• Accueil
  • Manuels et thèses
    • La protection des droits fondamentaux en France, 2ème édition
    • Droit administratif français, 6ème édition
    • Contentieux administratif, 3ème édition
    • Science politique, 2ème édition
    • Droit public allemand
    • Le principe de séparation des pouvoirs en droit allemand
  • Chroniques
    • Archives
      • Matière pénale
      • Responsabilité médicale
      • Droit des affaires
      • Droit constitutionnel
      • Droit civil
      • Droit et culture populaire
    • Droit administratif français et comparé
    • Droit de l’Union
    • Droit public économique et contrats publics
    • Droit des libertés
    • Contentieux administratif
    • Informatique juridique
    • Droit public financier
  • Revues archivées
    • Bulletin juridique des collectivités locales
    • Droit 21
    • Jurisprudence Clef
    • Scientia Juris
  • Colloques
    • 5 mai 2021 : L’UE et ses Etats membres, entre identité et souveraineté
    • 17-18 octobre 2019 : La révision des lois bioéthiques
    • 12 avril 2019 : L’actualité des thèses en droit public comparé
    • 31 janvier 2019 : Autonomie locale et QPC
    • 12 et 13 avril 2018: Les algorithmes publics
    • 30 mars 2018 : L’open data, une évolution juridique ?
    • 8 février 2018 : La nouvelle doctrine du contrôle de proportionnalité : conférence-débat
    • 15 septembre 2017 : La réforme
    • 3 avril 2015 : La guerre des juges aura-t-elle lieu ?
    • 30 octobre 2014 : La dignité de la personne humaine : conférence-débat
    • 27 juin 2014 : Le crowdfunding
    • 11 octobre 2013 : La coopération transfrontalière
  • Rééditions
    • Léon Duguit
      • Les transformations du droit public
      • Souveraineté et liberté
    • Maurice Hauriou : note d’arrêts
    • Édouard Laferrière
    • Otto Mayer
  • Twitter

Revue générale du droit

  • Organes scientifiques de la revue
  • Charte éditoriale
  • Soumettre une publication
  • Mentions légales
You are here: Home / decisions / CEDH, 14 juin 2011, Del Pino Garcia et Ortin Mendez contre Espagne, req. n°23651/07

CEDH, 14 juin 2011, Del Pino Garcia et Ortin Mendez contre Espagne, req. n°23651/07

Citer : Revue générale du droit, 'CEDH, 14 juin 2011, Del Pino Garcia et Ortin Mendez contre Espagne, req. n°23651/07, ' : Revue générale du droit on line, 2011, numéro 57223 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=57223)


Imprimer




....

Décision citée par :
  • Christophe De Bernardinis, B. Le juge constitutionnel et les droits fondamentaux consacrés par la ConvEDH


TROISIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 23651/07
présentée par Antonio DEL PINO GARCIA et María ORTIN MENDEZ
contre l’Espagne

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant le 14 juin 2011 en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Corneliu Bîrsan,
Alvina Gyulumyan,
Ineta Ziemele,
Luis López Guerra,
Mihai Poalelungi,
Kristina Pardalos, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 21 mai 2007,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

1.  Les requérants, M. Antonio Del Pino García et Mme María Ortín Méndez, sont des ressortissants espagnols, résidant à Alicante. Ils sont représentés devant la Cour par Me J.L. Mazón Costa, avocat à Murcia. Le gouvernement espagnol (« le Gouvernement ») était représenté par son agent, M. I. Blasco Lozano, chef du service juridique des droits de l’homme au ministère de la Justice.

A.  Les circonstances de l’espèce

2.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

3.  Les requérants habitent un appartement situé au première étage d’un immeuble, au bas duquel se trouvent les bureaux de la compagnie d’assurances A.

4.  Entre décembre 1996 et janvier 1997, la compagnie d’assurances fit des travaux de rénovation. A partir de cette date, les requérants commencèrent à subir des nuisances provoquées par le bruit et les vibrations provenant de l’installation de chauffage et de climatisation située au dessous de leur appartement.

