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CEDH, 23 avril 1987, Ettl et autres contre Autriche, req. n°9273/81

Citer : Revue générale du droit, 'CEDH, 23 avril 1987, Ettl et autres contre Autriche, req. n°9273/81, ' : Revue générale du droit on line, 1987, numéro 57676 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=57676)


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....

Décision citée par :
  • Christophe De Bernardinis, B. Le juge constitutionnel et les droits fondamentaux consacrés par la ConvEDH


En l’affaire Ettl et autres*,

La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à

l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de

l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses

pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont

le nom suit:

_______________

* Note du greffier: L’affaire porte le n° 12/1985/98/146.  Les deux

premiers chiffres désignent son rang dans l’année d’introduction, les

deux derniers sa place sur la liste des saisines de la Cour depuis

l’origine et sur celle des requêtes (à la Commission) correspondantes.

_______________

        MM. R. Ryssdal, président,

            G. Lagergren,

            F. Gölcüklü,

            F. Matscher,

            B. Walsh,

        Sir Vincent Evans,

        M.  C. Russo,

ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier

adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 23 octobre 1986 et

24 mars 1987,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:

PROCEDURE

1.      L’affaire a été portée devant la Cour par la Commission

européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 18 octobre 1985,

dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 § 1 et 47

(art. 32-1, art. 47) de la Convention.  A son origine se trouve une

requête (n° 9273/81) dirigée contre la République d’Autriche et dont

M. Anton Ettl, Mme Leopoldine Ettl, M. Anton Schalhas,

Mme Rosa Schalhas, M. Franz Gunacker, Mme Maria Gunacker,

M. Anton Haas et Mme Maria Haas, ressortissants autrichiens, avaient

saisi la Commission en 1980 en vertu de l’article 25 (art. 25).

La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48

(art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration autrichienne de

reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour (article 46)

(art. 46).  Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de

savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat

défendeur aux obligations qui lui incombent aux termes de

l’article 6 § 1 (art. 6-1) de la Convention.

2.      En réponse à l’invitation prescrite à l’article 33 § 3 d) du

règlement, les requérants – y compris M. Josef Haftner et

Mme Maria Haftner, ayants droit de M. Gunacker, décédé – ont exprimé

le désir de participer à l’instance pendante devant la Cour et ont

désigné leur conseil (article 30).

3.      La chambre de sept juges à constituer comprenait de plein

droit M. F. Matscher, juge élu de nationalité autrichienne (article 43

de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour

(article 21 § 3 b) du règlement).  Le 25 octobre 1985, celui-ci en a

désigné par tirage au sort les cinq autres membres, à savoir

M. D. Evrigenis, M. F. Gölcüklü, M. B. Walsh, Sir Vincent Evans et

M. C. Russo, en présence du greffier (articles 43 in fine de la

Convention et 21 § 4 du règlement) (art. 43).  Ultérieurement,

M. G. Lagergren, suppléant, a remplacé M. Evrigenis, décédé

(articles 22 § 1 et 24 § 1 du règlement).

4.      Ayant assumé la présidence de la chambre (article 21 § 5 du

règlement), M. Ryssdal a consulté par l’intermédiaire du greffier

adjoint l’agent du gouvernement autrichien (« le Gouvernement »), le

délégué de la Commission et le représentant des requérants au sujet de

la nécessité d’une procédure écrite (article 37 § 1).

Le 10 janvier 1986, il a décidé que ledit agent aurait

jusqu’au 28 février 1986 pour déposer un mémoire auquel le délégué

pourrait répondre dans les deux mois du jour où le greffier le lui

aurait communiqué.

Le même jour, il a autorisé le conseil des requérants à employer la

langue allemande (article 27 § 3).

Le mémoire du Gouvernement est parvenu au greffe le 13 mars.  Par une

lettre du 13 mai, le secrétaire de la Commission a informé le greffier

que le délégué formulerait ses observations lors des audiences.

5.      Le 25 septembre 1986, le président a fixé au 20 octobre 1986

la date d’ouverture de la procédure orale après avoir consulté agent

du Gouvernement, délégué de la Commission et représentant des

requérants par l’intermédiaire du greffier adjoint.

