COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE D. c. ROYAUME-UNI
(Requête no30240/96)
ARRÊT
STRASBOURG
2 mai 1997
En l’affaire D. c. Royaume-Uni[1],
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement A[2],en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM. R. Ryssdal, président,
C. Russo,
A. Spielmann,
J. De Meyer,
Sir John Freeland,
MM. A.B. Baka,
P. Kuris,
U. Lohmus,
J. Casadevall,
ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 20 février et 21 avril 1997,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCÉDURE
1. L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») et par le gouvernement du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (« le Gouvernement ») le 28 octobre 1996 et le 14 novembre 1996 respectivement, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 de la Convention (art. 32-1, art. 47). A son origine se trouve une requête (no 30240/96) dirigée contre le Royaume-Uni et dont un ressortissant de Saint-Kitts, D., avait saisi la Commission le 15 février 1996 en vertu de l’article 25 (art. 25). Au cours de la procédure devant la Commission, le requérant a été désigné par la lettre « D ». A sa demande, il l’est de la même manière devant la Cour.
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 45) ainsi qu’à la déclaration britannique reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46), larequête du Gouvernement à l’article 48 (art. 48). Elles ont pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences des articles 2, 3, 8 et 13 de la Convention (art. 2, art. 3, art. 8, art. 13).
2. En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 par. 3 d) du règlement A, le requérant a manifesté le désir de participer à l’instance et désigné son avocat (article 30).
3. La chambre à constituer comprenait de plein droit Sir John Freeland, juge élu de nationalité britannique (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour(article 21 par. 4 b) du règlement A). Le 29 octobre 1996, ce dernier a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. C. Russo, A. Spielmann, J. De Meyer, A.B. Baka, P. Kuris, U. Lohmus et J. Casadevall, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 5 du règlement A) (art. 43).
En vertu de l’article 36 de son règlement intérieur, la Commission a recommandé au Gouvernement de ne pas expulser le requérant, ce à quoi il s’est engagé. Le greffier a informé leGouvernement le 29 octobre 1996 que la mesure provisoire indiquée par la Commission restait recommandée conformément à l’article 36 du règlement A.
4. En sa qualité de président de la chambre (article 21 par. 6 du règlement A), M. Ryssdal a consulté, par l’intermédiaire du greffier, l’agent du Gouvernement, l’avocat du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 par. 1 et 38). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu le mémoire du requérant et celui du Gouvernement les 9 et 10 janvier 1997 respectivement.
5. Ainsi que le président en avait décidé, les débats se sont déroulés en public le 20 février 1997, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu:
– pour le Gouvernement
MM. M. Eaton, conseiller juridique adjoint, ministère des Affaires
étrangères et du Commonwealth, agent,
D. Pannick QC,
N. Garnham,conseils,
Mme S. McClelland,
M. S. Hewett,conseillers;
– pour la Commission
M. J.-C. Geus,délégué;
– pour le requérant
MM. N. Blake QC,
L. Daniel,conseils,
A. Simmons,
Mmes R. Francis,solicitors,
N. Mole,conseiller.
La Cour a entendu en leurs déclarations MM. Geus, Blake et Pannick ainsi qu’en leurs réponses aux questions de deux juges.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
A. Le requérant
6. Le requérant est né à Saint-Kitts, où il semble avoir passé la majeure partie de sa vie. Il a six frères et soeurs. Deux d’entre eux s’installèrent aux Etats-Unis dans les années 70 et le reste de la famille semble les y avoir rejoints à des dates non précisées. Le requérant se rendit aux Etats-Unis en 1989 pour tenter d’y retrouver sa famille. Il y fut arrêté le 5 septembre 1991 car il se trouvait en possession de cocaïne, puis condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans. Au bout d’un an, il fut libéré sous condition pour bonne conduite et expulsé le 8 janvier 1993 vers Saint-Kitts.
B. L’arrivée du requérant au Royaume-Uni et son emprisonnement
7. Le 21 janvier 1993, le requérant arriva à l’aéroport de Gatwick, à Londres, où il demanda un visa de tourisme de deux semaines. Au terminal de l’aéroport, il fut trouvé en possession d’une grande quantité de cocaïne, d’une valeur de 120 000 livres sterling (GBP) environ à la revente dans la rue. Les services de l’immigration lui refusèrent l’autorisation d’entrer sur le territoire au motif que cette interdiction serait favorable au bien public et l’informèrent qu’il serait refoulé vers Saint-Kitts sous quelques jours. Il fut néanmoins placé en détention provisoire après son arrestation et son inculpation, puis traduit en justice pour avoir sciemment enfreint l’interdiction d’importer des drogues illicites appartenant à la catégorie la plus dangereuse. Le 19 avril 1993, il plaida coupable devant la Crown Court de Croydon et fut condamné le 10 mai 1993 à six ans d’emprisonnement. S’étant apparemment bien conduit à la prison d’Etat de Wayland il fut libéré sous condition le 24 janvier 1996. Il fut placé en rétention dans l’attente de son refoulement vers Saint-Kitts. Il fut libéré sous caution par décision de justice le 31 octobre 1996, après la publication du rapport de la Commission.
C. Diagnostic du sida
8. En août 1994, alors qu’il purgeait sa peine d’emprisonnement, le requérant fut atteint de pneumonie à pneumocystis carinii (« PPC ») et fut déclaré porteur du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et atteint du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida). Sa contamination semble s’être produite quelque temps avant son arrivée au Royaume-Uni.
9. Le 3 mars 1995, le requérant se vit accorder une permission de sortie exceptionnelle pour voir sa mère, dont le billet d’avion, afin qu’elle puisse lui rendre visite au Royaume-Uni, avait été financé par des dons.
10. Le 20 janvier 1996, juste avant sa libération conditionnelle, les services de l’immigration donnèrent des instructions pour que le requérant soit expulsé vers Saint-Kitts.
