les députés requérants soutiennent qu’en permettant l’application immédiate de la nouvelle procédure à des faits antérieurs à la promulgation de la loi, les dispositions des articles 1er et 2 revêtent un caractère rétroactif contraire à la Constitution ;
26. Considérant, toutefois, que les dispositions contestées sont relatives à la procédure par laquelle la responsabilité d’un professionnel à l’égard de consommateurs peut être judiciairement constatée ; qu’elles ne modifient pas les règles de fond qui définissent les conditions de cette responsabilité ; que, par suite, l’application immédiate de ces dispositions ne leur confère pas un caractère rétroactif ; que le grief doit être écarté ;
27. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les articles 1er et 2 de la loi, qui ne méconnaissent ni la liberté personnelle ni aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution ;
– SUR L’ARTICLE 9 :
28. Considérant que l’article 9 a pour objet, notamment, de transposer des dispositions de la directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs ; qu’il donne une nouvelle rédaction de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation, intitulée « Contrats conclus à distance et hors établissement », qui comprend les articles L. 121-16 à L. 121-24 ;
29. Considérant que les sénateurs requérants contestent plus particulièrement l’article L. 121-21-4 relatif au droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement ; qu’ils soutiennent que le deuxième alinéa de cet article méconnaît l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi en ce que les termes employés créent « une incertitude sur la date de remboursement maximale à laquelle doit se plier le professionnel » ;
30. Considérant que le premier alinéa de l’article L. 121-21-4 dans sa rédaction résultant de l’article 9 de la loi déférée prévoit que « lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel est tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées, y compris les frais de livraison, sans retard injustifié et au plus tard dans les quatorze jours à compter de la date à laquelle il est informé de la décision du consommateur de se rétracter » ; qu’aux termes du deuxième alinéa : « Pour les contrats de vente de biens, à moins qu’il ne propose de récupérer lui-même les biens, le professionnel peut différer le remboursement jusqu’à récupération des biens ou jusqu’à ce que le consommateur ait fourni une preuve de l’expédition de ces biens, la date retenue étant celle du premier de ces faits » ; que le troisième alinéa fixe les taux d’intérêt applicables aux sommes dues par le professionnel lorsque le remboursement survient au-delà des dates prévues par l’alinéa précédent ;
31. Considérant qu’aux termes de l’article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l’Union européenne constituée d’États qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 » ; qu’en l’absence de mise en cause d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d’une directive de l’Union européenne ; qu’en ce cas, il n’appartient qu’au juge de l’Union européenne, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par cette directive des droits fondamentaux garantis par l’article 6 du traité sur l’Union européenne ;
32. Considérant que les dispositions contestées sont la reprise exacte des dispositions inconditionnelles et précises du 3 de l’article 13 de la directive du 25 octobre 2011 susvisée ; que, par suite, il n’y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d’examiner ces dispositions ;
– SUR LES ARTICLES 37 ET 39 :
33. Considérant que, selon les députés requérants, les dispositions des articles 37 et 39 auraient été introduites par voie d’amendement selon une procédure contraire à la Constitution ;
34. Considérant qu’aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ;
35. Considérant que le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale comportait un chapitre II consacré à l’amélioration de l’information et au renforcement des droits contractuels des consommateurs et comprenant notamment des dispositions relatives à la vente en ligne ; que les articles 37 et 39 ont été insérés par amendement en première lecture au Sénat ; que l’article 37 supprime le monopole des pharmaciens et des opticiens-lunetiers pour la vente de produits destinés à l’entretien ou à l’application des lentilles oculaires de contact ; que l’article 39 modifie les conditions de délivrance de verres correcteurs d’amétropie et de lentilles de contact oculaire correctrices, notamment lors de leur vente en ligne ; qu’il prévoit également, pour rendre matériellement possibles les nouvelles conditions de délivrance de ces produits, de nouvelles règles en matière de prescription médicale de verres correcteurs ; que ces dispositions qui ont notamment pour objectif de faire baisser les prix et de faciliter l’accès des consommateurs à ces produits présentent un lien indirect avec les dispositions du projet de loi initial ; qu’elles ont donc été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution ;
– SUR L’ARTICLE 54 :
36. Considérant que, selon les députés requérants, les dispositions introduites par voie d’amendement en première lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale à l’article 19 octies ont servi de support pour l’adoption, en deuxième lecture, d’une rédaction entièrement nouvelle qui s’est substituée au dispositif introduit en première lecture ; qu’ainsi, les dispositions de l’article 19 octies, devenu 54, auraient été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution ;
