RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Paul X, demeurant … ; M. X demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’ordre de mutation en date du 5 juin 2001 l’affectant comme officier d’état-major à la légion de gendarmerie départementale de Nord-Pas-de-Calais à compter du 1er août 2001 ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 20 000 F (3 048,98 euros) en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée ;
Vu le décret n° 98-774 du 19 août 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. J. Boucher, Auditeur,
– les observations de Me Balat, avocat de M. X,
– les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’à supposer même que les courriers adressés les 13 février et 23 mai 2001 par le directeur général de la gendarmerie nationale à M. X, lieutenant-colonel de gendarmerie, puissent être regardés comme révélant l’existence d’une décision de mutation prise par une autorité incompétente, cette circonstance est en tout état de cause sans influence sur la légalité de l’ordre de mutation du 5 juin 2001, lequel a été signé par le général Henri Puyou, chef du service des ressources humaines de la direction générale de la gendarmerie nationale, qui disposait à cet effet, par un arrêté du 25 janvier 2000 modifiant un arrêté du 9 juin 1997, tous deux régulièrement publiés au Journal officiel de la République française, d’une délégation de signature du ministre de la défense ;
Considérant que si M. X soutient que le ministre de la défense a méconnu l’étendue de ses pouvoirs en se contentant d’entériner une décision de mutation déjà prise par le directeur général de la gendarmerie nationale, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre ait renoncé à exercer son pouvoir d’appréciation ; qu’il ressort au contraire de ces mêmes pièces que la situation individuelle de M. X a fait l’objet d’un examen approfondi et notamment, à sa demande, d’une enquête sociale ; qu’ainsi le moyen tiré d’un défaut d’examen par le ministre de la situation individuelle du requérant ne peut qu’être écarté ;
Considérant qu’aux termes de l’article 12 de la loi du 13 juillet 1972 modifiée portant statut général des militaires : Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu ; qu’aux termes de l’article 1er du décret du 19 août 1998 relatif à la mobilité des officiers et sous-officiers de gendarmerie : Les mutations des officiers et des sous-officiers de gendarmerie sont prononcées en fonction des besoins du service et après examen des desiderata des intéressés ;
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la mutation et l’affectation à la légion de gendarmerie départementale du Nord-Pas-de-Calais de M. X, dont les desiderata ont été préalablement examinés, aient été prononcées pour des raisons étrangères à l’intérêt du service ;
Considérant que, si M. X soutient que la décision de mutation attaquée est de nature à rendre plus difficile l’exercice de son droit de visite auprès de sa fille, laquelle résiderait à Paris chez sa mère, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le ministre de la défense ait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle ou familiale du requérant ; que, pour les mêmes raisons, et compte tenu notamment du statut du requérant et des conditions de service propres à l’exercice de la fonction militaire, la mutation attaquée ne peut être regardée, eu égard tant à son objet qu’à ses effets, comme portant une atteinte disproportionnée au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, enfin, que M. X ne peut utilement invoquer, à l’appui de son recours, les dispositions de la directive du ministre de la défense du 8 juin 1978 relative à l’amélioration des conditions de mobilité des militaires, qui a le caractère d’une circulaire dépourvue de toute portée réglementaire ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X n’est pas fondé à demander l’annulation de l’ordre de mutation en date du 5 juin 2001 l’affectant comme officier d’état-major à la légion de gendarmerie départementale du Nord-Pas-de-Calais à compter du 1er août 2001 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Paul X et au ministre de la défense.