667 • Avec l’avènement et la consolidation de la protection des droits fondamentaux par le développement du dialogue horizontal entre les juges internes, l’une des questions qui se pose alors est de savoir si l’équilibre des pouvoirs ainsi décrit n’amène pas à une nouvelle domination d’un pouvoir sur l’autre, notamment du « pouvoir juridictionnel » sur le « pouvoir gouvernemental » ou de savoir si « cet Etat de droit ne se transmute pas en un Etat de justice » (B. Mathieu, Justice et politique : la déchirure ?, Paris, LGDJ, p. 8) où la fonction gouvernementale serait supplantée par la fonction juridictionnelle. Les interprétations pouvant exister sur le mal ou les bienfaits de ce dialogue des juges, peuvent être, à cet égard, assez divergentes. Certains contestent cette pratique, la jugeant particulièrement opportuniste et non fondée sur des principes généraux pouvant l’encadrer. Les juges exercent un pouvoir en tant qu’institution, tout particulièrement sur le terrain des droits fondamentaux. En les définissant, en les interprétant, en les contrôlant, ces juges exercent un pouvoir qui, par définition, ne se partage pas. Il y a, en quelque sorte, un « marché des droits fondamentaux » où l’on trouve d’un côté une demande de protection des droits et de l’autre l’offre juridictionnelle. Et comme tout marché celui-ci s’organise de manière concurrentielle (Cf. P.-Y. Monjal, P. Jan et C. Geslot, La concurrence des juges en Europe. Le dialogue en question (s), Colloque international, Tour, novembre 2015, à paraître aux éditions Larcier Bruylant) avec la volonté de chacun d’être le mieux placé ou le mieux disant pour répondre à la demande et faire face à la pluralité d’acteurs qui interviennent dans ce contexte. En ce sens, « la place pour le dialogue peut donc sembler illusoire et même trompeuse. Illusoire, car sont en cause des logiques de pouvoirs très puissantes et clairement politiques que la notion de dialogue est incapable de saisir ; trompeuse si elle confine à des « ententes entre juges » visant à abaisser le niveau de protection des droits et libertés garantis » (argumentaire scientifique du colloque).
668 • Au-delà de cette critique, il y a une autre interprétation possible du dialogue des juges qui vise, elle, à rendre optimum la protection des droits et libertés et qui rend aujourd’hui indispensable l’exercice de ce dialogue. La multiplicité et l’enchevêtrement des normes applicables obligent, aujourd’hui, à un « pluralisme ordonné » (M. Delmas Marty, Le pluralisme ordonné. Les forces imaginantes du droit, Paris, Le Seuil, 2006) et à un effort d’harmonisation jurisprudentielle dans l’application des normes. Il y a des sujets communs de plus en plus nombreux et une nécessité de trouver un terrain d’entente pour éviter des conflits. Il y a, enfin, surtout, l’obligation d’éviter des jurisprudences discordantes ou contradictoires, dans un souci de bonne administration de la justice ou de simple « sécurité juridique » pour tous les citoyens. La pluralité d’acteurs qui intervient alors dans ce contexte serait une force qui pousserait les juges à optimiser la protection, le dialogue contribuant à l’amélioration de la qualité des décisions de justice rendues par les différents ordres. Bien sûr, ce dialogue des juges peut faire naitre un sentiment d’insécurité notamment par crainte de voir la souveraineté de l’Etat être mise en danger ou celle d’instaurer ainsi une sorte de « tyrannie des droits ». Mais cette fonction politique des juges apporte aujourd’hui, plus qu’une domination sur les autres pouvoirs, un équilibre entre les pouvoirs, équilibre qui n’existe plus entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. C’est « dans le dialogue des juges, entre eux et avec les pouvoirs, et par la prise en compte par les premiers de la dimension politique de leur fonction et l’acceptation par les seconds de la nécessité d’un contrôle que s’établira une nouvelle forme de démocratie qui, à défaut de cet équilibre, deviendrait une démocratie reposant sur d’autres formes de pouvoirs infiniment plus sournois, donc plus incontrôlables, qu’il s’agisse de celui de la rue, de l’argent, de l’émotion ou des médias » (P. Martens, « Les juges ne gouvernent pas : ils gèrent tant bien que mal une démocratie du ressentiment, de la controverse et de la défiance » précité). Il est là le nouvel équilibre dans la protection des droits et libertés et c’est le dialogue des juges à tous les niveaux qui va consolider ainsi cette protection que ce soit au niveau interne, comme on a déjà pu le voir, entre la Cour de cassation et le Conseil d’Etat d’abord puis entre ces deux Cours suprêmes et le Conseil constitutionnel ensuite ou que ce soit au niveau européen entre les deux Cours européennes (CourEDH et CJUE) entre elles ou entre ces mêmes Cours et les juridictions nationales. Il a fallu six étapes pour matérialiser ce nouvel équilibre.
i) La 1ère étape : le processus de constitutionnalisation des droits et libertés
669 • A la fin de la seconde guerre mondiale, beaucoup d’Etats européens, qui se proclament dorénavant démocratiques, établissent des catalogues de droits et libertés dans leur texte constitutionnel pour ne plus voir réapparaitre les expériences traumatisantes provoquées par les régimes nazis et fascistes. Le centre de gravité de la garantie de ces droits et libertés est ainsi déplacé, d’un point de vue normatif, de la loi à la Constitution. On parle, à partir de ce moment-là, de « constitutionnalo-centrisme » (V. Champeil-Desplats, « La théorie générale de l’Etat est aussi une théorie des libertés fondamentales », Jus Politicum 2012, n°8) par opposition au « légicentrisme » qui prévalait jusque-là notamment en France. C’est effectivement la loi et le législateur, à l’époque où ils jouissaient encore d’une certaine infaillibilité, qui se sont retrouvés comme garant essentiel de l’effectivité de ces droits et libertés au sein du système juridique depuis le moment fondateur, qu’a constitué en France, la période révolutionnaire. La période du « constitutionnalo-centrisme » qui a succédé à cette toute puissance du législateur correspond au passage, qu’on a déjà pu évoquer (Cf. Supra.), de l’Etat légal à l’Etat de droit. En France, c’est le constituant de 1946 qui réaffirme, ainsi, « solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » tout en proclamant des droits nouveaux « comme particulièrement nécessaires à notre temps ». Le constituant de 1958 entérine l’évolution en instituant le Conseil constitutionnel qui, en créant le bloc de constitutionnalité et en donnant valeur juridique au préambule, s’arroge, en une seule décision, le rôle éminent de « protecteur des droits et libertés ». Les décisions de ce dernier sont présentées comme juridictionnelles et s’imposent alors à l’ensemble des pouvoirs constitués amenant au processus de « constitutionnalisation des branches du droit » (Cf. Par ex., L. Favoreu, « L’influence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les diverses branches du droit », Mélanges Hamon, Paris, Economica, 1982, p. 235).
ii) La 2nde étape : le processus d’européanisation des droits et libertés
670 • Dans le même temps que la « constitutionnalisation des branches du droit », c’est l’universalité des droits qui est proclamée au gré des textes internationaux. Le texte de référence est la DUDH du 10 décembre 1948 qui parle, tour à tour, de « droits de l’homme » (dans le titre même), de « droits et libertés fondamentales » (6ème alinéa du préambule) et de « droits fondamentaux » (5ème alinéa du préambule). En Europe, c’est la ConvEDH adoptée à Rome par les Etats du Conseil de l’Europe le 4 novembre 1950 qui est le texte le plus emblématique. La protection des droits fondamentaux, qui s’implante dans la démocratie et l’Etat de droit, y est perçue comme l’un des moyens d’assurer l’unité des Etats européens. A cette fin, la ConvEDH instaure un mécanisme original de garantie collective visant à prévenir toutes les possibilités de dérives autoritaires ou totalitaires qui ont pu exister jusque-là et, en conséquence, toutes les violations possibles des droits fondamentaux. La juridiction internationale de Strasbourg, que les justiciables peuvent directement saisir (après épuisement des voies internes), a ainsi permis une meilleure reconnaissance des droits individuels en encadrant certaines prérogatives exorbitantes d’autorités publiques et en insérant, de manière active, les principes de la ConvEDH à l’intérieur des systèmes juridiques nationaux (Voir, en ce sens, par ex., J.-M. Sauvé, « La protection européenne des droits fondamentaux », www.conseil-etat.fr, 2017. La ConvEDH et la CourEDH ayant, pour l’auteur, « de manière spectaculaire, par des effets de mise à niveau, d’entrainement et de capillarité, ouvert la voie à l’enrichissement et l’élévation de la protection nationale des droits fondamentaux »).
iii) La 3ème étape : le processus de communautarisation des droits et libertés
671 • C’est l’Union Européenne qui va, par la suite, reprendre, pour elle-même, la méthode ainsi lancée en instituant une Union « fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme » (art. 2 TUE). C’est en respectant les « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe », inscrits dans les traditions constitutionnelles des Etats-membres et dans les droits et les libertés protégés par la ConvEDH, que l’Union déclare son attachement à l’Etat de droit, aux principes démocratiques et à la protection des droits fondamentaux (préambule TUE). Elle parachève ainsi le mouvement amorcé au lendemain de la 2nde guerre mondiale faisant émerger en Europe une « communauté de droit ». La mise en place de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE) confirme, 50 ans plus tard, le processus de communautarisation des droits et « l’envolée de la « fondamentalité » » (L. Burgorgue-Larsen, « Les concepts de liberté publique et de droit fondamental » in J.-B. Auby (dir.), L’influence du droit européen sur les catégories du droit public, Paris, Dalloz, 2010, p. 391). Proclamée au Conseil européen de Nice en 2000 et devenue juridiquement opposable le 1er décembre 2009, la Charte constitue la première source écrite des droits fondamentaux au sein de l’Union européenne (Cf. L. Burgorgue-Larsen (dir.), La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges en Europe, Paris, Pédone, 2017). Elle réaffirme et dépasse les sources précédentes. C’est notamment le cas des principes généraux du droit de l’Union, dégagés, dans un premier temps, par la CJUE pour protéger les droits fondamentaux à un moment où cette protection n’avait pas constitué, notamment pour les rédacteurs des premiers traités de Paris et de Rome, une priorité. Ces principes, qui avaient pour but de pallier aux lacunes du droit primaire dans ce domaine, étaient déjà issus à la fois des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres et des instruments internationaux de protection des droits et libertés au premier rang desquels figurait déjà la ConvEDH (Cf., Par ex., J.-M. Sauvé et N. Polge, « Les principes généraux du droit en droit interne et en droit communautaire. Leçons croisées pour un avenir commun ? », Mélanges Manin, Paris, Pédone, 2010, p. 727). L’Union européenne reprend ainsi, à son tour et à son compte, l’héritage philosophique et politique de la ConvEDH pour assurer, également de son côté, l’héritage des droits fondamentaux.
iv) La 4ème étape : la naissance de la logique des droits fondamentaux et l’accroissement conséquent du rôle des juges
672 • Si la garantie des droits et libertés s’est déplacée, d’un point de vue normatif, de la loi à la Constitution elle s’est aussi déplacée, d’un point de vue organique, du législateur vers les juges. Ces derniers vont alors exercer un contrôle de constitutionnalité (exercé par le Conseil constitutionnel à l’aune des droits fondamentaux de valeur constitutionnelle) ou de conventionnalité des lois et autres normes émises par le gouvernement (exercé par les cours européennes et par les juridictions ordinaires au regard des normes européennes relatives aux droits fondamentaux). Il y a, dorénavant, pas moins de 5 juges voire 5 « Cours suprêmes » (au-delà d’une certaine précision terminologique) qui vont être censées apporter cette garantie aux droits et libertés en France : Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat, Cour de cassation, CourEDH, CJUE (Cf. Supra et D. de Béchillon, « Conflits de sentences entre les juges de la loi », Pouvoirs 2001, n°96, p. 107 et « Cinq Cours suprêmes ? Apologie (mesurée) du désordre », Pouvoirs 2011, n°137, p. 33). C’est la référence de plus en plus manifeste, en droit interne comme en droit européen, aux droits fondamentaux qui appelle et légitime, en même temps, l’accroissement du rôle du juge et la multiplication des garanties de procédure. Conçus avant tout comme des droits existant pour protéger l’individu contre le législateur et le gouvernement, les droits fondamentaux sont indissociables, dans cette perspective, des contrôles ainsi opérés par les juges. Ce sont ces derniers qui permettent, au final, d’assurer l’effectivité et la juridicité de ces droits au-delà de leur caractère fondamental. Plus que la proclamation des droits, c’est leur application qui compte réellement, ce n’est que s’ils bénéficient d’une protection effectivement sanctionnée qu’ils peuvent acquérir leur pleine portée. Les juges sont là pour agir en ce sens.
v) La 5ème étape : la mise en place de champs de compétence distincts et délimités entre les juges
673 • Les processus de constitutionnalisation et d’européanisation des droits et l’avènement de la logique des droits fondamentaux ont mis en place, au final, un système juridique complexe où « les droits et libertés au niveau national et européen et les mécanismes de protection qui y sont attachés font bien plus qu’exister simultanément, ils interagissent, se renforcent et s’entretiennent réciproquement » (J.-M. Sauvé, « La protection européenne des droits fondamentaux », précité). Pourtant, à l’origine, il n’y a, a priori, pas d’interaction possible entre les différentes décisions rendues. Le Conseil constitutionnel s’interdit d’abord et depuis toujours de connaitre de la conventionnalité des lois alors qu’à l’inverse, les juges ordinaires s’interdisent de contrôler la constitutionnalité des lois même si la donne a quelque peu changé depuis l’avènement de la QPC. La CourEDH a pour objectif principal d’assurer une protection effective des droits et libertés consacrés par la ConvEDH et voit donc son office limité à la protection de la ConvEDH et de ses protocoles additionnels. La CJUE n’a de compétence que pour sanctionner les manquements au droit de l’Union et le développement de ce droit a toujours été caractérisé par des intérêts et finalités plus larges (notamment économiques) que ceux existant dans le cadre de la ConvEDH. Le droit de l’Union est caractérisé par une autonomie du système juridique et par la portée différente qu’il confère aux droits consacrés dans cet ordre. En vertu du principe de primauté, il prime sur l’ensemble des normes nationales, y compris constitutionnelles (CJUE, 9 mars 1978, Administration des finances de l’Etat contre Société anonyme Simmenthal, Aff. n°106/77, Rec. CJCE, p. 629). S’il y a accord sur un niveau de protection entre les Etats membres, il n’y a pas de possibilité d’aller au-delà à travers des dispositions constitutionnelles (CJUE, 26 février 2013, Stefano Melloni contre Ministerio fiscal, Aff. n°C-399/11). A l’inverse, le juge constitutionnel et les juges ordinaires font prévaloir la norme constitutionnelle sur toute norme de droit européen ou de droit international (art. 54 C° ; CE, 30 octobre 1998, Sarran et Levacher, req. n°200286, Rec. CE, p. 368 ; Cass., Ass. Plén., 2 juin 2000, Fraisse, pourvoi n° : 9960274, Bull. Ass. Plén., n°4, p. 7). Seule la CourEDH a mis en place une disposition qui permet de faire activer, en cas de conflit de normes, le mécanisme le mieux adapté pour la protection des droits. L’article 53 ConvEDH stipule, à cet égard, qu’« aucune des dispositions de la présente Convention ne sera interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales qui pourraient être reconnus conformément aux lois de toute Partie contractante ou à toute autre Convention à laquelle cette Partie contractante est partie. »
vi) La 6ème étape : l’interaction et le dialogue entre les juges pour optimiser la protection des droits
674 • Comme peut ainsi le noter Denys de Béchillon, « l’intersection formelle de ces champs n’est donc pas possible : chaque juge contrôle le respect d’une classe singulière d’actes juridiques » (D. de Béchillon, « Conflits de sentences entre les juges de la loi » précité). Mais, aujourd’hui, « cette présentation, scolastiquement exacte, si l’on peut dire, fait eau de toute part » (Ibid.), « le temps de la simplicité hiérarchique a vécu ; celui des chassés croisés pluriels l’emporte désormais » (L. Burgorgue-Larsen, « Les concepts de liberté publique et de droit fondamental » précité). On sait, tout d’abord, que les droits et libertés présents dans le préambule de la Constitution de 1958 recoupent, pour une bonne part, ceux qui sont, par exemple, proclamés par la ConvEDH. De même, depuis l’avènement de la QPC, les juges ordinaires, au-delà de leur statut de juge de la conventionnalité des lois, sont désormais qualifiés de juges constitutionnels de droit commun allant jusqu’à faire du Conseil constitutionnel un juge de l’exception en la matière. La CJUE a également développé une politique de défense de droits fondamentaux sur la base de normes très proches de celles développées par les juges constitutionnels ou la CourEDH. Déjà, les principes généraux du droit initialement développés, étaient issus à la fois des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres et des instruments internationaux de protection des droits et libertés au premier rang desquels figurait la ConvEDH. La CDFUE, qui a consacré formellement ces principes par définition non écrits en droit positif, a persévéré dans cette logique rendant les champs de compétence respectifs dans la protection de plus en plus flous. Cet enchevêtrement des compétences, au final, est susceptible de faire naitre certaines divergences d’où la nécessité d’une certaine coordination entre les juges dans le contrôle de tous les niveaux de normes, coordination qui se veut à la fois subtile et préservatrice de l’indépendance des différents systèmes juridiques tout en renforçant la protection des droits au-delà de ce qu’un seul ordre juridique aurait pu accomplir isolément. Ce dialogue s’est, de prime abord, matérialisé en priorité entre les juges ordinaires, le juge constitutionnel et les juges européens respectifs (Section 1) puis il s’est développé également entre les juges suprêmes européens eux-mêmes non sans difficultés (Section 2).
