AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 février 2020 et 11 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. FT… HC…, l’association Adikia et Mme B… R…, M. S… FF…, M. CE… AZ…, Mme DP… T…, M. CI… T…, M. DT… BC…, Mme BJ… GR…, M. BB… DI…, Mme EY… DI…, M. HA… U…, M. G… V…, Mme CZ… W…, M. CR… BD…, Mme GI… BE…, Mme BX… BF…, Mme DH… C…, M. EO… C…, Mme A…-AM… X…, M. CB… BG…, M. AL… BH…, M. HY…, M. EB… GS…, M. J… DK…, Mme Q… HN…, Mme AA… BI…, M. CF… GW…, M. EQ… GU…, M. GP… BO…, Mme FJ… BP…, Mme AK… DL…, M. E… Z…, M. BV… DM…, Mme EI… HT…, M. BM… GY…, Mme GF… FN…, Mme I… FO…, Mme FJ… FP…, M. HI… FQ…, M. HI… BR…, Mme DR… GZ…, M. HX… BS…, M. GG… ID…, Mme GK… ID…, Mme BA… BT…, Mme GO… DU…, M. DQ… HZ…, M. FG… HD…, M. IB… DO…, Mme BZ… DW… épouse N…, M. GP… F…, Mme DH… FR…, Mme AE… DX…, Mme AM… DZ…, Mme EN… IA…, M. IC…, Mme EK… BY…, M. AL… HV…, M. AD… HE…, Mme AY… EA…, Mme FH… CA…, Mme AB… HF… épouse Le Comte, Mme GD… FU…, M. DE… FV…, Mme HW… AF…, M. FM… CC…, Mme AE… AH…, Mme Y… CD…, Mme CM… EC…, Mme FC… FY…, M. AX… FZ…, Mme A… CG…, Mme IE…-AM… ED…, M. AL… CH…, M. FS… EE…, Mme AJ… GA…, M. E… EG…, M. P… Le Comte, M. DY… EF…, M. AJ… HP…, Mme HO… EH…, M. EX… EH…, Mme BL… GB…, M. GE… GB…, M. AJ… CJ…, Mme V… CL…, M. FS… L…, Mme DS… M…, Mme FW… EJ…, Mme ER… GC…, Mme GX… CO…, Mme DF… EL…, M. AI… CP…, Mme FI… HG… épouse CU…, M. K… CQ…, Mme EM… AO…, Mme DJ… CS…, Mme FB… CT…, M. AC… N…, Mme FC… O…, M. CR… AQ…, Mme AV… ES…, M. AG… ES…, Mme A…-I… ET…, Mme DB… EU…, Mme GI… CV…, Mme DG… CW…, Mme HU…, Mme A… CX…, M. D… AR…, Mme GQ… AR… épouse DC…, Mme DV… AS…, M. GM… AS…, Mme GO… EV…, Mme GT… AT…, Mme BU… AU…, Mme FK… GH…, Mme BQ… EW…, M. DN… EW…, M. AL… CY…, Mme GI… HQ…, M. BW… GJ…, Mme BQ… HR…, Mme HB… HH…, M. FS… GL…, Mme BN… AL…, M. DA… AW…, Mme GO… HJ…, Mme HA… HS…, Mme CK… GN…, M. E… EZ…, M. FX… FA…, Mme H… HK…, Mme D… HL…, M. AD… FD…, Mme AE… DD…, Mme AE… HM… et Mme GV… FE…, ayant désigné M. HC… comme mandataire unique, demandent au Conseil d’Etat :
1°) à titre principal, d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet de leur demande d’abrogation de la recommandation de bonne pratique adoptée le 12 juillet 2017 par la Haute autorité de santé, actualisant les recommandations de la commission d’audition de mai 2011, relative au syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement ;
2°) d’enjoindre, sous astreinte, à la Haute autorité de santé, d’une part, d’abroger la recommandation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision d’annulation à intervenir et, d’autre part, d’engager les travaux nécessaires à l’actualisation de la recommandation ;
3°) à titre subsidiaire, d’annuler cette décision en tant qu’elle refuse d’abroger vingt phrases en particulier de la recommandation litigieuse ;
4°) d’enjoindre, sous astreinte, à la Haute autorité de santé, premièrement, d’abroger les affirmations contestées dans un délai de quinze jours, deuxièmement, d’assortir la recommandation d’avertissements appropriés relatifs à leur caractère débattu et, troisièmement, d’engager sur ces points les travaux nécessaires à l’actualisation de la recommandation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code pénal ;
– le code de la santé publique ;
– le code de la sécurité sociale ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme AN… FL…, auditrice,
– les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. HC… et de l’association Adikia ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 juin 2021, présentée par M. HC… et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 8 juin 2011, le collège de la Haute autorité de santé a approuvé la diffusion et la mise en ligne du rapport d’orientation et des recommandations issues de la commission d’audition sur le syndrome du bébé secoué mise en place par la société française de médecine physique et de réadaptation. A la suite de l’évolution des connaissances médicales avérées, la Haute autorité de santé, en lien avec la