Conseil d’Etat
statuant
au contentieux
N° 183880 184027
Publié au recueil Lebon
8 / 9 SSR
M. Groux, président
M. Musitelli, rapporteur
M. Bachelier, commissaire du gouvernement
Me Ricard, Avocat, avocats
lecture du mercredi 9 juillet 1997
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu, 1°) sous le n° 183880, la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 27 novembre 1996, présentée pour l’OFFICE PUBLIC COMMUNAUTAIRE D’HABITATION A LOYER MODERE DE SAINT-PRIEST, dont le siège est 1-3-5, rue du Maréchal Koenig, à Saint-Priest (69802) représentée par son président en exercice ; l’OFFICE PUBLIC COMMUNAUTAIRE D’HABITATION A LOYER MODERE DE SAINT-PRIEST demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 96-860 du 2 octobre 1996 modifiant le code de la construction et de l’habitation et relatif aux subventions et prêts pour la construction des logements locatifs sociaux, ainsi que la circulaire du 28 septembre 1996 du ministre délégué au logement ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer une somme de 10 000 F, au titre des frais irrépétibles ;
Vu, 2°) sous le n° 184027, la requête enregistrée le 4 décembre 1996,présentée pour l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS D’ORGANISMES D’HLM dont le siège est … (75384 cedex 08), pour la FEDERATION NATIONALE DES OFFICES PUBLICS D’HLM et OPAC, dont le siège est … (75384 cedex 08) et pour la FEDERATION NATIONALE DES SOCIETES COOPERATIVES D’HLM, dont le siège est … (75384 cedex 08) ; l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS D’ORGANISMES D’HLM et autres demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 96-860 du 2 octobre 1996 ;
2°) de condamner l’Etat à leur payer une somme de 30 000 F, au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la construction et de l’habitation ;
Vu l’article 17 de la loi n° 96-1981 du 30 décembre 1996 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Musitelli, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Ricard, avocat de l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS D’ORGANISMES D’HLM et autres,
– les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n° 183880 et 184027 présentent à juger des questions communes ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions des deux requêtes qui tendent à l’annulation du décret n° 96-860 du 2 octobre 1996, modifiant le code de la construction et relatif aux subventions et prêts pour la construction des logements locatifs :
Sur le moyen tiré du défaut de consultation du Conseil supérieur des habitations à loyer modéré ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 461-1 du code de la construction et de l’habitation, figurant au livre IV de ce code, relatif aux habitations à loyer modéré : « Un conseil supérieur des habitations à loyer modéré siège auprès du ministre chargé de la construction et de l’habitation. Il est appelé par le ministre à donner son avis sur toutes les questions concernant les habitations prévues à l’article L. 411-1 et, notamment, sur les règlements à faire pour l’application du présent livre » ; et qu’aux termes de l’article L. 411-1 du même code : « Les dispositions du présent livre ont pour objet de fixer les règles relatives à la construction, l’acquisition, l’aménagement, l’assainissement, la réparation, la gestion d’habitations collectives ou individuelles, urbaines ou rurales, répondant aux caractéristiques techniques et de prix de revient déterminées par décision administrative et destinées aux personnes et aux familles de ressources modestes » ;
Considérant que le décret attaqué du 2 octobre 1996 modifie diverses dispositions de la section première, intitulée « Subventions et prêts pour la construction, l’acquisition et l’amélioration des logements locatifs aidés », du chapitre unique du Titre III du Livre III du code de la construction et de l’habitation » (partie réglementaire) ; que les nouvelles règles de portée générale qu’il édicte ne s’appliquent pas aux seules opérations de construction, de logements locatifs « aidés » que réalisent les organismes d’HLM, même si ces derniers sont principalement concernés par les changements apportés à la réglementation en vigueur par le décret du 2 octobre 1996 ; qu’ainsi, les questions traitées par ce décret ne sont pas au nombre de celles sur lesquelles le ministre était tenu de recueillir l’avis du Conseil supérieur des HLM ; que, dès lors, le moyen tiré de l’absence de consultation de ce conseil doit être écarté ;
Sur les autres moyens :
