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CEDH, 20 septembre 2007, Sultani contre France, req. n°45223/05

Citer : Revue générale du droit, 'CEDH, 20 septembre 2007, Sultani contre France, req. n°45223/05, ' : Revue générale du droit on line, 2007, numéro 54823 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=54823)


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Décision citée par :
  • Christophe De Bernardinis, B. La confirmation de l’implantation de la notion


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE SULTANI c. FRANCE

(Requête no 45223/05)

ARRÊT

STRASBOURG

20 septembre 2007

DÉFINITIF

20/12/2007

En l’affaire Sultani c. France,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM.B.M. Zupančič, président,
C. Bîrsan,
J.-P. Costa,
MmesE. Fura-Sandström,
A. Gyulumyan,
M.E. Myjer,
MmeI. Berro-Lefèvre, juges,
et de M. S. Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 30 août 2007,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 45223/05) dirigée contre la République française et introduite par un ressortissant afghan, M. Mohammad Sultani (« le requérant »), lequel a saisi la Cour le 19 décembre 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Me E. Hamot, avocat à Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

3.  Le requérant alléguait en particulier la violation de l’article 3 de la Convention et de l’article 4 du Protocole no 4 à la Convention, en raison des risques encourus en cas de retour en Afghanistan et des conditions de son expulsion.

4.  Le 20 décembre 2005, le président de la chambre à laquelle l’affaire avait été attribuée a décidé d’appliquer l’article 39 du règlement, indiquant au Gouvernement qu’il était souhaitable dans l’intérêt des parties et de la bonne conduite de la procédure de ne pas expulser le requérant avant que n’intervienne la décision de la Cour. Le 5 janvier 2006, la Cour a décidé de proroger jusqu’à nouvel ordre la mesure provisoire indiquée en application de l’article 39 du règlement de la Cour.

5.  Le 22 mai 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement et de la traiter en priorité (article 41 du règlement). Se prévalant des dispositions de l’article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.

6.  Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement).

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

7.  Le requérant est né en 1985 et réside à Paris.

8.  Originaire de la province afghane de Baghlan, il appartient à l’ethnie tadjik. Il est issu d’une famille de paysans possédant des terres. Son père a appartenu au parti communiste et en a été le représentant à Ghouri. Après la chute du régime communiste de Mohamad Najibullah, cet engagement de la part d’un tadjik fut considéré comme une haute trahison. La famille du requérant se heurta en particulier à l’hostilité d’un ancien chef de guerre devenu notable local, Arab Nourak. Celui-ci, d’origine patchoune, ancien membre du Jamiat e Islami, s’appropria les biens de la famille du requérant dès 1992. A la fin de 1992, une grenade fut jetée dans la maison de la famille du requérant, blessant ce dernier à la tête et à la cuisse. Le requérant porterait des cicatrices sur son corps consécutives à cet événement. Son père aurait quant à lui été blessé au genou. Figure au dossier un certificat médical établi le 7 avril 2006 par un médecin du Comité médical pour les exilés auprès de l’hôpital de Bicêtre qui fait état de ce que :

« … Monsieur SULTANI me déclare être de la région de Baghlan. A la suite d’un conflit entre son père et un chef local, une grenade a été lancée contre le domicile familial. Monsieur SULTANI déclare avoir été blessé au crâne et à la cuisse gauche.

L’examen retrouve plusieurs cicatrices pariétales gauches du cuir chevelu, une cicatrice du 1/3 moyen de la face externe de la cuisse gauche.

(…)

Les constatations de l’examen clinique sont compatibles avec les déclarations du patient. »

9.  Le requérant et sa famille quittèrent l’Afghanistan pour se rendre au Pakistan, d’abord à Sorkhab puis à Quetta.

10.  Le requérant affirme être entré en France en décembre 2002. Le 25 mars 2003, il formula une demande d’asile. Par une décision du 6 août 2003, l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) rejeta sa requête pour les motifs suivants :

« Entendu à l’Office, l’intéressé invoque les démêlés d’ordre foncier de son père avec un commandant local et déclare avoir été contraint de quitter son pays d’origine en 1991 ou 1992. Il aurait d’abord vécu, plusieurs années durant dans un camp situé à la frontière afghano-pakistanaise avant de s’installer, avec sa famille, à Quetta.

Les circonstances évoquées, à les supposer même avérées, ne sauraient cependant en raison des motifs les ayant entraînées, de leur ancienneté, et des changements politiques survenus depuis en Afghanistan, justifier du refus de l’intéressé de retourner et de se prévaloir de la protection des autorités actuelles de son pays d’origine. »

11.  Cette décision fut confirmée le 13 mai 2004 par la commission des recours des réfugiés. Le 5 juillet 2004, le requérant fit l’objet d’une invitation à quitter le territoire français.

12.  En décembre 2004, la famille du requérant fut rapatriée du Pakistan vers son village d’origine. Elle se serait heurtée à nouveau à Arab Nourak, qui, soutenu par le nouveau gouverneur de la province de Baghlan (également membre d’un parti islamiste radical et d’ethnie patchoune, comme M. Nourak), refusa la restitution des terres. Selon le requérant, sa famille aurait été contrainte de se réfugier à nouveau dans la ville de Quetta au Pakistan. Depuis, le requérant serait sans nouvelles de ses proches.

13.  Au vu de ces événements, le requérant soutient avoir eu l’intention de déposer une deuxième demande d’asile en France, mais il aurait attendu d’obtenir davantage de nouvelles de sa famille.

14.  Le 21 septembre 2005, le requérant fut interpellé dans le square de Verdun à Paris, lieu où se rassemblent les nouveaux arrivants en France de nationalité afghane. Il fut alors remis en liberté.