D. Demande de permis de séjour du requérant
11. Par un courrier du 23 janvier 1996, les solicitors du requérant demandèrent au ministre d’accorder à ce dernier un permis de séjour au Royaume-Uni pour des raisons d’humanité, étant donné que son expulsion vers Saint-Kitts lui ferait perdre le bénéfice du traitement médical qui lui était prodigué, ce qui réduirait son espérance de vie (paragraphes 13 et 14 ci-dessous). Le chef des services de l’immigration rejeta la demande le 25 janvier 1996. Dans la lettre adressée aux solicitors du requérant pour leur signifier son refus, il indiquait:
« Cette décision a été prise en tenant dûment compte du paragraphe 4 des instructions de la division B des services de l’immigration et de la nationalité, relatives aux personnes atteintes du sida et séropositives. Comme vous le savez, ce paragraphe, applicable aux personnes ayant fait une demande de permis d’entrée, dispose [paragraphe 27 de l’arrêt ci-dessous] (…) Nous apprenons avec tristesse l’état de santé de M. D[…] mais ne pensons pas, conformément à la politique définie par les services de l’immigration, qu’il soit juste, de manière générale ou dans le cas d’espèce, de permettre à une personne souffrant du sida de rester sur le territoire à titre exceptionnel lorsque,comme c’est le cas en l’occurrence, le traitement au Royaume‑Uni est financé sur fonds publics par le Service national de santé. Il ne serait pas non plus juste que les malades du sida bénéficient d’un régime différent de celui d’autres malades (…) »
E. Procédure de contrôle juridictionnel
12. Le 2 février 1996, le requérant sollicita en vain auprès de la High Court l’autorisation de faire contrôler par le juge la décision de lui refuser un permis d’entrée. Le 15 février 1996, la Cour d’appel (Court of Appeal) rejeta sa nouvelle demande d’autorisation, estimant que l’article 3 de la loi de 1971 sur l’immigration établissait une distinction entre permis d’entrée et permis de séjour. Elle jugea que le chef des services de l’immigration avait eu raison de considérer que la demande de D. se rapportait à un permis d’entrée et qu’il n’était pas tenu de prendre en considération le paragraphe 5 des directives du ministère de l’Intérieur, qui s’appliquait aux demandes de permis de séjour (paragraphes 27 et 28 ci-dessous). Au sujet de l’argument durequérant selon lequel le ministère de l’Intérieur aurait agi de manière déraisonnable ou irrationnelle en méconnaissant le caractère d’humanité de sa requête, Sir Iain Glidewell déclara:
« On ne peut que compatir à la situation critique dans laquelle se trouve le requérant. S’il doit retourner à Saint-Kitts, il semble qu’il ne pourra pas travailler en raison de sa maladie. Son espérance de vie, si les renseignements médicaux sont exacts, risque bien d’y être plus courte que s’il continuait à bénéficier du traitement qui lui est prodigué au Royaume-Uni et sa situation sera à bien des égards désespérée. Par ailleurs, il ne serait pas ici s’il n’y était pas venu en 1993 pour un trafic de cocaïne; s’il n’avait pas été emprisonné, il serait retourné à Saint-Kitts, à supposer qu’il soit jamais venu au Royaume-Uni, bien avant que son sida ne soit diagnostiqué. Même en tenant compte de ce que la Cour d’appel doit soumettre à l’examen le plus minutieux une décision mettant en jeu en particulier l’espérance de vie, comme il semble que cela soit le cas en l’espèce, je ne pense pas qu’un argument faisant valoir que ladécision prise en l’occurrence par le chef des services de l’immigration était irrationnelle, ait une quelconque chance de convaincre. Autrement dit, il me semble que cette décision relevait parfaitement de sa compétence et que la Cour ne saurait en conséquence la revoir. »
F. Rapports sur l’état de santé du requérant, son traitement et le pronostic
13. Depuis août 1995, le nombre de « CD4 » du requérant est inférieur à 10. D. se trouve à un stade avancé de la maladie et souffre d’anémie chronique, d’infections pulmonaires d’origine bactérienne, de malaises et d’éruptions cutanées; très amaigri, il passe par des périodes d’asthénie.
14. Par une lettre du 15 janvier 1996, le Dr Evans, médecin spécialiste, déclara:
« Son traitement actuel comporte 250 mg d’AZT par jour, ainsi que des aérosols de pentamidine à prendre mensuellement et, de temps en temps, des comprimés de mystatine et des adoucissants cutanés. Considérant que [le requérant] est atteint du sida depuis plus de dix-huit mois et que cette maladie se caractérise par une aggravation constante, le pronostic est extrêmement défavorable. En tant que médecin, je considère que l’espérance de vie [durequérant] serait considérablement raccourcie s’il devait être renvoyé à Saint-Kitts où il ne disposerait d’aucun médicament; il importe que lui soit administré de la pentamidine contre la PPC et qu’il reçoive sans retard un traitement antibiotique pour toute nouvelle infection dont il sera vraisemblablement atteint (…) »
15. Dans son rapport médical du 13 juin 1996, le Pr Pinching, professeur d’immunologie dans un hôpital londonien, déclara que le système immunitaire du requérant avait subi des dommages graves et irréparables et que l’intéressé était extrêmement vulnérable à une large gamme d’infections spécifiques ainsi qu’à des tumeurs. Le requérant approchait de la fin de la durée moyenne d’efficacité des médicaments qu’il recevait. Le pronostic était très défavorable, l’espérance de vie étant estimée entre huit et douze mois avec le traitement actuel. La suppression de thérapies dont l’efficacité était démontrée et de soins médicaux convenables réduirait de plus de la moitié la durée de vie prévisible.
G. Centres médicaux à Saint-Kitts
16. Par une lettre du 20 avril 1995, la Haute Commission des Etats des Caraïbes orientales fit savoir au médecin traitant le requérant en prison que les centres médicaux de Saint-Kitts n’étaient pas équipés pour prodiguer le traitement nécessaire à l’intéressé. Cette lettre répondait à une demande à ce sujet envoyée le même jour par télécopie par le Dr Hewitt, médecin-chef de la prison britannique de Wayland. Par un courrier du 24 octobre 1995, le Dr Hewitt communiqua au ministère de l’Intérieur la teneur de la lettre de la Haute Commission, qui avait également été transmise le 1er mai 1995 au comité des libérations conditionnelles. Le Dr Hewitt précisait que le traitement nécessaire ne pouvait pas être obtenu à Saint-Kitts, mais était largement et librement disponible au Royaume-Uni et demandait qu’il soit, en conséquence, envisagé d’annuler l’arrêté d’expulsion frappant le requérant. Par une lettre du 1er août 1996, la Haute Commission confirma que la situation à Saint-Kitts n’avait pas évolué.
17. Dans un courrier du 5 février 1996, la Croix-Rouge d’Antigua‑et‑Barbuda informa les représentants du requérant que son délégué à Saint-Kitts, consulté, avait déclaré qu’aucun centre de soins n’y dispensait de médicaments pour traiter le sida.