5.  En octobre 1998, suite aux plaintes des requérants, la compagnie d’assurance fit des travaux d’isolement acoustique.

6.  En raison de la persistance des bruits, les requérants s’adressèrent à la police locale d’Alicante qui, dans un rapport du 26 juillet 2000 constata qu’à 13 heures le niveau de bruit ambiant dans l’appartement était de 36,8 décibels, alors que le niveau sonore maximal permis réglementairement entre 8 heures et 22 heures était de 35 décibels. Un autre rapport du 5 octobre 2000 signala que le niveau de bruit à 10 heures 30 était de 41,8 décibels.

7.  Par une décision du 16 octobre 2000, la municipalité d’Alicante ordonna la suspension du fonctionnement de l’installation de chauffage et de climatisation pour réaliser de manière immédiate les travaux pertinents et effectifs de correction de l’isolement acoustique.

8.  Le 5 janvier 2001, les requérants, exaspérés par la persistance des bruits et des vibrations, présentèrent une action au civil contre la compagnie d’assurance auprès du juge de première instance no 4 d’Alicante. Ils sollicitèrent la réalisation des travaux afin d’obtenir l’isolation acoustique totale de l’installation de chauffage et de climatisation, la fin des vibrations, ainsi que le versement d’une indemnisation pour les dommages subis pendant quatre ans.

9.  Dans un rapport du 19 janvier 2001, la police locale constata que le niveau de bruit dans l’appartement des requérants était de 34,8 décibels, n’excédant donc pas la limite de 35 décibels permis réglementairement entre 8 heures et 22 heures.

10.  Par une décision du 6 février 2001, la municipalité d’Alicante autorisa le fonctionnement de l’installation de chauffage et de climatisation de la compagnie d’assurance.

11.  Le 25 octobre 2001, lors de l’expertise judiciaire de l’appartement, la commission judiciaire constata l’existence d’une nuisance sonore légère dans la chambre des requérants, sans aucune vibration. Cette nuisance diminuait dans la salle de bains et était presque inexistante dans le couloir. Avec les fenêtres ouvertes, la nuisance sonore augmentait légèrement. A la demande des requérants, la commission judiciaire visita le bureau de la compagnie d’assurance et constata que, pendant la durée de l’expertise, l’appareil de chauffage et de climatisation fonctionnait à sa puissance maximale.

12.  Par un jugement 28 juin 2002, le juge de première instance no 4 d’Alicante accueillit partiellement les prétentions des requérants et obligea la compagnie d’assurances à leur verser une indemnité, dont le montant devait être déterminé lors de l’exécution du jugement. Le juge rejeta, toutefois, la prétention des requérants de contraindre la compagnie d’assurances à réaliser des travaux tendant à l’isolation acoustique totale et à éviter les vibrations. Compte tenu du rapport de la police locale du 19 janvier 2001, ainsi que de l’expertise judiciaire effectuée le 25 octobre 2001, il estima que l’installation de chauffage et de climatisation située dans le local de la partie défenderesse émettait des nuisances sonores légères qui ne dépassaient pas les limites réglementaires et ne transmettait pas des vibrations.

13.  Cependant, le juge considéra qu’entre janvier 1997 et le 16 octobre 2000 les requérants avaient supporté des nuisances sonores d’un niveau supérieur aux limites légales. Il nota, à cet égard, que la compagnie d’assurances n’avait pas adopté les mesures nécessaires pour éviter que son activité affectât l’intimité et la qualité de vie des requérants jusqu’aux travaux d’isolation acoustique réalisés en octobre 1998, qui s’étaient avérés insuffisants au vu des médiations et de la décision prise par la municipalité en octobre 2000. Par ailleurs, il observa que cette situation, qui se prolongea pendant presque quatre ans, affecta la qualité de vie du premier requérant. En effet, une expertise psychologique montrait que ce dernier présentait un trouble d’anxiété dû à la prolongation du problème de bruits, précisant qu’il n’avait eu aucun trouble psychologique auparavant.