15.  Le 14 décembre 2005, il fut à nouveau interpellé au même endroit, avec d’autres ressortissants afghans. Il soutient que la police française aurait procédé à des interpellations ciblées fondées sur la nationalité, dans la perspective de l’organisation d’un « vol aérien groupé ».

16.  Le même jour, il fit l’objet d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, d’une décision fixant le pays de destination et d’une mesure de rétention administrative.

17.  Le requérant saisit le tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral du 14 décembre 2005 et de la décision distincte fixant l’Afghanistan comme pays de destination. Par un jugement rendu le 17 décembre 2005, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif rejeta la demande du requérant. Ce dernier interjeta appel auprès de la cour administrative d’appel de Paris.

18.  Le 16 décembre 2005, lors de son audition par le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande de instance de Paris, le requérant déclara : « Je ne souhaite pas rentrer dans mon pays d’origine car j’ai peur pour ma vie. J’ai des éléments nouveaux à apporter à ma demande d’asile politique. Je souhaiterais voir un médecin. »

19.  Par une ordonnance rendue le même jour, le juge des libertés et de la détention ordonna la prolongation de la rétention administrative pour une durée de quinze jours, soit jusqu’au 31 décembre 2005 à 17 h 00. Le juge releva également :

« que l’intéressé soulève des doléances d’ordre médical (…) et a formé une demande d’asile politique ; (…)

Ordonnons que l’intéressé soit examiné par tel médecin des U.M.J. de l’Hôtel Dieu afin de déterminer si son état de santé est compatible avec la mesure de rétention et d’éloignement. »

20.  Le 19 décembre 2005, le requérant, ainsi que trois autres ressortissants afghans (G., S. et D.) saisirent la Cour d’une requête assortie d’une demande d’application de l’article 39 du règlement.

21.  Le 20 décembre 2005, la Préfecture de police de Paris notifia au requérant un refus d’admission au séjour daté du 16 décembre 2005 et formulé dans les termes suivants :

« Interpellé le 14 décembre 2005, alors que vous étiez en infraction à la législation sur les étrangers, vous sollicitez le réexamen de votre demande d’asile.

Présentée tardivement et à la faveur de votre rétention, cette demande a manifestement pour but de faire échec à une mesure d’éloignement du territoire français.

En conséquence et conformément aux articles L. 742-3, L. 742-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, je refuse votre admission au séjour. (…)

Le réexamen de votre demande de statut de réfugié fera dès lors l’objet par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides d’un traitement par priorité au titre des articles L. 313-3, L. 313-5, L. 313-6, L. 313-7, L. 313-8, L.313-9, L. 313-10 du code précité.

Enfin une mesure administrative de reconduite à la frontière par arrêté préfectoral pourra être prise en application des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code précité, toutefois celle-ci ne pourra être mise à exécution avant la décision de l’Office (article L. 741-5 du code précité). »

22.  Le même jour, le président en exercice de la deuxième section décida d’indiquer au gouvernement français, en vertu de l’article 39 du règlement de la Cour, qu’il était souhaitable de ne pas expulser le requérant vers l’Afghanistan. Il invita également le gouvernement à tenir la Cour informée de la situation du requérant au regard de la procédure de demande d’asile et de l’examen médical ordonné par le juge des libertés et de la détention. En réponse, le gouvernement indiqua que le requérant avait été libéré du centre de rétention administrative de Vincennes le 21 décembre 2005 et était libre de circuler sur le territoire français.

23.  A cette même date, un vol groupé quitta la France en direction de l’Afghanistan.

24.  Le 5 janvier 2006, la Cour décida de proroger jusqu’à nouvel ordre la mesure provisoire indiquée en application de l’article 39 du règlement de la Cour.

25.  Le 6 janvier 2006, la préfecture convoqua le requérant à un entretien, prévu le 13 janvier, afin de procéder à l’examen de sa situation administrative en vue de l’exécution de la mesure d’éloignement.

26.  Le 9 janvier 2006, l’OFPRA enregistra la deuxième demande d’asile du requérant. Le 10 janvier 2006, le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides la rejeta pour les motifs suivants :

« A l’appui de sa demande,

M. SULTANI

Noor Mohammad

Fait état de la situation générale en Afghanistan.

Toutefois ces éléments, à eux seuls, ne sont pas de nature à établir le bien-fondé de craintes de persécution ou l’existence de menaces graves au sens des articles L. 711-1 et L. 721-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Dès lors ils ne sont pas recevables.

Il produit au dossier l’attestation d’une association de réfugiés.

Il s’agit toutefois d’un élément de preuve nouveau se rapportant à des faits précédemment soutenus. Dès lors il n’est pas recevable.

En outre il affirme que sa famille est de nouveau persécutée par les hommes de main d’Arab Nourak, chef militaire local influent de la région de Baghlan, depuis le retour de ses proches sur le territoire afghan. Son cousin serait actuellement en détention.

Toutefois les déclarations de l’intéressé, succinctes et schématiques, ne sont étayées d’aucun élément crédible et déterminant permettant de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées. »

27.  Le 10 février 2006, le requérant forma un recours contre cette décision devant la commission des recours des réfugiés.

28.  Les 22 mars et 11 mai 2006, le requérant fournit les informations complémentaires demandées par la Cour et confirma le maintien de la requête.