société française de médecine physique et de réadaptation, a décidé de mettre à jour ces recommandations, conduisant à ce que, par une délibération du 12 juillet 2017, le collège de cette autorité adopte une recommandation de bonne pratique actualisant les recommandations de 2011, intitulée » syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement « . M. HC…, l’association Adikia et 137 personnes se présentant comme accusées à tort d’avoir secoué un bébé demandent, à titre principal, l’annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à leur demande d’abrogation de cette recommandation du 12 juillet 2017 actualisant les recommandations antérieures et à ce qu’il soit enjoint à la Haute autorité de santé d’engager les travaux nécessaires à son actualisation. Ils demandent, à titre subsidiaire, l’annulation de ce refus en tant qu’il refuse d’abroger vingt phrases en particulier de la recommandation litigieuse dont ils estiment qu’elles ne reflètent pas l’état actuel de la science et qu’elles devraient être actualisées ou faire l’objet d’avertissements sur leur caractère débattu.
Sur les interventions :
2. Mme BT… et M. BK…, d’une part, et le » Collectif des parents d’enfants victimes du syndrome du bébé secoué « , d’autre part, justifient d’un intérêt suffisant au maintien de la décision attaquée. Leurs interventions sont ainsi recevables.
Sur le cadre juridique :
3. Aux termes de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale : » La Haute Autorité de santé, autorité publique indépendante à caractère scientifique, est chargée de : / (…) 2° Elaborer (…) les recommandations de bonne pratique, procéder à leur diffusion et contribuer à l’information des professionnels de santé et du public (…) » en matière d’actes, produits ou prestations de santé. Selon l’article R. 161-72 du même code : » Dans le domaine de l’information des professionnels de santé et du public sur (…) les bonnes pratiques, la Haute Autorité : / 1° Elabore et diffuse des guides et tout autre document d’information (…) « .
4. Les recommandations de bonne pratique élaborées par la Haute Autorité de santé sur la base de ces dispositions ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en oeuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction. Elles participent, à ce titre, à la réunion et à la mise à disposition de ces professionnels des données acquises de la science, y compris au niveau international, sur lesquelles doivent être fondés les soins qu’ils assurent aux patients, conformément à l’obligation déontologique qui leur incombe en vertu des dispositions du code de la santé publique qui leur sont applicables. Elles peuvent porter sur des sujets faisant l’objet de débats dans la communauté scientifique.
5. Il appartient à la Haute Autorité de santé de veiller à l’actualisation des recommandations qu’elle a élaborées, en engageant le cas échéant les travaux nécessaires à leur réexamen au vu notamment des données nouvelles publiées dans la littérature scientifique et des évolutions intervenues dans les pratiques professionnelles, lorsque celles-ci doivent conduire à modifier les indications données aux professionnels pour les guider dans le choix des stratégies de soins à retenir. A défaut, si leur obsolescence peut être source d’erreurs pour les professionnels auxquels elle s’adresse, il lui incombe, selon les cas, d’accompagner leur publication des avertissements appropriés voire de les abroger en en tirant les conséquences pertinentes quant à la publicité qui leur est donnée. En outre, dans l’hypothèse où une recommandation de bonne pratique comporterait, sur un point précis, une recommandation manifestement erronée au regard des données acquises de la science, il lui incombe, alors même que l’engagement de travaux de réexamen de l’ensemble de la recommandation ne serait pas justifié, d’en tirer les conséquences, à tout le moins en accompagnant sa publication d’un avertissement sur ce point.