14.  La compagnie d’assurances ainsi que les requérants firent appel. Par un arrêt du 3 mars 2003, l’Audiencia Provincial d’Alicante annula le jugement de première instance et acquitta la compagnie d’assurance de l’obligation de payer une indemnité aux requérants. Compte tenu de l’ensemble des preuves analysées, et notamment de l’expertise judiciaire d’octobre 2001, elle conclut à l’absence de vibrations à l’intérieur du domicile des requérants et nota que les nuisances sonores détectées étaient faibles ou inexistantes.

15.  Pour ce qui est des nuisances sonores et des vibrations dans le passé, elle signala que les seules données objectives existant dans le dossier de la procédure étaient les rapports de la police locale de juillet et d’octobre 2000, qui constataient un léger dépassement sonore à l’intérieur de l’appartement par rapport à la limite de 35 décibels fixée réglementairement entre 8 heures et 22 heures (de 1,8 et 6,8 décibels respectivement). Conformément aux dispositions de l’arrêté municipal d’Alicante relatif à la protection contre les bruits et les vibrations, ces niveaux de bruit étaient constitutifs d’une infraction légère, un dépassement de 10 décibels étant exigé pour constituer une infraction grave et de 15 décibels pour une infraction très grave.

16.  L’Audiencia Provincial nota, en outre, que seuls étaient interdits les bruits continus, émis dans les heures réservées pour le repos, ou d’un niveau supérieur aux limites fixées réglementairement, qui impliquaient une intrusion dans la sphère privée, empêchant le développement personnel ou les activités des personnes, sans raison suffisamment justifiée pour le faire, ce qui n’était pas le cas des nuisances sonores objet du litige.

17.  Les requérants présentèrent une action en nullité des actes de la procédure, se plaignant que l’Audiencia Provincial n’avait pas examiné une expertise psychologique qu’ils avaient présentée devant ce tribunal. Par une décision du 28 mars 2003, l’Audiencia Provincial la rejeta.

18.  Le 24 avril 2003, les requérants formèrent un recours d’amparo devant le Tribunal constitutionnel, invoquant les articles 15 (droit à l’intégrité physique et morale), 18 (droit à l’inviolabilité du domicile) et 24 (droit à un procès équitable) de la Constitution.

19.  Le 20 septembre 2005, ils firent valoir auprès du Tribunal constitutionnel qu’il tardait à se prononcer sur l’admissibilité de leur recours d’amparo.

20.  Le 2 novembre 2005, la haute juridiction accorda aux requérants un délai de dix jours pour présenter des allégations concernant l’éventuel manque de contenu constitutionnel de leur recours d’amparo, motif d’irrecevabilité prévu par l’article 50 § 1 c) de la Loi organique du Tribunal constitutionnel.

21.  Les requérants présentèrent leurs allégations en temps voulu. Le 11 janvier 2006, le Tribunal constitutionnel déclara le recours d’amparo recevable et invita les autres parties à présenter leurs allégations dans un délai de dix jours. Le ministère public sollicita l’octroi de l’amparo aux requérants pour la violation des droits à l’intégrité physique et morale et à l’inviolabilité du domicile.

22.  Par un arrêt du 20 novembre 2006, notifié le 4 décembre 2006, le Tribunal constitutionnel déclara le recours d’amparo irrecevable pour tardiveté. Il estima que l’action en nullité présentée par les requérants n’était pas pertinente, car elle portait sur le non-examen d’une expertise psychologique, ce qui était une question d’appréciation des preuves visant le fond de l’objet du litige et non un défaut de forme, comme l’exigeait l’article 240 § 3 de la Loi organique relative au Pouvoir judiciaire. Dans ces conditions, il considéra que le délai légal de vingt jours pour introduire le recours d’amparo commençait à courir à partir de la date de notification de l’arrêt rendu en appel par l’Audiencia Provincial d’Alicante le 3 mars 2003, à savoir le 11 mars 2003. Dans la mesure où les requérants présentèrent leur recours d’amparo le 24 avril 2003, le délai de vingt jours s’était déjà écoulé à cette date, en raison de l’exercice d’une voie de recours manifestement dépourvue de toute chance de succès.

23.  Contre cet arrêt, les requérants présentèrent une action en nullité. Par une décision du 28 février 2007, le Tribunal constitutionnel rejeta l’action rappelant qu’aucun recours n’était possible à l’encontre d’un arrêt rendu par la haute juridiction.