29.  Le 4 juillet 2006, la cour administrative d’appel de Paris rejeta la requête du requérant tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 17 décembre 2005, notamment selon les termes suivants :

« Sur la légalité de l’arrêté de reconduite à la frontière :

(…) Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient M. SULTANI NOOR, l’arrêté de reconduite à la frontière en date du 14 décembre 2005, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé ; que le préfet, qui a indiqué que la situation de l’intéressé avait été examinée notamment au regard de son droit à sa vie familiale, a procédé à l’examen de la situation personnelle de l’intéressé ;

Considérant, en second lieu, que l’arrêté de reconduite attaqué, dont le seul objet est la reconduite à la frontière de M. SULTANI NOOR, n’a pas de caractère collectif ; qu’en tout état de cause, il ne contrevient donc pas aux prescriptions de l’article 4 du protocole additionnel no 4 à la Convention Européenne des Droits de l’Homme (…) qui interdit les expulsions collectives ; que M. SULTANI NOOR ne saurait davantage utilement invoquer ni les stipulations de l’article 6 de la Convention (…), qui ne sont pas applicables au jugement des recours dirigés contre des arrêtés de reconduite à la frontière, ni les stipulations de l’article 1er du Protocole no 7 de ladite Convention publié par décret du 24 janvier 1989, qui ne sont applicables qu’aux étrangers résidant régulièrement sur le territoire d’un Etat ;

Sur la légalité de la décision complémentaire fixant le pays de destination :

Considérant que la demande de M. SULTANI NOOR tendant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugié politique a été (…) rejetée par des décisions de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides et de la Commission des Recours des Réfugiés ; que sa nouvelle demande d’admission au bénéfice de l’asile présentée le 9 janvier 2006 a été rejetée par une nouvelle décision de l’Office en date du 10 janvier 2006 ; que si M. SULTANINOOR invoque les risques qu’il courrait en cas de retour en Afghanistan en raison de la situation de guerre civile qui prévaut dans ce pays, cette circonstance n’est pas par elle-même de nature à établir l’existence des risques allégués par l’intéressé en cas de retour dans son pays d’origine ; qu’il ne produit aucun élément relatif à sa situation personnelle permettant de regarder comme établies des circonstances de nature à faire légalement obstacle à sa reconduite à destination de son pays d’origine ; (…) »

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

A.  La procédure « normale » d’instruction des demandes d’asile et les voies de recours disponibles

30.  L’OFPRA est un établissement public doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière et administrative, placé auprès du ministre des Affaires étrangères (article L. 721-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)). Il est l’autorité compétente pour reconnaître la qualité de réfugié et accorder la protection subsidiaire (articles L. 713-1 et L. 721-2).

31.  Le demandeur doit se rendre dans une préfecture pour y obtenir une autorisation provisoire de séjour (« APS ») – valable un mois – et remplir le formulaire de demande d’asile. A la réception du dossier, l’OFPRA adresse au demandeur une « lettre d’enregistrement » qui lui permet notamment de bénéficier d’un récépissé constatant le dépôt d’une demande d’asile, valable trois mois et renouvelable jusqu’à la décision de l’OFPRA et, le cas échéant, de la commission des recours des réfugiés.

32.  L’OFPRA se prononce au terme d’une instruction unique au cours de laquelle le demandeur d’asile est mis en mesure de présenter les éléments à l’appui de sa demande et, en principe, après avoir entendu celui-ci (articles L. 723-2 et L. 723-3).

33.  Les décisions de rejet prises par l’OFPRA en application – notamment – des articles L. 711-1 et L. 712-1 sont susceptibles de recours dans un délai d’un mois devant la commission desrecours des réfugiés (article L. 731-2), une juridiction administrative placée sous l’autorité d’un président, membre du Conseil d’Etat, désigné par le vice-président du Conseil d’Etat (article L. 731-2) ; les intéressés peuvent présenter leurs explications à la commission des recours et s’y faire assister d’un conseil et d’un interprète (article L. 733-1).

34.  En principe, ce recours est suspensif et l’autorisation provisoire de séjour est renouvelée jusqu’à l’intervention de la décision de la commission (article 9 de la loi du 25 juillet 1952). A cet égard, l’article L. 742-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise ce qui suit :

« L’étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s’y maintenir jusqu’à la notification de la décision de l’OFPRA ou, si un recours a été formé, jusqu’à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d’un délai d’un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français. »

35.  Par ailleurs, le Conseil d’Etat a posé le principe du droit pour l’étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié de demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande, sous réserve des demandes abusives ou dilatoires (CE, ass. 13 décembre 1991, M.N.).

36.  Les décisions de la commission des recours des réfugiés sont susceptibles – dans un délai de deux mois – de faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. Ce pourvoi n’a cependant pas de caractère suspensif (CE, 6 mars 1991, M.D.).

37.  L’étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusée et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière (article L. 742-7 du code). L’étranger qui fait alors l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, lorsque l’arrêté est notifié par voie administrative, ou dans les sept jours, lorsqu’il est notifié par voie postale, demander l’annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif ; le président ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine (article L. 512-2 du code). L’arrêté ne peut être exécuté avant l’expiration de ces mêmes délais ou, si le président du tribunal administratif ou son délégué est saisi, avant qu’il ait statué (article L. 512-3). Le jugement du président du tribunal administratif ou de son délégué est susceptible d’appel dans un délai d’un mois devant le président de la cour administrative d’appel territorialement compétent ou la personne déléguée par lui ; cet appel n’est pas suspensif.

38.  Aux termes de l’article L. 742-6 du code, en cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d’octroi de la protection subsidiaire, l’autorité administrative abroge l’arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. Elle délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 8º de l’article L. 314-11 (valable 10 ans et renouvelable de plein droit) et au bénéficiaire de la protection subsidiaire, la carte de séjour temporaire prévue à l’article L. 313-13 (valable un an, renouvelable).