D’après des renseignements pris par le Gouvernement auprès des autorités de Saint-Kitts, cette île serait équipée de deux hôpitaux à même de traiter les infections opportunistes dont sont atteints les malades du sida jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment rétablis pour sortir, et un nombre croissant de personnes souffrant du sida y vivraient chez des parents.
H. Situation familiale du requérant à Saint-Kitts
18. Hormis un cousin, ainsi que le Gouvernement l’a signalé, le requérant n’a ni famille proche ni domicile familial à Saint-Kitts. Sa mère, qui vit actuellement aux Etats-Unis, a déclaré que son âge, sa mauvaise santé et son manque de ressources l’empêcheraient de retourner à Saint‑Kitts pour s’occuper de son fils s’il devait y être expulsé. Elle a également déclaré qu’elle ne connaissait aucun parent qui pourrait se charger de lui à Saint-Kitts.
I. SITUATION DU REQUÉRANT DEPUIS L’ADOPTION DU RAPPORT DE LA COMMISSION
19. A sa libération sous caution le 31 octobre 1996 (paragraphe 7 ci‑dessus), le requérant a été autorisé à vivre dans un logement spécialement aménagé pour recevoir les malades du sida et mis à leur disposition par une organisation caritative s’occupant de personnes sans domicile. Le requérant y est logé et nourri et y reçoit certaines prestations, le tout gratuitement. Il bénéficie également de l’aide et du soutien affectif d’un volontaire formé par le Terrence Higgins Trust, principale organisation caritative britannique fournissant une aide, un soutien psychologique et des conseils juridiques et autres aux personnes atteintes du sida ou séropositives ou à celles qui le demandent.
20. Dans un rapport médical du 9 décembre 1996, le Dr J.M. Parkin, spécialiste en immunologie clinique ayant traité le requérant dans un hôpital londonien, a constaté que celui-ci se trouvait à un stade avancé de l’infection par le VIH et que son système immunitaire était gravement atteint. Le pronostic médical était mauvais. On lui administrait actuellement un traitement antirétroviral associé à du « D4T » et du « 3TC » pour réduire le risque d’infections opportunistes et on continuait à lui prescrire des aérosols de pentamidine pour éviter une rechute de pneumonie.On envisageait également un traitement préventif d’autres infections opportunistes. Le Dr Parkin a indiqué que l’absence de traitement anti-VIH et de thérapie prophylactique contre les maladies opportunistes hâterait la fin de l’intéressé s’il devait être expulsé vers Saint-Kitts.
21. Vers la mi-janvier 1997, le requérant fut transféré dans un établissement pour malades du sida afin d’y recevoir des soins palliatifs. Début février, son état se détériora subitement et il dut entrer à l’hôpital le 7 février pour examens. Lors de l’audience de la Cour du 20 février 1997, l’on déclara que la santé du requérant suscitait des inquiétudes et que les médecins réservaient leur pronostic. D’après son conseil, il semblerait que D. approche du terme de son existence, comme les experts l’avaient prévu (paragraphe 15 ci-dessus).
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
22. Les dispositions régissant l’entrée et le séjour au Royaume-Uni se trouvent à la partie 1 de la loi de 1971 sur l’immigration (Immigration Act 1971). Les modalités de mise en oeuvre de ladite loi en matière de contrôle de l’entrée sur le territoire et de séjour sont exposées dans des règles soumises par le ministre au Parlement (« règles sur l’immigration »).
23. Aux termes de l’article 3 par. 1, une personne ne possédant pas la nationalité britannique ne peut entrer au Royaume-Uni que si elle en a reçu l’autorisation conformément aux dispositions de la loi. Le permis d’entrée peut être accordé pour une période déterminée ou illimitée.
24. L’article 4 par. 1 de la loi investit les agents des services de l’immigration du pouvoir d’accorder ou refuser le permis d’entrée et le ministre de celui de délivrer les permis de séjour au Royaume-Uni. Notification écrite des décisions doit être faite aux intéressés.
25. Une personne qui, comme le requérant, s’est vu refuser l’autorisation d’entrer sur le territoire du Royaume-Uni mais s’y trouve en réalité dans l’attente de son expulsion et sollicitel’autorisation d’y rester, n’est pas considérée comme demandant un permis de séjour. Etant donné qu’aucun permis d’entrée n’a été accordé au requérant, Sir Iain Glidewell, en l’affaire R. v. Secretary of State for the Home Department, ex parte D. (Cour d’appel, 15 février 1996), a jugé que le fonctionnaire des services de l’immigration était fondé à considérer la requête de l’intéressé comme une demande de permis d’entrée et non de permis de séjour.
A. Directives sur la façon de procéder lorsque les personnes demandant un permis d’entrée ou de séjour au Royaume-Uni sont atteintes du sida ou séropositives
26. Les services de l’immigration et de la nationalité du ministère de l’Intérieur ont émis un document (BDI 3/95) à ce sujet en août 1995. Le paragraphe 2 de ces directives précise que le fait qu’une personne souffre du sida ou est séropositive ne constitue pas un motif pour lui refuser un permis d’entrée ou de séjour si ladite personne satisfait par ailleurs aux règles sur l’immigration. De même, ce facteur ne constitue pas une raison suffisante pour exercer une clémence particulière envers les personnes ne répondant pas à ces règles.
Les directives font une distinction entre les demandes de permis d’entrée et celles de permis de séjour.
27. En ce qui concerne les demandes de permis d’entrée (paragraphe 4 des directives), lorsque la personne est atteinte du sida, il convient d’appliquer normalement les règles sur l’immigration. Si la personne ne répond pas aux critères énoncés, elle se voit refuser l’entrée.
28. Quant aux demandes de permis de séjour (paragraphe 5 des directives), leur bien-fondé doit être examiné en appliquant normalement les règles pertinentes. Toutefois, il est prévu, parallèlement à ces règles, une certaine souplesse pour des raisons d’humanité. Le paragraphe 5.4 indique:
« (…) il peut y avoir des cas où il apparaît qu’il n’existe aucun centre susceptible de traiter le demandeur dans son pays d’origine. Lorsque des éléments donnent à penser que, faute de traitement, la durée de vie de l’intéressé sera sérieusement raccourcie, il convient normalement d’accorder le permis de séjour. »
B. Autres éléments pertinents
29. Le requérant a notamment soumis les documents cités ci-dessous.
1. Déclarations internationales sur les droits de l’homme et le sida
30. Les préoccupations suscitées dans le monde entier par le sida ont conduit à l’élaboration de plusieurs textes internationaux traitant notamment de la protection des droits de l’homme des victimes de cette maladie. La Commission des Droits de l’Homme des Nations unies a ainsi adopté le 9 mars 1993 une résolution sur la protection des droits fondamentaux des personnes infectées par le VIH ou atteintes du sida; elle y engage « tous les Etats à veiller à ce que les lois, politiques et pratiques qu’ils ont adoptées pour lutter contre le sida respectent les normes relatives aux droits de l’homme ».
