RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme A…B…ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1999, 2000 et 2001 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0818115 du 29 octobre 2010, le tribunal administratif de Paris les a déchargés d’une partie des impositions supplémentaires auxquels ils ont été assujettis au titre de l’année 1999 et a rejeté le surplus de leur demande.
Par un arrêt n° 11PA00070 du 7 mars 2013, la cour administrative d’appel de Paris a, à la demande de M. et MmeB…, prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2001 à raison de l’imposition, lors de la cession de 35 491 actions de la société JBF, d’une plus-value placée en report d’imposition résultant de l’échange, en 1991, de 751 actions de la société La Croissanterie contre 105 140 actions de la société JBF, réformé le jugement du 29 octobre 2010 du tribunal administratif de Paris en ce qu’il avait de contraire à son arrêt et rejeté le surplus de la requête.
Procédure devant le Conseil d’Etat
Par un pourvoi enregistré le 17 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre délégué, chargé du budget, demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler les articles 1er à 3 de cet arrêt n° 11PA00070 du 7 mars 2013 de la cour administrative d’appel de Paris ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de M. et MmeB….
Le ministre soutient que la cour administrative d’appel de Paris :
– a commis une erreur de droit en relevant d’office le moyen, qui n’était pas d’ordre public, tiré de l’incompatibilité de l’article 92 B du code général des impôts relatives au report d’imposition des plus-values avec les objectifs de la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;
– a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de l’incompatibilité de l’article 92 B du code général des impôts avec les objectifs de la directive 90/434/CEE était opérant, alors que l’opération en cause dans le litige ne concernait que des sociétés françaises ;
– a commis une erreur de droit en jugeant que l’article 92 B du code général des impôts était contraire aux objectifs de la directive 90/434/CEE.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2014, M. et Mme B…concluent au rejet du pourvoi et à ce que soit mis à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en relevant d’office le moyen, qui n’était pas d’ordre public, tiré de l’incompatibilité de l’article 92 B du code général des impôts avec les objectifs de la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 est irrecevable dès lors que l’administration a répondu au fond devant la cour, sans contester la possibilité pour la cour de soulever d’office ce moyen ; que les autres moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,
– les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. et MmeB….
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 22 juillet 1991, M. B…a apporté à la société JBF 751 actions qu’il détenait dans le capital de la société La Croissanterie et a reçu en échange 105 140 actions de la société JBF ; qu’il a réalisé une plus-value pour laquelle il a sollicité le bénéfice du report d’imposition prévu à l’article 92 B alors applicable du code général des impôts ; que, le 3 août 2001, il a cédé 35 491 des 105 140 actions de la société JBF à la société Financière HT ; qu’à la suite d’un contrôle, l’administration fiscale l’a informé que cette cession entraînait, en application des dispositions, alors en vigueur, du I ter de l’article 160 et de l’article 92 B du code général des impôts, l’expiration du report d’imposition et l’imposition immédiate de la plus-value réalisée ; que le ministre délégué, chargé du budget se pourvoit en cassation contre les articles 1er à 3 de l’arrêt du 7 mars 2013 par lesquels la cour administrative d’appel de Paris a déchargé M. et Mme B…des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils avaient été assujettis au titre de l’année 2001 à raison de l’imposition de cette plus-value ;
2. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance par le droit interne des dispositions d’une directive communautaire ou, désormais, de l’Union européenne ne constitue pas un moyen d’ordre public qu’il appartiendrait au juge de relever d’office ; que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeB…, le ministre peut invoquer en cassation le moyen tiré de l’erreur de droit que la cour administrative d’appel a commise en relevant d’office un moyen qui n’était pas d’ordre public, alors même que, dans ses observations sur ce moyen communiqué aux parties par la cour, il n’aurait pas contesté son caractère d’ordre public, cette erreur de droit étant révélée par son arrêt ; qu’il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir qu’en relevant d’office, pour prononcer la décharge d’une partie des impositions en litige, le moyen tiré de la méconnaissance, par l’article 92 B du code général des impôts, de l’article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’Etat membres différents, la cour a commis une erreur de droit ;
3. Considérant, en outre, qu’il résulte des termes de l’article 1er de cette directive qu’elle ne crée d’obligations à l’égard des Etats membres qu’au regard d’opérations qui concernent des sociétés d’au moins deux Etats membres ; qu’il est constant que la plus-value en cause a été réalisée à l’occasion d’un échange de titres de deux sociétés françaises ; qu’ainsi, elle n’entrait pas dans le champ d’application de la directive du 23 juillet 1990 ; que, par suite, en se fondant sur l’incompatibilité du droit interne avec l’article 8 de cette directive pour prononcer la décharge des impositions portant sur cette plus-value, alors qu’un tel moyen ne pouvait qu’être sans influence sur le bien-fondé de l’imposition, la cour a commis une erreur de droit ;
4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre délégué, chargé du budget est fondé à demander l’annulation des articles 1er à 3 de l’arrêt qu’il attaque ;
5. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er à 3 de l’arrêt du 7 mars 2013 de la cour administrative d’appel de Paris sont annulés.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme B…tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à M. et Mme A…B….