RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 26 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Pierre A, demeurant … ; M. A demande au Conseil d’État : 1°) d’annuler l’arrêt du 10 juillet 2003 par lequel la Cour des comptes a rejeté l’appel formé contre vingt jugements du 20 décembre 2001, par lesquels la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon l’a constitué débiteur de la somme de 96 211,40 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 20 mai 1996, envers divers communes et établissements publics locaux dépendant de la trésorerie de Bourg-Madame (Pyrénées-Orientales) ; 2°) à titre principal, statuant au fond, d’annuler les jugements du 20 décembre 2001 de la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon et de le décharger de sa gestion ; 3°) à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant la Cour des comptes siégeant toutes chambres réunies, en application de l’article R. 143-3 du code des juridictions financières ; 4°) de mettre à la charge de l’État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 7611 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Vu le code des juridictions financières ; Vu la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ; Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : – le rapport de M. Olivier Henrard, Maître des Requêtes, – les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de M. A, – les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. A demande au Conseil d’État d’annuler l’arrêt du 10 juillet 2003 par lequel la Cour des comptes a rejeté l’appel formé contre vingt jugements du 20 décembre 2001 par lesquels la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon l’a constitué débiteur, envers divers communes et établissements publics locaux relevant de la trésorerie de Bourg-Madame (Pyrénées-Orientales), de la somme de 96 211,40 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 20 mai 1996 ; Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice
» ; que lorsque le juge des comptes se prononce à titre définitif, en application des articles L. 111-1 et L. 211-1 du code des juridictions financières, sur la régularité des comptes des comptables publics, il tranche, dès lors qu’est en cause la mise en débet du comptable, une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil au sens de la convention ; que les stipulations précitées sont, par suite, applicables à la procédure suivie par la Cour des comptes lorsque celle-ci, comme en l’espèce, statue, à titre définitif, en appel d’un jugement d’une chambre régionale des comptes mettant en débet un comptable public ; qu’il en résulte que, sous les réserves énoncées ci-dessus, les comptables publics doivent alors disposer du droit de solliciter la tenue d’une audience publique ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, les textes applicables du code des juridictions financières ne le prévoyant pas, le requérant n’a pas eu la possibilité de solliciter la tenue de débats publics devant la Cour des comptes ; qu’ainsi la procédure suivie a été irrégulière ; qu’il suit de là, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de l’article R. 143-3 du code des juridictions financières, de renvoyer l’affaire devant la Cour des comptes siégeant toutes chambres réunies ; qu’il y a également lieu, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’État le paiement à M. A de la somme de 3 000 euros au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E : ————– Article 1er : L’arrêt de la Cour des comptes en date du 10 juillet 2003 est annulé. Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la Cour des comptes siégeant toutes chambres réunies. Article 3 : L’Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre A et au ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Une copie sera adressée pour information au procureur général près la Cour des comptes.