6. L’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus opposé par la Haute Autorité de santé à une demande tendant à l’abrogation ou à la modification de l’une de ses recommandations de bonne pratique réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office en vertu des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de l’abroger, d’engager les travaux nécessaires à son actualisation ou de prendre les mesures utiles pour entourer sa publication des avertissements appropriés. Il s’ensuit que le Conseil d’Etat doit apprécier la légalité de la recommandation litigieuse au regard des règles de droit et des circonstances de fait applicables à la date de la présente décision.
Sur la légalité de la recommandation en litige :
7. Dans sa première partie, consacrée à la démarche diagnostique, la recommandation en litige mentionne les signes cliniques pouvant ou devant faire évoquer un diagnostic de bébé secoué, précisant les symptômes initiaux consécutifs à un tel secouement en indiquant à ce titre que, même s’ils ne sont pas toujours bien décrits par la famille ni bien interprétés par les médecins, les symptômes surviennent immédiatement après le secouement. Elle dresse ensuite la liste des lésions observées en cas de secouement et précise le déroulement du bilan hospitalier clinique et paraclinique à réaliser. Enfin, elle décrit les principaux diagnostics différentiels du traumatisme crânien non-accidentel et précise la conduite diagnostique à tenir selon les situations cliniques. Dans sa deuxième partie, qui porte sur le mécanisme causal des lésions, la recommandation compare les types de lésions constatées dans le cas d’un bébé secoué et les lésions associées à d’autres causes, souvent mises en avant pour expliquer l’état de l’enfant, comme une chute de faible hauteur. Dans sa troisième partie, la recommandation précise les critères médicaux permettant, chez un nourrisson, de poser le diagnostic de traumatisme crânien par secouement, les diagnostics différentiels ayant été écartés. La quatrième partie, intitulée » Dans quelle mesure peut-on dater le secouement ‘ « , précise que cette datation, qui repose sur un faisceau d’arguments cliniques, radiologiques, éventuellement anatomopathologiques et de données d’anamnèse, relève de l’expert judiciaire et qu’il n’appartient pas à l’équipe médicale prenant en charge l’enfant de l’effectuer. Dans sa cinquième partie, la recommandation examine les facteurs susceptibles de prédisposer un nourrisson à la survenue d’un hématome sous-dural, qui est l’un des types de lésions observés lors d’un secouement. Dans sa sixième partie, intitulée » Quelles suites juridiques donner au diagnostic de secouement ‘ « , la recommandation décrit les conditions dans lesquelles un signalement doit être effectué par les professionnels de santé lorsque le diagnostic de traumatisme crânien non-accidentel est évoqué ou posé et informe les professionnels de santé sur les conséquences d’un tel signalement. Dans sa dernière partie, la recommandation formule des préconisations à l’intention des équipes hospitalières et du corps médical non hospitalier, ainsi que des préconisations relatives à la prévention du syndrome du bébé secoué.
En ce qui concerne la compétence de la Haute autorité de santé :
8. Il ressort des pièces du dossier que la recommandation en litige, ainsi que le présente son préambule, a été élaborée afin d’améliorer la reconnaissance du syndrome du bébé secoué par les professionnels de santé, d’en préciser la démarche et les critères diagnostiques, de préciser les mécanismes lésionnels possibles ainsi que la conduite à tenir pour protéger le nourrisson. Elle entend guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en oeuvre des stratégies de soins des nourrissons victimes de secouement. Un tel objet correspond, ainsi qu’il a été dit au point 4, aux prévisions de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale qui donnent compétence à la Haute autorité de santé pour élaborer des recommandations de bonne pratique. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la recommandation, par les termes qu’elle utilise ou les préconisations qu’elle formule, notamment quant à la détermination des critères permettant d’établir un diagnostic de bébé secoué, n’excède pas le champ assigné aux recommandations de bonne pratique.