B.  Réexamen d’une demande d’asile rejetée

39.  Les étrangers dont la demande d’asile a été définitivement rejetée peuvent en demander le réexamen à l’OFPRA et, en cas de rejet, à la commission des recours des réfugiés.

40.  Pour que la demande soit recevable, l’intéressé doit présenter des éléments nouveaux de nature à justifier ses craintes en cas de retour dans son pays d’origine.

41.  Ces faits doivent être postérieurs à la décision définitive de rejet de la demande d’asile. Ils peuvent également être antérieurs à cette décision si le demandeur n’en a eu connaissance qu’après.

42.  Pour solliciter le réexamen de sa demande d’asile par l’OFPRA, l’étranger doit présenter une nouvelle demande d’admission au séjour en préfecture. Cette demande est traitée comme une première demande. La préfecture délivre à l’intéressé une autorisation provisoire de séjour d’une durée de validité de 15 jours et un formulaire de demande de réexamen. Le demandeur dispose alors d’un délai de 8 jours pour faire parvenir son dossier complet à l’OFPRA.

43.  La demande de réexamen peut également faire l’objet d’une procédure dite « prioritaire » (article L. 723-1 alinéa 2). Cette procédure autorise la préfecture à refuser l’admission au séjour. En vertu de l’article L. 741-4, sont concernés les étrangers qui ont la nationalité d’un pays que l’OFPRA ne considère plus comme présentant des risques particuliers de persécutions (clause 1C5 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951) ou qui figure sur la liste des pays d’origine sûrs établie par l’OFPRA ; dont la présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat ou dont la demande d’asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d’asile ou n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée. Les étrangers ayant la nationalité d’un pays n’étant plus considéré « à risque » ou ceux dont la demande est considérée comme abusive ne bénéficient du droit de se maintenir en France que jusqu’à la notification de la décision de l’OFPRA (article L. 742-6).

44.  S’agissant enfin du délai pour statuer sur la demande de réexamen, l’article 3 du décret no 2004-814 du 14 août 2004 précise :

« Lorsqu’il est saisi en application de la procédure prioritaire prévue aux articles 8 et 9 de la loi du 25 juillet 1952 susvisée, l’Office statue dans un délai de quinze jours sur la demande d’asile. Ce délai est ramené à 96 heures lorsque le demandeur d’asile est placé en rétention administrative en application de l’article 35 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée.

Lorsque, à la suite d’une décision de rejet devenue définitive, la personne intéressée entend soumettre à l’Office des éléments nouveaux, sa demande de réexamen doit être précédée d’une nouvelle demande d’admission au séjour et être présentée selon la procédure prévue à l’article 1er. Le délai prévu au deuxième alinéa de l’article 1er est alors limité à huit jours. Dans un délai de 96 heures suivant l’enregistrement de la demande, le directeur général de l’office décide, au vu des éléments produits, s’il y a lieu de procéder à un nouvel examen de la situation de l’intéressé. Le silence gardé par le directeur général au terme de ce délai vaut rejet de la demande. »

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

45.  Le requérant se plaint de la procédure d’éloignement du territoire dont il a fait l’objet et, notamment, du caractère expéditif de l’examen par l’OFPRA de sa seconde demande d’asile. Ilsoutient qu’un retour vers l’Afghanistan l’exposerait à des traitements inhumains et dégradants. Il fait valoir, à cet égard, que l’hostilité des autorités en place dans sa province d’origine, fondée à la fois sur des raisons ethniques et politiques, l’aurait contraint à fuir l’Afghanistan pour sauvegarder sa vie. Il invoque l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

46.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

A.  Sur la recevabilité

47.  Le Gouvernement estime que le requérant a omis d’épuiser les voies de recours internes. Il indique à cet égard que le requérant a interjeté appel de la décision du tribunal administratif de Paris du 17 décembre 2005 rejetant son recours contre l’arrêté de reconduite à la frontière et a saisi la commission des recours des réfugiés d’un recours contre la décision de l’OFPRA du 9 janvier 2006 et que ces recours sont actuellement pendants. Il soutient que le caractère non suspensif de ces recours ne saurait les priver de leur effectivité.

48.  Le requérant estime que ces recours ne peuvent être considérés comme effectifs. En effet, l’appel devant la cour administrative d’appel n’a aucun effet suspensif (article L. 512-1 du CESEDA). Quant au recours devant la commission des recours des réfugiés, il ne pouvait faire obstacle à la décision d’éloignement du territoire, laquelle était exécutoire à compter du 10 janvier 2006, date de la décision négative de l’OFPRA. En effet, le recours devant la commission des recours des réfugiés n’est pas suspensif lorsque la demande d’asile est examinée dans le cadre d’une procédure prioritaire.

49.  La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention impose aux personnes désireuses d’intenter une action devant la Cour l’obligation d’utiliser auparavant les recours qui sont normalement disponibles dans le système juridique de leur pays et suffisants pour leur permettre d’obtenir le redressement des violations qu’elles allèguent. Ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues. L’article 35 § 1 impose aussi de soulever devant l’organe interne adéquat, au moins en substance et dans les formes prescrites par le droit interne, les griefs que l’on entend formuler par la suite, mais il n’impose pas d’user de recours qui sont inadéquats ou ineffectifs (voir les arrêts Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, pp. 2275-2276, §§ 51-52, Akdivar et autres c. Turquie du 30 août 1996, Recueil 1996-IV, p. 1210, §§ 65-67, et Khachiev et Akaïeva c. Russie, nos 57942/00 et 57945/00, § 116, 24 février 2005).

