RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 14 juin 1996 et 16 septembre 1996, présentés pour M. Jacques-Louis X…, demeurant … ; M. X… demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 3 avril 1996 de la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle décidant, sur la plainte dont il l’avait saisie, de ne pas prononcer de sanction disciplinaire à l’encontre de M. Michel Y… ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953, le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963, et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Guyomar, Auditeur,
– les observations de Me Blondel, avocat de M. X…,
– les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Considérant qu’aux termes de l’article R. 422-58 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « La chambre de discipline (de la Compagnie nationale des conseils en propriété intellectuelle) peut être saisie par le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre chargé de la propriété industrielle ou le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle. /Elle peut se saisir d’office ou être saisie à la suite d’une plainte » ; que l’article R. 422-59 du même code dispose que : « Le conseil en propriété industrielle qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire est cité à comparaître par le secrétaire de la compagnie. La citation précise, à peine de nullité, les faits qui la motivent et la date de l’audience. Elle est portée à la connaissance de l’auteur de la plainte et des autorités mentionnées à l’article R. 422-58 » ; que selon l’article R. 422-61 : « La décision disciplinaire est prise à la majorité (…). La décision est motivée. Elle est notifiée à l’intéressé, au plaignant, au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre chargé de la propriété industrielle (…) / La décision peut être déférée au Conseil d’Etat par la voie du recours en cassation » ; qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l’auteur d’une plainte formée devant la chambre de discipline a la qualité de partie à l’instance ; qu’il suit de là que M. X… est recevable à se pourvoir contre la décision par laquelle la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle a rejeté la plainte qu’il avait formée contre M. Y… ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) publiquement (…) par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) » ;
Considérant qu’il résulte de l’article L. 422-10 du code de la propriété intellectuelle que la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle peut prononcer, outre les sanctions de l’avertissement et du blâme, les sanctions de radiation temporaire ou définitive ; qu’ainsi, les décisions qu’elle prend sont susceptibles de porter atteinte à l’exercice du droit d’exercer la profession de conseil en propriété industrielle, lequel revêt un caractère civil au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’il suit de là que les stipulations de l’article 6 précitées s’appliquent à la procédure suivie devant la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle ; qu’elles sont méconnues par les dispositions de l’article R. 422-60 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction alors applicable aux termes desquelles : « Les séances de la chambre de disciplinene sont pas publiques » ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision attaquée qui mentionne qu’elle a été prise après une audience non publique est intervenue selon une procédure irrégulière ; que M. X… est, par suite, fondé à en demander l’annulation ; qu’il y a lieu de renvoyer l’affaire à la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle ;
Article 1er : La décision en date du 3 avril 1996 de la chambre de discipline de la Compagnie des conseils en propriété industrielle est annulée.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la chambre de discipline de la Compagnie des conseils en propriété industrielle.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques-Louis X…, à la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, à M. Michel Y…, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.