37. Considérant qu’il ressort de l’économie de l’article 45 de la Constitution, et notamment de son premier alinéa, que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées à un projet ou une proposition de loi, après la première lecture, par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion, c’est-à-dire qui n’a pas été adoptée dans les mêmes termes par l’une et l’autre assemblées ; que, toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle ;
38. Considérant que l’amendement insérant en première lecture à l’Assemblée nationale l’article 19 octies dans le projet de loi comportait un paragraphe I relatif à la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement, et un paragraphe II qui introduisait dans le code de la consommation un nouvel article L. 312-9-1 relatif à la faculté pour l’emprunteur de substituer un autre contrat d’assurance à celui donné en garantie dès lors que les clauses du contrat de prêt immobilier ne s’y opposent pas ; qu’en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, l’article 19 octies, devenu l’article 54, a fait l’objet d’une réécriture ; que les dispositions alors introduites, qui modifient l’article L. 312-9 du code de la consommation et l’article L. 221-10 du code de la mutualité et créent un nouvel article L. 113-12-2 du code des assurances, instaurent un droit de résiliation unilatérale sans frais du contrat d’assurance donné en garantie d’un emprunt immobilier et prévoient de nouvelles règles en matière de résiliation du contrat d’assurance par l’assureur ; que la modification introduite au paragraphe II de l’article 60 de la loi du 26 juillet 2013 susvisée reporte de janvier 2014 à juillet 2014 l’entrée en vigueur des dispositions de cet article 60, relatives à l’information des personnes sollicitant une assurance en couverture d’un crédit immobilier et à l’acceptation en garantie d’un contrat d’assurance par le prêteur ; qu’en deuxième lecture au Sénat, les dispositions introduites en deuxième lecture à l’Assemblée nationale ont été complétées par l’introduction dans le code de commerce d’un nouvel article L. 312-32-1 qui punit d’une amende l’absence de respect des nouvelles obligations introduites à l’article L. 312-9 de ce code ; que les adjonctions introduites à l’Assemblée nationale et au Sénat en deuxième lecture étaient, au stade de la procédure où elles ont été introduites, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance de la procédure d’adoption de l’article 54 doivent être écartés ;
– SUR L’ARTICLE 67 :
39. Considérant que l’article 67 est relatif à la création d’un registre national recensant les crédits à la consommation accordés aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels, dénommé « registre national des crédits aux particuliers » ; qu’en particulier, le paragraphe III de l’article 67 insère dans le code de la consommation une nouvelle section, comprenant les articles L. 333-6 à L. 333-21, consacrée à ce traitement de données à caractère personnel ; que les paragraphes I, II et IV à X du même article procèdent à diverses coordinations rendues nécessaires ;
40. Considérant que l’article L. 333-6 institue le registre national des crédits aux particuliers ; que l’article L. 333-7 prévoit que ce registre « a pour finalité de prévenir les situations de surendettement des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels » ; que les articles L. 333-8 à L. 333-13 sont relatifs aux informations devant figurer dans ce registre ainsi qu’à leurs conditions de consultation et de conservation ; que l’article L. 333-14 fixe les obligations de secret professionnel auxquelles seront tenues les personnes et institutions participant à la gestion du registre ; que les articles L. 333-15 à L. 333-18 sont relatifs aux sanctions encourues en l’absence de respect des obligations instituées ; que les articles L. 333-19 et L. 333-20 sont relatifs aux modalités de consultation du registre par les établissements et organismes financiers ; que l’article L. 333-21 précise la portée des dispositions des articles L. 333-6 à L. 333 20 ;
41. Considérant que les requérants soutiennent que la création d’un registre national des crédits aux particuliers porte, en raison de l’ampleur du registre, du caractère sensible des informations qu’il contient et de ses modalités de consultation, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, qui n’est pas justifiée au regard de l’objectif poursuivi par le législateur ; que, par suite, les dispositions de l’article 67 seraient contraires à la Constitution ; qu’il en va de même, selon les députés requérants, des dispositions des articles 68 à 72, qui en sont indissociables ;
42. Considérant que les députés requérants font également valoir que, alors que le projet de loi initial ne contenait aucune disposition relative à la lutte contre le surendettement, l’introduction d’une telle réforme des dispositifs de lutte contre le surendettement, sans étude d’impact, constitue une méconnaissance des exigences de l’article 39 de la Constitution relatives à la présentation d’une étude d’impact ainsi que des principes de clarté et de sincérité des débats parlementaires ;
. En ce qui concerne la procédure d’adoption de l’article 67 :
43. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 39 de la Constitution : « La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique » ; qu’aux termes de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 susvisée : « Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent » ;
44. Considérant qu’aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ;