50.  Par ailleurs, lorsqu’un individu se plaint de ce que son renvoi l’exposerait à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention, les recours sans effet suspensif ne peuvent être considérés comme efficaces au sens de l’article 35 § 1 de la Convention (voir mutadis mutandis et parmi beaucoup d’autres X. c. Allemagne, no 7216/75, décision de la Commission du 20 mai 1976, Décisions et rapports (DR) 5, p. 137 ; M. c. France, no 10078/82, décision de la Commission du 13 décembre 1984, DR 41, p. 103). La Cour considère également que, compte tenu de la nature irréversible du dommage susceptible d’être causé en cas de réalisation d’un risque de torture ou de mauvais traitements, la notion de recours effectif au sens de l’article 13 requiert la possibilité de faire surseoir à l’exécution d’une mesure d’expulsion (Jabari c. Turquie, arrêt du 11 juillet 2000, Recueil 2000-VIII, § 50). La Cour a, en outre, estimé qu’en matière d’éloignement du territoire, un recours dépourvu d’effet suspensif automatique ne satisfaisait pas aux conditions d’effectivité de l’article 13 de la Convention (Čonka c. Belgique, no 51564/99, § 83, CEDH 2002-I).

51.  La Cour constate en premier lieu que l’appel interjeté contre le jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2005 a fait l’objet d’une décision de la cour administrative d’appel en date du 4 juillet 2006. Elle observe en outre que les recours évoqués par le Gouvernement sont dépourvus d’effet suspensif. Ils ne peuvent donc être considérés comme efficaces au sens de la jurisprudence précitée. Il convient dès lors de rejeter l’exception préliminaire du Gouvernement tirée de l’absence d’épuisement des voies de recours internes.

52.  La Cour constate par ailleurs que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

1.  Thèses des parties

a.  Le Gouvernement

53.  Selon le Gouvernement, la brièveté de la procédure suivie par l’OFPRA lors de la demande de réexamen du requérant s’explique par les dispositions législatives régissant sa situation. En effet l’article L. 723-1 alinéa 2 du CESEDA prévoit un traitement prioritaire des demandes émanant de personnes dépourvues de titre de séjour. Par ailleurs, en vertu de l’article 3 du décret no 2004-814 du 14 août 2004, l’OFPRA est tenu de statuer dans un délai de 96 heures lorsque l’auteur de la demande introduit sa demande de réexamen alors qu’il se trouve en zone d’attente. La rapidité de l’examen de cette demande ne constituerait donc pas une preuve de ce que cette dernière n’a pas été instruite au fond.

54.  Le Gouvernement estime au contraire que l’OFPRA, lors de cette seconde saisine, a procédé à un examen circonstancié du dossier présenté par le requérant, mais n’a trouvé dans cette demande aucun motif nouveau propre à le faire revenir sur sa première décision de rejet.

55.  Il estime en outre que le requérant a bénéficié d’une appréciation circonstanciée de sa situation par le tribunal administratif et la cour administrative d’appel, lesquels n’étaient pas liés par la décision de l’OFPRA et ont procédé, à l’occasion de leurs décisions des 17 décembre 2005 et 4 juillet 2006, à un examen concret et autonome de sa situation.

56.  Il rappelle à cet égard que la Cour exige que le requérant établisse qu’en cas de retour dans son pays d’origine, sa situation personnelle serait « pire que celle de la généralité des membres de sa communauté » (Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 30 octobre 1991, série A no 215, § 111) et qu’elle considère que l’existence, dans le pays de destination, d’un contexte général de violence n’est pas nécessairement de nature à entraîner, en cas d’expulsion, une violation de l’article 3 (H.L.R. c. France, arrêt du 29 avril 1997, Recueil 1997-III, § 41). Il affirme que le requérant n’était pas plus en mesure en 2005 qu’en 2003, d’établir qu’il était susceptible d’être soumis à des risques particuliers de mauvais traitements en cas de retour en Afghanistan. A cet égard, il considère que le requérant se borne à produire des documents généraux sur la situation dans ce pays sans établir que sa famille ou lui-même en aurait personnellement souffert.

b.  Le requérant

57.  Le requérant estime que l’OFPRA n’a pu procéder à un examen individuel sérieux de sa seconde demande d’asile compte tenu du laps de temps écoulé entre le dépôt de sa demandeet le refus qui lui a été opposé (soit un délai de vingt-quatre heures au total). La brièveté de ce délai d’examen constitue selon lui la preuve d’un rejet automatique de sa demande, fondé sur la base du précédent rejet de l’Office en date du 6 août 2003. Il estime pourtant que ses deux demandes successives présentaient d’importantes différences (présence depuis le mois de février 2005 d’un gouverneur lié au parti fondamentaliste Hezb-e-Islami, radicalement opposé aux anciens membres du parti communiste ; tentative de réinstallation de sa famille dans son villaged’origine au printemps 2005 rapidement suivie d’une nouvelle fuite vers le Pakistan). Selon le requérant, l’OFPRA n’a pu procéder en vingt-quatre heures à un examen effectif de sa situation et des risques qu’il serait susceptible d’encourir en cas de retour en Afghanistan. Il estime également que les dispositions de l’article 3 du décret no 2004-814 du 14 août 2004, imposant à l’Officede se prononcer dans un délai de quatre-vingt-seize heures lorsque l’auteur de la demande de réexamen est en zone d’attente, sont incompatibles avec un examen équitable des demandes d’asile et partant contraires à l’article 3 de la Convention.

58.  Le requérant estime que le contrôle exercé par les juridictions administratives ne présente pas non plus le degré d’efficacité requis par l’article 3 de la Convention. Selon lui, le juge administratif s’aligne quasi systématiquement sur les décisions négatives de l’OFPRA ou, le cas échéant, de la commission des recours des réfugiés, sans évaluer lui-même les risques encourus dans le pays d’origine. Ainsi, en l’espèce, la cour administrative d’appel se serait-elle contentée d’avaliser la décision de l’OFPRA du 10 janvier 2006.

