Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 juin 1996, par MM Claude Estier, Guy Allouche, François Autain, Germain Authié, Mmes Monique ben Guiga, Maryse Bergé-Lavigne, MM Jean Besson, Jacques Bialski, Pierre Biarnes, Marcel Bony, Jean-Louis Carrère, Robert Castaing, Francis Cavalier-Benezet, Michel Charasse, Marcel Charmant, Michel Charzat, William Chervy, Raymond Courrière, Roland Courteau, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Gérard Delfau, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM Bernard Dussaut, Léon Fatous, Aubert Garcia, Gérard Gaud, Roland Huguet, Philippe Labeyrie, Philippe Madrelle, Jacques Maheas, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Georges Mazars, Jean-Luc Mélenchon, Charles Metzinger, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Jean-Claude Peyronnet, Mme Danièle Pourtaud, MM Paul Raoult, René Regnault, Alain Richard, Michel Rocard, Gérard Roujas, René Rouquet, André Rouvière, Claude Saunier, Michel Sergent, Franck Sérusclat, René-Pierre Signe, Fernand Tardy, André Vezinhet, Henri Weber, sénateurs, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de réglementation des télécommunications ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu le code des postes et télécommunications ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 5 juillet 1996 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi de réglementation des télécommunications en soutenant que ses articles 6, 8 et 15 comportent des dispositions entachées d’inconstitutionnalité ;
– SUR L’ARTICLE 6 :
2. Considérant que l’article 6 de la loi déférée modifie le chapitre II du titre premier du livre II du code des postes et télécommunications relatif au régime juridique des télécommunications et notamment son article L 33-1 ; qu’ aux termes de cet article, « l’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public sont autorisés par le ministre chargé des télécommunications… L’autorisation est soumise à l’application des règles contenues dans un cahier des charges et portant sur : … e) les prescriptions exigées par la protection de l’environnement et par les objectifs d’aménagement du territoire et d’urbanisme comportant, le cas échéant, les conditions d’occupation du domaine public et les modalités de partage des infrastructures » ;
3. Considérant que les auteurs de la saisine font, sur le fondement de l’article 72 de la Constitution, grief à cette disposition de porter atteinte à l’autonomie dont disposent les collectivités territoriales dans la gestion de leur domaine public ; qu’ils soutiennent à cette fin qu’une autorisation délivrée par le ministre en application de la disposition contestée pourrait contrarier l’utilisation du domaine public déjà affecté par une collectivité aux besoins d’un service public ;
4. Considérant que les dispositions de l’article en cause n’ont ni pour objet ni pour effet d’habiliter le ministre chargé des télécommunications à empiéter sur les prérogatives des collectivités locales en matière de gestion et d’affectation de leur domaine public ; qu’elles se bornent à préciser que doivent être rappelées dans le cahier des charges les règles à observer en matière de respect de l’environnement, d’aménagement du territoire et d’urbanisme et, le cas échéant, d’occupation du domaine public ; que, dans ces conditions, le grief invoqué manque en fait ;
– SUR L’ARTICLE 8 :
. En ce qui concerne les ressources de l’Autorité de régulation des télécommunications :
5. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L 36-4 du code des postes et télécommunications résultant de l’article 8 de la loi, « les ressources de l’Autorité de régulation des télécommunications comprennent des rémunérations pour services rendus et des taxes et redevances dans les conditions fixées par les lois de finances ou par décret en Conseil d’État » ;
6. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que cette disposition crée « une compétence concurrente entre la loi de finances et le décret » sans déterminer « les limites de la compétence de chacune de ces normes », en violation des articles 21, 34 et 37 de la Constitution et en méconnaissance de l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ;
7. Considérant que le législateur s’est borné à décrire les ressources dont pourra disposer l’Autorité de régulation des télécommunications ; qu’eu égard à la formulation dont il a usé, il doit être regardé comme ayant fait référence, s’agissant des lois de finances, aux taxes qui pourraient être affectées à cette Autorité et, s’agissant des décrets en Conseil d’État, aux rémunérations ou redevances pour services rendus que ceux-ci instituent conformément à l’article 5 de l’ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances du 2 janvier 1959 susvisée ; que les griefs invoqués ne sauraient, dès lors, qu’être écartés ;
. En ce qui concerne le pouvoir réglementaire dévolu à l’Autorité de régulation des télécommunications :
8. Considérant que les auteurs de la saisine font grief au 1° de l’article L 36-6 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction résultant de l’article 8 de la loi déférée , de méconnaître l’article 21 de la Constitution en conférant à l’Autorité de régulation des télécommunications des pouvoirs de réglementation excessifs par leur champ d’application et leur contenu ;