45. Considérant que le projet de loi comportait lors de son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, première assemblée saisie, un chapitre III consacré au crédit et à l’assurance ;
46. Considérant qu’a été introduit en première lecture à l’Assemblée nationale par amendement du Gouvernement un nouvel article 22 bis, devenu l’article 67, relatif à la création d’un registre recensant les crédits à la consommation accordés aux personnes physiques non professionnelles ;
47. Considérant, en premier lieu, que cet article présentait un lien indirect avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi relatif à la consommation ;
48. Considérant, en deuxième lieu, que, s’agissant d’une disposition introduite par voie d’amendement, est inopérant le grief tiré de la méconnaissance des exigences relatives à la présentation des projets de loi ;
49. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des travaux parlementaires que la procédure d’adoption de cet article n’a pas eu pour effet d’altérer la clarté et la sincérité des débats et n’a porté atteinte à aucune autre exigence de valeur constitutionnelle ; que le grief tiré de la méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité des débats doit être rejeté ;
50. Considérant que, par suite, l’article 67 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution ;
. En ce qui concerne le grief tiré de l’atteinte au droit au respect de la vie privée :
51. Considérant que la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée ; que, par suite, la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ;
52. Considérant que la création d’un traitement de données à caractère personnel destiné à recenser les crédits à la consommation contractés par les personnes physiques pour leurs besoins non professionnels, les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits souscrits par ces personnes ainsi que les informations relatives aux situations de surendettement et aux liquidations judiciaires vise à prévenir plus efficacement et plus précocement les situations de surendettement en fournissant aux établissements et organismes financiers des éléments leur permettant d’apprécier, au moment de l’octroi du prêt, la solvabilité des personnes physiques qui sollicitent un crédit ou se portent caution et en conséquence de mieux évaluer le risque ; que, par la création du registre national des crédits aux particuliers, le législateur a poursuivi un motif d’intérêt général de prévention des situations de surendettement ;
53. Considérant que les informations enregistrées dans le registre national des crédits aux particuliers sont énumérées par le paragraphe IV de l’article L. 333-10 du code de la consommation ; qu’y figureront des informations relatives à l’état civil de la personne qui a souscrit le crédit, à l’identification de l’établissement ou de l’organisme à l’origine de la déclaration, à l’identification, à la catégorie et aux caractéristiques du crédit, aux incidents de paiement caractérisés, aux situations de surendettement et aux liquidations judiciaires prononcées, à la date de mise à jour des données et au motif et à la date des consultations effectuées ; qu’en vertu des dispositions de l’article L. 333-11, les informations relatives aux crédits seront conservées pendant la durée d’exécution du contrat de crédit ; que celles relatives aux incidents de paiement seront conservées jusqu’au paiement intégral des sommes dues, sans que la durée de conservation de ces informations puisse excéder cinq ans à compter de la date d’enregistrement de l’incident de paiement ; que celles relatives aux situations de surendettement seront conservées pendant la durée de l’exécution du plan ou des mesures, sans que la durée de conservation des informations puisse excéder sept ans ; que celles relatives à la procédure de rétablissement personnel, à la procédure de liquidation judiciaire ou à un effacement partiel de dettes seront conservées jusqu’à l’expiration d’une période de cinq ans à compter de la date d’homologation ou de clôture de la procédure ; que le traitement de données à caractère personnel qui est créé est ainsi destiné à recueillir et à conserver pendant plusieurs années des données précises et détaillées relatives à un grand nombre de personnes physiques débitrices ;
54. Considérant que les dispositions de l’article L. 333-8 du code de la consommation prévoient une consultation obligatoire de ce registre par les établissements et organismes financiers « avant toute décision effective d’octroyer un crédit à la consommation » ainsi qu’« avant de proposer à l’emprunteur de reconduire un contrat de crédit renouvelable et dans le cadre de la vérification triennale de solvabilité de l’emprunteur » ; qu’elles autorisent une consultation de ce registre par les caisses de crédit municipal avant toute décision effective d’octroi d’un prêt sur gage corporel ainsi que par les établissements ou organismes financiers pour les personnes qui se portent caution à l’occasion de l’octroi d’un crédit à la consommation ; qu’elles autorisent également une consultation des seules informations de ce registre relatives aux incidents de paiement caractérisés, aux situations de surendettement et aux liquidations judiciaires par les établissements et organismes financiers « avant qu’ils ne formulent une offre » de prêt immobilier ou de prêt viager hypothécaire et qu’elles prévoient que ces informations peuvent également « être prises en compte par ces mêmes établissements et organismes dans leurs décisions d’attribution des moyens de paiement, ainsi que pour la gestion des risques liés aux crédits souscrits par leurs clients » ; qu’elles interdisent enfin que les informations contenues dans le registre puissent être consultées ou utilisées à d’autres fins que celles expressément prévues, sous peine des sanctions de l’article 226-21 du code pénal ; que la consultation du registre est par ailleurs ouverte, en vertu de l’article L. 333-9, aux commissions de surendettement dans l’exercice de leur mission de traitement des situations de surendettement ainsi qu’aux greffes des tribunaux compétents dans le cadre de la procédure de traitement des situations de surendettement ; que le registre peut ainsi être consulté à de très nombreuses reprises et dans des circonstances très diverses ;