59.  Le requérant estime par ailleurs avoir fait la preuve de ce que sa situation personnelle l’exposerait à un risque individualisé de mauvais traitements. Les convictions politiques de son père ayant été à l’origine de nombreux actes de répressions vis-à-vis de sa famille et notamment d’un jet de grenade sur leur maison en 1992.

60.  Le requérant produit également, à l’appui de sa requête, plusieurs documents d’actualité relatifs à l’évolution de la situation politique en Afghanistan et plus particulièrement dans laprovince de Baghlan. Ces événements affectent selon lui sa situation personnelle. Les pièces produites concernent notamment la nomination de Juma Khân Hamdard, un ancien membre du Hezb-e Islami, aux fonctions de gouverneur de la province de Baghlan. L’appartenance de Juma Khân Hamdard à l’ethnie pachtoune et à un parti radical, traditionnellement hostile aux sympathisants communistes, à l’instar de l’ennemi personnel du père du requérant, Ararb Nourak, attesterait du danger encouru en cas de retour dans son pays d’origine.

2.  Appréciation de la Cour

61.  La Cour rappelle que les Etats contractants ont, en vertu d’un principe de droit international bien établi et sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, y compris la Convention, le droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux. Elle note aussi que ni la Convention ni ses Protocoles ne consacrent le droit à l’asile politique (Vilvarajahet autres c. Royaume-Uni, arrêt du 30 octobre 1991, série A no 215, p. 34, § 102).

62.  Toutefois, il est bien établi dans la jurisprudence de la Cour que l’expulsion d’un demandeur d’asile par un Etat contractant peut soulever un problème au regard de l’article 3, donc engager la responsabilité de l’Etat en cause au titre de la Convention, lorsqu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3. Dans ces conditions, l’article 3 implique l’obligation de ne pas expulser la personne en question vers ce pays (arrêts Soering c. Royaume-Unidu 7 juillet 1989, série A no 161, pp. 35-36, §§ 90-91, Cruz Varas et autres c. Suède du 20 mars 1991, série A no 201, p. 28, §§ 69-70, et Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1853, §§ 73-74).

63.  Par ailleurs, la Cour considère qu’eu égard au fait que l’article 3 consacre l’une des valeurs les plus fondamentales des sociétés démocratiques et proscrit en termes absolus la torture et les traitements ou peines inhumains ou dégradants, il faut impérativement soumettre à un contrôle attentif le grief d’un requérant aux termes duquel son expulsion vers un pays tiers l’exposerait à des traitements prohibés par l’article 3 (voir, mutatis mutandis, Chahal, précité, p. 1855, § 79, et p. 1859, § 96).

64.  La Cour observe que le requérant a, en l’espèce, bénéficié d’un examen circonstancié de la part des autorités internes.

65.  Ainsi, l’OFPRA a par deux fois examiné ses demandes d’asile (d’abord dans le cadre d’une procédure normale en 2003, puis dans celui d’une procédure de réexamen en 2005). Lesimple fait que sa seconde demande ait été traitée selon une procédure prioritaire et donc dans un délai restreint ne saurait, à lui seul, permettre à la Cour de conclure à l’ineffectivité de l’examen mené. A cet égard, la Cour note que le requérant avait déjà bénéficié d’un premier examen complet de sa demande d’asile dans le cadre de la procédure normale. Ce premier examen a permis à l’OFPRA, puis à la commission des recours des réfugiés d’examiner l’ensemble des arguments du requérant, s’opposant selon lui à son retour vers l’Afghanistan, et de rejeter sa demande d’asile. L’existence de ce premier contrôle justifie la brièveté du délai d’examen de la seconde demande, dans le cadre duquel l’OFPRA se contente de vérifier, à l’occasion d’une procédure accélérée, s’il existe de nouveaux motifs propres à modifier sa décision de rejet préalable.

66.  Les juridictions administratives se sont quant à elles prononcées à la suite du rejet de la seconde demande d’asile, tant en première instance qu’en appel. La décision de la cour administrative d’appel du 4 juillet 2006 apparaît à cet égard particulièrement motivée.

67.  S’agissant du risque invoqué par le requérant, la Cour observe que ce dernier ne parvient qu’à démontrer l’existence d’une situation générale de violence en Afghanistan. Si la Cour ne peut que constater la réalité des troubles régnant dans ce pays, elle considère cependant qu’une telle situation n’est pas à elle seule de nature à entraîner, en cas d’expulsion, une violation de l’article 3 (voir, mutatis mutandis, H.L.R. c. France, précité, § 41). A cet égard, la Cour relève que le requérant n’apporte pas d’élément réellement étayé s’agissant de sa situation personnelle, ni suffisant pour pouvoir être considéré comme appartenant à un groupe minoritaire particulièrement menacé (voir a contrario Salah Sheekh c. Pays-Bas, no 1948/04, 11 janvier 2007). La Cour souligne, en particulier, le fait que le requérant n’est pas lui-même un ancien dirigeant du parti communiste, mais uniquement le fils d’un de ces derniers et qu’il n’établit pas dans quelle mesure il pourrait être personnellement exposé à un risque de répression en Afghanistan.