Section 1 : Le dialogue vertical entre les juges internes et les juges européens
675 • Avec la constitutionnalisation et l’européanisation des droits, l’effectivité des garanties mises en place par la consécration des droits fondamentaux est, d’un prime abord, assurée par les juges nationaux ordinaires. Ces derniers accomplissent, en premier lieu, leur tâche d’un point de vue national. Le juge judiciaire est, depuis toujours, le défenseur traditionnel de la liberté individuelle. Le juge administratif, en s’appuyant sur le socle des principes généraux du droit français, s’attache à contribuer à l’essor d’un ordre public respectueux des droits et libertés. La dernière illustration marquante reste la protection effective des individus face à la mise en place de l’état d’urgence. Mais les juges ordinaires sont aussi et surtout les juges de droit commun pour l’application des droits de l’Union et de la ConvEDH dont les règles s’appliquent de manière subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garanties (§2nd). Le juge constitutionnel, quant à lui, depuis la mise en place du bloc de constitutionnalité, assure la reconnaissance des droits et libertés garantis par la DDHC et le préambule de la Constitution de 1958. La QPC complétant le système puisqu’elle permet aux juges ordinaires de saisir le Conseil d’une disposition législative applicable à un litige mettant en cause les droits et libertés. A partir de là, en droit interne, les droits ainsi consacrés se sont retrouvés confrontés aux droits parallèlement consacrés dans le droit de l’Union (PGD communautaire puis CDFUE) ou le droit de la ConvEDH. Le tout sous l’ordonnancement prévu par l’article 55 C° (qui prévoit que les traités ont une autorité supérieure à celle des lois) et la distinction entre le contrôle de constitutionnalité (réservé au Conseil constitutionnel) et le contrôle de conventionnalité (réservé aux juridictions ordinaires). Comme peut le relever Guy Canivet, si le Conseil constitutionnel « a tenté de s’en tenir à cette position » (G. Canivet, « L’incontournable question de l’application du droit européen par le juge constitutionnel français », www.conseil-constitutionnel.fr, 18-19 juin 2015), « ce cloisonnement s’est révélé impraticable » (Ibid.) (§ 1er).
1er : Le juge constitutionnel et l’application du droit européen
676 • Que ce soit dans son contrôle a priori, avant la promulgation de la loi, ou son contrôle a posteriori, une fois la loi déjà appliquée, le Conseil n’a pu s’en tenir au strict principe de répartition qu’il avait fixé en 1975, il s’est résolu à « reconnaître la réalité des inévitables interférences dans l’application des droits fondamentaux de source constitutionnelle et ceux de source conventionnelle » (G. Canivet, « L’incontournable question de l’application du droit européen par le juge constitutionnel français », précité). Il s’engage désormais dans la voie d’une mise en œuvre coordonnée des garanties européennes en procédant de manière systématique à un contrôle de conventionnalité en même temps que le contrôle de constitutionnalité même s’il maintient sa jurisprudence de 1975 et qu’il continue à se refuser un tel contrôle (Cf. C. Grewe, « Contrôle de conventionalité et contrôle de conventionalité : à la recherche d’une frontière introuvable », RFDC 2014, p. 961 et suiv.). Il agit ainsi vis-à-vis du droit de l’Union (A) comme du droit de la ConvEDH (B).
A – Le juge constitutionnel et les droits fondamentaux consacrés dans l’ordre communautaire
677 • La position de principe du Conseil constitutionnel a été, à l’origine, de refuser la confrontation avec les normes de l’Union (1) avant qu’il ne rentre dans le dialogue des juges devant l’impossibilité d’ignorer la spécificité de ce même droit de l’Union (2).
1 – Une position de principe qui repousse la confrontation avec les normes de l’Union européenne
678 • Dans l’ordre juridique de l’Union, le juge constitutionnel est, selon la jurisprudence de la CJUE, tenu, en principe, aux obligations de coopération imparties à toute juridiction d’un Etat membre (Cf., par ex., CJCE, 9 mars 1978, Administration des finances de l’État contre Société anonyme Simmenthal, Aff. n°106/77, Rec. CJCE, p. 629, § 21 et 24 ; CJCE, 20 mars 2003, Helga Kutz-Bauer contre Freie und Hansestadt Hamburg, Aff. n°C-187/00, Rec. CJCE, I, p. 2741, §73 ; CJCE, 3 mai 2005, Procédures pénales contre Silvio Berlusconi (C-387/02), Sergio Adelchi (C-391/02) et Marcello Dell’Utri e.a. (C-403/02), Aff. n°C-387/02, n°C-391/02 et n°C-403/02, Rec. CJCE, I, p. 3565, §72). Pour autant, le Conseil constitutionnel juge, depuis 1975, qu’il ne lui appartient pas, dans le cadre de sa mission de constitutionnalité des lois, d’examiner la compatibilité d’une loi interne avec les engagements internationaux et européens de la France (CC, n°74-54 DC, 15 janvier 1975, Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse, JO, 16 janvier 1975, p. 671, Rec. CC, p. 19, cons. n°2 à 7). En conséquence, les juges administratifs et judiciaires sont seuls chargés du contrôle de conventionnalité et le juge constitutionnel se contente de demeurer un juge spécialisé chargé de contrôler la conformité de la loi par rapport à la Constitution et non par rapport aux normes internationales et européennes (CC, n°2010-605 DC, 12 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, JO, 13 mai 2010, p. 8897, Rec. CC, p. 78). Le juge constitutionnel repousse donc, par principe, la confrontation avec le droit de l’Union.
679 • Dans la même logique, c’est d’abord parce que le droit de l’Union interpelle et qu’il est la source d’un certain « malaise constitutionnel » que l’article 54 C°, et sa procédure protectrice de la souveraineté nationale, institue un lien quasi automatique entre le Conseil et la révision constitutionnelle pour protéger la Constitution. Dans le même sens, c’est la technique spécifique de la « révision adjonction » qui est alors utilisée par le constituant français pour intégrer les exigences européennes dans la Constitution même si celle-ci conduit, au même titre que d’autres éléments, à un certain désordre normatif. Il y a aussi, tout de suite, un conflit qui s’est installé entre la spécificité et la primauté du droit de l’Union, affirmée de façon prétorienne par le juge de l’Union, et la suprématie normative de la Constitution dans l’ordre juridique interne par rapport aux sources de droit international. Le Conseil n’a pas, à l’origine, reconnu la spécificité du droit de l’Union par rapport au droit international. Puis la force du droit de l’Union et notamment des directives européennes s’est progressivement imposée amenant à une prise de position différente du Conseil et une reconnaissance progressive de la spécificité du droit de l’Union. Mais face aux limitations de souveraineté imposées par la participation à l’Union, le Conseil a créé une « réserve de constitutionnalité », la transposition d’une directive ne saurait aller à l’encontre du respect des « règles et principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France » (CC, n°2006-540 DC, 27 juillet 2006, Loi relative aux droits d’auteur et aux droit voisins dans la société de l’information, JO, 3 août 2006, p. 11541, Rec. CC, p. 88, cons. n°19 confirmée par la décision CC, n°2006-543 DC, 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l’énergie, JO, 8 décembre 2006, p. 18544, Rec. CC, p. 120, cons. n°6).
i) Une volonté première de protéger la souveraineté nationale
L’article 54 C° et sa procédure protectrice de la souveraineté nationale
680 • Le pouvoir constituant originaire en 1958 ne fait pas état de la construction européenne mais, pour contenir et contrôler les transferts de compétence vers l’échelon communautaire naissant, il institue un mécanisme procédural de contrôle de constitutionnalité des actes internationaux destiné à protéger la souveraineté nationale et à éviter toute modification indirecte de la Constitution par la voie des Traités. C’est l’article 54 C° qui dispose ainsi que si le juge constitutionnel constate qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement en cause ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution. La voie de l’article 54 C° a longtemps été considérée comme la voie normale (la saisine étant limitée au Président de la République, Premier ministre et au Président de l’une des assemblées parlementaires) mais le Conseil a estimé qu’il pouvait également être saisi, dans les conditions fixées par l’article 61 C° (c’est-à-dire aussi par 60 députés et sénateurs) d’un recours dirigé contre la loi votée par le Parlement et autorisant la ratification ou l’approbation d’un engagement international. Il a estimé qu’il était habilité à cette occasion à vérifier la conformité dudit engagement à la Constitution sous la réserve classique que la loi autorisant la ratification du traité n’ait pas été adoptée par voie de referendum (voie inaugurée par la décision CC, n°80-116 DC, 17 juillet 980, Loi autorisant la ratification de la convention franco-allemande additionnelle à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, JO, 19 juillet 1980, p. 1835, Rec. CC, p. 36). La loi constitutionnelle du 25 juin 1992 (Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 ajoutant à la Constitution un titre : « Des Communautés européennes et de l’Union européenne », JO, 26 juin 1992, p. 8406) a aligné, par la suite, les conditions de saisine entre le contrôle de la constitutionnalité des engagements internationaux (article 54 C°) et celui des lois (article 61 C°) rendant obsolète la seconde voie qui n’offre pas la même souplesse (le Conseil ne peut en effet être saisi, par la voie de l’article 61 C°, qu’après le vote et avant la promulgation de la loi autorisant la ratification alors que pour l’article 54 C° aucun délai n’est explicitement prévu). Concernant l’article 54 C°, un lien presque automatique est ainsi mis en place entre l’intervention du Conseil et la procédure de révision (art. 89 C°) faisant ainsi de l’Union européenne une source d’instabilité pour la Constitution. La participation de l’Etat français à cette structure supranationale a, en effet, contribué à instaurer un certain « désordre normatif dans la Constitution de 1958 » (L. Guilloud, « Les révisions constitutionnelles induites par l’intégration européenne : l’introduction du désordre normatif dans la Constitution de 1958 », Civitas Europa 2008, n°21, p. 83 et www.droitconstitutionnel.org).
La technique de la révision-adjonction pour ancrer constitutionnellement l’intégration européenne
681 • Lorsqu’il existe une révision constitutionnelle préalable à la ratification de traités européens, plusieurs choix s’offrent au constituant. Il peut, tout d’abord, réviser toutes les décisions constitutionnelles concernées par le traité. On parle de « révision modification ». On peut aussi associer la révision à la ratification. On parle alors de « révision ratification ». C’est une troisième voie qui a été choisie par le constituant français, celle de la « révision adjonction ». Celle-ci consiste à ajouter des dispositions spécifiques modifiant ponctuellement la Constitution pour permettre de fonder la ratification du traité. Cette technique n’est pas exempte de critiques dans la mesure où elle conduit à « pratiquer une chirurgie répétitive qui risque de fatiguer le malade […] » (P. Gaia, « Commentaire de la décision n°97-394 DC du 31 décembre 1997, Traité d’Amsterdam », RFDC 1998, n°33, p. 156) et que « l’addition de pièces rapportées aura tôt fait de transformer la loi fondamentale en sorte d’Arlequin constitutionnel » (Ibid.). Cela n’a pas empêché le juge constitutionnel d’être saisi à plusieurs reprises sur cette base depuis 1970. Ce n’est qu’en 1992 qu’il a considéré qu’un engagement international dans le cadre de la construction européenne, en l’espèce le Traité de Maastricht, était en partie incompatible avec la Constitution du fait de certaines de ses clauses qui portaient atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté (CC, n° 92-308 DC, 9 avril 1992, Traité sur l’Union européenne, JO, 11 avril 1992, p. 5354, Rec. CC, p. 55 ; Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992, ajoutant à l a Constitution un titre « Des Communautés européennes et de l’Union européenne » précité). Il en est allé de même à la suite concernant le Traité d’Amsterdam (CC, n° 97-394 DC, 31 décembre 1997, Traité d’Amsterdam modifiant le Traité sur l’Union européenne, les Traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, JO, 3 janvier 1998, p. 165, Rec. CC, p. 344 ; Loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999 modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution, JO, 26 janvier 1999, p. 1343), le Traité établissant une Constitution pour l’Europe (CC, n°2004-505 DC, 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l’Europe, JO, 24 novembre 2004, p. 19885, Rec. CC, p. 173 ; Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution, JO du 2 mars 2005, p. 3696) et le Traité de Lisbonne (CC, n°2007-560 DC, 20 décembre 2007, Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, JO, 29 décembre 2007, p. 21813, Rec. CC, p. 459 ; Loi constitutionnelle n°2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution, JO, 5 février 2008, p. 2202). On peut encore citer la mise en œuvre des dispositions de la Convention d’application de l’accord de Schengen relatives au droit d’asile (CC, n°91-294 DC, 25 juillet 1991, Loi autorisant l’approbation de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985, JO, 27 juillet 1991, p. 10001, Rec. CC, p. 91 ; Loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993 relative aux accords internationaux en matière de droit d’asile, JO, 26 novembre 1993, p. 16296 ; la coopération ainsi développée n’a cependant été intégrée à l’Union européenne que par le Traité d’Amsterdam) et de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen du 13 juin 2002 (CE, avis n°368282, 26 septembre 2002, EDCE 2003, n° 54, p. 192 ; Loi constitutionnelle n°2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d’arrêt européen, JO, 26 mars 2003, p. 5344).
L’absence initiale de la reconnaissance et de la spécificité du droit de l’Union (1)
682 • Contrairement au dialogue alors instauré avec les cours constitutionnelles classiques (Cf. Attitude, à l’origine, défavorable des cours allemande et italienne à l’égard de l’application du droit communautaire : Cour constitutionnelle fédérale allemande, 18 octobre 1967, Bundesverfassungsgericht, BVerfGE, p. 293 ; Cour constitutionnelle italienne, 7 mars 1964, Costa contre ENE, Foro italiano 1964, I, 465), le dialogue avec le Conseil constitutionnel français n’a pas eu lieu lors de la mise en place, par la Cour de justice, des arrêts fondateurs du droit de l’Union en 1963 et 1964 (CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, Aff. n°22/62, Rec. CJUE, p. 22 ; CJCE, 15 juillet 1964, Costa contre ENEL, Aff. n°6/64, Rec. CJCE, p. 1141). A cette époque, aucune saisine ne conduisait le Conseil à s’exprimer sur le terrain européen. Dans la même logique, la Cour de justice avait, dès l’origine, adopté une attitude assez réservée à l’égard des Cours constitutionnelles en confirmant l’étendue des principes de primauté et d’effet direct et en affirmant, par exemple, que « l’invocation d’atteintes portées soit aux droits fondamentaux tels qu’ils sont formulés par la constitution d’un Etat membre soit aux principes d’une structure constitutionnelle nationale ne saurait affecter la validité d’un acte de la Communauté ou son effet sur le territoire de cet Etat » (CJCE 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, , Aff. 11/70, Rec. CJCE, p. 1125, point 3). C’est à l’occasion de textes postérieurs au Traité de Rome et dans le cadre de son contrôle de l’article 54 C° que le juge constitutionnel va progressivement entrer en contact avec le droit communautaire (le contrôle de constitutionnalité du droit dérivé étant exclu de par le principe de primauté du droit communautaire).
L’absence initiale de la reconnaissance et de la spécificité du droit de l’Union (2)
683 • Le juge constitutionnel ne va, d’abord, reconnaitre aucune contrariété du droit communautaire par rapport au droit interne en développant sa jurisprudence relative aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale » à propos de deux avancées essentielles de la Communauté européenne. Il le fait d’abord à propos d’un traité dotant la communauté de ressources propres qui est jugé comme ne portant pas atteinte à ces conditions (CC, n°70-39 DC, 19 juin 1970, Traité signé à Luxembourg le 22 avril 1970 portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les CE et du traité instituant un conseil unique et une commission unique des CE et décision du Conseil des CE en date du 21 avril 1970, relative au remplacement des contributions des Etats membres par des ressources propres aux Communautés, JO, 21 juin 1970, p. 5806, Rec. CC, p. 15). Puis, il réitère sa jurisprudence à propos d’un acte européen qui pose le principe de l’élection du parlement européen au suffrage universel direct (CC, n°76-71 DC, 30 décembre 1976, Décision du Conseil des communautés européennes relative à l’élection de l’Assemblée des Communautés au suffrage universel direct, JO, 31 décembre 1976, p. 7651, Rec. CC, p. 15). S’il axe toujours sa réflexion sur la notion de souveraineté, il fixe néanmoins une nouvelle grille d’analyse à travers la distinction entre « limitations » et « transferts de souveraineté ». Distinction qui sera rapidement abandonnée par la suite. Enfin, dans le cadre des décisions rendues sur le fondement de l’article 61 C°, c’est la référence quasi-systématique à l’article 55 C° et au préambule de la Constitution de 1946 qui montre l’attachement du Conseil constitutionnel à l’idée d’assimiler le droit communautaire au droit international classique et à ne lui reconnaitre aucune spécificité (CC, n°77-89 DC, 30 décembre 1977, Loi de finances pour 1978 et notamment ses articles premier et 38 ainsi que l’état A annexé, JO, 31 décembre 1977, p. 6385, Rec. CC, p. 46 ou CC, n°77-90 DC,30 décembre 1977, Dernière loi de finances rectificative pour 1977 et, notamment, son article 6, JO, 31 décembre 1977, p. 6385, Rec. CC, p. 44 même si ces deux dernières décisions peuvent se montrer atypiques par certains éléments).
ii) La reconnaissance progressive de la spécificité du droit de l’Union
La révision constitutionnelle liée au Traité de Maastricht et l’entrée du droit communautaire dans la Constitution
684 • C’est l’introduction dans l’ordre juridique interne du Traité de Maastricht qui va marquer une étape décisive dans les rapports entre droit constitutionnel et droit communautaire. C’est la première fois qu’un traité international, en l’espèce communautaire, est jugé contraire à la constitution et, plus précisément, aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale. Le Conseil considère que les conditions dans lesquelles il prévoit la participation de la République à « une organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décisions par l’effet de transferts de compétences consentis par les Etats membres » rendent nécessaire une révision de la Constitution (CC, n°92-308 DC, 9 avril 1992, Traité sur l’Union européenne, précité, considérant n°13). La révision constitutionnelle qui a suivi (Loi constitutionnelle n°92-554 du 25 juin 1992 précitée) a fait entrer le droit communautaire dans la Constitution en mettant en place un titre spécifique consacré au droit communautaire (il s’agit du titre XV alors intitulé « Des Communautés européennes et de l’Union européenne » et composé des articles 88-1 à 88-5 C°, aujourd’hui juste « Union européenne » et composé des articles 88-1 à 88-7 C° depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne). Le futur socle d’un traitement spécifique de ce droit par le Conseil est ainsi établi. Pour autant, le Conseil réitère sa jurisprudence classique assimilant le droit communautaire au droit international. En se référant toujours à l’article 55 C°, il précise que si l’ordre juridique communautaire présente bien les caractéristiques d’un ordre juridique propre, cet ordre « n’appartient pas à l’ordre institutionnel de la République française » (cons. n°34). Il confirme cette prise de position en 1994 quand il ne reconnait pas la moindre spécificité à la constitutionnalité d’une loi de transposition d’une directive (CC, n°94-348 DC, 3 août 1994, Loi relative à la protection sociale complémentaire des salariés et portant transposition des directives n° 92/49 et n° 92/96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du conseil des communautés européennes, JO, 6 août 1994, p. 11482, Rec. CC, p. 117). La décision de 1997 sur le Traité d’Amsterdam (CC, n° 97-394 DC, 31 décembre 1997, Traité d’Amsterdam, précité) prolonge celle de 1992, les normes de références retenues sont les mêmes mais elles sont aussi complétées par la citation des articles 88-1 et 88-2 C° accentuant encore ainsi la place du droit communautaire dans l’ordre juridique interne. L’article 88-1 C° est moins restrictif que l’article 55 C° et permet, dorénavant, d’envisager la définition d’une hiérarchie des normes dans laquelle l’autorité du droit communautaire est mieux respectée.