55. Considérant que l’article L. 333-19 autorise les établissements et organismes financiers à utiliser les informations collectées lors de la consultation du registre dans des systèmes de traitement automatisé de données ;
56. Considérant que l’article L. 333-20 subordonne à une autorisation individuelle et une habilitation, selon des procédures spécifiques internes aux établissements et organismes financiers, la consultation du registre par les personnels des établissements et organismes financiers ; qu’en renvoyant à un décret en Conseil d’État les modalités d’application de cette autorisation, le législateur n’a pas limité le nombre de personnes employées par ces établissements et organismes susceptibles d’être autorisées à consulter le registre ;
57. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’eu égard à la nature des données enregistrées, à l’ampleur du traitement, à la fréquence de son utilisation, au grand nombre de personnes susceptibles d’y avoir accès et à l’insuffisance des garanties relatives à l’accès au registre, les dispositions contestées portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi ; que, par suite, les dispositions de l’article 67 doivent être déclarées contraires à la Constitution ; qu’il en va de même, par voie de conséquence, des dispositions des articles 68 à 72, qui en sont inséparables ;
– SUR CERTAINES DISPOSITIONS DES ARTICLES 76, 113, 121, 123 et 125 :
58. Considérant que l’article 76, qui figure dans le chapitre V de la loi déférée intitulé « Modernisation des moyens de contrôle de l’autorité administrative chargée de la protection des consommateurs et adaptation du régime de sanctions », modifie l’article L. 141-1 du code de la consommation ; qu’en particulier, il élargit le champ de compétence de l’administration chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, lui permet de relever des infractions ou des manquements à diverses dispositions relatives à la protection des consommateurs et de prononcer des sanctions administratives ;
59. Considérant que, notamment, l’article 76 ajoute à l’article L. 141-1 un paragraphe VII dont le premier alinéa reprend des dispositions antérieures en vertu desquelles les agents habilités à constater les infractions ou manquements aux dispositions mentionnées aux paragraphes I à III peuvent enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces dispositions, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ; que ce même alinéa précise que l’injonction au professionnel n’intervient qu’après une procédure contradictoire ; que le deuxième alinéa du paragraphe VII prévoit que lorsque le professionnel n’a pas déféré à cette injonction dans le délai imparti, l’autorité administrative peut prononcer à son encontre, dans les conditions prévues à l’article L. 141-1-2, une amende administrative dont le montant ne peut excéder 1 500 euros pour une personne physique et 7 500 euros pour une personne morale lorsque l’infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d’injonction est sanctionné par une amende au plus égale à celle prévue pour une contravention de la cinquième classe ou par une amende administrative dont le montant est au plus égal à 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ; que le montant maximal de l’amende administrative est porté à 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale lorsque l’infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d’injonction est sanctionné par une peine délictuelle ou une amende dont le montant excède 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ;
60. Considérant que l’article 113 de la loi insère dans le code de la consommation un article L. 141-1-2 qui fixe des règles relatives au régime des amendes administratives sanctionnant les manquements aux paragraphes I à III de l’article L. 141-1 ainsi que l’inexécution des mesures d’injonction prévues au paragraphe VII du même article ; qu’en particulier, le paragraphe IV de l’article L. 141-1-2 prévoit qu’« avant toute décision, l’administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu’elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l’invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales » et que, « passé ce délai, l’autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l’amende » ; qu’en outre, le paragraphe VI dispose que « lorsqu’une amende administrative est susceptible de se cumuler avec une amende pénale infligée à raison des mêmes faits à l’auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé » ; qu’aux termes du paragraphe VII du même article « lorsque, à l’occasion d’une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l’encontre du même auteur pour des manquements en concours passibles d’amendes dont le montant maximal excède 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale, ces sanctions s’exécutent cumulativement, dans la limite du maximum légal le plus élevé » ;