31. Un sommet de quarante-deux chefs d’Etat et de gouvernement qui se tint à Paris le 1er décembre 1994 vit l’adoption d’une déclaration par laquelle les Etats participants affirmèrent solennellement leur devoir « d’agir avec compassion et solidarité envers les personnes contaminées par le VIH ou risquant de l’être, au sein de [leur] société et dans la communauté internationale ».
2. Extrait du rapport de l’OMS sur les « Conditions sanitaires dans les Amériques » (1994, volume II), relatif à Saint-Kitts et Nevis
32. « Conditions de vie et situation sanitaire (…) il existe de graves problèmes d’environnement, par exemple, l’évacuation dans de mauvaises conditions des déchets solides et liquides – notamment d’eaux usées non traitées – dans les terres et eaux côtières, qui provoque la dégradation des régions côtières, la mort des poissons et des problèmes sanitaires (gastro‑entérites) (…) »
33. Selon ce document, Saint-Kitts est équipé de deux hôpitaux généraux, l’un de 174 lits et l’autre de 38 lits. Il existe également une villa aménagée en hôpital, d’une capacité de 10 lits, et deux centres de soins pour personnes âgées.
3. « Questions relatives au traitement – manuel de base concernant les possibilités de traitement médical des personnes séropositives et atteintes du sida », publié en avril 1996 par le Terrence Higgins Trust
34. Ce manuel décrit les trois stratégies médicales actuellement retenues pour traiter l’infection par le VIH et le sida: emploi de médicaments anti‑VIH qui s’attaquent au virus lui-même afin de retarder ou d’empêcher les dommages au système immunitaire, traitement ou prévention des infections opportunistes qui profitent des déficiences du système immunitaire, et renforcement et rétablissement de celui-ci. Pour la première catégorie, plusieurs médicaments peuvent être utilisés, dont l’AZT (connu aussi sous le nom de zidovudine ou sous la marque Retrovir). Ce médicament fait partie de la famille des analogues des nucléosides, inhibitrices d’une enzyme produite par le VIH et dénommée transcriptase inverse (TI). Si la TI est inhibée, le VIH ne peut plus infecter de nouvelles cellules et la dissémination du virus dans l’organisme est ralentie. Toutefois, les médicaments existants ne sont que partiellement efficaces et, au mieux, ne peuventque retarder l’aggravation de la maladie liée au VIH et non l’empêcher de se déclarer.
35. En ce qui concerne la deuxième catégorie, les personnes dont le système immunitaire a subi des dommages importants sont vulnérables à toute une gamme d’infections et de tumeurs dénommées maladies opportunistes. Il s’agit le plus souvent d’infections à cytomégalovirus (virus de l’herpès), de sarcome de Kaposi, d’anémie, de tuberculose, de toxoplasmose et de la PPC. Celle-ci est une forme de pneumonie qui, chez les personnes séropositives, s’attaque aux ganglions lymphatiques, à la moelle osseuse, à la rate et au foie ainsi qu’aux poumons. Pour prévenir ces infections, il faut notamment faire appel à une hygiène alimentaire et à un traitement prophylactique. En présence de PPC, qui était l’une des grandes causes de décès pendantles premières années de l’épidémie et demeure l’une des maladies les plus communément liées au sida, les mesures à prendre comprennent l’administration à long terme d’antibiotiques tels que la cotrimoxazole ainsi que l’emploi d’aérosols de pentamidine destinés à protéger les poumons.
36. Quant à la troisième catégorie, à savoir les traitements visant à renforcer ou régénérer le système immunitaire, les recherches n’ont jusqu’à présent abouti à aucun résultat probant.
PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION
37. Dans sa requête du 15 février 1996 à la Commission (no 30240/96), D. alléguait que l’expulsion vers Saint-Kitts envisagée à son égard serait contraire aux articles 2, 3 et 8 de la Convention (art. 2, art. 3, art. 8) et qu’il n’avait pas disposé d’un recours effectif pour contester l’arrêté d’expulsion, au mépris de l’article 13 (art. 13).
La Commission a retenu la requête le 26 juin 1996. Dans son rapport du 15 octobre 1996 (article 31) (art. 31), elle exprime l’avis qu’il y aurait violation de l’article 3 (art. 3) si le requérant était expulsé vers Saint-Kitts (onze voix contre sept), qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 2 (art. 2) (unanimité), qu’aucune question distincte ne se pose au regard de l’article 8 (art. 8) (unanimité) et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13 (art. 13) (treize voix contre cinq). Le texte intégral de son avis et des deux opinions séparées dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt[3].
CONCLUSIONS PRÉSENTÉES À LA COUR
38. Dans son mémoire et à l’audience, le Gouvernement a invité la Cour à dire que les faits de la cause ne révèlent aucune violation des droits du requérant au titre des articles 2, 3, 8 ou 13 de la Convention (art. 2, art. 3, art. 8, art. 13).
Le requérant a pour sa part demandé à la Cour, dans son mémoire et lors de l’audience, de constater que s’il était expulsé du Royaume-Uni comme les autorités britanniques envisagent de le faire, il y aurait violation des articles 2, 3 et 8 de la Convention (art. 2, art. 3, art. 8), et qu’il n’a pas disposé d’un recours effectif quant à ses griefs, au mépris de l’article 13 (art. 13).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION (art. 3)
39. Le requérant affirme que son expulsion vers Saint-Kitts l’exposerait à un traitement inhumain et dégradant interdit par l’article 3 de la Convention (art. 3), ainsi libellé:
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A. Arguments des comparants
1. Le requérant
40. Le requérant affirme que son expulsion vers Saint-Kitts le condamnerait à passer la fin de sa vie à souffrir dans la solitude et la misère. Il n’aurait ni famille ni amis proches à Saint-Kittssusceptibles de s’occuper de lui jusqu’à sa mort. Il ne disposerait d’aucun logement, d’aucunes ressources et n’aurait aucun moyen d’obtenir une aide sociale. Il est établi que l’arrêt du traitement médical dont il bénéficie actuellement hâterait sa fin puisqu’aucun traitement similaire n’est dispensé à Saint-Kitts. Déjà affaibli, son système immunitaire ne pourrait résister aux nombreuses infections opportunistes qu’il risquerait de contracter parce qu’il serait sans logement et ne pourrait se nourrir correctement et en raison des mauvaises conditions sanitaires régnant dans l’île. Les hôpitaux n’offriraient pas un nombre suffisant de lits et ne seraient en tout cas pas en mesure de bloquer l’évolution des infections provoquées par la dureté de l’environnement physique dans lequel il serait contraint de lutter. Non seulement sa fin serait hâtée, mais en plus elle surviendrait dans des conditions inhumaines et dégradantes.