L’utilisation des normes communautaires et de l’article 88-1 C° comme normes de référence du contrôle de constitutionnalité
685 • L’introduction de l’article 88-1 C° dans la Constitution va permettre de constitutionnaliser progressivement le droit communautaire en faisant de ces normes, des normes de référence à part entière du contrôle de constitutionnalité. Ce sont d’abord les normes relatives, respectivement, à la reconnaissance à tout citoyen de l’Union résidant dans un Etat membre dont il n’est pas ressortissant le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales (art. 8B §1er TCE tel qu’inséré par le TUE et CC, n°98-400 DC, 20 mai 1998, Loi organique déterminant les conditions d’application de l’article 88-3 C° relatif à l’exercice par les citoyens de l’UE résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994, JO, 26 mai 1998, p. 8003, Rec. CC, p. 251, cons. n°3) et à la libre circulation des biens et des services (« la disposition critiquée n’a ni pour objet, ni pour effet d’entraver la libre circulation des véhicules » au sens article 3 Traité CE et CC, n°98-402 DC, 25 juin 1998, Loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, JO, 3 juillet 1998, p. 10147, Rec. CC, p. 269, cons. n°11) qui servent de fondement aux décisions du Conseil. Ce dernier a pu aussi viser deux directives communautaires et un arrêt de la CJCE (CC, n°2000-441 DC, 28 décembre 2000, Loi de finances rectificative pour 2000, JO, 31 décembre 2000, p. 21204, Rec. CC, p. 201, cons. n°4) ou un règlement communautaire (CC, n°98-440 DC, 10 janvier 2001, Loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports, JO, 17 janvier 2001, p. 855, Rec. CC, p. 39, cons. n°7) pour conclure à l’absence d’incompétence négative du législateur quand il ne définit pas lui-même les produits soumis à une taxe. Puis c’est l’article 88-1 C°, en ce qu’il rappelle la participation de la République française aux Communautés européennes et à l’Union européenne, qui va être consacré comme norme de référence importante et devenir le véritable titre de compétence dans la gestion juridictionnelle des conflits entre norme interne et norme communautaire. Il est ainsi cité, en 2004, pour la première fois de manière explicite, comme obligeant l’Etat français à respecter ses engagements communautaires au nombre desquels figure la transposition adéquate et dans le temps imparti des directives (CC, n°2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, JO, 22 juin 2004, p. 11182, Rec. CC, p. 101, cons. n°7). Son utilisation est ensuite confirmée plusieurs fois dans les décisions suivantes prises par le Conseil (CC, n°2004-497 DC, 1er juillet 2004, Loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, JO, 10 juillet 2004, p. 12506, Rec. CC, p. 107, cons. n°18 ; CC, n°2004-498 DC, 29 juillet 2004, Loi relative à la bioéthique, JO, 7 août 2004, p. 14077, Rec. CC, p. 122, cons. n°4 ; CC, n°2004-499 DC, 29 juillet 2004, Loi relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, JO, 7 août 2004, p. 14087, Rec. CC, p. 126, cons. n°7) avant que la référence à l’article 88-1 C° ne conduise le Conseil, à l’occasion de l’examen du Traité établissant une Constitution pour l’Europe, à reconnaitre « l’existence d’un ordre juridique communautaire intégré à l’ordre juridique interne et distinct de l’ordre juridique international » (CC, n°2004-505 DC, 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l’Europe, précité, cons. n°11).
La compétence du Conseil constitutionnel pour censurer une disposition législative incompatible avec une directive communautaire
686 • L’exigence constitutionnelle de transposition issue de l’article 88-1 C° a aussi eu pour conséquence l’admission implicite (CC, n°2006-535 DC, 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, JO, 2 avril 2006, p. 4964, Rec. CC, p. 50, cons. n°14) puis expresse (CC, n°2006-540 DC, 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, JO, 3 août 2006, p. 11541, Rec. CC, p. 88) de la compétence du Conseil pour contrôler une loi par rapport à la directive qu’elle transpose, et en censurer les incompatibilités manifestes (Voir, par ex., G. Canivet, « Le contrôle du Conseil constitutionnel sur les lois de transposition des directives communautaires », in Principes fondamentaux et transposition des directives communautaires, colloque à Budapest, 1-3 octobre 2009, www.conseil.constitutionnel.fr). Si ce mode de contrôle prend place dans l’évolution commune des jurisprudences constitutionnelles européennes, il conserve toutefois des caractéristiques propres au droit français. Tenant compte des contraintes spécifiques du droit interne, le Conseil a, en effet, enfermé cette nouvelle voie de droit dans une double limite.
iii) Le cas spécifique du contrôle de la transposition en droit interne des directives communautaires
Un juge constitutionnel qui ne peut étendre son examen de la conformité de la directive aux compétences définies par les traités
687 • C’est la première limite dans son contrôle qui tient au fait que, constitutionnellement obligé de statuer dans un délai d’un mois, il ne peut décider d’un renvoi préjudiciel au juge communautaire et « ne saurait en conséquence déclarer non conforme à l’article 88-1 de la Constitution qu’une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu’elle a pour objet de transposer » (CC, n° 2006-540 DC, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, précité, cons. n°20) . En agissant de la sorte il limite son contrôle à l’erreur manifeste de transposition. Sous le prétexte de vérifier la constitutionnalité de la loi, le juge constitutionnel ne peut élargir son examen à la conformité de la directive avec les compétences ou les droits fondamentaux qui sont définies ou garanties par les traités. Un tel contrôle ne relève en effet que du juge communautaire. Le Conseil déduit aussi de son contrôle qu’il est incompétent pour contrôler la constitutionnalité d’une loi de transposition d’une directive inconditionnelle et précise car un tel contrôle reviendrait à examiner la compatibilité de ladite directive à la norme constitutionnelle (CC, n°2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, précité, cons. n°7). Dans le cadre de l’obligation constitutionnelle de transposition, la directive communautaire fait donc écran entre la loi et la Constitution et permet d’éviter une certaine confrontation, le procédé se rapprochant de celui qu’on retrouve chez le juge administratif à l’occasion du contrôle de constitutionnalité des actes administratifs (En ce sens, J. Sirinelli, « Contrôle de constitutionnalité et primauté du droit communautaire », Revue générale du droit 2008, [En ligne], n°1933). Dans l’espèce ci-dessus, le Conseil constitutionnel refuse de contrôler la conformité à la constitution des dispositions qui écartent la responsabilité pénale des hébergeurs de site Internet dans la mesure où l’exonération de responsabilité aurait résulté des termes de la directive elle-même (Ibid., cons. n°9). Cela l’amène à faire la distinction, dans la loi de transposition, entre les articles qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions de la directive, sur lesquels il n’exerce aucun contrôle, et les autres articles qui, pour lui, doivent faire l’objet d’un examen classique de constitutionnalité (CC, n° 2004-497 DC, 1erjuillet 2004, Loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, précité, cons. n°19 et 20). Pour autant, cette volonté de limiter son contrôle n’exclut pas à ce qu’il procède à des interprétations du texte communautaire sans qu’elles imposent un recours préjudiciel devant la CJUE. Le Conseil a, ainsi, censuré, en 2006, la disposition d’une loi de transposition qu’il estimait manifestement incompatible avec l’objectif des directives transposées concernant le marché intérieur de l’électricité ainsi que celui du gaz naturel (CC, n°2006-543 DC, 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l’énergie, JO, 8 décembre 2006, p. 18544, Rec. CC, p. 120, cons. n°9).
La réserve de constitutionnalité tenant au respect de règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France : la suprématie de la Constitution (1)
688 • Outre la limite ainsi vue dans son pouvoir de contrôle, le juge constitutionnel pose également une restriction à l’obligation de transcription. Cette seconde limite résulte ainsi de l’idée que la transposition « ne saurait aller à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti » (CC, n° 2006-540 DC, 27 juillet 2006, Loi relative aux droits d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, précité, cons. n°18). En pareil cas, il estime pouvoir soit censurer la loi de transposition, soit s’abstenir de le faire lorsque la loi évite de la transposer. Jusque-là, même si son contrôle se revendiquait d’une nature constitutionnelle comme lié à un devoir de l’Etat à l’égard de la construction européenne, le Conseil avait plutôt contribué, même de façon indirecte, au plein effet du droit communautaire en censurant des dispositions incompatibles avec l’ordre juridique européen. Mais la seconde limite ainsi fixée va à l’encontre de la jurisprudence classique de la CJUE. La réserve de constitutionnalité ainsi consacrée témoigne, quelque part, de la permanence de la suprématie de la Constitution. C’est d’abord pendant l’été 2004 dans les trois décisions qui confirment la jurisprudence du 10 juin 2004 que le Conseil précise que « la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire de la Constitution » (CC, n°2004-497 DC, 1er juillet 2004, Loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, JO, 10 juillet 2004, p. 12506, Rec. CC, p. 107, cons. n°18 ; CC, n°2004-498 DC, 29 juillet 2004, Loi relative à la bioéthique, JO, 7 août 2004, p. 14077, Rec. CC, p. 122, cons. n°4 ; CC, n°2004-499 DC, 29 juillet 2004, Loi relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel, JO, 7 août 2004, p. 14087, Rec. CC, p. 126, cons. n°7) et ceci même quand la mesure en cause était la conséquence nécessaire d’une disposition inconditionnelle et précise de la directive.
La réserve de constitutionnalité tenant au respect de règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France : la suprématie de la Constitution (2)
689 • Le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2004, se borne à consacrer une telle formule sans apporter, dans la suite de ces décisions, le moindre éclaircissement sur ce qu’il entend par « disposition expresse » sauf à regarder le commentaire officiel de la décision qui mentionne le fait qu’ « il doit donc s’agir non d’une construction jurisprudentielle, mais d’un énoncé constitutionnel explicite, ancré dans le « bloc de constitutionnalité » » (www.conseil-constitutionnel.fr). Il faut attendre 2006 pour que des éclaircissements soient apportés par le Conseil, la « disposition expresse » laissant place à une règle ou un principe « inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ». Depuis cette décision fondatrice, le Conseil n’a fait référence à la notion d’ « identité constitutionnelle de la France » qu’à quelques reprises dans le contrôle a priori (CC, n°2006-543 DC, 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l’énergie, précité, cons. n°6 ; CC, n°2008-564 DC, 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, JO, 26 juin 2008, p. 10228, Rec. CC, p. 313, cons. n°44 ; CC, n°2010-605 DC, 12 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, JO, 13 mai 2010, p. 8897, Rec. CC, p. 78, cons. n°18 ; CC, n°2017-749 DC, 31 juillet 2017, Accord économique et commercial global entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses Etats membres, d’autre part, JO, 11 août 2017, texte n°1 ; CC, n°2018-768 DC, 26 juillet 2018, Loi relative à la protection du secret des affaires, JO, 31 juillet 2018, texte n°64, cons. n°3) comme dans le contrôle a posteriori (CC, n° 2010-79 QPC, 17 décembre 2010, M. Kamel D. [Transposition d’une directive], JO, 19 décembre 2010, p. 22373 ; Rec. CC, p. 406) ; CC, n°2014-373 QPC, 4 avril 2014, Société Sephora [Conditions de recours au travail de nuit], JO, 5 avril 2014, p. 6477, cons. n°6 et 7 (a contrario) ; CC, n°2015-520 QPC, 3 février 2016, Société Metro Holding France SA venant aux droits de la société CRFP Cash [Application du régime fiscal des sociétés mères aux produits de titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote], JO, 5 février 2016, texte n°76, cons. n°9) et la question est évidemment de savoir ce que recouvrent concrètement ces fameuses règles ou principes.
La réserve de constitutionnalité tenant au respect de règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France : une notion « floue » (1)
690 • La notion part, d’abord, d’un a priori négatif fondé sur le fait que la notion servirait avant tout de prétexte, pour le Conseil, pour refuser l’exercice du contrôle de la constitutionnalité des lois de transposition des directives communautaires. Mis à part ce fait, le Conseil constitutionnel français n’est pas, en premier lieu, le seul pays à avoir recours au concept d’ « identité constitutionnelle ». D’autres juridictions constitutionnelles européennes ont, elles aussi, eu recours au concept mêmes si les positions ne sont pas tout à fait identiques. Le juge constitutionnel allemand se reconnait ainsi compétent pour contrôler le respect, par le droit de l’Union, de l’identité constitutionnelle allemande (Voir, par ex., Cour constitutionnelle fédérale allemande, arrêt du 30 juin 2009, Constitutionnalité du traité de Lisbonne (2 BvE 2/08 e.a.) et R. Arnold, « L’identité constitutionnelle allemande – un nouveau concept jurisprudentiel », Constitutions 2017, p. 515 et suiv. ou K. M. Bauer, « Conditions et contrôles constitutionnels de la validité interne du droit de l’Union », RTDE 2009, p. 799 et suiv.). Le juge constitutionnel italien se considère également comme un « défenseur des valeurs suprêmes de la Constitution » (Cour constitutionnelle italienne, n°183/73, 27 décembre 1973, Frontini et Pozzani, FI 1974, I, p. 31 et J. Rideau, « La Cour constitutionnelle italienne et les rapports entre l’ordre juridique italien et le droit de l’Union européenne. Autonomie ou intégration ? », RAE 2007, p. 697 et suiv.). mais malgré une utilisation commune de la notion, celle-ci ne peut, pour autant, s’identifier à la notion équivalente utilisée en droit de l’Union qui est celle d’ « identité nationale » (art. 4 TUE) par laquelle l’Union reconnaît l’existence de certaines caractéristiques essentielles des Etats (Cf. S. Martin, « L’identité de l’Etat dans l’Union européenne : entre identité nationale et identité constitutionnelle », RFDC 2012, n° 91, p. 13 et suiv. ou M.-C. Ponthoreau « Constitution européenne et identités constitutionnelles nationales », VIIème Congrès mondial de l’AIDC, Athènes, 11-15 juin 2007). La notion européenne a vocation, en effet, à être appliquée de manière uniforme à l’ensemble des Etats membres alors que le concept interne est propre à chaque Etat.
La réserve de constitutionnalité tenant au respect de règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France : une notion « floue » (2)
691 • Au-delà de la distinction fondamentale vue ci-dessus, la notion d’ « identité constitutionnelle » reste floue (Baptiste Bonnet, « Le Conseil constitutionnel et le CETA. Les compétences exclusives de l’Union européenne au prisme des principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France… », AJDA 2017, p. 2008 et suiv.) dans la mesure où il « s’agit d’une catégorie qui surgit selon les besoins de la cause et qui se matérialise non pas selon des critères identifiés mais en fonction d’une volonté (politique ou juridique) d’établir une limite à l’application du droit de l’Union, sans compter que ces règles ou principes seraient nécessairement en contradiction avec la primauté du droit de l’UE s’ils devaient s’opposer à l’application de ce dernier » (Ibid.). Si l’ambiguïté de la notion porte moins sur le concept d’ « identité constitutionnelle » que sur les « principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France » qui sont surtout mis en avant par le Conseil, la tentative de définition ne repose que sur des faisceaux d’indices et demeure très subjective ( Cf. A. Vidal-Naquet, « Comment se forge l’identité constitutionnelle ? Le rôle du législateur et du juge », RGDIP 2014, n°118, p. 517 et suiv.). On peut la résumer, à l’heure actuelle, aux principes de laïcité ou de l’unicité du peuple français, à des principes recouvrant le monopole de la réalisation de certains actes en matière pénale ou la mise en place de certains dispositifs de clémence : amnistie, grâce, prescription. A cela peut s’ajouter, par exemple, le droit de l’extradition, la question de la langue de la République ou, plus largement, la conception française de la séparation des pouvoirs. L’ensemble reste variable au fil du temps et des décisions rendues par le Conseil. Par exemple, Le Conseil a d’abord estimé que l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ne pouvait être regardé comme participant de l’identité constitutionnelle de la France (CC, n°2014-690 DC, 13 mars 2014, Loi relative à la consommation, JO, 18 mars 2014, p. 5450, cons. n°28 à 32) avant de juger l’inverse (CC, n°2018-768 DC du 26 juillet 2018, Loi relative à la protection du secret des affaires, JO, 31 juillet 2018, texte n°64, cons. n°20 à 24). Dans la même décision, le Conseil constitutionnel a, pour la première fois, évoqué les principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France dans un sens négatif. Il a ainsi jugé que n’ont pas ce caractère la liberté d’expression et de communication, la liberté d’entreprendre et le principe d’égalité devant la loi (Cf. Commentaire de la décision www.conseil-constitutionnel.fr).