68.  Ces considérations amènent la Cour à conclure à l’absence de motifs sérieux et avérés de croire que l’expulsion du requérant exposerait celui-ci à un risque réel de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 4 DU PROTOCOLE No 4 À LA CONVENTION

69.  Le requérant dénonce une violation de l’article 4 du Protocole no 4 à la Convention, aux termes duquel :

« Les expulsions collectives d’étrangers sont interdites. »

70.  Le Gouvernement conteste cette thèse.

A.  Sur la recevabilité

71.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

1.  Thèses des parties

a.  Le Gouvernement

72.  Selon le Gouvernement, le grief tiré de l’article 4 du Protocole no 4 est sans objet dans la mesure où le requérant demeure à ce jour sur le territoire national.

73.  Le Gouvernement affirme par ailleurs que le recours des autorités françaises à des vols spécifiques pour reconduire un certain nombre d’étrangers dans leur pays d’origine tient à des contingences matérielles et ne peut s’analyser comme une pratique d’expulsions collectives au sens de cette disposition. La mise en place de tels vols est selon lui dictée par la difficulté, voir l’impossibilité, d’obtenir des places sur des vols réguliers, vers certaines destinations, notamment en direction de pays vers lesquels il n’existe pas de dessertes régulières importantes à partir des aéroports français.

74.  Le Gouvernement insiste sur les garanties législatives et le contrôle exercé par les juridictions administratives sur les décisions de renvoi des étrangers en situation irrégulière, lesquelles font toujours l’objet d’un examen individuel et circonstancié notamment au regard des risques allégués de violation de l’article 3 en cas de retour dans le pays d’origine. Ainsi, des décisions d’éloignement fondées sur la nationalité ou l’appartenance ethnique ne pourraient être qu’annulées par le juge administratif.

75.  Le Gouvernement estime qu’en l’espèce les autorités françaises se sont conformées à la jurisprudence de la Cour (Andric c. Suède (déc.), no 45917/99, 23 février 1999 ; arrêt Čonka, précité) puisqu’aucune déclaration officielle annonçant l’intention des autorités françaises de procéder à des expulsions collectives n’a précédé la mise en place des vols réservés vers l’Afghanistan et que la demande du requérant a bénéficié d’une décision individuelle et différenciée. En effet, interpellé le 21 septembre, puis le 14 décembre 2005, il s’est vu notifier une mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre le 14 décembre 2005, laquelle le concernait personnellement et était la conséquence de l’invitation à quitter le territoire français dont ilavait fait l’objet le 5 juillet 2004, soit plus d’un an auparavant.

76.  Le Gouvernement insiste enfin sur l’amplitude de la marge d’appréciation dont disposent les Etats pour organiser les opérations de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français.

b.  Le requérant

77.  Le requérant considère quant à lui que le « vol groupé » correspond, dans un grand nombre de cas, à un expédient permettant de renvoyer des étrangers dans des pays où les grandes compagnies aériennes ne veulent plus se poser pour des raisons de sécurité. Il note qu’il n’existe plus de liaisons aériennes directes vers la Somalie, l’Éthiopie et l’Afghanistan. Il observe à cet égard que le ministère des Affaires étrangères déconseille aux ressortissants français de se rendre en Afghanistan. Il observe par ailleurs que les « opérations de retour conjointes » se révélant excessivement onéreuses, des objectifs de rentabilité guident les services de police qui subissent, au moment de la préparation de ces vols, d’importantes pressions.

78.  Contrairement à ce que prétend le Gouvernement, il n’existerait pas d’examen individuel et circonstancié effectif des risques en cas de retour dans le pays d’origine et la loi française ne permettrait pas de faire obstacle à ce que l’autorité administrative procède à des expulsions collectives. Le requérant souligne à cet égard les difficultés pratiques auxquelles se heurte l’étranger désireux d’exposer un risque de mauvais traitement en cas d’éloignement du territoire français. En outre, les juridictions administratives ne procéderaient pas à un contrôle individualisé réel de la légalité des mesures d’éloignement puisqu’elles ne feraient que valider les décisions négatives de l’OFPRA ou de la commission des recours des réfugiés (cf. paragraphe 57 ci-dessus). Enfin, les juridictions administratives tireraient prétexte de ce que chaque étranger fait l’objet d’une décision individuelle de reconduite à la frontière pour écarter de manière systématique les moyens tirés de la violation de l’article 4 du Protocole no 4. La décision individuelle, purement formelle, ferait ainsi écran à la reconnaissance du caractère collectif de l’éloignement.

79.  A l’appui de ses allégations concernant le caractère collectif de la mesure d’éloignement litigieuse, le requérant produit plusieurs attestations de témoins selon lesquelles la police aurait procédé, le 14 décembre 2005, à l’arrestation d’un groupe d’Afghans. Les policiers auraient à cette occasion effectué un « tri » en demandant aux personnes se trouvant dans le square de Verdun leur nationalité et en n’arrêtant que les personnes de nationalité afghane.

80.  Le requérant insiste encore sur l’importance des circonstances ayant précédé le « vol groupé » du 20 décembre 2005. Il indique que le vol litigieux était programmé : le ministre de l’Intérieur en ayant annoncé l’imminence. Ainsi, dès le 27 juillet 2005, au lendemain d’un premier « charter » anglo-français expulsant quarante Afghans en situation illégale, le ministre de l’Intérieur avait indiqué que d’autres vols étaient prévus. Le requérant produit en annexe un article publié sur le site du journal « le Monde » le 6 décembre 2005 citant les propos du ministre de l’Intérieur, lequel avait déclaré à l’Assemblée Nationale : « Nous sommes en train, avec le premier ministre, de négocier avec l’Irak et avec l’Afghanistan, comme avec la Somalie, en accord avec nos amis anglais, des vols groupés » afin de « renvoyer chez eux des gens qui croient que l’Angleterre est un nouvel Eldorado et qui viennent atterrir dans le Calaisis sans espoir de trouver un logement ou un travail. »

2.  Appréciation de la Cour

81.   La Cour rappelle sa jurisprudence d’après laquelle il faut entendre par expulsion collective, au sens de l’article 4 du Protocole no 4, toute mesure contraignant des étrangers, en tant que groupe, à quitter un pays, sauf dans les cas où une telle mesure est prise à l’issue et sur la base d’un examen raisonnable et objectif de la situation particulière de chacun des étrangers qui forment le groupe. Ainsi, le fait que plusieurs étrangers fassent l’objet de décisions semblables ne permet pas en soi de conclure à l’existence d’une expulsion collective lorsque chaque intéressé a pu individuellement faire valoir devant les autorités compétentes les arguments qui s’opposaient à son expulsion (Andric, décision précitée).