41. En juin 1996, son espérance de vie a été estimée entre huit et douze mois, même s’il continuait à recevoir un traitement au Royaume-Uni. Or sa santé a décliné depuis. Il se trouve maintenant à l’évidence dans un état de grande faiblesse et proche de la mort. Son expulsion par l’Etat défendeur à ce stade aggraverait certainement son cas.
2. Le Gouvernement
42. Le Gouvernement demande à la Cour de dire que le requérant n’a aucune raison valable d’invoquer l’article 3 (art. 3) vu les circonstances de l’espèce, car il ne serait exposé dans le pays de destination à aucun traitement enfreignant les normes de l’article 3 (art. 3). Les souffrances et l’espérance de vie réduite qui seraient son lot proviendraient du fait qu’il a atteint le stade terminal d’une maladie incurable ainsi que des carences du système sanitaire et social d’un pays pauvre en voie de développement. Il se trouverait dans une situation identique à celle des autres victimes du sida vivant à Saint-Kitts. Il aurait d’ailleurs été refoulé en janvier 1993 dans cette île, où il a passé la majeure partie de sa vie, s’il n’avait pas été poursuivi et condamné au Royaume-Uni.
43. Le Gouvernement conteste également le grief du requérant selon lequel il serait abandonné à la solitude et sans moyen d’obtenir un traitement pour sa maladie. Il soutient que l’intéressé a au moins un cousin établi à Saint-Kitts et qu’il y existe des hôpitaux soignant les malades du sida, y compris ceux souffrant d’infections opportunistes (paragraphe 17 ci‑dessus).Même si le traitement et les médicaments ne sont pas du niveau de ceux qui lui sont actuellement prescrits au Royaume-Uni, cela ne saurait en soi emporter violation de l’article 3 (art. 3).
44. Devant la Cour, le Gouvernement a souligné qu’il n’avait pas pour politique d’expulser les personnes ne se trouvant pas en état de voyager. Il s’est engagé envers la Cour à ne pas refouler le requérant à moins qu’une appréciation de son état de santé postérieure au prononcé de l’arrêt de la Cour ne le révèle apte à se déplacer.
3. La Commission
45. La Commission conclut que l’expulsion du requérant vers Saint‑Kitts engagerait la responsabilité de l’Etat défendeur au titre de l’article 3 (art. 3) même si le risque qu’il subisse des traitements inhumains et dégradants découle de facteurs dont les autorités de ce pays ne sauraient être jugées responsables. Le risque serait établi et réel. S’il était expulsé, l’intéressé serait privé du traitement médical dont il bénéficie actuellement et son système immunitaire déjà affaibli serait assailli par des infections opportunistes impossibles à traiter qui réduiraient encore son espérance de vie déjà restreinte et lui causeraient de grandes souffrances physiques et morales. Il se retrouverait à la rue, sans aucune forme de soutien moral, social ou familial, au cours des ultimes étapes de sa maladie mortelle.
B. Appréciation de la Cour
46. La Cour rappelle d’emblée que les Etats contractants ont, en vertu d’un principe de droit international bien établi et sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités internationaux y compris la Convention, le droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux. Elle relève également la gravité de l’infraction commise par le requérant et a une conscience aiguë des problèmes que rencontrent les Etats contractants dans leur lutte pour protéger leurs sociétés des maux que provoque l’afflux de drogues en provenance de l’étranger. L’application de peines sévères à l’encontre des personnes se livrant au trafic de drogue, y compris l’expulsion de trafiquants étrangers tels que le requérant, constitue une réponsejustifiée face à ce fléau.
47. Cependant, lorsqu’ils exercent leur droit à expulser de tels étrangers, les Etats contractants doivent tenir compte de l’article 3 de la Convention (art. 3), qui consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Telle est précisément la raison pour laquelle la Cour a constamment répété, dans ses précédents arrêts portant sur l’extradition, l’expulsion ou le refoulement de personnes vers des pays tiers, que l’article 3 (art. 3) prohibe en termes absolus la torture ou les peines ou traitements inhumains ou dégradants et que ses garanties s’appliquent même si cette personne s’est livrée à des agissements répréhensibles (voir, en dernier lieu, l’arrêt Ahmed c. Autriche du 17 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2206, par. 38, et l’arrêt Chahal c. Royaume‑Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1853, paras. 73‑74).
48. La Cour fait observer que le principe précité s’applique à l’expulsion du requérant en vertu de la loi de 1971 sur l’immigration. Qu’il soit ou non entré sur le territoire britannique au sens technique du terme (paragraphe 25 ci-dessus), le fait est qu’il s’y trouve physiquement, et relève donc de la juridiction de l’Etat défendeur, au sens de l’article 1 de la Convention (art. 1), depuis le 21 janvier 1993. Il appartient ainsi à l’Etat défendeur de garantir au requérant les droits énoncés à l’article 3 (art. 3) quelle que soit la gravité de l’infraction qu’il a commise.
49. Il est vrai que ce principe a jusqu’à présent été appliqué par la Cour dans des affaires où le risque que la personne soit soumise à l’un quelconque des traitements interdits découlait d’actes intentionnels des autorités publiques du pays de destination ou de ceux d’organismes indépendants de l’Etat contre lesquels les autorités n’étaient pas en mesure de lui offrir une protection appropriée (voir, par exemple, l’arrêt Ahmed précité, p. 2207, par. 44).
Hormis ces cas de figure et compte tenu de l’importance fondamentale de l’article 3 (art. 3) dans le système de la Convention, la Cour doit se réserver une souplesse suffisante pour traiter de l’application de cet article (art. 3) dans les autres situations susceptibles de se présenter. Il ne lui est donc pas interdit d’examiner le grief d’un requérant au titre de l’article 3 (art. 3) lorsque le risque que celui-ci subisse des traitements interdits dans le pays de destination provient de facteurs qui ne peuvent engager, directement ou non, la responsabilité des autorités publiques de ce pays ou qui, pris isolément, n’enfreignent pas par eux-mêmes les normes de cet article (art. 3). Restreindre ainsi le champ d’application de l’article 3 (art. 3) reviendrait à en atténuer le caractère absolu. Cependant, dans ce type de contexte, la Cour doit soumettre à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui expulse.