61. Considérant que l’article 121 de la loi insère, après le titre VI du livre IV du code de commerce un titre VI bis intitulé « Des injonctions et sanctions administratives » qui comprend les articles L. 465-1 et L. 465 2 ; que le paragraphe I de l’article L. 465-1 porte sur les agents habilités, dans les conditions prévues au paragraphe II de l’article L. 450-1 du code de commerce, à rechercher et constater les infractions ou manquements aux obligations prévues au titre IV du livre IV du même code relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées ; que ces agents peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ; qu’en vertu du paragraphe II de l’article L. 465-1, lorsque le professionnel n’a pas déféré dans le délai imparti à une injonction qui lui a été notifiée à raison d’une infraction ou d’un manquement passible d’une amende administrative, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer à son encontre une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ; que l’article L. 465-2 fixe des règles relatives au régime des amendes administratives réprimant les manquements mentionnés au titre IV du livre IV du code de commerce ainsi que l’inexécution des mesures d’injonction prévues à l’article L. 465-1 ; qu’en particulier le paragraphe IV de l’article L. 465-2 prévoit qu’« avant toute décision, l’administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu’elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l’invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales » et que, « passé ce délai, l’autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l’amende » ; que le paragraphe VI du même article dispose que « lorsqu’une amende administrative est susceptible de se cumuler avec une amende pénale infligée à raison des mêmes faits à l’auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé » ; que son paragraphe VII prévoit que « lorsque, à l’occasion d’une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l’encontre du même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s’exécutent cumulativement, dans la limite du maximum légal le plus élevé » ;
62. Considérant que l’article 123 de la loi modifie l’article L. 441-6 du code de commerce qui impose à tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle ; qu’en particulier, l’article 123 complète cet article par un paragraphe VI qui prévoit que « sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième et onzième alinéas du I du présent article, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d’exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2. Le montant de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive » ; que ce même paragraphe VI précise que « sous les mêmes sanctions, sont interdites toutes clauses ou pratiques ayant pour effet de retarder abusivement le point de départ des délais de paiement mentionnés au présent article » ;
63. Considérant que l’article 123 modifie également l’article L. 443-1 du code de commerce sur les délais de paiement dans les domaines de la vente de produits alimentaires périssables, congelés ou surgelés, des achats de bétail sur pied et viandes fraîches dérivées et de boissons alcooliques ; que le dernier alinéa de l’article L. 443-1 dans sa rédaction résultant de l’article 123 prévoit que sont punis d’une amende dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale les manquements aux dispositions de l’article L. 443-1 ainsi qu’à celles relatives aux délais de paiement des accords interprofessionnels prévus au b) du 4° du même article ; qu’il précise également que « l’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2 du présent code » et que « le montant de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive » ;
64. Considérant que l’article 125 de la loi modifie l’article L. 441-7 du code de commerce qui impose qu’une convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale ; que le paragraphe II de l’article L. 441-7, dans sa rédaction issue de l’article 125, prévoit que le fait de ne pouvoir justifier avoir conclu une telle convention dans les délais prévus est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale ; qu’il précise également que « l’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2 » et que « le maximum de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive »;
65. Considérant que l’article 125 insère également dans le code de commerce un article L. 441-8, en vertu duquel les contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois portant sur la vente de produits figurant sur la liste prévue au deuxième alinéa de l’article L. 442-9 dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations de prix des matières premières agricoles et alimentaires comportent une clause relative aux modalités de renégociation du prix permettant de prendre en compte ces fluctuations à la hausse comme à la baisse ; que l’avant-dernier alinéa de l’article L. 441-8 prévoit que sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale le fait de ne pas prévoir de clause de renégociation conforme aux dispositions des deux premiers alinéas de l’article L. 441-8, le fait de ne pas respecter le délai fixé au troisième alinéa du même article, de ne pas établir le compte rendu prévu au même troisième alinéa ou encore le fait de porter atteinte au cours de la renégociation aux secrets de fabrication ou au secret des affaires ; que l’avant-dernier alinéa de l’article L. 441-8 prévoit également que « l’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2 » et que « le maximum de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive »;