9. Considérant qu’aux termes des dispositions contestées, l’Autorité de régulation des télécommunications précise les règles concernant « 1° les droits et obligations afférents à l’exploitation des différentes catégories de réseaux et de services, en application des articles L 33-1 et L 34-1 » ; que sont ainsi visés d’une part l’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public, d’autre part la fourniture au public du service téléphonique ; que le dernier alinéa du même article L 36-6 soumet à homologation par arrêté du ministre chargé des télécommunications les décisions de l’Autorité prises sur le fondement dudit article ;
10. Considérant qu’en vertu de l’article 21 de la Constitution le Premier ministre assure l’exécution des lois et, sous réserve des dispositions de l’article 13, exerce le pouvoir réglementaire ; qu’il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ;
11. Considérant que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité publique autre que le Premier ministre le soin de fixer les normes permettant de mettre en oeuvre une loi, c’est à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d’application que par leur contenu ;
12. Considérant que la compétence réglementaire reconnue à l’Autorité de régulation des télécommunications par l’article L 36-6 1° précité est limitée dans son champ d’application et doit s’exercer, en vertu dudit article, dans le respect des dispositions du code des postes et télécommunications et de ses règlements d’application ; qu’en particulier l’article L 33-1, auquel renvoie sur ce point l’article L 34-1, confie à un décret pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications le soin de définir les clauses types devant figurer dans les cahiers des charges dont les règles s’imposent aux opérateurs ; que la compétence réglementaire dévolue à l’Autorité s’exerce sous le contrôle du ministre chargé des télécommunications ; que par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 21 de la Constitution ne peut qu’être écarté ;
. En ce qui concerne le pouvoir de sanction accordé à l’Autorité de régulation des télécommunications :
13. Considérant que l’article L 36-11 du code des postes et télécommunications, également inséré par l’article 8 de la loi, institue au bénéfice de l’Autorité de régulation des télécommunications un pouvoir de sanction, soit d’office, soit à la demande du ministre chargé des télécommunications, d’une organisation professionnelle, d’une association agréée d’utilisateurs ou d’une personne physique ou morale concernée, en cas de manquement de la part d’un exploitant de réseau ou d’un fournisseur de service de télécommunications aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à son activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en oeuvre ; qu’il définit les conditions dans lesquelles est exercé ce pouvoir de sanction ;
14. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que le législateur aurait accordé à l’Autorité de régulation des télécommunications un pouvoir de sanction trop étendu ; que les dispositions législatives et réglementaires susceptibles d’être enfreintes et de donner lieu à sanction pourraient être de nature pénale ou à tout le moins étrangères au domaine d’activité de l’autorité de régulation ;
15. Considérant que la loi peut sans qu’il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, doter une autorité administrative indépendante de pouvoirs de sanction dans la limite nécessaire à l’accomplissement de sa mission ; qu’il appartient toutefois au législateur d’assortir l’exercice de ces pouvoirs de sanction de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu’en particulier une sanction administrative de nature pécuniaire ne peut se cumuler avec une sanction pénale ;
16. Considérant qu’aux termes du 3° de l’article L 36-7 du code des postes et télécommunications, l’Autorité de régulation des télécommunications « contrôle le respect par les opérateurs des obligations résultant des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables en vertu du présent code et des autorisations dont ils bénéficient et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues aux articles L 36-10 et L 36-11 » ; qu’il résulte de cette disposition que les infractions aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à l’activité d’un exploitant de réseau ou d’un fournisseur de service sont celles liées à l’application du code des postes et télécommunications et des autorisations données aux opérateurs pour leur activité dans les télécommunications ; que la loi n’a pas pour effet de permettre à l’autorité de régulation de sanctionner des infractions à des législations d’une autre nature ;
17. Considérant en outre que le b du 2° de l’article L 36-11 ne permet d’infliger une sanction administrative de nature pécuniaire que si le manquement concerné n’est pas constitutif d’une infraction pénale ;
18. Considérant que dès lors les griefs invoqués par les requérants ne sauraient qu’être écartés ;
. En ce qui concerne la compétence attribuée à la cour d’appel de Paris quant au contrôle de certaines décisions de l’Autorité de régulation des télécommunications :
19. Considérant qu’en vertu du I de l’article L 36-8 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction issue de l’article 8 de la loi déférée, l’Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie des différends qui interviennent en cas de refus d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de télécommunications ; qu’à l’issue d’une procédure contradictoire, elle prend une décision motivée, laquelle précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés ; qu’en cas d’atteinte grave aux règles régissant le secteur des télécommunications, elle est habilitée après avoir entendu les parties en cause à prendre des mesures conservatoires destinées à assurer la continuité du fonctionnement des réseaux ; qu’en vertu du II du même article, l’Autorité peut également être saisie de différends concernant soit les conditions de mise en conformité des conventions comportant des clauses excluant ou restreignant la fourniture des services de télécommunications sur les réseaux mentionnés à l’article L. 34-4 du code des postes et télécommunications, soit les possibilités et les conditions d’une utilisation partagée entre opérateurs d’installations existantes ; que le IV de cet article désigne la cour d’appel de Paris pour connaître des recours en annulation et en réformation dirigés contre ses décisions en ces matières ;
20. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent qu’en attribuant ce contentieux au juge judiciaire, le législateur a méconnu le principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel ressortissent de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice de prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou sous leur contrôle ; qu’ils font valoir qu’une telle dérogation aux règles habituelles de compétence ne saurait trouver de justification dans le souci d’une bonne administration de la justice dès lors que le contentieux des autres décisions de l’Autorité relève de la juridiction administrative ; qu’ils font valoir à cette fin la nécessité pour chaque justiciable d’identifier aisément son juge ;
21. Considérant que les décisions de l’Autorité de régulation des télécommunications, autorité administrative, prises en application des I et II de l’article L 36-8 du code des postes et télécommunications, qui s’imposent aux parties qui ont saisi cette autorité, constituent des décisions exécutoires prises dans l’exercice de prérogatives de puissance publique ;
22. Considérant que toutefois lorsque l’application d’une législation ou d’une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, d’unifier les règles de compétence au sein de l’ordre juridictionnel principalement intéressé ; qu’une telle unification peut être opérée tant en fonction de l’autorité dont les décisions sont contestées, qu’au regard de la matière concernée ;
23. Considérant qu’en l’espèce les décisions de l’Autorité pourront trancher des litiges relevant du droit de la concurrence ou des différends de nature commerciale ou technique survenus dans la négociation ou l’exécution des conventions d’interconnexion, lesquelles, en vertu de l’article L 34-8 du code des postes et des télécommunications, constituent des conventions de droit privé ; qu’il en sera de même des litiges entre opérateurs s’agissant des possibilités et conditions d’une utilisation partagée entre eux des installations existantes ou des conditions de mise en conformité avec l’article L 34-4 du même code des conventions relatives à la fourniture de services de télécommunications visés par cet article ; que la saisine de l’Autorité par l’une ou l’autre des parties est facultative ; qu’au cas où les opérateurs n’auront pas choisi de saisir l’Autorité de régulation, les litiges seront portés selon le cas, soit devant le Conseil de la concurrence et, en cas de contestation, devant la cour d’appel de Paris, soit devant le juge du contrat ; que la loi déférée tend ainsi à unifier, sous le contrôle de la Cour de cassation, l’ensemble des contentieux spécifiques visés aux I et II de l’article L. 36-8 ;
24. Considérant que cet aménagement précis et limité des règles de compétence juridictionnelle peut être justifié par les nécessités d’une bonne administration de la justice ; que dès lors il ne méconnaît pas le principe à valeur constitutionnelle invoqué par les auteurs de la saisine ; que par suite le grief invoqué doit être écarté ;
– SUR L’ARTICLE 15 DE LA LOI :
25. Considérant que l’article 15 insère 3 articles, numérotés 43-1, 43-2 et 43-3, dans la loi susvisée du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; que l’article 43-1 impose à toute personne dont l’activité est d’offrir un service de connexion à un ou plusieurs services de communication audiovisuelle mentionnés au 1° de l’article 43 de ladite loi de proposer à ses clients un moyen technique leur permettant de restreindre l’accès à certains services ou de les sélectionner ; que l’article 43-2 place un Comité supérieur de la télématique auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel ; que son premier alinéa dispose que ce Comité élabore des recommandations qu’il propose à l’adoption du Conseil supérieur de l’audiovisuel, propres à assurer le respect, par les services de communication audiovisuelle mentionnés au 1° de l’article 43 de cette même loi, des règles déontologiques adaptées à la nature des services proposés ; que le deuxième alinéa crée au sein du Comité supérieur de la télématique une instance chargée d’émettre, dans certaines conditions de saisine, un avis sur le respect desdites recommandations par un des services de communication concernés ; que lorsque le Comité estime que le service ne respecte pas les recommandations, son avis est publié au Journal officiel de la République française ; que le troisième et le quatrième alinéas sont relatifs respectivement, d’une part, aux conditions dans lesquelles le Comité peut être saisi de réclamations concernant un service et à l’obligation faite au président du Conseil supérieur de l’audiovisuel d’informer le procureur de la République lorsqu’à la suite de réclamations ou de demandes d’avis, il a connaissance de faits de nature à motiver des poursuites pénales, d’autre part, aux activités d’études, de coopération internationale et de proposition du Comité concernant de tels services ; qu’en vertu du cinquième alinéa, le Comité comprend pour moitié des professionnels représentant les fournisseurs d’accès aux