50. Cela étant, la Cour recherchera s’il existe un risque réel que l’expulsion du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 (art. 3) compte tenu de l’état de santé de D. à l’heure actuelle. Pour cela, la Cour évaluera ce risque à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire, et notamment des informations les plus récentes sur la santé du requérant (voir l’arrêt Ahmed précité, p. 2207, par. 43).
51. La Cour constate que le requérant se trouve en phase terminale d’une maladie incurable. Le jour de l’audience, on a fait part d’une nette aggravation de sa santé, de son transfert à l’hôpital et de ce que son état inspirait des inquiétudes (paragraphe 21 ci-dessus). Ce sont le traitement et les médicaments sophistiqués qu’il reçoit au Royaume-Uni et les soins et la sollicitude prodigués par une organisation caritative qui lui apportent actuellement quelque réconfort. Il a bénéficié de conseils psychologiques quant à la manière d’appréhender la mort et a noué des liens avec les personnes qui s’occupent de lui (paragraphe 19 ci-dessus).
52. L’arrêt brutal de ces prestations entraînerait pour lui les conséquences les plus graves. Nul ne conteste que son expulsion hâterait sa fin. Il existe un risque sérieux que les conditionsdéfavorables qui l’attendent à Saint-Kitts réduisent encore son espérance de vie déjà courte et lui causent des souffrances physiques et morales extrêmes. Le traitement médical qu’il pourrait espérer y recevoir ne saurait combattre les infections qu’il risquerait de contracter du fait de l’absence de logement et de nourriture correcte et des problèmes sanitaires dans lesquels se débat la population de Saint-Kitts (paragraphe 32 ci-dessus). S’il est possible qu’il ait un cousin à Saint-Kitts (paragraphe 18 ci-dessus), rien ne prouve que cette personne serait prête à s’occuper d’un homme en fin de vie, ou en mesure de le faire. Aucun élément n’indique qu’il bénéficierait d’autres formes de soutien moral ou social. De même, rien ne prouve qu’un lit lui serait réservé dans l’un des deux hôpitaux de l’île qui, selon le Gouvernement, soignent les malades atteints du sida (paragraphe 17 ci‑dessus).
53. Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles et du fait que le requérant est parvenu à un stade critique de sa maladie fatale, la mise à exécution de la décision de l’expulser vers Saint-Kitts constituerait, de la part de l’Etat défendeur, un traitement inhumain contraire à l’article 3 (art. 3).
La Cour relève aussi à cet égard que l’Etat défendeur assume la responsabilité du traitement du requérant depuis août 1994. Celui-ci est devenu dépendant des soins médicaux et palliatifs qu’il reçoit actuellement et il est sans nul doute psychologiquement prêt à affronter la mort dans un environnement tout à la fois familier et humain. Même si l’on ne peut dire que la situation qui serait la sienne dans le pays de destination constitue en soi une violation de l’article 3 (art. 3), son expulsion l’exposerait à un risque réel de mourir dans des circonstances particulièrement douloureuses et constituerait donc un traitement inhumain.
Sans mettre en doute la bonne foi avec laquelle le Gouvernement s’est engagé devant la Cour (paragraphe 44 ci-dessus), il convient de noter que les considérations précitées ne doivent pas être assimilées à la seule appréciation de la question de savoir si le requérant est ou non en état de se rendre à Saint-Kitts.
54. Cela étant, la Cour souligne que les non-nationaux qui ont purgé leur peine d’emprisonnement et sont sous le coup d’un arrêté d’expulsion ne peuvent en principe revendiquer le droit de rester sur le territoire d’un Etat contractant afin de continuer à bénéficier de l’assistance médicale, sociale ou autre, assurée durant leur séjour en prison par l’Etat qui expulse. Cependant, compte tenu des circonstances très exceptionnelles de l’affaire et des considérations humanitaires impérieuses qui sont en jeu, force est de conclure que la mise à exécution de la décisiond’expulser le requérant emporterait violation de l’article 3 (art. 3).
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION (art. 2)
55. Le requérant affirme en outre que la mise en oeuvre par les autorités britanniques de la décision de l’expulser vers Saint-Kitts serait contraire à l’article 2 de la Convention (art. 2), ainsilibellé:
« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cettepeine par la loi.
2. La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article (art. 2) dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire:
a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;
b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue;
c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »
56. Le requérant soutient que son expulsion vers Saint-Kitts engagerait la responsabilité de l’Etat défendeur au titre de l’article 2 (art. 2). Il se trouve dans la phase terminale de sa maladie et les éléments médicaux soumis à la Cour (paragraphes 14-15 et 20-21 ci-dessus) confirment que son espérance de vie, déjà courte, serait encore abrégée s’il devait être brusquement privé du traitement médical qu’il suit actuellement pour être renvoyé à Saint-Kitts. Selon lui, il y aurait un lien direct de causalité entre son expulsion et le fait que sa mort survienne plus tôt, ce qui emporterait violation de son droit à la vie. Il affirme que l’article 2 (art. 2) entraîne l’obligation positive de protéger la vie ce qui, dans les circonstances de l’espèce, impose au Gouvernement de ne pas prendre de mesure de nature à provoquer une réduction supplémentaire de sa brève espérance de vie.
57. Le Gouvernement ne conteste pas que l’expulsion du requérant vers Saint-Kitts et son corollaire, l’arrêt du traitement médical en cours, hâterait sa fin. Cependant, la menace qui pèse sur sa vie ne provient pas de facteurs dont le Gouvernement puisse être tenu pour responsable, mais de la maladie mortelle dont il souffre, combinée à l’absence de traitement médical approprié dans le pays de destination. L’article 2 (art. 2) ne s’applique donc pas au cas d’espèce. Quoi qu’il en soit, sur le fond, les griefs du requérant ne sauraient être distingués des arguments qu’il avance pour étayer son allégation au titre de l’article 3 (art. 3), raison pour laquelle il vaut mieux les examiner sous l’angle de cette dernière disposition (art. 3).
58. La Commission n’a pas jugé nécessaire de décider si le risque que l’expulsion du requérant fait peser sur son espérance de vie emporte violation de l’article 2 (art. 2). Elle a estimé préférable de traiter de ce grief avec les allégations connexes fondées sur l’article 3 (art. 3).