La réserve de constitutionnalité tenant au respect de règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France : un garde-fou symbolique dans la décision « CETA »
692 • Le juge constitutionnel a pu utiliser encore les principes inhérents à l’identité constitutionnelle française dans sa décision « CETA » (CC, n°2017/749 DC, 31 juillet 2017, Accord économique et commercial global entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part, JO, 11 août 2017, texte n°1). Le retour de ce « garde-fou » apparait, pour certains, « bien étonnant pour ne pas dire incongru » (B. Bonnet, « Le Conseil constitutionnel et le CETA. Les compétences exclusives de l’Union européenne au prisme des principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France… », AJDA 2017, p. 2008 et suiv.). Le Conseil justifie son contrôle par la nature mixte de l’accord, reprenant l’analyse développée par la CJUE dans son arrêt « Singapour » (CJUE, Ass. plén., 16 mai 2017, Accord de libre-échange UE contre Singapour, avis n°C-2/15). Le CETA (accord économique et commercial global entre le Canada, d’une part, et l’Union et ses Etats membres, d’autre part) n’est, en effet, pas un accord classique au sens de l’article 54 C° qui ne peut pas autoriser le contrôle, par le Conseil, d’un accord international de relevant de ses compétences exclusives. Le contrôle n’est possible que si l’engagement en question est également un engagement des Etats et qu’il contient, en ce sens, des stipulations portant sur des domaines relevant de compétences partagées ce qui est le cas en l’espèce, l’accord présentant la particularité d’être un accord mixte. Le contrôle du Conseil doit néanmoins porter, dès lors, uniquement sur ces stipulations, à l’exclusion de celles portant sur des domaines relevant de compétences exclusives. Le Conseil a bien dissocié les stipulations en limitant son contrôle sur celles relevant des compétences exclusives de l’Union et en exerçant pleinement son contrôle sur celles relevant de compétences partagées. Mais, il y aurait dû avoir une absence de contrôle sur le terrain des compétences exclusives, la référence à « une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France » (cons. n°14) ne faisant que générer en l’espèce des « complexités d’analyse pour un résultat symbolique et bien peu opérationnel, tant la notion est nécessairement réduite et possiblement porteuse de conflit dans les rapports au droit de l’Union européenne ». Même si la décision a été largement critiquée, le Conseil constitutionnel étant accusé de « dérive néolibérale » (voir, par ex., M. Orange, « CETA : le Conseil constitutionnel emporté dans une dérive libérale », Mediapart 2017, 31 juillet), la question de la compatibilité entre la norme constitutionnelle et un accord relevant de compétences exclusives de l’Union ne devrait plus se poser même si l’accord est contraire à une disposition constitutionnelle. Dans le dialogue des juges, c’est à la CJUE de contrôler la compatibilité de l’accord avec le droit de l’Union (comme l’a rappelé le Conseil dans le considérant n°14).
La réserve de constitutionnalité tenant au respect de règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France : un contrôle qui reste exceptionnel
693 • La doctrine s’accorde généralement à considérer que la formule liée à la notion d’ « identité constitutionnelle » désigne des normes spécifiques au droit constitutionnel français qui n’ont pas d’équivalent dans le corpus normatif européen comme par exemple le principe de laïcité, le droit de grève ou la notion de service public (Cf., par ex., B. Mathieu, « Les règles et les principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France, une catégorie juridique fonctionnelle à définir », Mélanges Delpérée, Paris, Bruxelles, LGDJ, Bruylant, 2007, p. 977). Le juge administratif a également fourni des précisions en estimant que constituent de tels règles ou principes ceux qui parmi les normes constitutionnelles reflètent le particularisme de l’ordre juridique français, dans la mesure où ces normes n’auraient pas de protection équivalente dans l’ordre juridique communautaire (CE, Ass., 8 février 2007, Société Arcelor Lorraine, req. n°287110, Rec. CE, p. 55, concl. M. Guyomar, AJDA 2007, p. 577, chron. F. Lenica et J. Boucher, p. 1097, tribune P. Cassia, D. 2007, p. 2272, note M. Verpeaux, p. 1166, obs. V. Bernaud, L. Gay et C. Severino, p. 2742, chron. P. Deumier, RFDA 2007, p. 384, concl. M. Guyomar, p. 565, note A. Levade, p. 578, note X. Magnon, p. 601, chron. A. Roblot-Troizier, p. 789, note M. Canedo-Paris, RTDE 2007, p. 378, concl. M. Guyomar et note P. Cassia, DA 2007, étude n°9, M. Gautier et F. Melleray). Comme peut le noter Edouard Dubout, « dans ce cadre, la notion d’« identité constitutionnelle » n’est pas définie par son contenu mais par sa finalité : celle de préserver la spécificité des normes constitutionnelles françaises » (E. Dubout, « « Les règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France » : une supra constitutionnalité », RFDC 2010, n°83, p. 451). Il découle de cette lecture que l’ensemble des normes constitutionnelles françaises bénéficie de la supériorité sur le droit de l’Union dérivé (le droit primaire ayant lui fait l’objet, en principe et sauf absence de saisine, d’un contrôle sur le fondement de l’article 54 de la Constitution). Au final, on peut, cependant, dire que cette définition ôte quasiment tout intérêt au recours à l’article 88-1 C°, et corrélativement, à la découverte des règles ou principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France. La réserve consacrée n’a, en réalité, qu’une portée réduite. L’approfondissement de la protection des droits fondamentaux au niveau du droit de l’Union, d’abord grâce à l’intégration de l’apport de la ConvEDH par le biais des principes généraux du droit communautaire, puis par l’adoption de la CDFUE, rend quasiment équivalente la protection des droits fondamentaux aux niveaux national et communautaire. On peut dès lors supposer que les hypothèses de contrôle de la part du Conseil demeureront exceptionnelles.
Un raisonnement transposé dans le contentieux a posteriori de la QPC
694 • Appliquant les mêmes règles que dans le contentieux a priori, le Conseil a estimé que l’exigence constitutionnelle de transposition des directives, qui découle de l’article 88-1 C°, ne figure pas au nombre des « droits et libertés » que la Constitution garantit au sens de l’article 61-1 C°, elle ne peut donc être invoquée dans le cadre d’une QPC (CC, n°2010-605 DC, 12 mai 2010, LLoi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, JO, 13 mai 2010, p. 8897, Rec. CC, p. 78, cons. n°19). Il ne lui appartient pas de statuer, à travers cette procédure, sur la constitutionnalité d’une loi se bornant à transposer fidèlement une directive quand trois conditions sont remplies : la disposition législative se borne à transposer fidèlement les dispositions d’une directive, les dispositions de la directive sont précises et inconditionnelles, et, enfin, les dispositions ne mettent pas en cause une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France (CC, n°2010-79 QPC, 17 décembre 2010, M. Kamel D. [Transposition d’une directive], JO, 19 décembre 2010, p. 22373, Rec. CC, p. 406). Dans cette logique, le Conseil d’Etat a estimé que lorsque les trois conditions étaient remplies, la QPC ne présentait pas de caractère sérieux et qu’il n’appartenait, en ce cas, qu’au juge de l’Union, saisi le cas échéant à titre préjudiciel sur la directive, de contrôler le respect des droits garantis par l’article 6 TUE. Une demande de QPC a, par exemple, été rejetée concernant les dispositions de l’article L. 342-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui « se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions précises et inconditionnelles de la directive du 11 mars 1996 du Parlement européen et du Conseil concernant la protection juridique des bases de données » (CE, 8 juillet 2015, De Praingy, req. n°390154, AJDA 2015, p. 2035, note C. Haguenau-Moizard) de même que celles de l’article L. 424-2 du Code de l’environnement qui en proscrivant « la chasse des oiseaux migrateurs pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification, se bornent à tirer les conséquences des dispositions précises et inconditionnelles […] de la directive du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages » (CE, 14 septembre 2015, Société NotreFamille.com, req. n°389806, AJDA 2015, p. 2441, note F. Rassu, D. 2015, p. 2214, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny, RTD com2016, p. 123, obs. F. Pollaud-Dulian).
Une 1ère application concrète de la notion d’identité constitutionnelle : la décision n° 2021-940-QPC du 15 octobre 2021, Société Air France
694-1 • Pour finir, il faut relever, comme Baptiste Bonnet que « les rapports entre droit constitutionnel et droit de l’Union européenne sont […] marqués par un clair-obscur. En apparence sereins et bien positionnés […], ils recèlent un potentiel danger de conflits normatifs irrésolubles » (B. Bonnet, « Les rapports entre droit constitutionnel et droit de l’Union européenne, de l’art de l’accommodement raisonnable », Titre VII 2019, avril, n° 2 [En ligne]). Si l’ensemble est « désormais bien huilé » (Ibid.), il peut « se gripper à chaque instant jusqu’à la panne plus ou moins réversible, une pyramide de verre imposante et bien architecturée qui peut se briser et s’effondrer dans un temps court à l’échelle de l’Histoire » (Ibid.). A un moment où les conflits sont de plus en plus importants entre le droit de l’Union et les positions souverainistes de certains Etats de l’Union, le Conseil constitutionnel a, semble-t-il, pour la première fois, fait une application concrète de la notion d’identité constitutionnelle. La doctrine rapproche souvent « identité constitutionnelle » et « supra-constitutionnalité » mais, dans la plupart des Etats, ce qui relève de « l’identité constitutionnelle » relève plutôt de l’inconnu. Plein de questions se posent à ce sujet car si on peut dire que le principe de l’intégrité territoriale (art. 89 al. 4 C°), le caractère républicain du gouvernement (art. 89 al. 5) ou le principe de laïcité (le contenu a été défini dans la décision CC, n°2004-505 DC, 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l’Europe, précitée, cons. n°18) bénéficient de la supra-constitutionnalité en France mais, par exemple, rien sur les droits et libertés garantis constitutionnellement comme cela a plus ou moins été reconnu dans d’autres pays. En jugeant conforme à la Constitution l’obligation pour les transporteurs aériens de réacheminer un ressortissant étranger dont l’entrée en France a été refusée et en mettant en avant que cette dernière n’ayant ni pour objet ni pour effet de leur confier une mission de surveillance ou de contrainte, le juge constitutionnel franchi pour la première fois le pas (CC, n°2021-940 QPC, 15 octobre 2021, Société Air France [Obligation pour les transporteurs aériens de réacheminer les étrangers auxquels l’entrée en France est refusée], JO, 16 octobre 2021, texte n°52). Il confirme, sur ce point, l’existence du principe selon lequel, en droit français, certaines actions, comme celles relatives à l’action de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique, ne peuvent être données au secteur privé. Et cette confirmation l’a été par une qualification en tant que principe inhérent à l’identité constitutionnelle française. C’est ainsi la première consécration positive du principe.
iv) Un raisonnement confirmé par le juge administratif
Une volonté initiale d’assimilation du droit communautaire au droit international classique
695 • La position du juge administratif quant au rapport entre norme constitutionnelle et norme communautaire a longtemps été marquée par une volonté claire de ne pas traiter le droit communautaire de manière différente ou singulière par rapport au droit international classique. C’est l’article 55 C° qui a toujours servi de fondement lorsqu’il y avait conflit entre les normes. A quelques exceptions près (Cf. CE, 8 décembre 2000, Parti nationaliste basque, req. n°212044, Rec. CE, p. 594, RFDA 2002, p. 59, note M. Verpeaux ; CE, 28 juin 2001, Syndicat des producteurs indépendants, req. n°203415, Rec. CE, tables, p. 942), l’article 88-1 n’était jamais cité dans les visas des arrêts. La position du Conseil d’Etat a d’abord été clarifiée par l’arrêt « SNIP » (CE, 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique dit « SNIP », req. n°226514, AJDA 2002, p. 1219, note A.-L. Valembois, DA 2002, comm. n°55, note P. Cassia, RTDE 2003, p. 197, note C. Castaing, LPA 2002, n°112, p. 13, note C. Cassan et E. Meir, JCP 2005, A, p. 1168, note M.-C. Rouault) où il est précisé que la primauté du droit communautaire « ne saurait conduire dans l’ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution ». C’est le principe posé par l’arrêt « Sarran » (CE, Ass., 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres, req. n°200286 et 200287, précité) même si la formulation est légèrement différente puisqu’elle met formellement l’accent sur la suprématie de la Constitution. La prise de position est réitérée d’abord de manière implicite dans l’arrêt « Association avenir de la langue française » rendu en 2003 (CE, 30 juillet 2003, Association avenir de la langue française, req. n°245076, Rec. CE, p. 347) puis confirmée, de manière explicite cette fois, encore par un même arrêt « Association avenir de la langue française » rendu en 2006 (CE, 27 juillet 2006, Association avenir de la langue française, req. n°281269, Rec. CE, p. 379, DA 2007, comm. n°11, note E. Glaser) et par une ordonnance de référé « Olziibat » (CE, ord., 3 juin 2005, Olziibat, req. n°281001, Rec. CE, tables, p. 920) qui indique, dans une formule proche de l’arrêt « Koné » (CE, Ass., 3 juillet 1996, Koné, req. n°169219, précité) qu’il appartient au juge administratif, le cas échéant, d’interpréter un règlement communautaire à la lumière de dispositions constitutionnelles françaises.
La jurisprudence « Arcelor » et l’annulation d’un acte réglementaire transposant une directive si absence de protection équivalente en droit de l’Union
696 • C’est la jurisprudence du juge constitutionnel née de la décision « Economie numérique » (CC, n°2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, précité) qui a amené le Conseil d’Etat à se saisir de l’article 88-1 C° à travers l’arrêt « Arcelor » (CE, Ass., 8 février 2007, Société Arcelor Lorraine, req. n° 287110, précité) et ceci même si cet article continue à être combiné avec l’article 55 C°. Le considérant de principe de l’arrêt débute, en effet, avec un rappel assez singulier au considérant de l’arrêt « Sarran » (« […] la suprématie ainsi conférée (par l’article 55 C°) aux engagements internationaux ne saurait s’imposer dans l’ordre interne, aux principes et dispositions à valeur constitutionnelle […] »). Pour le juge administratif, s’il n’existe pas de protection équivalente en droit communautaire à la protection constitutionnelle, il peut annuler un acte réglementaire qui transpose une directive. Il opère ainsi un contrôle de constitutionnalité du droit communautaire dérivé tout en affirmant la primauté du droit constitutionnel sur ce même droit. Mais cette affirmation est immédiatement tempérée par la précision selon laquelle il découle de l’article 88-1 C° une « […] obligation constitutionnelle de transposition des directives » et, en conséquence, « le contrôle de constitutionnalité des actes règlementaires assurant cette transposition est appelé à s’exercer selon des modalités particulières dans les cas où sont transposées des dispositions précises et inconditionnelles […] ». Si la spécificité du droit communautaire est reconnue, il n’y a pas de primauté du droit communautaire dérivé. Il opère plutôt un transfert du conflit dans le champ de compétence du juge communautaire. Le Conseil d’Etat procède ainsi, pour reprendre la formule du commissaire du gouvernement Guyomar, à une « opération de translation » aboutissant à ce que le « contrôle de constitutionnalité s’effectue, pour partie, sous le timbre du droit communautaire » (M. Guyomar, « Le contrôle de constitutionnalité d’un règlement transposant une directive communautaire », RFDA 2007, p. 384). Cette « opération de translation » est pratiquée quand il existe « une règle ou un principe général du droit communautaire » garantissant l’effectivité de la norme constitutionnelle. La directive est examinée, dans ce cas, eu égard à cette règle ou principe général en écartant le moyen en l’absence de difficulté sérieuse ou, dans le cas contraire, en saisissant la CJUE d’une question préjudicielle. S’il n’existe pas de règle ou principe communautaire garantissant l’effectivité de la norme constitutionnelle, le Conseil d’Etat examine directement la constitutionnalité des dispositions réglementaires contestées, ce qui revient à faire prévaloir la Constitution sur la directive. En agissant de la sorte, le juge limite les risques de conflit aux seules hypothèses, aujourd’hui très rares, où il n’existe aucune norme européenne permettant d’assurer une équivalence des protections. Elle permet également d’éviter de recourir à la notion « d’identité constitutionnelle de la France » retenue par le Conseil constitutionnel, le juge administratif ne mettant en œuvre la jurisprudence Sarran que lorsque l’opération de translation est impossible.
L’extension de la jurisprudence « Arcelor » à la ConvEDH : l’arrêt « Conseil national des barreaux »
697 • Le raisonnement du Conseil d’Etat dans l’arrêt « Arcelor » a été étendu en 2008 au cas où la contestation d’une disposition de droit dérivé, dans le cadre d’un recours qui met en cause un texte règlementaire national d’application, serait effectuée non au regard de la Constitution, mais au regard de la ConvEDH dans la mesure où les droits fondamentaux que cette dernière garantit sont protégés en tant que PGD de l’Union (CE, sect., 10 avril 2008, Conseil national des barreaux et autres, Conseil des barreaux européens, req. n°296845, RFDA 2008, p. 575, concl. M. Guyomar et note R. Tinière, p. 603, chron. A. Roblot-Troizier et T. Rambaud, p. 711, obs. H. Labayle et R. Mehdi, p. 780, chron. T. Haas et C. Santulli, AJDA 2008, p. 1085, chron. J. Boucher et B. Bourgeois-Machureau, RTD civ. 2008, p. 444, obs. P. Deumier). Comme les droits fondamentaux de la ConvEDH sont désormais protégés dans l’UE, le juge administratif est en droit de rechercher si la directive communautaire que l’on transpose est compatible avec ces droits fondamentaux reconnus. Comme dans le cadre de la jurisprudence « Arcelor », en l’absence de difficulté, il écarte le moyen et dans le cas contraire, il doit saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle. Pour considérer qu’il n’y a pas de « difficulté sérieuse », le Conseil d’Etat n’hésite pas, en l’espèce, à interpréter très librement un arrêt de la Cour de justice en donnant ainsi sa propre interprétation du droit de la ConvEDH, devenue droit communautaire. Se fondant directement sur l’arrêt de la Cour de justice rendu à propos de ladite directive (l’arrêt est explicitement mentionné dans les visas : CJCE, 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone et autres, Aff. n°C-305/05), le Conseil d’Etat estime en conséquence que le juge communautaire a procédé à une lecture de la directive qui établit, grâce à la méthode de l’interprétation conforme, sa compatibilité avec l’article 6 ConvEDH.
La première application positive de la jurisprudence « Arcelor » : l’arrêt « Confédération paysanne et autres »
698 • Le Conseil d’Etat a ensuite appliqué positivement la jurisprudence « Arcelor » dans un arrêt « Confédération paysanne et autres » rendu sur le recours d’associations et syndicats qui contestaient une disposition du Code de l’environnement qui excluait, du champ de la réglementation des OGM, les organismes obtenus par mutagénèse. Ne faisant l’objet d’aucune évaluation préalable, ni d’aucun suivi après leur commercialisation (contrairement aux OGM obtenus par transgénèse), l’exclusion était susceptible d’être contraire au principe de précaution de l’article 5 de la Charte de l’environnement (CE, 3 octobre 2016, Confédération paysanne, le Réseau semences paysannes, Les amis de la Terre France, le Collectif vigilance OGM et pesticides 16, vigilance OG2M, CSFV 49, OGM Dangers, vigilance OGM 33, et la Fédération nature et progrès, req. n° 388649, Rec. CE, p. 400, AJDA 2017, p. 288, note F. Tarlet et G. Léonard, RTDE 2017, p. 322, note D. Ritleng). Si, dans cette décision, le schéma général mis en place par la jurisprudence Arcelor est confirmé, le juge administratif apporte un certain nombre de précisions qui modifient la perspective du contrôle opéré et qui lui permette de marquer davantage l’autonomie de son contrôle à l’égard de celui alors pratiqué par le Conseil constitutionnel à l’origine de sa jurisprudence. La principale de ces précisions concerne les modalités particulières dans lesquelles le contrôle de constitutionnalité des actes réglementaires assurant directement la transposition d’une directive était appelé à s’exercer. Le contrôle version Arcelor devait s’exercer « dans le cas où sont transposées des dispositions précises et inconditionnelles ». Le Conseil d’Etat en 2016 abandonne ce critère en visant désormais « le cas où le contenu de ces actes découle nécessairement des obligations prévues par les directives, sans que le pouvoir réglementaire ne dispose de pouvoir d’appréciation » (cons. n°16). En agissant de la sorte, il rend son contrôle plus autonome, « il montre qu’il entend aborder désormais ce contrôle sous un axe légèrement différent. Au lieu de regarder l’acte comme un contenu européen intouchable, il le regarde comme une manifestation de la prérogative normative de l’autorité administrative française » (F. Tarlet et G. Léonard, « Mutations génétiques et juridiques autour de l’arrêt Arcelor », AJDA 2017, p. 288).