82.  La Cour rappelle en outre que, pour qu’une décision ou une mesure favorable au requérant suffise à lui retirer la qualité de victime, il faut en principe que les autorités nationales aient reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation alléguée de la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, les arrêts Lüdi c. Suisse du 15 juin 1992, série A no 238, § 34, Amuurc. France du 25 juin 1996, Recueil 1996-III, p. 846, § 36, Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 44, CEDH 1999-VI, et Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 142, CEDH 2000-IV). Or, il est manifeste que ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce, puisqu’il apparaît que si le requérant n’a pas été expulsé par le biais du vol collectif du 20 décembre 2005 c’est en raison de la mesure provisoire adoptée par la Cour sur le fondement de l’article 39 de son règlement. Dès lors c’est à tort que le Gouvernement soutient que le grief tiré de l’article 4 du Protocole no 4 serait devenu sans objet.

83.  S’agissant de la nature de l’examen effectué par les autorités nationales, la Cour relève, qu’en l’espèce, le requérant a saisi les autorités françaises de deux demandes d’asile, dont l’une postérieurement à l’arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre. Ces demandes lui ont permis de faire valoir devant l’OFPRA et, dans le cadre de la première demande, la commission des recours des réfugiés, les arguments s’opposant à son expulsion vers l’Afghanistan. Les autorités internes ont pris en considération dans leur décision de rejet de ces demandes et, notamment, dans celle du 10 janvier 2006, non seulement le contexte général prévalant en Afghanistan, mais aussi les déclarations du requérant relatives à sa situation personnelle et aux risques allégués en cas de retour dans son pays d’origine. La Cour constate dès lors que l’examen individuel de la situation du requérant a bien été effectué et fournissait une justification suffisante à l’expulsion litigieuse (voir à contrario Čonka, précité).

84.  La Cour estime dans ces circonstances que l’expulsion du requérant du territoire français ne serait pas constitutive d’une violation de l’article 4 du Protocole no 4.

III.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

85.  Le requérant se plaint enfin de ce que ni la préfecture de police de Paris, ni l’OFPRA (lors de l’examen de la demande soumise le 9 janvier 2006) n’auraient respecté les garanties procédurales en cas d’expulsion, ni permis au requérant de bénéficier du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Il invoque l’article 6 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 7, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

Article 6

« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…) »

Article 1er du Protocole no 7

« 1.  Un étranger résidant régulièrement sur le territoire d’un Etat ne peut en être expulsé qu’en exécution d’une décision prise conformément à la loi et doit pouvoir :

a)  faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion,

b)  faire examiner son cas, et

c)  se faire représenter à ces fins devant l’autorité compétente ou une ou plusieurs personnes désignées par cette autorité.

2.  Un étranger peut être expulsé avant l’exercice des droits énumérés au paragraphe 1 a), b) et c) de cet article lorsque cette expulsion est nécessaire dans l’intérêt de l’ordre public ou est basée sur des motifs de sécurité nationale. »

86.  La Cour rappelle tout d’abord que les décisions relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers n’emportent pas contestation sur les droits ou obligations de caractère civil d’un requérant ni n’ont trait au bien-fondé d’une accusation en matière pénale dirigée contre lui, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Maaouia c. France [GC], no 39652/98, § 40, CEDH 2000-X ; Penafiel Salgado c. Espagne (déc.), no 65964/01, 16 avril 2002 ; Sardinas Albo c. Italie (déc.), no 56271/00, 8 janvier 2004).

87.  Quant à l’article 1er du Protocole no 7, la Cour rappelle que les garanties spécifiques prévues par cette disposition ne s’appliquent qu’aux étrangers résidant régulièrement sur le territoire d’un Etat ayant ratifié ce Protocole (Sejdovic et Sulejmanovic c. Italie (déc.), no 57575/00, 14 mars 2002, et Sulejmanovic et Sultanovic c. Italie (déc.), no 57574/00, 14 mars 2002).

88.  Or, la Cour relève qu’au moment où les autorités internes ont adopté la mesure d’éloignement litigieuse, le requérant ne se trouvait pas « régulièrement » sur le territoire français, étant donné qu’il était dépourvu de titre de séjour valide. Dès lors, l’article 1 du Protocole no 7 ne trouve pas à s’appliquer au cas d’espèce.

89.  Il s’ensuit que ces griefs sont incompatibles ratione materiae avec les dispositions de la Convention, au sens de l’article 35 § 3, et doivent être rejetés en application de l’article 35 § 4.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 3 de la Convention et de l’article 4 du Protocole no 4 et irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit qu’il n’y aurait pas violation de l’article 3 de la Convention si la décision d’expulser le requérant vers l’Afghanistan recevait exécution ;

3.  Dit qu’il n’y aurait pas violation de l’article 4 du Protocole no 4 si la décision d’expulser le requérant vers l’Afghanistan recevait exécution.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 septembre 2007 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Boštjan M. Zupančič – Président
Santiago Quesada – Greffier

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