59. Pour sa part, la Cour partage le point de vue du Gouvernement et de la Commission: les griefs soulevés par le requérant sur le terrain de l’article 2 (art. 2) sont indissociables au fond de celui qu’il tire de l’article 3 (art. 3) en ce qui concerne les conséquences de la décision incriminée sur sa vie, sa santé et son bien-être. Elle relève à ce sujet que, devant elle, le requérant a déclaré qu’il lui suffirait de voir son affaire considérée sous l’angle de l’article 3 (art. 3).
Eu égard à sa conclusion selon laquelle l’expulsion du requérant vers Saint-Kitts donnerait lieu à une violation de l’article 3 (art. 3) (paragraphe 54 ci-dessus), la Cour n’estime pas nécessaire d’examiner le grief tiré de l’article 2 (art. 2).
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION (art. 8)
60. Le requérant allègue également que son expulsion vers Saint-Kitts enfreindrait son droit au respect de sa vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention (art. 8), ainsi libellé:
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence estprévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
61. Le requérant avance à l’appui de cet argument que son expulsion entraînerait une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de sa vie privée, en particulier dans le droit au respect de son intégrité physique. Tout en reconnaissant volontiers que l’infraction dont il s’est rendu coupable était très grave, il prie la Cour de se pencher sur les conséquences qu’entraînerait une expulsion vers Saint-Kitts pour un homme comme lui, malade en phase terminale, sans famille ou amis proches dans le pays de destination, privé de soutien moral ou social et d’un traitement médical apte à repousser les infections assaillant son système immunitaire déjà affaibli. La prolongation de son séjour au Royaume-Uni ne saurait constituer unfardeau pour le budget britannique de la santé et, au surplus, rien ne laisse supposer qu’il commettrait de nouvelles infractions.
62. Le Gouvernement soutient que le requérant ne saurait invoquer l’article 8 (art. 8) pour se plaindre des conséquences de la décision incriminée sur son droit au respect de la vie privée car il avait fait sa vie dans le pays de destination, où il a passé la majeure partie de son existence. Tous les liens que le requérant a tissés avec le Royaume-Uni sont la conséquence directe de l’infraction pour laquelle il a été condamné. Même si l’article 8 (art. 8) devait passer pour applicable, l’atteinte à ses intérêts médicaux résultant de son expulsion serait justifiée, en raison de la gravité de l’infraction commise par lui, car nécessaire à la prévention des infractions pénales et au bien-être économique du Royaume-Uni.
63. Bien que la Commission ait estimé qu’aucune question distincte ne se posait au regard de l’article 8 (art. 8) vu sa conclusion relative à l’article 3 (art. 3), son délégué a invité la Cour àconclure à la violation de l’article 8 (art. 8) au cas où elle déclarerait que l’expulsion du requérant vers Saint-Kitts ne serait pas contraire à l’article 3 (art. 3).
64. Vu son constat au titre de l’article 3 (art. 3) (paragraphe 54 ci‑dessus), la Cour conclut que les griefs que le requérant tire de l’article 8 (art. 8) ne soulèvent aucune question distincte.
IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION (art. 13)
65. Le requérant se plaint de ce que le droit anglais ne lui a offert aucun recours effectif pour exposer ses griefs au titre des articles 2, 3 et 8 de la Convention (art. 2, art. 3, art. 8). Il affirme qu’il en résulte une violation de l’article 13 de la Convention (art. 13), ainsi libellé:
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
66. Le requérant signale les limites qui empêcheraient les juridictions britanniques d’exercer un contrôle effectif des décisions prises par les autorités en matière d’expulsion. Lorsqu’ils vérifient la légalité des décisions administratives, les tribunaux internes ne considéreraient pas la Convention et les principes dégagés par la Cour comme un élément pertinent; l’auteur de la décision ne serait d’ailleurs pas tenu de prendre en compte la Convention ni la jurisprudence des institutions de la Convention lorsqu’il exerce les pouvoirs que lui confèrent des lois telles que celle de 1971 sur l’immigration. Certes, les tribunaux internes contrôleraient avec plus de rigueur les décisions ayant un impact sur les droits de l’homme, mais même en ce cas, ils n’adopteraient pas une approche centrée sur la Convention. Ainsi, en l’occurrence, la Cour d’appel n’aurait pas recherché si l’expulsion de D. exposait celui-ci à des traitements inhumains et dégradants, mais seulement si l’auteur de la décision avait pris cet élément en compte. Selon l’intéressé, cette analyse ne saurait passer pour un « examen indépendant » de l’argument qu’il existe des motifs sérieux de redouter un risque réel de traitements contraires à l’article 3 (art. 3), alors que la Cour, dans son arrêt Chahal précité (p. 1871, par. 151), a estimé qu’il s’agissait d’une caractéristique fondamentale d’un recours effectif. De surcroît, la Cour d’appel aurait pris avant tout en considération la gravité de l’infraction commise par le requérant pour décider que la décision incriminée n’était pas irrationnelle; elle aurait aussi négligé de tenir compte comme il se doit des exigences de la Convention lors de l’examen des griefs tirés des articles 2 et 8 (art. 2, art. 8). Il s’ensuit que la procédure de contrôle juridictionnel ne saurait passer pour un recours effectif au sens de l’article 13 (art. 13).
67. Le Gouvernement conteste cet argument et invite la Cour à conclure, comme elle l’a fait dans de précédents arrêts, que le contrôle juridictionnel représente un recours effectif pour combattre la légalité de la décision d’expulser ou refouler un individu. Les juridictions britanniques se livreraient à un « examen des plus minutieux » des décisions administratives touchant les droits fondamentaux de l’individu. La Cour d’appel aurait pratiqué pareil examen en l’occurrence pour juger du bien-fondé de la décision d’expulser le requérant et aurait dûment tenu compte des difficultés que la mise en oeuvre de cette décision entraînerait pour D. Celui-ci ne pourrait donc soutenir avoir été privé d’un recours effectif.
68. La Commission souscrit à la thèse du Gouvernement. La Cour d’appel a étudié au fond le grief du requérant, sans oublier les graves problèmes qu’entraînerait une expulsion. Certes, elle n’a pas annulé la décision d’expulser, mais elle en avait le pouvoir. Le contrôle juridictionnel constituait dès lors un recours effectif.
