RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le mémoire, enregistré le 2 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour la SOCIETE CANAL +, dont le siège est 1 place du Spectacle à Issy-les-Moulineaux Cedex 9 (92863), en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la SOCIETE CANAL + demande au Conseil d’Etat, à l’appui de sa requête tendant à l’annulation de la décision du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel du 2 mars 2010 la condamnant à diffuser un communiqué, selon les modalités qu’elle fixe, dans le programme du service de télévision Canal +, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article 42-4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, notamment son article 42-4 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Boutet, avocat de la SOCIETE CANAL +,
– les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boutet, avocat de la SOCIETE CANAL + ;
Considérant qu’en vertu du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : » Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation (…) » ; qu’il résulte des dispositions du 3ème alinéa de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu’elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant qu’aux termes de l’article 42-4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : » Dans tous les cas de manquement aux obligations incombant aux éditeurs de services de communication audiovisuelle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut ordonner l’insertion dans les programmes d’un communiqué dont il fixe les termes et les conditions de diffusion. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel demande à l’intéressé de lui présenter ses observations dans un délai de deux jours francs à compter de la réception de cette demande. La décision est ensuite prononcée sans que soit mise en oeuvre la procédure prévue à l’article 42-7. Le refus du titulaire de se conformer à cette décision est passible d’une sanction pécuniaire dans les conditions fixées à l’article 42-2 » ; que l’article 42-7 de la même loi organise les conditions dans lesquelles sont prononcées les sanctions prévues aux 2°, 3° et 4° de l’article 42-1 et à l’article 42-3, et notamment la notification des griefs, la consultation du dossier et le délai laissé à l’éditeur ou au distributeur du service de radio ou de télévision pour présenter ses observations ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 42-4 de la loi du 30 septembre 1986 que le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne peut prescrire la diffusion d’un communiqué que s’il a, au préalable, constaté un manquement d’un éditeur de service audiovisuel aux obligations qui lui incombent ; qu’ainsi que l’a énoncé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de dispenser le Conseil supérieur de procéder à cette constatation dans le respect des droits de la défense, qui implique, même dans le cas où la procédure de sanction prévue à l’article 42-7 n’a pas été mise en oeuvre, que l’éditeur ait été mis à même tant d’avoir accès au dossier le concernant que de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés, en disposant à cette fin d’un délai suffisant eu égard à la nature des griefs ; que le délai de deux jours francs prévu par les dispositions ultérieurement ajoutées à l’article 42-4 ne concerne que les observations que l’intéressé peut présenter sur le contenu et les conditions de diffusion du projet de communiqué que le Conseil supérieur de l’audiovisuel lui a fait connaître ; qu’il suit de là que si la société CANAL + soutient que les dispositions de cet article en vertu desquelles « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel demande à l’intéressé de lui présenter ses observations dans un délai de deux jours francs à compter de la réception de cette demande » et » La décision est ensuite prononcée sans que soit mise en oeuvre la procédure prévue à l’article 42-7 » sont contraires au principe du respect des droits de la défense, la question soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société CANAL +.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CANAL +, au Conseil supérieur de l’audiovisuel, au ministre de la culture et de la communication et au Premier ministre.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.