66. Considérant que, selon les députés requérants, les dispositions de l’article 76 combinées avec celles des articles 113, 121, 123, 125 qui, notamment, augmentent le montant des sanctions pouvant être prononcées par l’administration chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes portent atteinte aux droits de la défense ; qu’ils soutiennent également que ces amendes, par leur caractère disproportionné, pourraient mettre en péril l’activité des entreprises et la liberté d’entreprendre ;
. En ce qui concerne les pouvoirs de l’autorité administrative :
67. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu’aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu’une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l’accomplissement de sa mission, dès lors que l’exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu’en particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d’une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ;
68. Considérant que, selon l’exposé des motifs du projet de loi, le législateur a entendu, par les dispositions contestées, instaurer « des sanctions administratives comme alternative aux sanctions pénales et civiles en cas de non-respect de certaines dispositions du droit de la consommation » et du droit de la concurrence ; qu’au nombre de celles-ci, énumérées par l’article L. 141-1 du code de la consommation modifié par l’article 76, figurent notamment des dispositions relatives aux pratiques commerciales déloyales et à certaines pratiques commerciales illicites, au crédit à la consommation, au crédit immobilier, et en particulier au taux d’usure, aux obligations d’information des consommateurs et à la formation des contrats, des dispositions relatives à la vente forcée par correspondance, aux droits des voyageurs ferroviaires ou des passagers voyageant par mer, voie de navigation intérieure, par car ou autobus et des dispositions relatives au dossier de diagnostic technique en cas de vente d’un immeuble bâti ; que l’article 121 de la loi déférée met également en place un régime de sanctions administratives en cas de manquements aux règles prohibant les pratiques commerciales restrictives de concurrence ;
69. Considérant qu’en vertu des articles 76, 113 et 121 de la loi, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est compétente, d’une part, pour constater les infractions et manquements aux obligations posées par ces diverses dispositions, enjoindre au professionnel de se conformer à celles-ci, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite et, d’autre part, pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements relevés ainsi que l’inexécution des mesures d’injonction ; que, conformément au principe du respect des droits de la défense, dans chaque cas, l’injonction adressée au professionnel de se conformer à ses obligations ou de cesser tout comportement illicite survient après une procédure contradictoire ; que l’administration, avant de prononcer une sanction, informe le professionnel mis en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu’il peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix ; que l’administration doit également inviter le professionnel dans un délai de soixante jours à présenter ses observations écrites et le cas échéant ses observations orales ; qu’au terme du délai, l’autorité administrative peut prononcer l’amende par une décision motivée ; qu’il appartiendra au juge administratif, compétent pour connaître du contentieux de ces sanctions administratives, de veiller au respect de la procédure prévue par le législateur ; qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur n’a pas méconnu les exigences constitutionnelles précitées ;
. En ce qui concerne le montant des amendes :
70. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les principes énoncés par cet article s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition ;
71. Considérant que l’article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue ;
72. Considérant que les amendes prévues au paragraphe VII de l’article L. 141-1 du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l’article 76 de la loi déférée et au paragraphe II de l’article L. 465-1 du code de commerce dans sa rédaction résultant de l’article 121 de la loi déférée ne peuvent excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ; que ces amendes qui répriment des manquements aux dispositions mentionnées aux paragraphes I à III de l’article L. 141-1 du code de la consommation et aux dispositions du titre IV du livre IV du code de commerce ne revêtent pas, en elles-mêmes, un caractère manifestement disproportionné ;
73. Considérant que les amendes administratives prévues au paragraphe VI de l’article L. 441-6 du code de commerce et au 4° de l’article L. 443-1 du même code dans leur rédaction résultant de l’article 123 de la loi, ainsi qu’au paragraphe II de l’article L. 441-7 du même code dans sa rédaction résultant de l’article 125 de la loi et au quatrième alinéa de l’article L. 441-8, inséré dans le code de commerce par l’article 125, ne peuvent excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale, sauf en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ; qu’en ce cas, le montant de l’amende encourue est doublé ; que ces amendes qui répriment des manquements aux dispositions mentionnées au paragraphe I de l’article L. 441-6, à l’article L. 443-1, au paragraphe I de l’article L. 441-7, et à l’article L. 441-8 du code de commerce ne revêtent pas, en elles-mêmes, un caractère manifestement disproportionné ;