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

1.  Constitution

Article 10 § 2

« Les dispositions relatives aux droits fondamentaux et aux libertés reconnus par la Constitution seront interprétées conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et aux traités et accords internationaux ratifiés dans ce domaine par l’Espagne. »

Article 15

« Tous ont droit à la vie et à l’intégrité physique et morale, (…) »

Article 18 § 2

« Le domicile est inviolable. (…) »

Article 45 § 1

« Toute personne a le droit de jouir d’un environnement approprié pour développer sa personnalité et a le devoir de le conserver.

(…) »

Article 53 § 2

« Tout citoyen peut demander la protection des libertés et des droits reconnus à l’article 14 et à la section première du chapitre deux devant les tribunaux ordinaires par une action fondée sur les principes de priorité et de la procédure sommaire et, le cas échéant, par le recours individuel de protection (amparo) devant le Tribunal constitutionnel. (…) »

2.  Loi organique 6/1985, du 1er juillet 1985, relative au Pouvoir judiciaire, dans la version en vigueur à l’époque des faits

Article 240 § 3

« En règle générale, l’action en nullité de la procédure n’est pas admise. Toutefois, exceptionnellement, les parties légitimes ou celles qui auraient dû l’être peuvent solliciter par écrit la déclaration de nullité de la procédure en raison de défauts de formalité ayant causé une situation d’impossibilité de se défendre (indefensión) ou pour défaut de motivation du jugement ou de congruence (incongruencia) de l’arrêt, pourvu que, dans le premier cas, de tels défauts n’aient pas pu être invoqués avant le prononcé de l’arrêt ou de la décision mettant un terme à la procédure et que, dans l’un ou l’autre cas, l’arrêt ou la décision ne soient pas susceptibles de recours visant à réparer les atteintes aux droits de défense.

Le juge ou tribunal ayant rendu le jugement ou la décision devenue définitive sera compétent pour connaître de cette action. Le délai pour formuler la demande en nullité sera de vingt jours à partir de la notification du jugement, de la décision ou, le cas échéant, à compter du moment où l’intéressé a eu connaissance du défaut entraînant l’impossibilité de se défendre. Dans ce dernier cas, la nullité ne peut pas être requise une fois passé le délai de cinq ans depuis la notification du jugement ou de la décision. Le juge ou tribunal rejettera toute action en nullité ayant pour but de soulever d’autres questions. La décision rejetant l’action en nullité ne pourra pas faire l’objet d’un quelconque recours. »

3.  Loi organique 2/1979, du 3 octobre 1979, du Tribunal constitutionnel, dans la version en vigueur à l’époque des faits

Article 44

« 1. Les violations des droits et libertés susceptibles de protection (amparo) constitutionnelle, qui trouveraient leur origine immédiate et directe dans un acte ou une omission d’un organe judiciaire, pourront donner lieu à ce recours pourvu que les conditions suivantes soient remplies :

a) Que tous les recours prévus dans la voie judiciaire aient été épuisés.

b) Que la violation du droit ou de la liberté soit imputable de manière immédiate et directe à une action ou à une omission de l’organe judiciaire, indépendamment des faits ayant donné lieu à la procédure au cours de laquelle elle s’est produite, faits sur lesquels le Tribunal constitutionnel ne pourra connaître en aucun cas.

c) Que le droit constitutionnel enfreint ait été formellement invoqué lors de la procédure, dès qu’il y a lieu, une fois la violation connue.

2. Le délai pour introduire le recours d’amparo sera de vingt jours à compter de la notification de la décision rendue dans la procédure judiciaire. »

Article 50 § 5

« Lors qu’un recours d’amparo est atteint d’un ou de plusieurs défauts de nature réparable, la Section procédera de la manière prévue par l’article 85 § 2 ; si la réparation ne se produit pas dans le délai fixé par cette disposition, la Section déclarera le recours irrecevable par une décision (providencia) qui ne pourra pas faire l’objet d’un quelconque recours. »