Considérant que, si l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS D’ORGANISMES D’HLM et autres soutiennent que le décret attaqué compromettrait l’objectif général de « satisfaction des besoins en logements » inscrit dans les articles L. 301-1 et L. 301-2 du code de la construction et de l’habitation et porterait atteinte au principe du droit au logement, tel qu’il est posé par le préambule de la Constitution, par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966, et par le les lois des 23 juin 1982, 6 juillet 1989 et 31 mai 1990, ils n’établissent pas, en tout état de cause, en quoi les dispositions contestées méconnaîtraient cet objectif et ce principe ;
Considérant qu’il n’existe pas de droits acquis au maintien de dispositions réglementaires ; que l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS D’ORGANISMES D’HLM et autres ne peuvent donc invoquer les prétendus droits acquis qu’ils tiendraient de l’état antérieur de la réglementation pour critiquer les dispositions du décret attaqué, qui le modifie ;
Considérant que le moyen tiré de ce que, faute d’être assorti de mesures transitoires, le décret du 2 octobre 1996 porterait atteinte à un principe de droit communautaire ne peut, en tout état de cause, être accueilli, dès lors que les règles relatives au financement du logement social aidé sont uniquement définies par le droit interne et ne relèvent pas du droit communautaire ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS D’ORGANISMES D’HLM et autres ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret n° 96-860 du 2 octobre 1996 ;
Sur les conclusions de la requête n° 183880 qui tendent à l’annulation de la circulaire du 28 septembre 1996 du ministre délégué au logement :
Considérant que, par cette circulaire, le ministre délégué au logement a fait connaître aux préfets de région et de département les « nouvelles modalités d’octroi des aides à la pierre de l’Etat aux opérations de construction de logements locatifs sociaux PLA neufs », devant résulter tant des modifications que le gouvernement avait décidé d’apporter aux dispositions réglementaires précitées du code de la construction et de l’habitation que de celles qui devaient figurer dans un article du projet de loi de finances pour 1997, et leur a indiqué que cette réforme serait mise en oeuvre dès le 1er octobre 1996 ; que les mesures ainsi annoncées ont fait l’objet du décret n° 96-860 du 2 octobre 1996, précité, et de l’article 17 de la loi de finances pour 1997, n° 96-1181 du 30 décembre 1996, dont le dispositif, prenant effet au 1er octobre 1996, comporte toutefois, certaines modifications par rapport au texte du projet soumis au vote du Parlement ; qu’ainsi, la circulaire doit être regardée comme ayant elle-même édicté, à la date à laquelle elle a été signée, des dispositions, relevant du domaine de la loi ou du décret, qui n’avaient pas encore été adoptées, et se trouve donc entachée d’incompétence ; qu’ainsi, l’OFFICE PUBLIC COMMUNAUTAIRE D’HABITATION A LOYER MODERE DE SAINT-PRIEST est fondé à en demander, pour ce motif, l’annulation ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l’Etat à payer à l’OFFICE PUBLIC COMMUNAUTAIRE D’HLM DE SAINT-PRIEST une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, les mêmes dispositions font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans l’instance n° 184027, la partie perdante, soit condamné à payer à l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS D’ORGANISME D’HLM et autres, la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La circulaire du 28 septembre 1996 du ministre délégué au logement est annulée.
Article 2 : L’Etat paiera à l’OFFICE PUBLIC COMMUNAUTAIRE D’HABITATION A LOYER MODERE DE SAINT-PRIEST une somme de 5 000 F, au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La requête de l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS D’ORGANISMES d’HLM, de la FEDERATION NATIONALE DES OFFICES PULICS D’HLM ET OPAC et de la FEDERATION NATIONALE DES SOCIETES COOPERATIVES D’HLM ainsi que le surplus des conclusions de la requête de l’OFFICE PUBLIC COMMUNAUTAIRE D’HABITATION A LOYER MODERE DE SAINT-PRIEST, sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’OFFICE PUBLIC COMMUNAUTAIRE D’HABITATION A LOYER MODERE DE SAINT-PRIEST, à l’UNION NATIONALE DES FEDERATIONS D’ORGANISMES d’HLM, à la FEDERATION NATIONALE DES OFFICES PULICS D’HLM ET OPAC, à la FEDERATION NATIONALE DES SOCIETES COOPERATIVES D’HLM, au Premier ministre, au ministre de l’équipement, des transports et du logement et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.