La décision French Data Work du 21 avril 2021 et la mise en avant de la notion « d’exigence constitutionnelle »
698-1 • Si le Conseil d’Etat a, de son côté, adopté la logique définie par le juge constitutionnel en proclamant, lui aussi, sa fidélité à la norme constitutionnelle et à l’activation de la réserve de constitutionnalité, il a mis en avant, récemment, dans son arrêt French Data Work (CE, Ass., 21 avril 2021, French Data Work, req. n°393099, voir, par ex., C. De Bernardinis, « Le Conseil d’Etat « caution juridictionnelle » du pouvoir ou « maillon essentiel » du dialogue des juges », Lexbase 2021, édition publique, 8 juillet, n°633) une nouvelle notion, jamais utilisée jusqu’alors, celle de l’ « exigence constitutionnelle ». Si cette « exigence » n’a pas de protection équivalente au niveau de l’Union, elle devient en mesure de faire obstacle à la pleine application du droit de l’Union. Jamais utilisée jusqu’alors, la notion est pourtant connue du juge constitutionnel (T. Dubut, « Le juge constitutionnel et les concepts. Réflexions à propos des « exigences constitutionnelles » », RFDC 2009, n° 4, n° 80, p. 749 et suiv) notamment pour faire prévaloir l’intérêt général sur une conception trop oppressante des droits subjectifs. Dans l’espèce mentionné, le juge administratif a considéré que la sécurité, et plus généralement la protection de l’ordre public, faisaient partie de ces « exigences constitutionnelles » en s’appuyant sur l’article 12 DDHC. Dans cette logique, les perspectives dans lesquelles l’exigence constitutionnelle puisse être opposée au droit de l’Union apparaissent considérablement étendues. Il y a là une différence marquante avec la solution classique telle qu’établie dans l’arrêt Arcelor même si certains ont pu parler de « miroir d’Arcelor » (B. Bertrand, « L’arrêt French Data Work du Conseil d’Etat : un dialogue des juges en trompe œil », https://blog.leclubdesjuristes.com, 7 mai 2021 ou « Arcelor 2.0 » [50]. En définitive, il ne s’agit plus de vérifier s’il existe dans le droit de l’Union une norme homologue à celle de la norme constitutionnelle, il s’agit plutôt de procéder « à une remise en cause constitutionnelle du droit de l’Union lors du contrôle d’un acte qui y porte atteinte » (E. Dubout, « Le Conseil d’Etat, gardien de la sécurité », RDLF 2021, chron. n°18 [En ligne]) et « de couvrir d’une caution constitutionnelle la violation par les organes étatiques des choix politiques arrêtés au niveau européen » (Ibid.) Mais le gouvernement avait, spécifiquement et de façon inédite jusque-là, invité le Conseil d’Etat à pratiquer un contrôle ultra vires (qui a pour fondement le droit allemand (art. 23 Loi fondamentale allemande et le respect du principe de subsidiarité par le droit de l’Union) et qui oblige le juge, en cas d’atteinte au principe, de faire respecter les compétences nationales) et à juger, en conséquence et en l’espèce, que le juge de l’Union avait dépassé le cadre de ses compétences et que sa position ne respectait pas la répartition des compétences entre l’Union et les Etats membres. Ce contrôle a été ouvertement repoussé en l’espèce laissant finalement entrevoir cette stratégie toujours et volontairement ambivalente voire ambiguë.
v) Une nouvelle lecture, au final, de la hiérarchie des normes mise en place par le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel
Une lecture plus horizontale de la hiérarchie des normes
699 • L’ensemble jurisprudentiel initié en 2004 et affiné en 2006 par le Conseil constitutionnel, puis développé par le Conseil d’Etat à partir de 2007 constitue une tentative de conciliation entre deux principes contradictoires visant à assurer simultanément la pleine transposition du droit de l’Union et la garantie de la prééminence des règles constitutionnelles. Si l’équilibre voulu ne peut donc être que bancal, il témoigne néanmoins de l’avènement d’une nouvelle lecture de la hiérarchie des normes. Un juge peut être sollicité pour se prononcer sur la conformité aux droits fondamentaux d’une norme issue d’un autre ordre juridique que le sien sur le fondement d’un simple acte d’application. En conséquence, comme peut le relever Mathias Guyomar, « la pyramide kelsénienne ne suffit plus à rendre compte des rapports entre les différents ordres juridiques ». En situant les relations entre normes constitutionnelles et normes communautaires sur la voie de la recherche d’équivalence, les juges écartent l’analyse hiérarchique qui gouverne classiquement l’articulation de ces normes, on passe d’une analyse verticale à une analyse plus horizontale. On peut parler de l’avènement d’une nouvelle conception des rapports de systèmes (B. Bonnet, Repenser les rapports entre ordres juridiques, Paris, Lextenso, 2013), de « pluralisme ordonné » (M. Delmas-Marty, Le Pluralisme ordonné. Les Forces imaginantes du droit, 2, Seuil, 2006) ou de « communication pluraliste […] des ordres juridiques » (B. Nabli, « L’Union européenne : source d’un « malaise constitutionnel », RUE 2012, p. 29) qui devient possible sur la base de normes supérieures communes incarnant des valeurs partagées.
Une lecture qui impose une obligation de dialogue
700 • Il n’y a pas forcément d’interprète ultime ou de dernier ressort dans la mise en place de cette nouvelle hiérarchie des normes mais une obligation de dialogue rendue nécessaire par la complexité de l’interaction des systèmes. On peut ainsi dire que « le pluralisme juridique est une richesse à la condition d’être ordonné. La responsabilité des juges pour assurer la cohérence entre les réseaux normatifs est de premier ordre […] : au dialogue institutionnalisé avec la Cour de Luxembourg s’ajoute celui, spontané mais nécessaire, avec la Cour de Strasbourg et les autres juridictions nationales ». Dans ce cadre, on ne peut parler de conflit entre les normes constitutionnelles et communautaires mais plutôt d’un renouveau plus large du paysage constitutionnel sous la forme d’une constitutionnalisation de l’Union européenne. Les Traités originaires contenaient déjà une Constitution en mettant en place un système institutionnel spécifique et en suscitant la création d’un ordre juridique propre. Aujourd’hui, ce cadre constitutionnel est présent matériellement plutôt dans le cadre d’une Constitution à la fois politique (on pense aux règles de répartition verticale des compétences entre les Etats membres et l’Union et à la répartition horizontale des pouvoirs entre les institutions de l’Union dans les Traités originaires et ceux qui ont suivi) et sociale (parce que les droits fondamentaux sont reconnus dans l’ordre juridique de l’Union européenne).
2 – La prise de conscience du Conseil constitutionnel quant à l’impossibilité d’ignorer le droit de l’Union européenne
701 • Le Conseil constitutionnel est, comme on l’a vu, entré dans le dialogue des juges, en reconnaissant une spécificité au droit de l’Union. Il a en effet institué une exigence constitutionnelle de transposition en droit interne des directives communautaires, exigence qui ne saurait être valablement remise en cause au nom d’un autre principe constitutionnel, sauf en cas de contrariété à une « disposition expresse de la Constitution » ou, plus précisément, à des « règles et principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France ». Puis le Conseil s’est offert la possibilité de contrôler la conformité des lois de transposition aux directives qu’elles transposent faisant en sorte, indéniablement, d’accorder un traitement à part aux directives européennes vis-à-vis de sa position de principe sur le traitement du droit international (position classique depuis 1975 qui, on le rappelle, se traduit par une indifférence totale envers ce dernier dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois). Si certains ont pu parler de ralliement à la Cour de justice ou au droit de l’Union, il ne faut pas oublier que la démarche du Conseil reste tout entière tendue vers la nécessité d’identifier un fondement constitutionnel à l’engagement de la France vis-à-vis de l’Union européenne. C’est seulement à travers la Constitution qu’il faut lire l’agencement des rapports entre l’ordre juridique de l’Union et de l’ordre juridique national. Pour autant, par la même, le Conseil a accepté d’entrer dans le dialogue des juges en se rapprochant prudemment mais surement de la Cour de justice. Le juge constitutionnel a pris conscience de l’impossibilité d’ignorer le droit de l’UE.
702 • Plusieurs techniques ont, ainsi, été mises en place pour éviter que le Conseil rende des décisions susceptibles d’être ultérieurement contredites ou pour, tout simplement, brisé l’isolement de son office en tant que juge de la constitutionnalité des lois dans les rapports entre les systèmes. Le premier des instruments contentieux qui a été mobilisé s’identifie à travers la mise en place de ce que l’on peut appeler la technique des « présomptions » (Voir, pour une approche générale, B. Bertrand, « La systématique des présomptions », RFDA 2016, p. 331 et suiv.). Dans le cadre des rapports entre le droit constitutionnel, le Conseil constitutionnel, la CJUE et le droit de l’Union, cela se matérialise d’abord par des « présomptions normatives » entre les normes nationales des différents Etats membres. Ces dernières peuvent se manifester par la reconnaissance, découlant du principe de « reconnaissance mutuelle », du principe de « confiance mutuelle » mis alors en place par le juge de l’Union ou le juge interne. Ce principe est ici assimilé à une présomption et il permet une coopération optimum entre les Etats membres. Toujours dans ce cadre, il faut évoquer, au surplus, les « présomptions d’équivalence des contrôles » mises en place par le juge constitutionnel national pour tenter de dépasser les difficultés résultant de l’interférence avec le droit de l’Union. L’autre élément majeur qui témoigne de cette volonté de rapprochement indéniable entre le Conseil constitutionnel et la CJUE est la mise en place, au final et après une longue attente, du 1er recours préjudiciel auprès de la CJUE formé par le Conseil à propos d’une QPC sur le mandat d’arrêt européen. Enfin, plus récemment, il faut aussi parler de l’arrivée, sur le terrain fiscal, de la « censure de discriminations à rebours ou par ricochet » résultant d’une différence de traitement entre entreprises françaises.
i/ La mise en place du principe de reconnaissance mutuelle entre les Etats membres
Un principe au départ économique qui a fini par se généraliser
703 • C’est d’abord la Cour de justice qui a œuvré pour harmoniser les différentes normes nationales entre les Etats membres. Pour ce faire, elle a mis en place le principe de reconnaissance mutuelle qui a été intégré dans le système communautaire notamment avec le fameux arrêt « Cassis de Dijon » et la communication de la Commission y afférente (CJCE, 20 février 1979, Rewe-Zentral, Cassis de Dijon, Aff. 120/78, Rec. CJCE, p. 648 ; Communication interprétative de la Commission du 3 octobre 1980 sur les suites de l’arrêt rendu par la CJCE, le 20 février 1979, dans l’affaire 120/78 Cassis de Dijon, JOCE, 3 octobre 1980, C 256, p. 2). D’abord imaginé dans le cadre de la libre circulation des marchandises (la reconnaissance mutuelle implique qu’un produit légalement commercialisé dans un Etat membre doit pouvoir être commercialisé dans n’importe quel autre Etat membre, même lorsqu’il ne répond pas aux mêmes règles techniques), le principe part du postulat de l’existence de valeurs communes entre les Etats membres. On présume qu’il y a une forme d’équivalence des protections, à tout le moins un standard minimal dans les normes techniques et qualitatives applicables aux produits au sein des Etats membres de l’Union. Le principe s’est ensuite développé dans d’autres domaines pour dépasser le seul cadre juridictionnel et investir le champ du droit dérivé (Cf. A. Mattera, « La reconnaissance mutuelle : une valeur historique ancienne, un principe juridique intégrationniste, l’assise politique d’un modèle de société humaniste », RDUE 2009, n° 3, p. 385).
Un domaine privilégié : l’espace pénal européen
704 • Parmi les domaines privilégiés où le principe est dorénavant mis en œuvre, on peut évoquer le domaine de la libre prestation des services (Cf. Par ex., V. Hatzopoulos, Le principe communautaire d’équivalence et de reconnaissance mutuelle dans la libre prestation de services, Bruxelles, Bruylant, Athènes, N. Sakkoulas, 1999) et les accords de reconnaissance mutuelle (Voir, par ex., A. Liberos, « Les accords de reconnaissance mutuelle et les accords européens d’évaluation de la conformité : deux dispositifs pour favoriser l’ouverture des marchés industriels entre l’Union européenne et les pays tiers », RMC 1997, p. 328 ou A. Alemanno, « Le principe de la reconnaissance mutuelle au-delà du marché intérieur : phénomène d’exportation normative ou stratégie de « colonialisme » réglementaire ? », RDUE 2006, p. 273) mais c’est surtout dans le cadre de l’espace pénal européen (Cf. Par ex., G. de Kerchove, A. Weyembergh (dir.), La confiance mutuelle dans l’espace pénal européen, Bruxelles, Ed. de l’Université de Bruxelles, 2005 ou I. Jégouzo, « Le développement progressif du principe de reconnaissance, mutuelle des décisions judiciaires pénales dans l’Union européenne », RIDP 2006, vol. n°77, p. 97) que le principe à trouver à s’appliquer. Beaucoup se sont interrogés alors sur la transposition, dans un domaine qui touche de près aux libertés, d’une notion au départ inventée pour le champ économique mais le principe s’est néanmoins progressivement imposé comme le seul moyen de faire coopérer étroitement entre eux des systèmes judiciaires d’une grande diversité. C’est la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen (Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO L 190, p. 1), modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 févr. 2009 (JO L 81, p. 24)) et l’œuvre des juges en la matière qui concrétisent le plus le principe de reconnaissance mutuelle dans le domaine du droit pénal. C’est une présomption d’équivalence de respect des droits fondamentaux tout comme une présomption de conformité qui est ainsi mise en place dès lors qu’un Etat membre respecte les mêmes valeurs et est lié par les mêmes obligations internationales, notamment dans le cadre de la ConvEDH (Cf. P. Beauvais, « La Cour de justice, le mandat d’arrêt et les droits fondamentaux constitutionnels et européens », RTDE 2013, p. 812).
ii) La mise en place de présomptions d’équivalence des contrôles
Des présomptions de nature juridictionnelle à l’image de celles émises par le juge allemand ou européen
705 • C’est d’abord par le biais de présomptions juridictionnelles que le Conseil constitutionnel a tenté de dépasser les difficultés découlant de l’interférence du droit de l’Union avec le contrôle de constitutionnalité. Il a suivi en cela l’exemple précurseur de la Cour constitutionnelle allemande qui, dans son arrêt « Solange II » (Arrêt de la 2ndechambre du 22 octobre 1986, 2 BvR 197/83, EuGRZ 1987.10), a été la première à poser une présomption générale à l’égard du droit communautaire. Elle a estimé qu’aussi longtemps que la jurisprudence de la Cour de justice assurera de manière générale une protection efficace des droits fondamentaux vis-à-vis des pouvoirs publics communautaires, elle n’exercera plus sa juridiction quant à l’applicabilité du droit dérivé. La CourEDH a fait de même à travers son arrêt « Bosphorus » (CourEDH, GC, 30 juin 2005, Bosphorus Hava Yollari turizm ve ticaret anonim sirketi contre Irlande, req. n°45036/98 ; voir J.-P. Jacqué, « L’arrêt Bosphorus, une jurisprudence « Solange II » de la Cour européenne des droits de l’homme ? », RTDE 2005, p. 749) en délivrant un brevet de conventionnalité au droit de l’Union puis, en affirmant, plus spécifiquement dans son arrêt « Al-Jedda », que les résolutions du Conseil de sécurité bénéficient d’une présomption de respect des « principes fondamentaux en matière de sauvegarde des droits de l’homme » (CourEDH, 7 juillet 2011, Al-Jedda contre Royaume-Uni, req. n° 27021/08, § 102 qui utilise la technique de la présomption sans transposer le mécanisme prévu dans l’arrêt Bosphorus. C’est l’arrêt CourEDH, 12 septembre 2012, Nada contre Suisse, req. n°10593/08 qui précisera les limites de cette présomption avant que l’affaire CourEDH, 26 novembre 2013, Al-Dulimi contre Suisse, req. n°5809/08 ne donne l’occasion à la Cour de transposer plus clairement la solution Bosphorus). Le juge de l’Union a, à l’inverse, refusé d’accorder une immunité juridictionnelle généralisée à ces mêmes résolutions du Conseil de sécurité, en raison de l’insuffisance du système de protection onusien (CJUE, 3 septembre 2008, Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat international Foundation contre Conseil de l’UE et Commission des communautés européennes dit « Kadi I », Aff. jointes n°C-402/05 P et n°C-415/05 P, Rec. CJCE, I, p. 6351 et CJUE, 18 juillet 2013, Commission européenne contre Yassin Abdullah Kadi dit « Kadi II », Aff. jointes n°C-584/10 P, n°C-593/10 P et n°C-595/10 P). Concernant le juge constitutionnel français, c’est dans sa décision « Economie numérique » (CC, n° 2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, précité), qu’il a renoncé de même au contrôle de constitutionnalité des lois qui transposent des dispositions précises et inconditionnelles de directives. Il emboite le pas ainsi à la logique développée par la Cour constitutionnelle allemande dans la mesure où il met aussi en avant le contrôle équivalent qui peut exister au sein de l’ordre juridique de l’Union par la Cour de justice rendant ainsi inutile son contrôle proprement dit.