74. Considérant, toutefois, que l’article 123 de la loi déférée n’a pas modifié le dernier alinéa du paragraphe I de l’article L. 441-6 du code de commerce aux termes duquel « est puni d’une amende de 15 000 euros le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième et onzième alinéas, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa ainsi que le fait de fixer un taux ou des conditions d’exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes aux dispositions du même alinéa » ; que le paragraphe VI de l’article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l’article 123 de la loi déférée, punit ces mêmes faits d’une amende administrative de 75 000 euros pour une personne physique ou 375 000 euros pour une personne morale ; qu’ainsi, des faits qualifiés par la loi de façon identique peuvent, selon le texte d’incrimination sur lequel se fondent les autorités de poursuite, faire encourir à leur auteur soit une amende de 15 000 euros, soit une amende de 75 000 euros pour une personne physique ou 375 000 euros pour une personne morale ; que cette différence de traitement n’est justifiée par aucune différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi ; qu’eu égard à son importance, la différence entre les peines encourues méconnaît le principe d’égalité devant la loi ;
75. Considérant que, par suite, dans le paragraphe VI de l’article L. 441-6 du code de commerce dans sa rédaction résultant de l’article 123 de la loi déférée, le mot : « huitième », les mots : « et onzième » et les mots : « le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d’exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa » doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
76. Considérant que le surplus du paragraphe VI de l’article L. 441-6 et le dernier alinéa de l’article L. 443-1 du code de commerce, dans leur rédaction résultant de l’article 123 de la loi sont conformes à la Constitution ; que sont également conformes à la Constitution, le paragraphe VII de l’article L. 141-1 du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l’article 76 de la loi, l’article L. 141-1-2 du même code dans sa rédaction résultant de l’article 113 de la loi, les articles L. 465-1 et L. 465-2 du code de commerce, dans leur rédaction résultant de l’article 121 de la loi, le paragraphe II de l’article L. 441-7 du code de commerce, ainsi que le quatrième alinéa de l’article L. 441-8 du même code dans leur rédaction résultant de l’article 125 de la loi ;
– SUR L’ARTICLE 130 :
77. Considérant que l’article 130 de la loi déférée modifie plusieurs articles du code de la consommation, notamment en alourdissant les sanctions pénales qu’ils prévoient ;
78. Considérant qu’en vertu du 1° du paragraphe I de l’article 130, est porté de 37 500 à 300 000 euros le montant de l’amende fixé par le premier alinéa des articles L. 115-20 du code de la consommation relatif à la délivrance ou à l’utilisation d’un label rouge, L. 115-22 relatif à la délivrance ou à l’utilisation d’une appellation d’origine protégée, d’une indication géographique protégée, d’une spécialité traditionnelle garantie, L. 115-24 relatif à la délivrance ou à l’utilisation d’une mention « agriculture biologique », L. 115-26 relatif à la délivrance ou à l’utilisation d’un certificat de conformité de produits agricoles et de denrées alimentaires, L. 115-30 sur le fait de délivrer un titre, un certificat ou tout autre document attestant qu’un produit ou un service présente des caractéristiques ayant fait l’objet d’une certification ou d’utiliser tout moyen de nature à faire croire qu’un organisme a la possibilité de délivrer une telle certification ;
79. Considérant que le paragraphe III de l’article 130 de la loi porte de 37 500 à 300 000 euros le montant de l’amende prévue par l’article L. 121-6 du code de la consommation réprimant les pratiques commerciales trompeuses et prévoit que « le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit » ;
80. Considérant que le paragraphe IV de l’article 130 porte de 15 000 à 150 000 euros le montant de l’amende prévue par l’article L. 121 79-2 du code de la consommation qui réprime le fait pour tout professionnel de soumettre un consommateur à une offre tendant à la conclusion de contrats d’utilisation de biens à temps partagé, de produit de vacances à long terme, de revente et d’échange non conforme aux articles L. 121-63 à L. 121-65 ; que le même paragraphe modifie l’article L. 121-79-3 pour porter de 30 000 à 300 000 euros le montant de l’amende qui réprime le fait pour tout professionnel d’exiger ou de recevoir du consommateur, directement ou indirectement, tout versement ou engagement de versement à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, avant l’expiration des délais de rétractation prévus aux articles L. 121-69, L. 121-70 et L. 121-71 ;
81. Considérant que le paragraphe VI de l’article 130 porte de 4 500 à 300 000 euros le montant de l’amende prévue par l’article L. 122-7 du code de la consommation punissant l’infraction aux règles relatives aux ventes ou prestations « à la boule de neige » et prévoit que « le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits » ;
82. Considérant que le paragraphe VII de l’article 130 porte de 9 000 à 375 000 euros le montant de l’amende prévue par l’article L. 122-8 du code de la consommation punissant l’infraction d’abus de faiblesse et précise que « le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits » ;