Article 85 § 2

« Dans les cas réparables auxquels fait référence l’article 50 de la présente Loi, le Tribunal devra notifier les motifs d’irrecevabilité existants au requérant, afin qu’il puisse réparer les défauts constatés dans un délai de dix jours. »

4.  Arrêt du Tribunal constitutionnel 237/2006, du 17 juillet 2006

« … le respect du délai prévu par l’article 44 § 2 de la Loi organique du Tribunal constitutionnel ne constitue pas une exigence formelle injustifiée, mais une garantie substantielle de la sécurité juridique qui agit en tant que délai de prescription qui ne peut pas être prorogé, ni suspendu ni artificiellement prolongé par la volonté des parties (…) en conséquence, la date à partir de laquelle il faut commencer à compter ledit délai est celle à laquelle le requérant en amparo fut notifié ou eut la connaissance suffisante et irréfutable de la décision mettant fin à la voie judiciaire préalable, sans pouvoir prendre en considération les recours manifestement inexistants ou dépourvus de toute chance de succès interjetés après cette date (voir pour tous, l’arrêt 245/2000, du 16 octobre 2000, fondement de droit no 2, et les nombreux arrêts y cités). »

5.  Arrêt du Tribunal constitutionnel 288/2006, du 9 octobre 2006

« … conformément à la doctrine consolidée du Tribunal constitutionnel, les vices irréparables dont le recours d’amparo pourrait être atteint ne sont pas réparés si le recours est initialement déclaré recevable ; dès lors, le contrôle des conditions procédurales requises pour la viabilité du recours peut toujours être effectué dans l’arrêt, tant à la demande des parties que d’office (voir entre autres, les arrêts 53/1983, du 20 juin 1983, fondement de droit no 2 ; 91/1978, du 3 juin 1987, fondement de droit no 1 ; 50/1991, du 11 mars 1991, fondement de droit no 3 ; 107/1995, du 3 juillet 1995, fondement de droit no 2 ; 77/1999, du 26 avril 1999, fondement de droit no 2 ; 208/2001, du 22 octobre, fondement de droit no 2 ; 69/2003, du 9 avril 2003, fondement de droit no 2 ; 72/2004, du 19 avril 2004, fondement de droit no 5 ; et 97/2004, du 24 mai 2004, fondement de droit no 2). »

GRIEFS

24.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants considèrent que la décision du Tribunal constitutionnel de déclarer irrecevable leur recours d’amparo constitue un cas de déni de justice. Plus particulièrement, ils se plaignent que lorsque la haute juridiction leur accorda un délai de dix jours pour réparer l’éventuel manque de contenu constitutionnel de leur recours d’amparo, elle ne posa aucune question sur le caractère non-pertinent de l’action en nullité et la tardiveté de leur recours.

25.  Les requérants invoquent également l’article 8 de la Convention. Ils se plaignent qu’ils n’ont reçu aucune indemnisation pour les bruits et les vibrations qu’ils ont subis pendant presque quatre ans dans leur appartement, malgré le fait que le jugement de première instance ait reconnu qu’ils avaient supporté des bruits et des vibrations qui avaient dépassé les limites réglementairement fixées.

 

EN DROIT

Sur l’exception préliminaire de non-épuisement des voies de recours internes

26.  Le Gouvernement estime que la requête doit être déclarée irrecevable en raison du non-épuisement des voies des recours internes, dans la mesure où le recours d’amparo formé par les requérants devant le Tribunal constitutionnel fut déclaré irrecevable pour tardiveté.

27.  Pour leur part, les requérants allèguent que le Tribunal constitutionnel ne formula aucune objection contre le manque de pertinence de l’action en nullité et la tardiveté de leur recours d’amparo dans sa décision du 2 novembre 2005 par laquelle ils se sont vus accorder un délai pour présenter des allégations concernant un autre motif d’irrecevabilité. Par ailleurs, ils considèrent que l’action en nullité était pertinente.

28.  La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 de la Convention, elle ne peut être saisie d’une requête qu’après l’épuisement des voies de recours internes. A cet égard, elle rappelle la jurisprudence constante des organes de la Convention selon laquelle il n’y a pas d’épuisement lorsqu’un recours a été déclaré irrecevable à la suite du non-respect d’une formalité (Ben Salah Adraqui et Dhaime c. Espagne (déc.), no 45023/98, CEDH 2000-IV).