Des présomptions qui ne sont pas irréfragables
706 • Si les juges constitutionnels ont établi des présomptions d’équivalence, ils ont néanmoins établi certaines réserves. Pour la Cour constitutionnelle allemande, les recours fondés sur la protection des droits fondamentaux issus de l’ordre communautaire sont irrecevables sauf à ce que le justiciable démontre que la protection de ces droits dans l’Union est inférieure au standard établi par la Cour (Arrêt de la 2ndechambre du 22 octobre 1986, 2 BvR 197/83 précité ; Voir, pour une étude récente de l’état de la jurisprudence : S. Kaufmann, « Le Bundesverfassungsgericht et les limites à la primauté du droit de l’Union. Confrontation ou complémentarité dans l’intégration européenne », RTDE 2017, p. 59). Si le juge constitutionnel italien a fini par reconnaitre l’effet direct du droit communautaire en droit interne (Cour constitutionnelle italienne, arrêt n° 170 du 8 juin 1984, SA Granital contre Administration des finances, Giurisprudenza costituzionale 1984, I, p. 1098), il posait, dès 1989, comme limite à l’intégration européenne « les principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel et les droits inaliénables de la personne humaine » (Cour constitutionnelle, arrêt n° 389 du 4-11juillet 1989, Provincia autonoma di bolzano contro Presidente del consiglio dei ministri, Giurisprudenza costituzionale 1989, I, p. 1757 ; voir, par ex., F. JACQUELOT, « La Cour constitutionnelle italienne et l’application des droits international et européen en droit interne : de l’antisystème à la resystémation » http://www.droitconstitutionnel.org, 2014 [En ligne]). Le Conseil constitutionnel français rappelle, lui, depuis 2004, qu’il contrôlera une loi de transposition d’une directive si elle porte atteinte à « une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti ». Il y a bien une équivalence de principe des règles et des principes constitutionnels avec ceux existants au niveau de l’Union européenne mais la présomption peut être renversée à tout moment si le Conseil décide de réactiver son contrôle en se fondant sur la réserve posée. Le Conseil d’Etat adopte la même logique même si sa démarche s’inscrit davantage dans l’analyse des cas particuliers pour savoir si la protection existe de manière équivalente en droit communautaire (Cf. arrêt Arcelor précité). La substitution du contrôle de la Cour de Justice à celui effectué par le juge administratif en cas de question préjudicielle n’étant possible que si les deux contrôles sont présumés offrir une protection équivalente.
iii) Le 1er recours préjudiciel formé par le Conseil constitutionnel auprès de la CJUE : la décision « Jérémy F. »
La fin d’une longue indifférence à l’égard du renvoi préjudiciel
707 • Les occasions de contact entre le Conseil constitutionnel et la CJUE n’ont pas été très importantes depuis l’instauration des deux cours. La Cour de justice ne faisait que très rarement, et toujours de manière incidente, mention du Conseil constitutionnel dans ses arrêts et ce dernier, ycomme vu précédemment, ne faisait, jusqu’à une période récente, pas usage de la procédure de renvoi préjudiciel de l’art. 267 TFUE. Mais, après avoir longtemps manifesté une indifférence souveraine à l’égard de ce renvoi organisé par le droit de l’Union européenne, vu notamment comme une subordination au juge de l’Union, le juge constitutionnel s’est rendu à l’évidence et a donc franchi le pas dans un contentieux relatif à un instrument fondamental de l’Espace de Liberté, Sécurité et Justice, le mandat d’arrêt européen. C’est saisi d’une QPC par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass., crim., QPC, 19 février 2013, n° de pourvoi : 13-80491), qu’il a demandé à la CJUE de statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 27 et 28 de la décision-cadre n°2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen (CC, 4 avril 2013, n° 2013-314 P QPC, M. Jeremy F.[Absence de recours en cas d’extension des effets du mandat d’arrêt européen – question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne], JO, 7 avril 2013, p. 5799, Rec. CC, p. 523). Cette décision cadre a été à l’origine d’une coopération inédite entre les autorités judiciaires fondée sur le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice, ces dernières étant tenues, si les conditions de la décision-cadre se trouvent remplies, d’exécuter le mandat d’arrêt. Le mandat d’arrêt européen est directement exécutoire et suffit, à lui seul, à l’arrestation et à la « remise » d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté. Il amène à devoir concilier l’effectivité du principe de reconnaissance et de confiance mutuelle, fondement de la décision-cadre, et les exigences de protection des droits et principes fondamentaux tels que consacrés par les Constitutions nationales des Etats membres et les traités constitutifs de l’Union.
Un cadre nouveau qui lie directement le législateur français au droit de l’Union
708 • La QPC du 4 avril 2013 fait suite, en l’espèce, à l’arrestation, fondée sur un mandat d’arrêt européen, d’un ressortissant britannique qui avait quitté la France avec une de ses élèves, alors âgée de 15 ans. Le mandat d’arrêt avait, au départ, été délivré pour enlèvement d’enfant, mais le requérant a, par la suite, été mis en cause, par les autorités britanniques, pour activité sexuelle avec une mineure. Le juge britannique a estimé que le principe de spécialité ne pouvait lui permettre de placer son ressortissant en détention dans la mesure où il existait des faits différents de ceux visés dans le mandat d’arrêt. Le juge français (chambre de l’instruction de Bordeaux) a, lui, par contre, admis une telle extension. Le souci est que le Code de procédure pénale ne prévoit aucun recours contre cette décision et le ressortissant britannique a alors fait valoir son droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que le principe d’égalité devant la justice devant la Cour de cassation qui, au final, saisit le Conseil. La règle en cause a bien une signification nationale mais elle fait aussi partie intégrante de la transposition de la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen qui laisse les Etats membres apprécier les recours à mettre à disposition contre les décisions de remise et d’extension de la portée des mandats d’arrêts européens. La France a, à cet égard, prévu une opportunité de remettre en cause en justice les remises auxquelles l’intéressé n’a pas consenti, mais il n’existe pas de recours contre l’extension autorisant une poursuite pour d’autres infractions. Il y a donc, en l’espèce, un problème important de conformité avec le droit fondamental à l’exercice d’un recours juridictionnel effectif. Si le Conseil choisit de poser la question préjudicielle à la CJUE, ce n’est pas dans le cadre de l’article 88-1 C° mais plutôt dans celui de l’article 88-2 C° aux termes duquel « la loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l’Union européenne ». Le constituant lève, ici, les obstacles constitutionnels et lie directement le législateur au droit de l’Union mettant en place un état du droit particulier dont le Conseil n’avait jusqu’alors jamais eu à connaitre. L’absence de recours découlant directement de la décision-cadre ne pourrait donc pas être considérée comme inconstitutionnelle. Si c’est le législateur français qui a, par contre, fixé la règle, le juge constitutionnel pourra néanmoins examiner sa conformité avec le bloc de constitutionnalité. C’est dans ce cadre que le Conseil a donc formé le renvoi préjudiciel interrogeant la CJUE.
Un « coup de force » politique qui s’affranchit des conditions juridiques
709 • Il a fallu un concours de circonstances assez poussé pour que le Conseil amène à poser la 1ère question préjudicielle à la CJUE. Le Conseil venait de réaffirmer les principes de la jurisprudence IVG en étendant leur portée au contrôle a posteriori exercé dans le cadre de la QPC (CC, n°2010-605 DC, 12 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, précité, cons. n°10 à 21) en rappelant qu’il n’appartenait pas au Conseil « saisi en application de l’article 61-1 de la Constitution, d’examiner la compatibilité des dispositions contestées avec les traités ou le droit de l’Union européenne », l’examen d’un tel grief relevant « de la compétence des juridictions administratives et judiciaires » (CC, n°2011-217 QPC, 2 février 2012, M. Mohammed Akli B. [Délit d’entrée ou de séjour irrégulier en France], JO, 4 février 2012, p. 2076, Rec. CC, p. 104). Le Conseil avait également pu souligner l’incompatibilité des délais dans lesquels il doit s’exprimer dans le contrôle a priori (délai d’1 mois) avec ceux de la procédure de la question préjudicielle (délai moyen autour de 15 mois) pour signifier qu’il lui était impossible de saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle dans le cadre du contrôle a priori (CC, n°2006-540 DC, 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, précité, cons. n°20 ; CC, n°2006-543 DC, 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l’énergie, précité, cons. n°7). Le délai fixé par le législateur organique étant de 3 mois dans le cadre de la QPC, la logique aurait voulu une décision identique à celle existant dans le cadre du contrôle a posteriori. Il n’en fut rien, le Conseil ayant demandé à la Cour de justice de statuer selon la procédure d’urgence (PPU), l’arrêt de la Cour de justice a été rendu en moins de 2 mois (CJUE, 30 mai 2013, Jeremy F. contre Premier Ministre, Aff. n°C-168/13). Le Conseil déclara, par la suite, la disposition législative en cause contraire à la Constitution après avoir pris soin de constater, conformément à l’arrêt de la Cour de justice, que cette disposition « ne découle pas nécessairement des actes pris par les institutions de l’Union européenne relatifs au mandat d’arrêt européen » et qu’elle n’est donc pas couverte par l’article 88-2 C°. La disposition contestée est considérée comme apportant « une restriction injustifiée au droit à exercer un recours juridictionnel effectif » (CC, n° 2013-314 QPC, 14 juin 2013, M. Jérémy F. [Absence de recours en cas d’extension des effets du mandat d’arrêt européen], JO, 16 juin 2013, p. 10024, Rec. CC, p. 824, cons. n°8). En rendant sa décision plus de 3 mois après sa saisine, le Conseil s’est, de la sorte, affranchi des dispositions le concernant et a contourné les textes pour assurer la primauté du droit de l’Union en décidant « de surseoir à statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité » (cons. n°7 et art. 3 du dispositif de la décision du 4 avril 2013) pendant la durée de la question préjudicielle, alors qu’aucun des textes régissant son office ne lui en offrait la faculté.
Un juge constitutionnel qui apparait comme un juge à part entière dans le cadre du droit de l’Union
710 • Le coup de force politique se matérialise aussi par le fait qu’en agissant de la sorte, le Conseil constitutionnel met fin aux doutes quant à la nature juridictionnelle de l’institution. C’est à ce titre qu’il peut poser la question à la Cour de justice (Cf. X. Magnon « La révolution continue : le Conseil constitutionnel est une juridiction… au sens de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne », RFDC 2013, p. 917). Le débat peut paraitre aujourd’hui dépassé ou relever d’une « controverse stérile » (D. Rousseau, J. Bonnet, P.-Y. Gahdoun, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, LGDJ, 11ème éd., 2016, n°67) mais, du point de vue de l’Union européenne, le juge constitutionnel est une juridiction de renvoi comme les autres même si ce caractère semble se limiter au contrôle juridictionnel a posteriori (la CJUE parlant de juridiction lorsque l’institution « statue dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel », CJUE, ord., 24 mars 2011, Dan Bengtsson, Aff. n°C-344/99, Rec. CJUE, I, p. 1999, § n°18) et ferait en sorte d’exclure un possible renvoi au juge de l’Union dans le cadre du contrôle a priori (En ce sens, P. Puig, « Vers un nouveau dialogue des juges constitutionnel et européen », RTDCiv 2013, p. 564). S’il est acquis que le Conseil soit une juridiction constitutionnelle (Cf. J.-L. Debré, « Le Conseil constitutionnel et le droit de l’Union européenne », entretien avec Denys Simon, Europe 2013, n°7, juillet, n°1), il se démarque des juges ordinaires, seuls compétents pour veiller à l’application du droit de l’Union et garantir la primauté. Le Conseil peut dorénavant saisir la Cour de justice mais il n’est pas tenu de le faire. Il aurait pu, dans le cas d’espèce, se dispenser de saisir la Cour de justice en utilisant, par exemple, la doctrine de l’acte clair et en relevant lui-même que la décision cadre n’imposait pas la mise en place d’un recours suspensif contre la décision d’extension des effets d’un mandat d’arrêt européen. C’est uniquement en raison du contexte particulier de l’affaire où la détermination de sa propre compétence dépendait d’une question préalable d’interprétation du droit de l’Union qu’il a procédé au renvoi.
Un dépassement de la frontière classique entre contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité
711 • Il n’y a, au final, pas de hiérarchie entre le Conseil constitutionnel et le juge de l’Union, pas de soumission mais un dialogue fondé sur la volonté commune d’aboutir à des solutions harmonisées et optimum en matière de droits fondamentaux. L’harmonie entre les ordres juridiques est ainsi entièrement abandonnée à la sagesse des juges. Alors que la CJUE avait à l’origine, à travers l’arrêt Melki et Abdeli (CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, Aff. n°C-188/10 et C-189/10 ; voir D. Sarmiento, « L’arrêt Melki : esquisse d’un dialogue des juges constitutionnels et européens sur toile de fond française », RTDE 2010, p. 588), évité d’entrer en conflit avec le Conseil constitutionnel concernant la QPC, c’est au tour du Conseil de rendre ainsi la pareille. L’action ainsi entreprise par le Conseil contribue au progrès de l’Etat de droit et à une meilleure protection des droits fondamentaux. On a pu parler alors de soumission du Conseil à la position de la Cour de justice dans la mesure où ce dernier, en posant la question préjudicielle, se place dans une position de juge ordinaire à l’égard de la CJUE investi d’une mission européenne et chargé de veiller à l’application du droit de l’Union sur le territoire français. Cette probabilité ou possibilité n’est pas envisageable pour le Conseil qui entend fermement se démarquer des juges administratif et judiciaire. « Il est juge constitutionnel, ils sont juges conventionnels […] dialogue spontané pour lui, dialogue imposé pour eux. Il est le gardien de la suprématie de la Constitution dans l’ordre interne et non le garant de la primauté du droit de l’Union, ni même son interprète. Bref, il est une cour constitutionnelle et non un juge européen ! » (P. Puig, « Vers un nouveau « dialogue des juges » constitutionnel et européen », précité). Avec la question préjudicielle, le Conseil a résolument dépassé la frontière traditionnelle qu’il avait fixé entre contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité, il est opportun de rappeler la règle de principe visant à ce que le Conseil s’interdit tout contrôle de conventionnalité à un moment où l’on parle beaucoup d’abandonner la jurisprudence IVG (Voir les études classiques de G. Carcassonne et B. Genevois, « Faut-il maintenir la jurisprudence IVG ? », Cahiers du CC 1999, n°7 [En ligne] et, par ex., X. Magnon, « Le réflexe constitutionnel au service du réflexe conventionnel ? Quelle place pour la conventionnalité face au contrôle de constitutionnalité a posteriori ? » in X. Magnon, X. Bioy, W. Mastor et S. Mouton (dir.), Le Réflexe constitutionnel. Question sur la Question prioritaire de constitutionnalité, Bruxelles, Bruylant, 2013 ou M. Gautier, « Abandonner la jurisprudence IVG, un combat d’arrière-garde ? », AJDA 2016, p. 569).
iv) Une tendance générale nouvelle au dialogue pour toutes les Cours constitutionnelles
Les recours existants avant la saisine du Conseil constitutionnel
712 • De nombreuses cours constitutionnelles ont, à l’origine, été réticentes à saisir la CJUE d’un renvoi préjudiciel aussi bien dans des systèmes monistes que dualistes. C’est la Cour arbitrale de Belgique qui a fait le premier pas en 1997 en saisissant la CJCE d’un recours contre un décret de la communauté flamande ayant pour objet de transposer la directive sur la libre circulation des médecins et la reconnaissance de leurs diplômes. L’objet du renvoi était lié à l’interprétation de certaines dispositions de la directive sans que la Cour de justice n’ait à se prononcer sur les relations Constitution/droit de l’Union (Cour arbitrale de Belgique, arrêt n°6/97 du 19 février 1997 ; CJCE, 16 juillet 1998, Fédération belge des chambres syndicales de médecin, Aff. n°C-93/97, Rec. CJCE, I, p. 4837). La Cour de justice a ensuite accepté les renvois opérés par la juridiction constitutionnelle d’un Land de la RFA (CJCE, 28 mars 2000, Badeck E.A., Aff. n°C-158/97, Rec. CJCE, I, p. 187), la Cour constitutionnelle d’Autriche (CJCE, 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline GmbH et autres contre Finanzlandesdirektion für Kärnten, Aff. n°C-143/99, Rec. CJCE, I, p. 8365) puis la Cour constitutionnelle de Lituanie (CJCE, 9 octobre 2008, Sabatauskas e. a., Aff. C-239/87, Rec. CJCE, I, p. 7523). Si la Cour d’arbitrage belge, devenue Cour constitutionnelle en 2007, a de nouveau saisi la cour a de plusieurs reprises notamment sur la décision cadre (CJUE, 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld VZW contre Leden van de Ministerraad, Aff. n°C-303/05), il faut ensuite ajouter, toujours sur cette même décision cadre, le Tribunal constitutionnel espagnol (CJUE, 26 février 2013, Stefano Melloni contre Ministerio fiscal, Aff. n°C-399/11) et la Cour suprême de Finlande (CJUE, 28 juin 2012, Melvin West, Aff. n°C-192/12) ; Voir, pour l’ensemble de ces recours, D. Ritleng, « Cours constitutionnelles nationales et renvoi préjudiciel », Mélanges Molinier, Paris, LGDJ, 2012, p. 585).