9. Si la recommandation litigieuse, qui vise à améliorer la prise en charge des nourrissons victimes de secouement en rappelant notamment la conduite à tenir à la suite d’un tel diagnostic, mentionne dans son préambule, parmi les » professionnels concernés « , non seulement les professionnels de santé auxquels sa recommandation s’adresse mais également les professionnels du secteur médico-social, comme les professionnels de la petite enfance, et d’autres professionnels tels que les policiers, gendarmes, pompiers, les fonds de garantie des victimes d’infractions pénales et les assureurs ainsi que les professionnels du droit et de la justice, il appartient à la Haute autorité de santé, en vertu des dispositions des articles L. 161-37 et R. 161-72 du code de la sécurité sociale, d’informer le public sur les bonnes pratiques et de diffuser à cette fin tout document d’information. Les requérants ne sont, par suite et en tout état de cause, pas fondés à soutenir que la recommandation litigieuse, en ce qu’elle mentionne d’autres personnes que les professionnels de santé, serait entachée d’incompétence. Au demeurant, une recommandation de bonne pratique, pas davantage qu’elle ne dispense le professionnel de santé de rechercher pour chaque patient la prise en charge qui lui paraît la plus appropriée, ne saurait faire obstacle à la discussion du bien-fondé des diagnostics établis sur sa base dans le cadre des procédures applicables à chaque cas particulier, notamment devant le juge pénal.
10. Enfin, si dans sa sixième partie la recommandation préconise, lorsqu’un diagnostic de traumatisme crânien non accidentel par secouement est évoqué ou posé, d’effectuer un signalement, en recommandant d’ailleurs qu’intervienne préalablement une concertation entre au moins deux médecins, elle se borne, ce faisant, à expliciter les obligations s’imposant aux professionnels de santé et n’excède pas le champ assigné aux recommandations de bonne pratique.
11. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la recommandation de bonne pratique dont ils demandent l’abrogation excèderait l’étendue de la compétence que la Haute autorité de santé tient de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale.
En ce qui concerne la procédure d’élaboration de la recommandation :
12. Si, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus d’abroger une recommandation de bonne pratique de la Haute autorité de santé, la légalité du contenu de cette recommandation, la compétence de la Haute autorité et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de la recommandation, les vices de forme et de procédure dont elle serait entachée ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre la recommandation elle-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux.
13. Par suite, le moyen tiré de ce que la recommandation aurait été adoptée à l’issue d’une procédure irrégulière, au motif que la composition des groupes de travail aurait méconnu le principe d’impartialité faute que la présidente et les chargés de projet du groupe de travail aient été spécialisés en neurologie pédiatrique et faute qu’elle ait reflété la diversité des opinions médicales relatives au syndrome du bébé secoué, ne peut être utilement invoqué dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus opposé à une demande tendant à l’abrogation de cette recommandation.
En ce qui concerne la légalité du contenu de la recommandation :
14. Ainsi qu’il a été dit au point 4, il revient à la Haute autorité de santé, dans le cadre d’une recommandation de bonne pratique, d’éclairer les professionnels quant aux connaissances médicales avérées sur un sujet, y compris lorsque le champ dans lequel elles interviennent fait l’objet de débats dans la communauté scientifique à l’échelle internationale.
15. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la recommandation décrit le syndrome du bébé secoué comme un sous-ensemble de traumatismes crâniens non accidentels, dans lequel le secouement, seul ou associé à un impact, provoque un traumatisme crânio-cérébral. Après avoir, dans sa première partie, dressé la liste des signes cliniques devant conduire à évoquer un secouement, elle décrit une démarche diagnostique reposant sur les lésions présentées par le nourrisson, identifiées dans le cadre d’un bilan hospitalier clinique et paraclinique qu’elle décrit, et leur cohérence avec l’histoire rapportée. Si, dans cette première partie, la recommandation indique que, dans tous les cas, les symptômes surviennent immédiatement après le secouement, une telle appréciation, consistant à relever l’absence de délai entre le secouement et les premiers comportements inhabituels de l’enfant, ne peut être regardée, au regard des connaissances médicales avérées à la date de la présente décision, comme étant entachée d’une erreur manifeste.
16. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la recommandation n’indique pas, dans sa deuxième partie consacrée au mécanisme causal des lésions, qu’une chute de faible hauteur ne peut occasionner des symptômes similaires à ceux du syndrome du bébé secoué, mais relève que les lésions associées à une telle chute ne peuvent présenter les caractéristiques et la localisation des lésions associées à un secouement. Elle indique qu’il n’a pas été retrouvé dans la littérature de cas d’enfant de moins d’un an présentant, après une chute de faible hauteur, des hématomes sous-duraux et des hémorragies rétiniennes. S’agissant des critères médicaux permettant de poser un diagnostic, précisés dans la troisième partie, la recommandation ne fonde pas le diagnostic de secouement sur la seule présence d’hématomes sous-duraux et d’hémorragies rétiniennes. Elle précise, au contraire, que ce diagnostic ne peut être posé qu’après élimination des diagnostics différentiels et en tenant compte de l’histoire clinique de l’enfant, en se fondant sur la prise en compte des caractéristiques et de la localisation des lésions observées ainsi que leur association. Si la recommandation, dans sa cinquième partie, consacrée aux prédispositions éventuelles à la survenue d’un hématome sous-dural, indique qu’il n’a pas été trouvé d’arguments dans la littérature permettant d’étayer l’idée selon laquelle l’extension des espaces sous-arachnoïdiens favorisait de telles lésions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’une telle affirmation, au demeurant prudente, serait entachée d’erreur manifeste d’appréciation.
17. En troisième lieu, l’existence de débats sur l’identification des critères de diagnostic du syndrome du bébé secoué ne faisait pas obstacle, par elle-même, à l’identification de situations dans lesquelles ce diagnostic peut être regardé comme » certain « . En l’espèce, si la recommandation présente comme » certain » un diagnostic de secouement en cas d’histoire clinique absente, fluctuante ou incompatible avec les lésions cliniques ou l’âge de l’enfant lorsque celui-ci présente certaines associations particulières d’hématomes sous-duraux, pluri-focaux ou uni-focaux, d’hémorragies rétiniennes et de lésions cervicales médullaires, c’est dans tous les cas sous réserve d’avoir préalablement écarté les diagnostics différentiels. Dans ces conditions, la recommandation en litige ne peut être regardée, au regard des connaissances médicales avérées à la date de la présente décision, comme étant entachée d’erreur manifeste d’appréciation parce qu’elle aurait omis de prendre en compte l’existence de diagnostics différentiels ou la possibilité de causes externes susceptibles de favoriser l’existence de certaines lésions comme des prédispositions génétiques reconnus par la littérature pouvant conduire les professionnels de santé à conclure à tort à un secouement.
18. En quatrième lieu, si la recommandation précise les cas dans lesquels un diagnostic » certain » du syndrome du bébé secoué peut être évoqué, un tel caractère » certain » porte uniquement sur les éléments de nature médicale, tels qu’appréciés par les professionnels de santé à l’occasion de la prise en charge de l’enfant, et non sur la qualification pénale pouvant être retenue, le cas échéant, à la suite d’un signalement. La recommandation précise également qu’il ne revient aux professionnels de santé, dans le cadre de la prise en charge d’un enfant qu’ils estimeraient avoir été victime de secouement, ni de dater le secouement, ni de déterminer son auteur. Ainsi, les requérants ne peuvent, en tout état de cause, soutenir que la recommandation de bonne pratique méconnaîtrait la présomption d’innocence.
19. En cinquième lieu, les documents et études produits par les requérants ne sont de nature à établir, aux regard des connaissances médicales avérées à la date de la présente décision, ni la nécessité d’une actualisation générale de la recommandation, ni l’illégalité du refus d’abroger, de modifier ou d’actualiser certaines phrases de cette recommandation ou d’assortir la publication de celle-ci d’avertissements appropriés sur leur caractère débattu.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la Haute autorité de santé, que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du refus de la Haute autorité de santé d’abroger la recommandation de bonne pratique actualisant des précédentes recommandations de 2011, adoptée par son collège le 12 juillet 2017. Par suite, leurs conclusions, principales comme subsidiaires, ne peuvent qu’être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de Mme BT… et M. BK…, d’une part, et du » Collectif des parents d’enfants victimes du syndrome du bébé secoué « , d’autre part, sont admises.
Article 2 : La requête de M. HC… et autres est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. FT… HC…, représentant désigné pour l’ensemble des requérants, à la Haute Autorité de santé, à Mme GV… BT… et M. BB… BK… ainsi qu’au » Collectif des parents d’enfants victimes du syndrome du bébé secoué « .
Copie sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.