Les 6, 14 et 16 octobre, le greffier a reçu certaines pièces que le

président l’avait chargé de se procurer auprès de la Commission et des

requérants, selon le cas, et les demandes de satisfaction équitable de

ces derniers.

6.      Les débats se sont déroulés en public le jour dit, au Palais

des Droits de l’Homme à Strasbourg.  La Cour avait tenu immédiatement

auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu:

– pour le Gouvernement

M. H. Türk, conseiller juridique,

            ministère des Affaires étrangères,            agent,

M. D. Okresek, chancellerie fédérale,

M. D. Hunger, ministère fédéral de

              l’Agriculture et des Forêts,                conseillers;

– pour la Commission

M. F. Ermacora,                                           délégué;

– pour les requérants

Me R. Wandl, avocat,                                      conseil.

M. E. Pawel, ingénieur,                                   conseiller.

La Cour les a entendus en leurs plaidoiries, ainsi qu’en leurs

réponses à ses questions.  Le Gouvernement a produit des documents

pendant les audiences.

EN FAIT

7.      Les requérants, agriculteurs autrichiens établis à Obritzberg

en Basse-Autriche, se plaignent des opérations de remembrement

(Zusammenlegungsverfahren) dont leurs propriétés ont fait l’objet en

juillet 1973.

I. Les circonstances de l’espèce

1. La procédure devant les commissions de la réforme agraire

8.      Le 30 juillet 1973, l’Autorité agricole de district de

Basse-Autriche (Agrarbezirksbehörde, « l’Autorité de district ») publia

un plan de remembrement d’Obritzberg qui englobait les terres des

requérants.  Ils exercèrent un recours auprès de la Commission

régionale de la réforme agraire (Landesagrarsenat, « la Commission

régionale »), soutenant qu’ils n’avaient pas reçu une compensation

foncière conforme aux dispositions de la loi de Basse-Autriche sur

l’aménagement des terres agricoles (Flurverfassungs – Landesgesetz,

paragraphe 15 ci-dessous).  Les motifs invoqués différaient d’un

requérant à l’autre en fonction de la manière dont le plan de

remembrement touchait leurs biens respectifs.

9.      La Commission régionale se prononça les 26 et 27 mai 1975,

après avoir entendu les parties et plusieurs autres propriétaires

concernés par les changements que les requérants avaient sollicités.

A la lumière du dossier et des résultats d’une inspection des lieux

menée par quelques-uns de ses membres, elle modifia à certains égards

la compensation foncière attribuée aux intéressés.

En application de l’article 5 § 2 de la loi fédérale sur les autorités

agricoles (Agrarbehördengesetz 1950, dans sa version de 1974,

paragraphe 15 ci-dessous), la Commission régionale siégeait dans la

composition que voici: trois magistrats – à savoir trois conseillers

de cour d’appel le 26 mai 1975, deux conseillers de cour d’appel et un

juge au tribunal régional le lendemain – et cinq fonctionnaires du

Bureau du gouvernement (Amt der Landesregierung) de Basse-Autriche.

Le président était le chef de la division VI 4 du Bureau, le

rapporteur un des fonctionnaires de cette même division; un troisième

membre faisait partie de la division VI 11.  Les deux membres restants

n’apparaissent pas dans l’organigramme du Bureau pour les années

1975-76, que le Gouvernement a communiqué à la Cour, mais dans celui

de 1976-77, postérieur aux décisions de la Commission régionale en

l’espèce; à cette dernière époque ils relevaient, avec le président et

le rapporteur, de la division VI 3, créée, selon le Gouvernement, en

1976 à la suite d’une réorganisation des services administratifs du

Bureau.  Dans son rapport (paragraphe 97), la Commission européenne

des Droits de l’Homme s’appuie non sur l’organigramme de 1975-76, mais

sur celui de 1976-77; elle note que la Commission régionale comptait,

au moment où elle a statué, quatre membres effectifs et leurs

suppléants provenant de la division VI 3, et que le président, le

rapporteur et deux autres membres travaillaient dans la division VI 4.

10.     Les requérants s’adressèrent ensuite à la Commission suprême

de la réforme agraire (Oberster Agrarsenat, « la Commission suprême »).