Les recours des autres autorités constitutionnelles depuis la saisine du Conseil constitutionnel
713 • Si le dialogue a été relancé par le Conseil constitutionnel français, il faut ajouter depuis aujourd’hui les recours effectués par les Cours constitutionnelles allemande et italienne. La Cour constitutionnelle fédérale allemande a saisi la CJUE d’une question préjudicielle par une décision du 14 janvier 2014 (Cour constitutionnelle fédérale du 14 janvier 2014, 2 BvR 2728/13, 2 BvR 2729/13, 2 BvR 2730/13, 2 BvR 2731/13, 2 BvE 13/13, 2 BvR 2728/13, Voir F.-C. Mayer, « La décision de la Cour constitutionnelle fédérale allemande relativement au programme OMT – Rebelles sans cause ? Une analyse critique du renvoi de la Cour constitutionnelle fédérale allemande dans le dossier des OMT », RTDE 2014, p. 683 ou S. Dahan, O. Fuchs, et M.-L. Layus, « Whatever it takes ? A propos de la décision OMT de la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne », AJDA 2014, p. 1311). L’arrêt Gauweiler, rendu par la Cour de justice le 16 juin 2015 (CJUE 16 juin 2015, Gauweiler contre Deutscher Bundestag, Aff. C-62/14) marque un moment important dans les rapports entre la CJUE et la Cour de Karlsruhe jusque-là réticente à reconnaître sa qualité de « juridiction d’un Etat membre » aux fins de l’article 267 TFUE. La Cour constitutionnelle, a globalement suivi la Cour de justice (Cour constitutionnelle fédérale, 21 juin 2016, 2 BvR 2728/13 et autres) en rappelant la position adoptée par la CJUE et les limites que celle-ci a établies mais elle a aussi relevé certaines faiblesses et risques dans son raisonnement La Cour constitutionnelle italienne termine cette longue liste de tribunaux ou cours constitutionnelles ayant posé une question préjudicielle à la Cour de justice (Cour constitutionnelle de la République italienne, ord., 18 juillet 2013, n° 207 ; CJUE, 26 novembre 2014, Raffaella Mascolo e.a. contre Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca et Comune di Napoli, Aff. jointes C-22/13, C-61/13 à C-63/13 et C-418/13). À la différence des cas précédents, il ne s’agit pas d’une première absolue puisque celle-ci avait déjà saisi la CJUE en 2008 (Cour constitutionnelle de la République italienne, ord., 13 février 2008, n°103 ; CJCE, 17 novembre 2009, Presidente del Consiglio dei Ministri contre Regione Sardegna, Aff. n°C-169/08). Cette première saisine était cependant due à la configuration particulière de la procédure pour préserver une interprétation uniforme du droit de l’Union entre le niveau étatique et le niveau régional (Voir, pour plus d’explications, L. d’Ambrosio, « La Cour constitutionnelle italienne saisit pour la première fois la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d’une question de constitutionnalité », RTDE 2014, p. 241). Les saisines se multiplient depuis et la question du dialogue entre les deux juges ne se pose plus, on peut citer la Cour constitutionnelle du Luxembourg (CJUE, 8 mars 2017, Arcelor Mittal Rodange et Schifflange SA contre Etat du Grand-Duché de Luxembourg, Aff. n°C-321/15), la Cour constitutionnelle de Pologne (CJUE, GC, 7 mars 2017, Rzecznik Praw Obywatelskich [RPO], Aff. n° C-390/15), la juridiction constitutionnelle de Malte CJUE, GC, 20 avril 2021, Repubblika contre Il-Prim Ministru, Aff. n°C-896/19) et, bien sûr, les saisines répétées, par exemple, des cours italienne (Par ex., CJUE, 2 septembre 2021, O.D. et autres contre Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS), Aff. n° C-350/20) ou belge (CJUE, 21 décembre 2020, Orde van Vlaamse Balies et autres, Aff. n°C-694/20).
v) Un début de dialogue entre les Cours constitutionnelles et la CJUE qui s’accompagne paradoxalement d’un renforcement du contrôle constitutionnel
L’identité constitutionnelle nationale peut justifier une mise à l’écart du droit de l’Union pour protéger les droits fondamentaux
714 • L’arrêt rendu en 2015 par le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe (Cour constitutionnelle allemande, 15 décembre 2015, 2 BvR 2735/14 ; Voir M. Guiresse, « Quand le juge constitutionnel allemand encadre la confiance mutuelle : réflexions sur le juge européen des droits fondamentaux », CRDE, www.gdr-elsj.eu, 8 février 2016 ; S. Kaufmann, « Le Bundesverfassungsgericht et les limites à la primauté du droit de l’Union. Confrontation ou complémentarité dans l’intégration européenne ? », RTDE 2017, p. 59 ou A. Gaillet, « Confiance et méfiance autour du mandat d’arrêt européen », AJDA 2016, p. 112 et suiv.) est révélateur du renforcement paradoxal du contrôle constitutionnel. Le juge constitutionnel allemand affirme, pour la première fois, dans un domaine exclusivement couvert par le droit de l’Union, que la protection des droits fondamentaux peut exiger le contrôle de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen par rapport au respect de « l’identité constitutionnelle » allemande. La décision est ainsi directement contraire au droit de l’Union. La CJUE adopte, en l’espèce, une jurisprudence qui vise à empêcher la mise en échec du système lié à la réalisation de l’Espace de Liberté, de Sécurité et de Justice. Elle fait souvent primer, pour favoriser l’efficacité du système, le principe de primauté du droit de l’Union sur une protection maximale des droits fondamentaux se contentant souvent d’un standard de protection minimum alors jugé suffisant. On peut citer, à titre d’exemple, l’arrêt « Radu » rendu en 2013 (CJUE, GC, 29 janvier 2013, Ciprian Vasile Radu, Aff. n°C-396/11 ; Voir L. Delgado, « Droits fondamentaux et reconnaissance mutuelle : une jurisprudence troublante ou simplement prudente ? », CRDE, www.gdr-elsj.eu, 2 février 2013) où le juge de l’Union se contente d’appliquer strictement la décision-cadre tout en refusant de se prononcer, de façon plus large, sur le rôle des droits fondamentaux dans les procédures qui impliquent des mécanismes de reconnaissance mutuelle entre les Etats Membres. Pour la Cour, une violation des droits fondamentaux ne peut constituer un motif de non-exécution d’un mandat d’arrêt européen que dans des cas limités (§ 38) sous peine de mettre « en échec le système » (§40). Ce qui doit primer, c’est le principe de reconnaissance mutuelle. Toujours en 2013, la CJUE a statué de nouveau en faveur de l’exécution du mandat d’arrêt européen en subordonnant la protection des droits fondamentaux aux exigences de la primauté du droit de l’Union. Au nom de la reconnaissance mutuelle, elle reconnait, dans son arrêt « Melloni » (CJUE, GC, 26 février 2013, Stefano Melloni contre Ministerio Fiscal, Aff. n°C‑399/11), qu’une autorité nationale ne saurait soumettre l’exécution d’un mandat d’arrêt à d’autres exigences que celles limitativement énumérées dans la décision-cadre. L’article 53 CDFUE ne saurait donc autoriser un Etat à faire prévaloir un standard de protection plus élevé, et ce, au nom de la nécessaire primauté et uniformité du droit de l’Union (Cf., par exemple, M. Benlolo Carabot, « Mandat d’arrêt européen : la protection des droits fondamentaux subordonnée aux exigences de la primauté du droit de l’Union européenne », Lettre du CREDOF 2013, 22 mars, www.combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr [En ligne]).
Une volonté de recherche d’une protection maximale, au final, non contraire au droit de l’Union et qui reste fondée sur le principe de confiance mutuelle
715 • La décision allemande précitée est contraire au principe de primauté et amène à une non- application du droit de l’Union mais la démarche du juge d’outre-Rhin reste fondée sur le principe de confiance mutuelle. Tout en recherchant une protection « maximale » plutôt qu’une protection « suffisante », « le juge constitutionnel allemand tente toujours de faire pencher la balance en faveur du dialogue » et « veille à utiliser les sentiers tracés par la CJUE » (L. Delgado, « Droits fondamentaux et reconnaissance mutuelle : une jurisprudence troublante ou simplement prudente ? », précité) d’autant que la décision finale reste en faveur du droit de l’Union. En ce sens, il ouvre la voie à de futurs contrôles similaires au sein de chaque ordre juridique national. Si le Conseil constitutionnel français n’a jamais mis en œuvre son contrôle exceptionnel fondé sur l’identité constitutionnelle, il pourrait, dans le futur s’inspirer de la décision du juge constitutionnel allemand et, comme lui, « participer à la détermination (si ce n’est la délimitation) du principe de confiance mutuelle » (En ce sens, L. Delgado, article précité). Mais la démarche reste complémentaire, il n’y a pas d’obstacle à l’intégration européenne mais plutôt un travail en commun pour garantir la force du système. Le travail du juge constitutionnel dans la protection des droits fondamentaux s’insère ainsi dans le modèle pluraliste des niveaux de protection. En établissant le contenu du niveau de protection national, il peut aussi procéder à une analyse approfondie de la jurisprudence de la CourEDH et imposer, au moins indirectement, le niveau de protection garanti par la ConvEDH dans un contexte où l’Union a notamment refuser de valider son adhésion à la ConvEDH. Le but est de viser une « concordance matérielle » au niveau du triangle de protection des droits fondamentaux. Comme le contrôle s’effectue dans un souci de dialogue et non de confrontation, celui-ci « peut […] affermir le caractère démocratique de l’action de l’Union sans pour autant nécessairement l’entraver » et renforcer ainsi la légitimité de l’action de l’Union (Cf. S. Kaufmann, « Le Bundesverfassungsgericht et les limites à la primauté du droit de l’Union. Confrontation ou complémentarité dans l’intégration européenne ? » précité).
Un rappel de la prééminence constitutionnelle : la 1ère application, le 5 mai 2020, du contrôle ultra vires par le Tribunal constitutionnel allemand (1)
715-1 • Le contrôle ultra vires a pour fondement l’article 23 de la Loi fondamentale allemande qui exige l’attachement de l’Union au principe de subsidiarité. Cela inclut, pour le tribunal constitutionnel allemand, la question du principe d’attribution qui vise à limiter les pouvoirs de l’Union à des compétences définies explicitement. Sur la base de cette théorie, le tribunal fédéral se réserve le droit de déclarer inapplicable en Allemagne un acte juridique de l’Union qui outrepasse ces compétences, cet acte n’étant pas couvert par la loi allemande d’approbation du traité. Il faut, globalement, au niveau matériel, une violation évidente et structurelle de la répartition des compétences et, au niveau procédural, un renvoi obligatoire devant le juge de l’Union en cas de suspicion du dépassement des compétences (Cf. C. Langefeld, « La jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle allemande relative au droit de l’Union européenne », Titre VII 2019, n° 2, De l’intégration des ordres juridiques : droit constitutionnel et droit de l’Union européenne, [En ligne], avril). Un tel contrôle doit être exceptionnel et le juge allemand s’impose une attitude de retenue en tenant compte de la méthode d’interprétation spécifique du juge de l’Union et d’une certaine marge d’erreur. Le Tribunal allemand avait déjà initié la procédure dans le cadre de la procédure « OMT » (Outright Monetary Transactions) en septembre 2012 en vertu de laquelle les banques centrales de la zone euro auraient pu acheter des titres émis par des États membres faisant l’objet d’une assistance financière (Chypre, Grèce, Espagne, etc.), mais celle-ci n’a jamais été mise en œuvre, le Tribunal avait posé sa première question préjudicielle au juge de l’Union qui y avait répondu par l’arrêt « Gauweiler » (CJUE, GC, 16 juin 2015, Gauweiler contre Deutscher Bundestag, Aff. n°C-62/14). Il a finalement fini par passer à l’acte à propos des décisions de la BCE autorisant le rachat de la dette grecque. Cette fois, le Tribunal constitutionnel allemand s’est écarté de la solution retenue par la Cour de justice (CJUE, GC, 11 décembre 2018, Weiss et autres, Aff. n°C-493/17) et a estimé la décision « PSPP » (programme d’achat d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires) de la BCE incompatible avec le Traité (BVerfG, 5 mai 2020, 2 BvR 859/15, 2 BvR 1651/15, 2 BvR 2006/15, 2 BvR 980/16, Voir, par ex., J.-C. Zarka, « L’arrêt du 5 mai 2020 de la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne concernant le programme PSPP de la Banque centrale européenne », LPA 2020, 3 juillet, n°154, p.7 ; F. Martucci, « La BCE et la Cour constitutionnelle allemande : comprendre l’arrêt du 5 mai de la Cour constitutionnelle allemande », 11 mai 2020, https://blog.leclubdesjuristes.com ; F. Martucci, « La BCE et la Cour constitutionnelle allemande : souligner les paradoxes de l’arrêt du 5 mai de la Cour constitutionnelle allemande », 11 mai 2020, https://blog.leclubdesjuristes.com).
Un rappel de la prééminence constitutionnelle : la 1ère application, le 5 mai 2020, du contrôle ultra vires par le Tribunal constitutionnel allemand (2)
715-2 • La décision du 5 mai 2020 a été approuvée par la majorité de la doctrine de droit public allemand mais elle a été rejetée par l’essentiel de la doctrine des autres Etats membres (voir, par ex., V. Galetta et J. Ziller, « Les violations flagrantes et délibérées du droit de l’Union par l’arrêt « inintelligible » et « arbitraire » du Bundesverfassungsgericht dans l’affaire Weiss », RTDE 2020, n°4, octobre-décembre 2020, p. 855 et suiv.) qui a notamment souligné le fait qu’on peine à voir en quoi, par l’adoption du PSPP, la BCE aurait méconnu d’une façon si grave le Traité que la doctrine de l’ultra vires serait applicable et qu’on ne voit pas non plus en quoi le juge de l’Union n’a pas exercé son office juridictionnel en restreignant son contrôle. Le juge allemand, pour certains, « semble confondre attribution des compétences et exercice des compétences ou, du moins, retenir une conception de la théorie des compétences différente de celle appliquée par la Cour de justice » (F. Martucci, « La BCE et la Cour constitutionnelle allemande : comprendre l’arrêt du 5 mai de la Cour constitutionnelle allemande », op. cit.). La décision allemande peut, en effet, être perçue comme étant assez radicale, elle constitue le seul exemple d’application de ce contrôle « ultra vires » (avec une décision de la Cour constitutionnelle tchèque : Décision de l’Ústavní Soud, 31 janvier 2012, « Holubec », Pl. 05/12, voir, par ex., M. Lickova, « Quand la Cour constitutionnelle tchèque défie la CJUE sur les pensions vieillesse », Constitutions 2012, avril-juin n°2, p. 304 et suiv. ou une décision de la Cour suprême danoise du 6 décembre 2016, n°15/2014, Dansk Industri (DI) acting for Ajos A/S vs. The estate left by A http://www.supremecourt.dk où la Cour suprême danoise a limité la portée des engagements danois en concluant sur le fait que les principes établis par la CJUE n’étaient pas contraignants car ils ne s’appuyaient pas sur une disposition spécifique du traité). La décision allemande envoie un mauvais signal à un moment où, politiquement, on essaye de régler le problème des « démocraties illibérales » au sein de l’Union (Pologne, Hongrie, etc…). La décision du Conseil d’Etat, French Data Work, mentionné précédemment, malgré son caractère ambigu, une décision qui favorise plutôt le dialogue des juges. En rejetant catégoriquement les conclusions en défense et la demande du gouvernement sur ce point, le juge administratif se désolidarise du juge constitutionnel allemand ou tchèque et reconnait implicitement un monopole du juge de l’Union dans l’interprétation authentique du traité (En ce sens, J. Ziller, « Le Conseil d’Etat se refuse d’emboiter le pas au joueur de flûte de Karlsruhe », https://blogdroiteuropeen.com, 23 avril 2021).
Des jurisprudences de la Cour de justice qui légitiment les décisions de protection des juges constitutionnels nationaux : la jurisprudence « Aranyosi »
716 • Il faut citer, ici, un arrêt de la Grande chambre de la CJUE qui, suite à une question préjudicielle posé par le juge ordinaire allemand dans le cadre de mesures d’exécution du mandat d’arrêt européen, a marqué une inflexion mesurée de sa jurisprudence (CJUE, 5 avril 2016, Pál Aranyosi et Robert Căldăraru, Aff. jointe n° C-404/15 et C-659/15 Voir M. Guiresse, « Confiance mutuelle et mandat d’arrêt européen : évolution ou inflexion de la Cour de justice ? », CDRE, www.gdr-elsj.eu, 12 avril 2016). Dans un contexte tendu entre les défenseurs des droits fondamentaux et les gardiens du principe de confiance mutuelle et alors que la CJUE s’était montré jusqu’alors intraitable à travers sa solution de principe excluant toute atteinte à l’autorité du droit de l’Union, elle ouvre une exception au régime général d’automaticité des remises du mandat d’arrêt justifiée par la protection des droits fondamentaux. L’exécution d’un mandat d’arrêt européen doit, en effet, être reportée s’il existe un risque réel de traitement inhumain ou dégradant (au sens de l’article 3 ConvEDH) en raison des conditions de détention de la personne concernée dans l’Etat membre d’émission du mandat (en lien avec la jurisprudence de la CourEDH qui a conduit à la condamnation de la Hongrie et de la Roumanie, pour violation de l’article 3 ConvEDH, en raison de la surpopulation carcérale dans leurs établissements pénitentiaires : CourEDH, 10 mars 2015, Varga et autres contre Hongrie, req. n° 14097/12 et autres ; CourEDH, 10 juin 2014, Vociu contre Roumanie, req. n°22015/10 ; CourEDH, Bujorean contre Roumanie, req. n°13054/12 ; CourEDH, Constantin Aurelian Burlacu contre Roumanie, req. n°51318/12 et Mihai Laurentiu Marin contre Roumanie, req. n°79857/12). Même si la logique de la jurisprudence précédente de la Cour de justice n’est pas remise en cause (l’intensité de la protection n’est pas évoquée dans l’arrêt, il s’agit juste de concilier le respect du principe de primauté avec celui de la protection d’un droit fondamental), la décision légitime la jurisprudence de la Cour constitutionnelle allemande.
