RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 novembre 1983 et 17 février 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’Association Syndicale des Arrosants du Canal de Béal du X… de Sénas, association syndicale autorisée dont le siège est à Sénas 13560 , représentée par son président sen exercice, et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 4 octobre 1983 en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du directeur de l’Agence financière de bassin Rhône-Méditerranée-Corse contenue dans une lettre en date du 10 décembre 1982 assujettissant la requérante à une redevance pour prélèvement d’eau au titre de 1982, d’autre part à la décharge de l’acompte de 14 461 F sur la redevance pour utilisation de la ressource en eau qui lui a été réclamée par avis de versement du 23 avril 1983 au titre de l’année 1982 ;
2° annule pour excès de pouvoir la décision attaquée et prononce la décharge sollicitée,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment son article 62 ;
Vu la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964, modifiée par l’article 12 de la loi n° 74-1114 du 27 décembre 1974 ensemble les décrets n° 66-700 du 14 septembre 1966, n°s 75-996, 75-997 et 75-998 du 29 octobre 1975 ;
Vu la décision du Conseil Constitutionnel en date du 23 juin 1982 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
– le rapport de M. Turquet de Beauregard, Maître des requêtes,
– les observations de la S.C.P. Martin Martinière, Ricard , avocat de l’Association Syndicale des Arrosants du Canal de Béal du X… de Sénas et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de l’agence financière du bassin Rhône-Méditerranée-Corse,
– les conclusions de M. Martin-Laprade, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision n° 82 124 en date du 23 juin 1982, le Conseil Constitutionnel a estimé que les redevances perçues par les agences financières de bassin en application de la loi du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution doivent être rangées parmi les impositions de toute nature dont l’article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement ;
Considérant que ces redevances constituent, par leur nature, des impositions dont le contentieux relève de la juridiction administrative ;
Sur les conclusions à fin d’annulation pour excès de pouvoir :
Considérant que l’Association Syndicale des Arrosants du Canal de Béal du X… de Sénas demande l’annulatin pour excès de pouvoir de la décision qui serait contenue dans une lettre, en date du 10 décembre 1982, par laquelle le directeur de l’agence de bassin Rhône-Méditerranée-Corse lui a confirmé son assujettissement à la redevance instituée par la loi susmentionnée du 16 décembre 1964 et l’a invitée à remplir la déclaration permettant le calcul de cette redevance ; que cette décision n’est pas un acte détachable de la procédure d’imposition ; qu’elle ne peut, en conséquence, être déférée à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peut faire l’objet d’un recours contentieux qu’au titre de la procédure qui est fixée, pour la généralité des impositions, par les articles L. 190 et suivants et R. 190-1 et suivants du livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts et, en ce qui concerne les redevances des agences financières de bassin, par l’article 21 du décret du 14 septembre 1966 qui précise que la réclamation doit être portée devant le directeur de l’agence avant d’être soumise éventuellement à la juridiction administrative compétente ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’association requérante a demandé, le 18 février 1983, la décharge de la somme de 14 461 F à laquelle elle a été assujettie par l’agence, à titre d’acompte sur la redevance pour utilisation de la ressource en eau au titre de l’année 1982, par un avis de versement en date du 23 décembre 1982 ; que la réclamation prématurée qu’elle avait présentée le 16 septembre 1982 au directeur de l’agence a été régularisée par l’établissement ultérieur de l’imposition ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a regardé cette demande en décharge comme irrecevable faute d’avoir été précédée d’une réclamation au directeur et à en demander l’annulation en tant qu’il rejette ces conclusions en décharge ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce il y a lieu d’évoquer pour statuer immédiatement sur ces conclusions ;
Considérant qu’aux termes de l’article 14 de la loi du 16 décembre 1964 : « L’agence établit et perçoit sur les personnes physiques ou privées des redevances, dans la mesure où elles y trouvent leur intérêt… Un décret en Conseil d’Etat fixera les modalités d’application du présent article » ;
Considérant que la constitutionalité de ces dispositions ne peut être discutée devant le Conseil d’Etat statuant au contentieux ; qu’en décidant, à l’article 18 du décret du 14 septembre 1966 que des redevances peuvent être réclamées aux personnes qui rendent l’intervention de l’agence nécessaire en effectuant des prélèvements sur la ressource en cause, les auteurs de ce décret n’ont pas excédé les limites des pouvoirs qu’ils tenaient des dispositions précitées de l’article 14 de la loi du 16 décembre 1964 ;
Considérant que si l’association syndicale requérante invoque les dispositions de l’article 36 de la loi du 16 décembre 1964, selon lesquelles « … les prélèvements effectués en vertu de droits fondés en titre… ne sont pas assujettis à redevance » ; ces dispositions qui concernent uniquement les cours d’eau mixte sont inopérantes en l’espèce, les prélèvements effectués l’étant sur la Durance qui est un cours d’eau domanial ; que par suite, la circonstance que l’association serait titulaire d’un droit de prélèvement fondé en titre n’est pas de nature à l’exonérer de la redevance sur ses prélèvements ; que, dès lors, en l’absence de contestation sur le décompte des droits dûs elle n’est pas fondée à demander la décharge de la redevance à laquelle elle a été assujettie ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 4 octobre 1983 est annulé en tant qu’il a rejeté les conclusions de l’Association Syndicale des Arrosants du Canal de Béaldu X… de Sénas tendant à la décharge de la somme de 14 461 F.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par l’Association Syndicale des Arrosants du Canal de Béal du X… de Sénas devant le tribunal administratif de Lyon tendant à la décharge de la somme de 14 461 F et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’Association Syndicale des Arrosants du Canal de Béal du X… de Sénas, à l’agence financière du bassin Rhône-Méditerranée-Corse et au ministre de l’équipement, du logement, de l’aménagement du territoire et des transports.