Le Comité des Ministres,
Vu l’article 54 (art. 54) de la Convention de sauvegarde des Droits de
l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée « la
convention »);
Vu l’arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme rendu
le 18 janvier 1978 dans l' »affaire Irlande contre Royaume-Uni »
transmis à la même date au Comité des Ministres;
Rappelant qu’à l’origine de cette affaire se trouve une requête
dirigée contre le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord et qui a été introduite par le Gouvernement de
l’Irlande, le 16 décembre 1971, devant la Commission européenne des
Droits de l’Homme en vertu de l’article 24 (art. 24) de la
convention;
Rappelant que cette affaire a été portée, le 10 mars 1976, devant la
Cour européenne des Droits de l’Homme, par le Gouvernement irlandais,
conformément à l’article 48 (art. 48) de la convention;
Considérant que la Cour, dans son arrêt du 18 janvier 1978, a
I. Sur l’article 3 (art. 3)
1. dit, à l’unanimité, que malgré l’absence de contestation sur
certaines violations de l’article 3 (art. 3) il y a lieu de statuer à
leur sujet;
2. dit, à l’unanimité, qu’elle a compétence pour connaître des cas de
violation alléguée de l’article 3 (art. 3) dans la mesure où le
gouvernement requérant les invoque afin de démontrer l’existence d’une
pratique;
3. dit, par seize voix contre une, que l’emploi des cinq techniques en
août et octobre 1971 a constitué une pratique de traitements inhumains
et dégradants incompatible avec l’article 3 (art. 3);
4. dit, par treize voix contre quatre, qu’il n’a pas constitué une
pratique de torture au sens de cet article (art. 3);
5. dit, par seize voix contre une, que nulle autre pratique de mauvais
traitements ne se trouve établie pour les centres non identifiés
d’interrogatoire;
6. dit, à l’unanimité, qu’il a existé à Barracks, à l’automne 1971,
une pratique de traitements inhumains incompatible avec l’article 3
(art. 3);
7. dit, par quatorze voix contre trois, qu’il ne s’agissait pas d’une
pratique de torture au sens de cet article (art. 3);
8. dit, à l’unanimité, qu’il n’est pas établi que la pratique en
question ait persisté au-delà de l’automne 1971;
9. dit, par quinze voix contre deux, que nulle pratique contraire à
l’article 3 (art. 3) ne se trouve établie pour d’autres lieux;
10. dit, à l’unanimité, que la Cour ne saurait prescrire à l’Etat
défendeur d’engager des poursuites pénales ou disciplinaires contre
ceux des membres des forces de sécurité qui ont perpétré les
infractions à l’article 3 (art. 3) constatées par elle et contre
ceux qui les ont couvertes ou tolérées;
II. Sur l’article 5 (art. 5)
11. dit, à l’unanimité, qu’il existait à l’époque en Irlande du Nord
un danger public menaçant la vie de la nation, au sens de l’article 15,
paragraphe 1 (art. 15-1);
12. dit, à l’unanimité, que les avis britanniques de dérogation
des 20 août 1971, 23 janvier 1973 et 16 août 1973 satisfaisaient aux
exigences de l’article 15, paragraphe 3 (art. 15-3);
13. dit, par seize voix contre une, que la pratique suivie en Irlande
du Nord, du 9 août 1971 à mars 1975, dans l’application des textes
prévoyant des privations « extrajudiciaires » de liberté a entraîné des
dérogations aux paragraphes 1 à 4 de l’article 5 (art. 5-1, art. 5-2,
art. 5-3, art. 5-4), mais qu’il n’est pas établi qu’elles aient
dépassé la stricte mesure des exigences de la situation, au sens de
l’article 15, paragraphe 1 (art. 15-1);
14. dit, à l’unanimité, que le Royaume-Uni n’a pas méconnu en l’espèce
d’autres obligations découlant du droit international, au sens de
l’article 15, paragraphe 1 (art. 15-1);
