RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 9 juillet 2018 et le 27 févier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association française des riverains de l’aéroport de Genève demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler, d’une part, la décision implicite née le 10 mai 2018 par laquelle le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire a refusé d’intervenir pour la mise en oeuvre des pouvoirs souverains de la France, en délivrant un avis négatif dans le cadre de la procédure d’adoption de la fiche du Plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique relative à l’aéroport international de Genève et en demandant aux autorités suisses d’adopter toutes mesures de moindre impact concernant les trajectoires et les horaires d’exploitation de l’aéroport international de Genève, après résiliation, le cas échéant, de l’accord Franco-suisse du 22 juin 2001 relatif à l’aéroport international de Genève et, d’autre part, les décisions implicites à venir du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et de la ministre chargée du transport de rejet de leur nouvelle demande du 9 juillet 2018 ;
2°) d’enjoindre au ministre de délivrer un avis négatif dans le cadre de la procédure d’adoption de la fiche du Plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique relative à l’aéroport international de Genève, de définir les modalités de concertation à entretenir avec la Suisse concernant les nuisances sonores, incluant les communes et populations concernées, de procéder à la réalisation d’une étude d’impact globale analysant clairement les conséquences et proposant toutes solutions réalisables permettant de réduire les effets négatifs du survol du territoire français et, après résiliation de l’accord du 22 juin 2001 et le cas échéant la conclusion d’un nouvel accord, de prendre toutes mesures au droit de l’espace aérien français de nature à limiter les nuisances subies par les riverains, en particulier imposer une approche segmentée en piste 23 sur le milieu du lac Léman et un couvre-feu aérien entre 22h et 6h sauf exception sanitaire ou diplomatique ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la Constitution ;
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– la convention relative à l’aviation civile internationale signée à Chicago, le 7 décembre 1944 ;
– l’accord conclu le 22 juin 2001 entre l’Etat français et la Confédération suisse relatif à la délégation consentie par la France à la Suisse pour la fourniture des services de la circulation aérienne dans une partie de l’espace aérien français.
– le code des transports ;
– le code de l’aviation civile ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d’Etat en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire ;
Considérant ce qui suit :
1. L’Association française des riverains de l’aéroport de Genève a demandé au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire de mettre en oeuvre des pouvoirs souverains de la France, en délivrant un avis négatif dans le cadre de la procédure d’adoption par les autorités suisses de la fiche du Plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique relative à l’aéroport international de Genève et d’adopter toutes mesures de moindre impact concernant les trajectoires et les horaires d’exploitation de cet aéroport, après résiliation, le cas échéant, de l’accord conclu le 22 juin 2001 entre l’Etat français et la Confédération suisse relatif à la délégation consentie par la France à la Suisse pour la fourniture des services de la circulation aérienne dans une partie de l’espace aérien français. Par la présente requête, elle conteste le rejet implicite de ses demandes.
2. Une telle demande tend, d’une part, à ce que les autorités françaises procèdent à une éventuelle résolution ou modification d’un accord international et, d’autre part, à ce qu’elles adoptent une position déterminée dans une consultation publique organisée par les autorités d’Etat étranger.
3. En premier lieu, le refus de faire droit aux demandes de l’association tendant à ce que la France dénonce l’accord conclu le 22 juin 2001 entre l’Etat français et la Confédération suisse relatif à la délégation consentie par la France à la Suisse pour la fourniture des services de la circulation aérienne dans une partie de l’espace aérien français et redéfinisse les modalités de concertation avec cet Etat visant à adopter des mesures concernant les trajectoires des aéronefs survolant la France et les horaires d’exploitation de l’aéroport de Genève constitue une décision qui n’est pas détachable de l’exercice des pouvoirs du gouvernement dans la conduite des relations diplomatiques de la France et échappe, dès lors, à la compétence de la juridiction administrative française. Par suite, les conclusions aux fins d’annulation de la requête de l’Association française des riverains de l’aéroport de Genève dirigées contre le refus de faire droit à ces demandes doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
4. S’agissant, en second lieu, de la décision de rejet de la demande tendant à ce que le gouvernement émette un avis négatif dans le cadre de la consultation préalable à l’adoption par les autorités suisses de la fiche du Plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique relative à l’aéroport international de Genève, cette décision est détachable de la conduite des relations internationales et des stipulations de l’accord mentionné au point 1. Toutefois, si la juridiction administrative est compétente pour en connaître, le refus d’émettre un tel avis ne fait pas grief et ne produit par lui-même aucun effet juridique. Il en résulte que les conclusions tendant à son annulation sont manifestement irrecevables.
5. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce de faire droit aux conclusions présentées par l’Etat sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Les conclusions de la requête de l’Association française des riverains de l’aéroport de Genève relatives à la dénonciation de l’accord conclu le 22 juin 2001 entre l’Etat français et la Confédération suisse et à la définition des modalités de concertation avec la Suisse en ce qui concerne les trajectoires et les horaires des aéronefs survolant la France sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Le surplus des conclusions de l’Association française des riverains de l’aéroport de Genève est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de l’Etat tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’Association française des riverains de l’aéroport de Genève et au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.