Des jurisprudences de la Cour de justice qui légitiment les décisions de protection des juges constitutionnels nationaux : la jurisprudence « LM »
717 • Dans l’arrêt « Aranyosi », la CJUE a admis que le « risque réel et avéré » que la personne visée par le mandat subisse, dans l’Etat d’émission, des traitements inhumains ou dégradants, puisse justifier une exception au jeu de la reconnaissance mutuelle. L’arrêt « LM » pris en 2018 (CJUE, GC, 25 juillet 2018, LM, Aff. n°C-216/18 PPU) a permis à la Cour de confirmer sa jurisprudence tout en la complétant dans l’hypothèse d’un risque d’atteinte à un droit fondamental non absolu, en l’occurrence le droit à un procès équitable. En agissant de la sorte, la CJUE s’engage résolument dans le dialogue des juges, une approche procédurale commune en Europe et la défense, parallèle, de l’Etat de droit Voir, pour une approche générale en la matière : J. Leblois-Happe, « La Cour de justice de l’Union européenne et la protection des droits fondamentaux dans la mise en oeuvre de la reconnaissance mutuelle en matière pénale », AJ pénal 2019, p. 302 et suiv. ; M. Massé, « La construction de la jurisprudence de la Cour de justice en matière pénale », AJ pénal 2019, p. 296 et suiv. ; B. Nicaud, « La reconnaissance mutuelle… jusqu’où ? », AJ pénal 2019, p. 299 et suiv. ; E. Daoud, « L’influence de la jurisprudence de la CJUE sur le droit pénal général et fiscal », AJ pénal 2019, p. 308 et suiv.). Non seulement, elle admet la possibilité de ne pas exécuter un MAE à un droit non absolu mais elle adopte un critère identique à celui du juge européen qui retient le critère du « déni de justice flagrant » pour qu’un Etat soit tenu de ne pas expulser ou extrader une personne (Voir, par ex., CourEDH, 7 juillet 1989, Soering contre Royaume-Uni, req. n°14038/88, § 113 ; CourEDH, 24 juillet 2014, Al Nashiri contre Pologne, req. n°28761/11, § 456 et §562 à 564 ; CourEDH, 15 juin 2017, Harkins contre Royaume-Uni, req ; n°71537/14, § 62). Le juge européen ne se contentant pas, s’agissant du droit à un procès équitable, d’un simple risque réel de traitement contraire comme elle le fait pour l’interdiction des peines ou traitements inhumains ou dégradant de l’article 3 ConvEDH (CourEDH, 28 février 2008, Saadi contre Italie, req. n°37201/06, § 125).
vi) Une prise en compte accrue du droit de l’Union dans le cadre du contrôle de constitutionnalité : l’exemple des premières censures de discriminations à rebours ou par ricochet
La mise en cause du législateur national quand il traite mal ses ressortissants par rapport aux ressortissants européens : la décision « Metro Holding France »
718 • La confrontation entre le droit interne et le droit de l’Union procède essentiellement des lois de transposition des directives. Dans ce cadre, l’intervention du législateur peut parfois se révéler insuffisante voire contraire aux droits fondamentaux protégés par le TFUE dans le respect desquelles les Etats membres doivent exercer leur compétence erronée. C’est le cas, par exemple, lorsque le texte de loi impose une condition d’application que la directive ne prévoit pas, ou s’avère purement et simplement contradictoire avec ladite directive. Il en va de même si le législateur maintient un dispositif dont la compatibilité avec le droit de l’Union apparaît, pour le moins, contestable. Par tradition, le Conseil constitutionnel s’est toujours plus ou moins tenu à l’écart des répercussions du droit de l’Union sur le droit interne. Néanmoins, l’interpénétration croissante des deux droits a conduit ce dernier à prévenir certains déséquilibres. Le juge constitutionnel français a, ainsi, censuré, pour la première fois dans la décision « Métro Holding France » (CC, n° 2015-520 QPC, 3 février 2016, Société Metro Holding France SA venant aux droits de la société CRFP Cash [Application du régime fiscal des sociétés mères aux produits de titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote], JO, 5 février 2016, texte n° 76), la discrimination à rebours ou par ricochet qui résulte d’une situation que l’on rencontre lorsqu’un législateur national traite plus mal ses propres ressortissants que les ressortissants européens (Cf. Supra n°619 et suiv.). En agissant de la sorte, le Conseil ne renonce pas à sa jurisprudence IVG, pas plus qu’il n’abandonne sa jurisprudence en matière de contrôle des lois nationales de transposition des directives européennes qu’on a pu examiner précédemment mais il accepte de contrôler, à la faveur de la doctrine du « droit vivant », les conséquences de l’application de la directive par les juges du fond. C’est à cette condition qu’il a pu estimer que le législateur, en faisant le choix de ne pas supprimer la discrimination induite par l’application de la directive, avait porté atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques. Un pas supplémentaire dans le dialogue des juges et la lente marche vers l’admission d’un contrôle de conventionnalité est ainsi effectué par cette prise en compte accrue du droit de l’Union dans le cadre du contrôle de constitutionnalité.
Un droit français conforme à la directive mais contraire au principe constitutionnel supérieur d’égalité
719 • La discrimination à rebours résultait, dans l’arrêt précité, d’une disposition sensible du régime fiscal français des sociétés mères-filles (option fiscale qui permet aux sociétés mères de bénéficier de l’exonération des dividendes reçus de la part de leurs filiales, sous réserve de la taxation d’une quote-part de frais et charges d’un montant de 5 %. Il permet ainsi de prévenir les doubles impositions économiques, en évitant que les bénéfices imposés au niveau d’une filiale soient de nouveau soumis à imposition au niveau de la société mère après distribution) qui excluait du régime favorable le produit des titres dépourvus de droit de vote, sauf détention de plus de 5 % du capital. Le Conseil d’Etat refusait jusque-là d’appliquer cette règle pénalisante à l’encontre des groupes européens. L’harmonisation du régime fiscal étant limitée aux seuls groupes implantés dans plusieurs États membres de l’Union, les groupes purement français demeuraient intégralement soumis au droit français, même si le régime était moins favorable que le droit européen (CE 27 juin 2008, Société d’exploitation des sources Roxane, req. n°276848, Droit fiscal 2008, n°38, comm. n°492, concl. L. Olléon ou CE, 20 février 2012, Société Participasanh, req. n°321224, Droit fiscal 2012, n°17, comm. n°276, concl. D. Hedari et note O. Fouquet). La jurisprudence du Conseil d’Etat semblait bien assise (il a même refusé de transmettre une « QPC » qui reposait sur le principe d’égalité : CE, 15 décembre 2014, SA Technicolor, req. n°380942, Rec. CE, p. 387) mais la visibilité de l’inégalité a néanmoins amené ce dernier à saisir le Conseil d’une QPC (CE, 12 novembre 2015, Metro Holding, req. n°367256, Droit fiscal 2015, n°49, comm. n°717, concl. B. Bohnert). Ce dernier ne pouvait pas agir par le biais d’une question préjudicielle car la CJUE a souvent rappelé qu’il n’y a pas violation du droit de l’Union, la discrimination à rebours n’est pas justiciable du droit européen, elle ne peut être examinée qu’au regard des différents droits nationaux (par ex., en matière de libre circulation des marchandises, CJCE, 20 janvier 1985, Association des Centres distributeurs Édouard Leclerc et autres contre SARL « Au blé vert » et autres, Aff. n°C-229/83, Rec. CJCE, p. 1ou CJUE, 7 février 1984,Jongeneel Kaas BV et autres contre État néerlandais et Stichting Centraal Orgaan Zuivelcontrole, Aff. n°C-237/82, Rec. CJCE, p. 483 ou en matière de libre circulation de personnes, CJCE, 28 janvier 1992, Volker Steen contre Deutsche Bundespost, Aff. n°C-332/901992 I-00341). Pour mettre un terme à la situation, le Conseil a finalement extrait du droit français, pourtant conforme à la directive, un principe supérieur et constitutionnel d’égalité, qui n’avait que très rarement été utilisé à l’encontre des discriminations à rebours.
Un raisonnement transposé dans le cadre des discriminations par ricochet mais appliqué par le Conseil d’Etat : les décisions « Jacob », « APSIS » ou « AFEP »
720 • Le raisonnement reposant sur la jurisprudence « Metro Holding » a, par la suite, été invoqué par les contribuables afin de contester, au regard du principe constitutionnel d’égalité, les différentes « discrimination par ricochet » subies (ces discriminations pouvant se définir comme le fait de discriminer une personne à raison des caractéristiques présentes chez autrui ; ex : refus d’embauche d’un individu à raison des activités syndicales de son conjoint). C’est ainsi que le Conseil d’Etat s’est prononcé à plusieurs reprises notamment à travers la décision Jacob (CE, Ass., 31 mai 2016, M. Jacob, req. n°393881,RFDA 2016, p. 989, concl. E. Cortot-Boucher, p. 1003, note H. Labayle et R. Mehdi, JCP 2016, A, n°759, note B. Bonnet et n°2077, comm. A. Dilloard, DA 2016, comm. n°51, note G. Eveillard, Droit fiscal 2016, n°37, comm. n°476, note D. Gutman et S. Austry, AJDA 2016, p. 1392, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet, RTDE 2017, p. 39, étude A. Jauréguiberry et p. 314, chron. D. Ritleng) ou les décisions « Société APSIS » ou « AFEP » (CE, 27 juin 2016, Société APSIS, req. n°398585 et Association française des entreprises privées (AFEP) et autres, req. n°399024, AJDA 2016, p. 1244, note V. Barbé, Droit fiscal 2016, n°27, comm. n°397, concl. N. Escaut) sur des QPC soulevées dans cette configuration. Il a été paradoxalement conduit à refuser de transmettre ces QPC alors que la question de la conformité des dispositions contestées au droit de l’Union soulevait une difficulté sérieuse. Pourquoi ? Dans l’affaire « Jacob », la reconnaissance du caractère sérieux de la QPC dépendait de l’interprétation de la directive applicable en l’espèce et nécessitait que soit, au préalable, posé une question préjudicielle à la Cour de justice. C’est le juge administratif, lui-même, qui allait faire le choix de poser la question préjudicielle sans renvoyer la QPC en devançant le Conseil qui venait pourtant de montrer qu’il pouvait lui aussi poser la question dès lors qu’il était saisi de la QPC. La solution rendue par le Conseil d’Etat est, en ce sens, complexe. Malgré les difficultés liées à la combinaison des délais et des obligations respectives des deux procédures, le Conseil d’Etat préfère ne pas transmettre au juge constitutionnel et garder le contrôle de la procédure (Cf. pour l’ensemble supra n°620 et suiv.).
Une absence de transmission au juge constitutionnel qui préserve l’agencement des procédures et montre l’intérêt du dialogue des juges
721 • C’est d’abord une double exigence constitutionnelle qui impose cette façon de procéder. C’est le Conseil d’Etat qui est juge du filtre dans les moyens constitutionnels invoqués (art. 61-1) et c’est lui qui est désigné comme interprète du droit de l’Union (art. 267 TFUE). Enfin, il y a immanquablement un mélange en l’espèce entre contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité (Cf. Supra n°619) qui, si la question avait été posée au Conseil, aurait amené ce dernier à opérer de facto un contrôle de conventionnalité ce qu’il s’est toujours refusé de faire jusqu’à maintenant (Cf. Pour les deux éléments cités : A. Dilloard, « Embouteillages au Palais Royal ou quand le Conseil d’Etat doit attendre le feu vert de la CJUE pour transmettre une QPC », JCP 2017, A, n°2077). Enfin, pour régler la question du délai de trois mois et des critères de la QPC non remplis tenant au caractère nouveau et sérieux de la question posée puisque dépendant de la réponse de la CJUE, le Conseil d’Etat décide, qu’en l’état la question n’est pas sérieuse ce qui le conduit à refuser le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel. Cela lui permet ensuite de saisir la CJUE de l’interprétation du droit communautaire dérivé pour, enfin, et à la vue de l’interprétation donnée, pouvoir être saisi de nouveau de la même QPC qui pourrait être, entre-temps, devenue sérieuse. L’arrêt permet ainsi tout à la fois de préserver l’obligation de renvoi préjudiciel (art. 267 TFUE) et la jurisprudence « Melki et Abdeli » amenant à ce que le juge national puisse à tout moment poser une question préjudicielle. Mais il permet, aussi, paradoxalement, de préserver le caractère prioritaire de la QPC (pas de suspension de la QPC en attendant la réponse de la CJUE) tout en préservant les droits du requérant en lui donnant la possibilité de poser une nouvelle QPC. Tout l’intérêt du dialogue des juges.
vii) Le danger du dialogue conflictuel avec les cours constitutionnelles des démocraties illibérales : l’exemple polonais
Une mise au pas du Tribunal constitutionnel, du pouvoir judiciaire et de l’Etat de droit par le pouvoir exécutif polonais
721-1 • Les débats entre la force juridique des décisions de l’Union et des positions plus ou moins souverainistes ne cessent aujourd’hui de prendre de l’ampleur. On a déjà beaucoup parlé des positions, plus ou moins fermes ou plus ou moins confuses, de certaines vieilles démocraties européennes (Allemagne, France, Italie, Danemark) mais c’est dans le cadre des démocraties illibérales que les prises de positions anti droit de l’Union sont les plus virulentes. Ceci, malgré les positions plus souples prises par le juge de l’Union en la matière (par ex., CJUE, 15 avril 2016, Pál Aranyosi et Robert Căldăraru précité). L’exemple polonais est à cet égard symptomatique dans la mise en cause des valeurs de l’Union et de l’Etat de droit (Voir, par ex., L. Pech et S. Platon, « Menace systémique envers l’Etat de droit en Pologne : entre action et procrastination », Fondation Robert Schuman, Question d’Europe, 13 novembre 2017, n° 451, p. 6 et suiv. ; R. Krakovsky, « L’Etat de droit en Pologne et en Hongrie – Un défi pour l’Europe », https://www.institutmontaigne.org, 16 décembre 2020). Les conservateurs arrivés au pouvoir en 2015 ont, dès leur arrivée, entrepris de réformer le statut du Tribunal constitutionnel polonais. Ce sont les règles de fonctionnement qui ont d’abord été modifiés comme, par exemple, les règles relatives à la condition de majorité pour prendre une décision. Puis, après le refus de nommer les juges élus par la majorité précédente, le pouvoir en place a, de manière sujette à critiques, procédé à de nouvelles nominations et à une nouvelle présidence. C’est le pouvoir judiciaire qui a, ensuite, fait l’objet de réformes avec l’abaissement de l’âge de départ à la retraite des juges de la Cour suprême et des juges ordinaires. Enfin, l’équivalent polonais du Conseil supérieur de la magistrature a vu ses membres se faire désormais élire non pas par leurs pairs mais par les députés forcément proches du pouvoir en place. L’instance n’est plus en ce sens indépendante par rapport au pouvoir alors qu’elle est, d’autant plus, notamment chargée de nommer les membres de la nouvelle chambre disciplinaire à la Cour suprême. Pour terminer, c’est la notion même de faute disciplinaire qui a été étendue pour pouvoir plus facilement mettre en cause une décision de justice et il a été décidé aussi que seule la nouvelle chambre du contrôle extraordinaire et des affaires publiques se voit avoir la compétence de statuer sur le principe d’indépendance de la justice.
La mobilisation du juge de l’union dans la protection de l’Etat de droit
721-2 • Devant les atteintes répétées à l’Etat de droit, c’est d’abord la procédure de l’article 7 TUE et son mécanisme de prévention qui a été activé contre la Pologne. La majorité des 3/5ème des Etats membres ayant constaté qu’il existe un risque clair de violation grave des valeurs de l’Union. Mais la procédure est restée au point mort, le Conseil de l’UE n’ayant jamais constaté par un vote le « risque clair de violations » des valeurs européennes malgré de nombreuses auditions du pays concerné. Si la Commission a proposé un autre mécanisme de sanctions visant à conditionner l’octroi des fonds européens au respect des valeurs de l’Union (il a été approuvé par le Conseil et le Parlement à la fin 2020), c’est surtout le juge de l’Union qui s’active pour protéger l’Etat de droit (Voir, par ex., F. Benoît-Rohmer, « La Pologne, la Cour de Justice et l’Etat de droit : une histoire sans fin ? », Europe des Droits & Libertés 2020, mars, n°1, p. 136 et suiv.). La Pologne a ainsi, sur le fondement de l’article 19-1 alinéa 2 TUE, été condamnée à plusieurs reprises en 2019 (CJUE, GC, 24 juin 2019, Commission contre Pologne, Aff. n° C-619/18 ; CJUE, GC, 5 novembre 2019, Commission contre Pologne, Aff. n° C-192/18) et, dernièrement, en 2021 (CJUE, 15 juillet 2021, Commission contre Pologne, Aff. n° C-791/19) pour avoir adopter une mesure nationale susceptible de porter atteinte à l’indépendance des juges nationaux (Voir, en ce sens, l’arrêt de principe permettant cette condamnation et inaugurant la jurisprudence : CJUE, GC, 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses contre Tribunal de Contas, Aff. n° C-64-16). Le juge de l’Union a aussi agi par le biais des questions préjudicielles en mettant en cause l’indépendance de la Cour suprême ou de l’équivalent polonais du Conseil supérieur de la magistrature (KRS) (CJUE, GC, du 19 novembre 2019, A. K. contre Krajowa Rada Sądownictwa et CP et DO contre Sąd Najwyzszy, Aff. n°C-585/18, C-624/18 et C-625/18 ; CJUE, GC, 2 mars 2021 A.B. et autres contre Krajowa Rada Sądownictwa, Aff. n°C-824/18). En effet, c’est en réaction à l’arrêt rendu le 2 mars 2021 que le Premier ministre polonais a déposé, le 29 mars 2021, une requête auprès du Tribunal constitutionnel pour faire constater que le juge de l’Union avait outrepassé ses compétences en s’immisçant dans la réforme judiciaire engagée par la Pologne.
Une volonté conséquente du juge constitutionnel polonais de remettre en cause la primauté du droit de l’Union : la décision K 3/21 du 7 octobre 2021
721-3 • Si le fait d’affirmer la suprématie de la Constitution nationale sur le droit de l’Union n’est pas inédit, la volonté manifestée le 7 octobre 2021 (décision K3/21, voir, par ex., F. Martucci, « La Pologne et le respect de l’État de droit : quelques réflexions suscitées par la décision K 3/21 du Tribunal constitutionnel polonais », https://blog.leclubdesjuristes.com, 15 octobre 2021 ou A. Martin, « L’indépendance de la justice en Pologne : la guerre des juges aura bien lieu. À propos de la décision K 3/21 du Tribunal constitutionnel polonais du 7 octobre 2021 déclarant inconstitutionnelles certaines dispositions du droit primaire de l’UE », Blog droit européen Working Paper, octobre 2021, https://wp.me/p6OBGR-4cT) par le juge constitutionnel polonais va dépasser dans une large mesure ce qui avait déjà pu exister. Le gouvernement polonais a, en effet, demandé au tribunal d’opérer un contrôle pour s’assurer que le juge de l’Union n’agissait pas « ultra vires » dans son interprétation d’un certain nombre de dispositions du TUE (art. 1er alinéa 1 et 2 en liaison avec l’art.4-3, art.19-1 alinéa 2 et l’article 2) mettant en cause l’indépendance du système judiciaire polonais. En répondant par l’affirmative au contrôle demandé, ce n’est pas une décision ou un arrêt spécifique, comme par le passé, qui est, en l’espèce, mis en cause mais bien une part substantielle du droit de l’Union, une part d’importance constitutionnelle qui porte sur les valeurs de l’Union. De plus, comme le relève Sébastien Platon, « l’interprétation de la Constitution ne peut être tenue comme une interprétation authentique » puisque le tribunal polonais n’est pas « un tribunal établi par la loi » au sens du droit européen et qu’il s’est lui-même déclaré comme étant irrégulièrement composé avant de perdre son indépendance. Le juge européen a d’ailleurs confirmé cet état de fait (CourEDH, 7 mai 2021, Xero Flor w Polsce sp. z o.o. contre Pologne, req. n°4907/18, voir, par ex., L. Milano, « La Pologne sous le feu des condamnations européennes », https://blog.leclubdesjuristes.com, 27 mai 2021).
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