83. Considérant que le paragraphe IX de l’article 130 porte de 150 000 à 300 000 euros le montant de l’amende prévue par l’article L. 122-12 du code de la consommation punissant le fait de mettre en oeuvre une pratique commerciale agressive et prévoit que le montant de cette amende « peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits » ;
84. Considérant que, selon les députés requérants, ces sanctions, par leur caractère disproportionné, peuvent mettre en péril l’activité des entreprises et porter atteinte à la liberté d’entreprendre ;
85. Considérant que l’article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires… » ; qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; que l’article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue ;
86. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a institué diverses sanctions pénales, dont certaines exprimées en pourcentage du chiffre d’affaires de l’entreprise présentent un lien avec les manquements constatés ; qu’en elles-mêmes, ces sanctions pénales ne revêtent pas un caractère manifestement disproportionné ; que, toutefois, lorsqu’une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues ; qu’il appartiendra donc aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence ;
87. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions du 1° du paragraphe I de l’article 130, les deux premiers alinéas de l’article L. 121-6 du code de la consommation dans leur rédaction résultant du paragraphe III de l’article 130, les 1° et 2° du paragraphe IV de l’article 130, les deux premiers alinéas de l’article L. 122-7 du même code dans leur rédaction résultant du paragraphe VI de l’article 130, les deux premiers alinéas de l’article L. 122-8 du même code dans leur rédaction résultant du paragraphe VII de l’article 130, et l’article L. 122-12 du même code dans sa rédaction résultant du paragraphe IX de l’article 130 sont conformes à la Constitution ;
– SUR L’ARTICLE 149 :
88. Considérant que l’article 149 insère la fonction de président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne dans le tableau annexé à la loi du 23 juillet 2010 susvisée et déterminant les commissions permanentes des assemblées parlementaires compétentes pour donner leur avis sur les nominations aux emplois ou fonctions tels que fixés par la loi organique du 23 juillet 2010 susvisée sur le fondement du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ;
89. Considérant que la loi déférée a été définitivement adoptée le 13 février 2014 ; qu’à cette date, la proposition de loi organique relative à la nomination du président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne était en cours d’examen devant le Parlement et susceptible d’être substantiellement modifiée ou de n’être pas définitivement adoptée ; que, dès lors, le législateur ne pouvait faire figurer dans la liste des nominations pour lesquelles l’avis des commissions permanentes des assemblées parlementaires est recueilli en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution celle du président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne ; que, dès lors, l’article 149 doit être déclaré contraire à la Constitution ;
90. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune autre question de constitutionnalité,
D É C I D E :
Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la consommation :
– les articles 67 à 72 ;
– au paragraphe III de l’article 123, le mot : « huitième », les mots : « et onzième » et les mots : « le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d’exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa », figurant dans le paragraphe VI de l’article L. 441-6 du code de commerce ;
– l’article 149.
Article 2.- Sous la réserve énoncée au considérant 86, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de l’article 130 :
– au 1° du paragraphe I, les modifications apportées aux articles L. 115-20, L. 115-22, L. 115-24, L. 115-26 et L. 115-30 du code de la consommation ;
– au paragraphe III, les deux premiers alinéas de l’article L. 121-6 du code de la consommation ;
– aux 1° et 2° du paragraphe IV, les modifications apportées aux articles L. 121-79-2 et L. 121-79-3 du code de la consommation ;
– au paragraphe VI, les modifications apportées aux deux premiers alinéas de l’article L. 122-7 du code de la consommation ;
– au paragraphe VII, les modifications apportées aux deux premiers alinéas de l’article L. 122-8 du code de la consommation ;
– au paragraphe IX, les modifications apportées à l’article L. 122-12 du code de la consommation.
Article 3.- Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de cette même loi :
– les articles 1er et 2 ;
– au 5° du paragraphe I de l’article 76, le paragraphe VII de l’article L. 141-1 du code de la consommation ;
– à l’article 113, l’article L. 141-1-2 du code de la consommation ;
– à l’article 121, les articles L. 465-1 et L. 465-2 du code de commerce ;
– au paragraphe III de l’article 123, le surplus du paragraphe VI de l’article L. 441-6 du code de commerce ;
– au 3° du paragraphe VI de l’article 123, le dernier alinéa de l’article L. 443-1 du code de commerce ;
– au 2° du paragraphe I de l’article 125, le paragraphe II de l’article L. 441-7 du code de commerce ;
– au paragraphe II de l’article 125, le quatrième alinéa de l’article L. 441-8 du code de commerce.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 mars 2014 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI.