Recueil des arrêts du Conseil d’Etat 1894, p. 21
77,125-77,394.-12 janvier. Héritiers Dufourcq. – MM. Guéret-Desnoyers, rap.; Romieu, c. du g.; Boivin-Champeaux, av.
Vu la requête pour la dame Marie-Joseph Courdeau, veuve du sieur Louis-Charles Dufourcq, domiciliée à Oloron-Sainte-Maire… tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler – une décision, en date du 5 août 1891 par laquelle le Min. des trav. publ. a déclaré prescrite et définitivement éteinte au profit de l’Etat, par application de l’art. 9 de la loi du 29 janv. 1831, l’indemnité de 25,349 francs allouée aux sieurs Dufourcq par arrêté du 26 avril 1890 du cons. de préf. des Basses-Pyrénées pour tous dommages causés à leur propriété par l’établissement de la ligne de Toulouse à Bayonne ; – Ce faisant, attendu que la construction de la ligne de Toulouse à Bayonne a causé de graves préjudices à leurs propriétés, que pendant vingt ans l’administration a pris des travaux qui n’ont pas été exécutées, que dès 1881 le sieur Dufourcq (Paul) a réclamé une indemnité, que cette demande est régulière et qu’il n’est pas besoin d’une demande en justice pour interrompre le cours de la déchéance ; condamner l’Etat à payer aux requérantes la somme de 25,349 francs qui leur a été allouée par l’arrêté du 26 avril 1890 avec les intérêts de ladite somme depuis le 1er mai 1890 ; condamner l’Etat aux dépends ;
Vu les observations présentés par le Min. des trav. publ., et tendant au rejet du pourvoi, par les motifs que l’indemnité allouée par le cons. de préf. pour le préjudice correspondant aux années 1868 à 1878 se rapporte à un dommage antérieur de sept années à la demande en justice et que l’indemnité allouée pour le préjudice correspondant aux années 1879 à 1889 se rapporte à des dommages causés définitivement en 1878 ; sur le moyen tiré de ce que le ministre aurait dû invoquer la déchéance devant le cons. de préf., qu’il appartient au ministre d’attendre que les droits des parties fussent définitivement établis par l’arrêté précité ;
Vu la loi du 29 janv. 1831 (art. 9 et 10) ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, à la suite et par le fait de la construction du chemin de fer de Toulouse à Bayonne, les propriétés que les requérantes possèdent au lieu dit des Barthes-de-Saines ont, depuis 1868 jusqu’en 1889, subi chaque année des dommages dont les plus importants ont eu lieu au cours de 1878 ; qu’à la date du 25 juin 1881 les propriétaires ont adressé au préfet des Basses-Pyrénées une demande d’indemnité s’élevant à la somme de 60,000 francs ; que l’administration n’a contesté ni l’existence des dommages allégués, ni l’obligation de les réparer, que le débat n’a porté que sur leur quotité ; qu’il résulte de la correspondance échangée à ce sujet qu’une tentative de règlement amiable a été faite d’un commun accord ; que le préfet a, dans ce but, chargé les ingénieurs des ponts et chaussées de procéder à des vérifications et que c’est par l’effet de retards imputables à l’administration que, l’entente n’ayant pu s’établir, les indemnitaires n’ont saisi qu’à la date du 30 janv. 1885 le cons. de préf., qui, par arrêté du 26 avril 1890, a fixé, après expertise, à la somme de 25,349 francs le montant de la répartition à eux due ;
Cons. que, dans ces circonstances, le Min. des trav. publ., en appliquant sans distinction la déchéance édictée par l’art. 9 de la loi du 29 janv. 1831 à tous les dommages éprouvés depuis 1868, n’a tenu compte ni de l’une des exceptions apportées à cet article par l’article suivant de la même loi, ni de ce que les dommages subis annuellement dans la période comprise entre 1868 et 1889 n’avaient pas le caractère de dommages permanents ; qu’il résulte de ce qui précède qu’en 1881 la déchéance n’était encourue au profit de l’Etat que pour les seuls dommages éprouvés antérieurement au 1er janv. 1877 ;
Cons. qu’il est également établi par l’instruction que l’étendue et l’importance des dommages dont s’agit ont varié à diverses époques, et que, si les plus considérables se sont produits en 1878, ils sont allés en s’atténuant jusqu’en 1889 dans les proportions déterminées au moyen de l’expertise et définitivement fixées par le cons. de préf. dans sont arrêté du 26 avril 1890, qu’ainsi la liquidation doit en être opérée à partir du 1er janvier 1877, conformément aux dispositions de cet arrêté ;
Sur les intérêts : – Cons. que les requérantes ont demandé, le 12 nov. 1891, devant le Conseil d’Etat, les intérêts des sommes qui leur sont dues, qu’il y a lieu de faire droit à leur demande à partir de cette date ;
Sur les intérêts des intérêts : – Cons. que les requérantes ont demandé les intérêts des intérêts à la date du 12 nov. 1891 et à celle du 28 mars 1893 ; qu’à cette dernière date il leur était dû plus d’une année d’intérêts ; que, dès lors, il y a lieu de décider, conformément à l’art. 1154 du Code civil, que les intérêts des sommes qui leur sont dues porteront eux-mêmes intérêts à partir du 28 mars 1893… (Décisions des 5 août et 11 déc. 1891 annulées. Requérantes renvoyées devant le Min. des trav. publ. pour être procédé à la liquidation des sommes auxquelles elles ont droit, conformément aux bases fixées par le cons. de préf. des Basses-Pyrénées dans son arrêté du 26 avril 1890, en réparation des dommages soufferts par leurs propriétaires des Barthes-de-Saines pendant les années comprises entre le 1er janv. 1877 et le 31 déc. 1889 avec intérêts à partir du 12 nov. 1891, capitalisés au 28 mars 1893. Etat condamné aux dépens.)