29.  En l’espèce, la Cour observe que les requérants montrent leur désaccord avec l’interprétation faite par le Tribunal constitutionnel en ce qui concerne le manque de pertinence de l’action en nullité ayant donné lieu à l’introduction tardive de leur recours d’amparo.

30.  A cet égard, la Cour rappelle qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. En effet, c’est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, 19 décembre 1997, § 31, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VIII), et elle ne substituera pas sa propre appréciation du droit à la leur en l’absence d’arbitraire (voir, entre autres, Tejedor García c. Espagne, 16 décembre 1997, § 31, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VIII).

31.  Cela est aussi vrai s’agissant de l’interprétation par les tribunaux de règles de nature procédurale. Ainsi, la Cour n’est pas compétente pour examiner les différentes réglementations existantes dans les États membres quant aux conditions de recevabilité des recours, ni l’interprétation que les juridictions de ces États effectuent sur lesdites conditions (voir Salt Hiper, S.A. c. Espagne, no 25779/03, § 24, 7 juin 2007).

32.  C’est en principe aux juridictions internes de veiller au respect de ces conditions dans le déroulement de leurs propres procédures. En l’espèce, la Cour relève que le Tribunal constitutionnel rejeta pour tardiveté le recours d’amparo présenté par les requérants le 24 avril 2003, après avoir conclu que le délai de vingt jours pour la présentation du recours prévu par l’article 44 § 2 de la Loi organique du Tribunal constitutionnel avait commencé à courir le 11 mars 2003, date de notification de l’arrêt rendu en appel par l’Audiencia Provincial d’Alicante. La haute juridiction espagnole considéra que l’action en nullité interjetée par les requérants n’avait pas interrompu ledit délai, dans la mesure où elle n’était pas pertinente. Cette conclusion se trouve, en outre, corroborée par le rejet a limine de l’action en nullité par l’Audiencia Provincial. De l’avis de la Cour, cette interprétation de la législation interne effectuée par le Tribunal constitutionnel ne saurait pas être qualifiée d’arbitraire, de déraisonnable ou de nature à entacher l’équité de la procédure.

33.  Les requérants se plaignent de ne pas avoir été informés, au préalable, de la tardiveté de leur recours d’amparo, alors que le Tribunal constitutionnel, par une décision du 2 novembre 2005, leur accorda un délai de dix jours pour présenter des allégations concernant un autre motif d’irrecevabilité. Certes le Tribunal constitutionnel ne souleva pas l’éventuelle tardiveté du recours lors de la phase préliminaire d’examen des conditions de recevabilité. Cependant, la Cour constate que le non-respect par les requérants du délai légal pour introduire le recours d’amparo constitue un défaut de nature objective et irréparable, qui rend inutile la possibilité de présenter des allégations afin de le réparer (a contrario, Saez Maeso c. Espagne, no 77837/01, 9 novembre 2004 et Llavador Carretero c. Espagne, no 21937/06, 15 décembre 2009). Au demeurant, la Cour note que conformément à l’article 85 § 2 de la Loi organique du Tribunal constitutionnel (voir titre 3.  Loi organique 2/1979, du 3 octobre 1979, du Tribunal constitutionnel, ci-dessus), la haute juridiction espagnole n’était obligée de notifier le motif d’irrecevabilité et d’accorder un délai de dix jours que lorsque le défaut constaté est de nature réparable.

34.  Au vu de ce qui précède, la Cour estime que les requérants n’ont pas correctement épuisé les voies de recours internes qui les étaient ouvertes en droit espagnol, conformément à l’article 35 § 1 de la Convention. Il s’ensuit que la requête doit être rejetée, en application de l’article 35 § 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Santiago QuesadaJosep Casadevall
GreffierPrésident

 

About Revue générale du droit

Revue générale du droit est un site de la Chaire de droit public français de l’Université de la Sarre


Recherche dans le site

Contacts

Copyright · Revue générale du droit 2012-2014· ISSN 2195-3732 Log in

»
«