15. dit, par quinze voix contre deux, que nulle discrimination
contraire aux articles 14 et 5 (art. 14+5) combinés ne se trouve
établie;
III. Sur l’article 6 (art. 6)
16. dit, à l’unanimité, que les dérogations à l’article 6 (art. 6), à
supposer qu’il s’appliquât en l’espèce, se révèlent compatibles avec
l’article 15 (art. 15);
17. dit, par quinze voix contre deux, que nulle discrimination
contraire aux articles 14 et 6 (art. 14+6) combinés, à supposer ce
dernier applicable en l’espèce, ne se trouve établie;
IV. Sur l’article 50 (art. 50)
18. dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 50
(art. 50) en l’espèce;
Vu les « règles relatives à l’application de l’article 54 (art. 54) de
la convention »;
Ayant invité le Gouvernement du Royaume-Uni à l’informer des mesures
prises à la suite de cet arrêt, eu égard à l’obligation de s’y
conformer selon l’article 53 (art. 53) de la convention;
Considérant que, lors de l’examen de cette affaire par le Comité des
Ministres, le Gouvernement du Royaume-Uni a informé celui-ci des
raisons pour lesquelles il a estimé qu’il n’y a pas lieu d’adopter, à
la suite de cet arrêt, d’autres mesures que celles qui ont déjà été
prises, ces informations étant résumées dans l’annexe à la présente
résolution.
Déclare, ayant pris note de ces informations, qu’il a rempli ses
fonctions en vertu de l’article 54 (art. 54) de la convention, dans
cette affaire.
Annexe à la Résolution (78) 35
Résumé des informations fournies par le Gouvernement du Royaume-Uni
lors de l’examen de l' »affaire Irlande contre Royaume-Uni »
par le Comité des Ministres
I. La Cour a constaté que l’emploi des cinq techniques pour aider
aux interrogatoires en août et octobre 1971 a constitué une pratique
de traitements inhumains et dégradants incompatible avec l’article 3
(art. 3) de la convention. Les quatorze hommes concernés ont intenté
des actions en dommages-intérêts devant la High Court de l’Irlande du
Nord et se sont vu accorder des indemnités allant de 10 000 £ à
25 000 £. Le Gouvernement du Royaume-Uni a chargé une commission
d’enquête sous la présidence de Sir Edmund Compton d’enquêter entre
août et novembre 1971 sur les faits en cause. La Commission Parker a
ensuite examiné si les techniques devaient être employées à l’avenir.
Comme l’arrêt le relate, le Premier Ministre, M. Heath, a déclaré, en
mars 1972, que les techniques ne seraient plus employées comme aide à
l’interrogatoire et, en février 1977, la Cour a donné acte de
l’engagement solennel pris par l’Attorney-General à ce même effet.
Les cinq techniques n’ont pas été employées depuis octobre 1971 et le
Gouvernement du Royaume-Uni ne permettrait pas et n’admettrait pas
leur emploi à l’avenir, en Irlande du Nord ou ailleurs.
II. La Cour a également constaté qu’il a existé, à l’automne 1971,
une pratique de taitements inhumains incompatible avec l’article 3
(art. 3) de la convention à l’occasion de l’interrogatoire des
prisonniers par la Royal Ulster Constabulary à Palace Barracks, mais
qu’il n’était pas établi que la pratique en question eût persisté
au-delà de l’automne 1971.
III. Comme la Cour l’a relevé, une série de mesures ont été
adoptées à partir de 1971 pour qu’à l’avenir les prisonniers soient
correctement traités. Ces mesures comprenaient des examens médicaux
pour les prisonniers détenus en vue d’un interrogatoire par la police,
des instructions strictes aux forces de sécurité et des procédures
rigoureuses d’examen des plaintes.
IV. Pour ces raisons, le Gouvernement du Royaume-Uni estime que
l’arrêt de la Cour ne requiert pas de mesures conséquentes autres que
celles qu’il a déjà prises.