69. La Cour relève que l’article 13 de la Convention (art. 13) garantit l’existence en droit interne d’un recours permettant de se prévaloir en substance des droits et libertés de la Convention tels qu’ils peuvent s’y trouver consacrés. L’article (art. 13) a donc pour conséquence d’exiger un recours interne habilitant les autorités nationales qualifiées à connaître du contenu du grief fondé sur la Convention et, de plus, à offrir le redressement approprié, bien que les Etats contractants jouissent d’une certaine latitude quant à la manière d’honorer les obligations qu’il leur impose (voir notamment l’arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A no 161, p. 47, par. 120, et l’arrêt Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni du 30 octobre 1991, série A no 215, p. 39, par. 122).
70. Dans les arrêts précités Vilvarajah et autres (p. 39, par. 123) et Soering (pp. 47-48, paras. 121-124), la Cour a vu dans le contrôle juridictionnel un recours effectif pour exposer les griefs tirés de l’article 3 (art. 3) s’agissant d’expulsion et d’extradition. Elle s’est dite convaincue que les juridictions anglaises pouvaient contrôler de manière effective la légalité du pouvoir discrétionnaire de l’exécutif sur le plan du fond et de la procédure et en annuler les décisions le cas échéant. Enfin, elle a admis que, dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle, un tribunal a compétence pour annuler une décision d’expulsion ou de refoulement vers un pays où il est établi que l’individu concerné courrait des risques sérieux de subir des traitements inhumains ou dégradants, au motif que nul ministre raisonnable ne l’eût adoptée dans les circonstances de la cause.
71. S’il est vrai que l’origine du risque de traitements prohibés encouru par D. et la mesure attaquée ne sont pas les mêmes que dans les affaires précitées, il n’y a aucune raison de s’écarter de la conclusion tirée par la Cour dans ces deux cas au sujet du caractère effectif du contrôle juridictionnel aux fins de l’article 13 (art. 13). De fait, la Cour d’appel a tenu compte de la jurisprudence interne, qui lui imposait de soumettre le cas du requérant à l’examen le plus scrupuleux en raison du risque avéré pour son espérance de vie. Elle s’y est employée eu égard aux critères à respecter pour pouvoir attaquer une décision administrative au motif qu’elle est entachée d’irrationalité. Dès lors, elle a examiné la substance du grief du requérant. Elle avait compétence pour accorder à ce dernier le redressement qu’il demandait. Le fait qu’elle n’en ait pas décidé ainsi ne constitue pas une considération pertinente car le caractère effectif que l’article 13 (art. 13) exige du recours ne dépend pas de la certitude d’un résultat favorable (arrêt Vilvarajah et autres précité, p. 39, par. 122).
72. Le requérant affirme que l’effectivité du recours dont il a saisi la High Court puis la Cour d’appel était affaiblie parce que ces juridictions n’ont pas mené un examen indépendant des faits pour rechercher s’ils révélaient l’existence d’un risque réel qu’il soit soumis à des traitements inhumains et dégradants. Il invoque à cet égard le raisonnement suivi dans l’arrêt Chahal précité (p. 1871, par. 151). La Cour relève cependant que, dans cette affaire, les tribunaux internes n’avaient pu examiner les faits sous-tendant les considérations de sécurité nationale invoquées par le ministre de l’Intérieur pour justifier l’expulsion de M. Chahal. Or aucune considération de ce genre n’intervient en l’espèce.
73. Le requérant a donc disposé d’un recours effectif pour exposer ses griefs fondés sur les articles 2, 3 et 8 de la Convention (art. 2, art. 3, art. 8). Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 13 (art. 13).
V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 50 DE LA CONVENTION (art. 50)
74. L’article 50 de la Convention (art. 50) dispose:
« Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (…) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable. »
A. Frais et dépens
75. Le requérant ne réclame pas de dommages-intérêts, mais le remboursement de 49 443 GBP et 13 811 francs français (FRF) exposés à titre de frais et dépens pour la procédure devant les institutions de la Convention.
76. Le Gouvernement demande à la Cour de réduire cette somme, principalement parce qu’il estime excessif le temps passé à la préparation de certains aspects de l’affaire et déraisonnable le nombre d’avocats engagés. Il propose les montants de 29 313,16 GBP et 9 194 FRF.
77. Le requérant défend la somme indiquée en invoquant notamment la complexité de l’affaire et la rapidité avec laquelle elle a été traitée tant par la Commission que par la Cour.
78. Statuant en équité, la Cour accorde au requérant, pour frais et dépens, 35 000 GBP plus la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, moins les 33 216 FRF déjà versés par le Conseil de l’Europe au titre de l’assistance judiciaire.
B. Intérêts moratoires
79. Selon les informations dont dispose la Cour, le taux légal applicable au Royaume-Uni à la date d’adoption du présent arrêt est de 8% l’an.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Dit que la mise à exécution de la décision d’expulser le requérant vers Saint-Kitts emporterait violation de l’article 3 de la Convention (art. 3);
2. Dit que, compte tenu de sa conclusion quant à l’article 3 (art. 3), il n’y a pas lieu d’examiner le grief du requérant fondé sur l’article 2 de la Convention (art. 2);
3. Dit que le grief du requérant au titre de l’article 8 de la Convention (art. 8) ne soulève aucune question distincte;
4. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13 de la Convention (art. 13);
5. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 35 000 (trente-cinq mille) livres sterling pour frais et dépens, moins 33 216 (trente trois mille deux cent seize) francs français à convertir en livres sterling au taux applicable à la date du prononcé du présent arrêt;
b) que ce montant sera à majorer d’un intérêt simple de 8% l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement.
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 2 mai 1997[4].
Pour le Président:
Jan DE MEYER
Juge
Pour le Greffier:
Michael O’BOYLE
Chef de division au greffe de la Cour
[1] L’affaire porte le n° 146/1996/767/964. Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l’année d’introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l’origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
[2] Le règlement A s’applique à toutes les affaires déférées à la Cour avant l’entrée en vigueur du Protocole n° 9 (P9) (1er octobre 1994) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole (P9). Il correspond au règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à plusieurs reprises depuis lors.
[3] Pour des raisons d’ordre pratique il n’y figurera que dans l’édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1997-III), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe.
[4] Le juge Pettiti, qui était juge suppléant dans cette affaire et n’avait pas pris part au vote final, avait écrit une opinion concordante dont le texte fut par erreur joint à l’exemplaire de l’arrêt remis aux parties. Cette opinion a été retirée immédiatement de l’arrêt dans lequel elle n’a pas à figurer.