services, les éditeurs de services et les éditeurs de presse et pour l’autre moitié des représentants des utilisateurs et des personnalités qualifiées parmi lesquelles le président est désigné par le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel ; que le sixième alinéa confie à un décret, pris après avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le soin de préciser la composition et les modalités de fonctionnement du Comité ainsi que ses attributions en matière de services offerts sur des accès télématiques anonymes ; que l’article 43-3 dispose que les personnes dont l’activité est d’offrir un service de connexion, ne sont pas pénalement responsables des infractions résultant du contenu des messages diffusés par un service de communication audiovisuelle auquel elles donnent accès si elles ont respecté les dispositions de l’article 43-1 et si ce service n’a pas fait l’objet d’un avis défavorable publié au Journal officiel en application de l’article 43-2, sauf s’il est établi que ces personnes ont, en connaissance de cause, personnellement commis l’infraction ou participé à sa commission ;
26. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que les dispositions de l’article 15 doivent être regardées à plusieurs titres comme inconstitutionnelles ; que le Comité supérieur de la télématique se trouverait doté de pouvoirs propres en méconnaissance de l’article 34 de la Constitution et des articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ; qu’ils soutiennent que l’élaboration par le Conseil supérieur de l’audiovisuel de règles déontologiques porterait ainsi atteinte à la compétence exclusive du législateur pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; qu’en particulier la loi ne saurait déléguer à une autorité administrative une telle compétence sans indiquer le champ d’application précis de ces règles déontologiques et qu’il appartenait au législateur de définir la composition d’un comité intervenant dans un domaine touchant aux libertés publiques et la procédure applicable devant lui ; qu’ils font valoir également que la procédure d’adoption d’avis relatifs au respect des recommandations déontologiques par les services télématiques contrevient à plusieurs règles de nature constitutionnelle ; que la définition d’une déontologie servant de base à l’adoption d’avis faisant grief, qui seraient propres à fonder des poursuites pénales, s’apparenterait à l’édiction déguisée d’une procédure d’autorisation préalable ; qu’une instance créée au sein d’une autorité dont les compositions respectives ne sont pas définies par la loi serait ainsi appelée à donner un avis susceptible de déclencher d’éventuelles poursuites pénales ; que le Comité supérieur de la télématique serait doté d’un pouvoir d’interprétation de la loi pénale et indirectement de déclenchement des poursuites pénales et que le juge pénal serait lié par cette interprétation ; que le principe de légalité des délits et des peines serait méconnu en ce que les avis défavorables dudit Comité , qui ont des conséquences pénales, seront pris au motif de la méconnaissance de règles déontologiques dont le contenu serait « imprécis et pour tout dire inconnu » ; qu’enfin le droit au recours effectif et les droits de la défense seraient manifestement violés ;
27. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; qu’il appartient au législateur d’assurer la sauvegarde des droits et des libertés constitutionnellement garantis ; que s’il peut déléguer la mise en oeuvre de cette sauvegarde au pouvoir réglementaire, il doit toutefois déterminer lui-même la nature des garanties nécessaires ; que, s’agissant de la liberté de communication, il lui revient de concilier, en l’état actuel des techniques et de leur maîtrise, l’exercice de cette liberté telle qu’elle résulte de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, avec, d’une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication concernés et, d’autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels ;
28. Considérant que la loi a confié au Comité supérieur de la télématique le soin d’élaborer et de proposer à l’adoption du Conseil supérieur de l’audiovisuel, auprès duquel il est placé, des recommandations propres à assurer le respect par certains services de communication de règles déontologiques , sans fixer à la détermination de ces recommandations, au regard desquelles des avis susceptibles d’avoir des incidences pénales pourront être émis, d’autres limites que celles, de caractère très général, résultant de l’article 1er de la loi susvisée du 30 septembre 1986 ; qu’ainsi le législateur a méconnu la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution ; que dès lors doivent être regardées comme contraires à la Constitution les dispositions du 1er alinéa de l’article 43-2 inséré dans la loi susvisée du 30 septembre 1986 ; que les dispositions des autres alinéas dudit article et celles de l’article 43-3 en sont en tout état de cause inséparables ; que les articles 43-2 et 43-3 introduits par l’article 15 dans la loi susvisée du 30 septembre 1986 doivent par suite être déclarés contraires à la Constitution ;
29. Considérant qu’il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;
Décide :
Article premier :
Sont déclarés contraires à la Constitution les articles 43-2 et 43-3 introduits par l’article 15 de la loi déférée dans la loi du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 juillet 1996, où siégeaient : MM Roland DUMAS, président, Maurice FAURE, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Michel AMELLER, Jacques ROBERT, Alain LANCELOT et Mme Noëlle LENOIR.
Le président, Roland DUMAS