Le 6 octobre 1976, elle accueillit le recours des Ettl et des Schalhas

dans la mesure où ils se plaignaient d’un risque d’érosion de

certaines parcelles compensatoires qui leur avaient été allouées en

échange de leurs terres et, en conséquence, ordonna des mesures de

drainage; elle l’écarta pour le surplus et débouta les Gunacker et les

Haas.

La Commission suprême comprenait trois magistrats, membres de la Cour

suprême (Oberster Gerichtshof), et cinq fonctionnaires du ministère

fédéral de l’Agriculture et des Forêts (Bundesministerium für Land-

und Forstwirtschaft; article 6 § 2 de la loi fédérale sur les

autorités agricoles, paragraphe 18 ci-dessous).  Deux de ces derniers

– le président et le rapporteur – appartenaient à la division I 7,

chargée notamment du secrétariat de la Commission, les trois autres

aux divisions II C 7, II C 8 et V A 3 respectivement.

2. La procédure devant les Cours constitutionnelle et administrative

11.      Les requérants saisirent alors la Cour constitutionnelle

(Verfassungsgerichtshof).  Ils affirmaient avoir été privés de leur

droit à une décision par le juge compétent d’après la loi

(gesetzlicher Richter, article 83 § 2 de la Constitution fédérale –

Bundes-Verfassungsgesetz) car, selon la législation sur l’organisation

des autorités agricoles, plusieurs experts siégeaient aux Commissions

régionale et suprême.  Ils ne trouvaient pas logique que ces membres

jouissent d’un droit de vote même lorsque la question sous examen

sortait de leur spécialité ou qu’ils avaient eux-mêmes établi le

rapport d’expertise.  Ils alléguaient en outre une atteinte à leur

droit de propriété, garanti par la Constitution.  Ils se référaient

aussi, d’une manière générale, aux « dispositions correspondantes de la

Convention des Droits de l’Homme ».

Par des arrêts des 1er février (M. et Mme Haas), 28 février

(M. et Mme Gunacker) et 19 mars 1980 (MM. et Mmes Ettl et Schalhas),

la Cour constitutionnelle rejeta les recours pour défaut de fondement.

Elle souligna entre autres que l’article 12 § 2 de la Constitution

fédérale prévoyait expressément la présence d’experts.  A la demande

des requérants, elle renvoya les affaires à la Cour administrative

(Verwaltungsgerichtshof) pour que celle-ci appréciât s’il y avait eu

méconnaissance de droits non constitutionnels.

12.     Devant la Cour administrative, les intéressés contestèrent la

légalité de la compensation foncière accordée: d’après eux, il y avait

eu manquement aux exigences de la loi de Basse-Autriche sur

l’aménagement des terres agricoles.  Ils dénonçaient en second lieu

une infraction aux clauses de la loi générale sur la procédure

administrative (Allgemeines Verwaltungsverfahrensgesetz) relatives à

l’impartialité des autorités administratives et au droit à un procès

équitable: les experts avaient voté dans une matière étrangère à leur

compétence professionnelle; il n’y avait pas eu d’expertise écrite et

aucune des commissions n’avait communiqué aux parties le résultat de

la procédure d’enquête (Ermittlungsverfahren).

Les 11 novembre (époux Ettl et Gunacker) et 25 novembre 1980

(époux Schalhas et Haas), la Cour administrative constata une

violation des droits procéduraux des requérants; elle repoussa les

autres griefs.

Ses arrêts, libellés en termes analogues, peuvent se résumer ainsi

(paragraphe 52 du rapport de la Commission):

– Dans la mesure où les intéressés taxaient de partialité les experts

membres de la Commission suprême, leur thèse manquait de fondement car

ladite Commission avait siégé dans une composition légale.

– Pour autant qu’ils se plaignaient de l’absence d’une expertise

écrite sur certains points, ils n’indiquaient pas quels faits

pertinents n’avaient pas été signalés à la Commission suprême faute

d’une telle expertise.  Partant, la procédure ne se trouvait pas

entachée d’un vice de forme essentiel (wesentlicher Verfahrensmangel).

– Quant à la procédure d’enquête, on aurait dû porter à leur

connaisance non seulement l’établissement des faits (Befund), mais

aussi l’avis lui-même.  Toutefois, ils ne précisaient pas quels

éléments de preuve complémentaires ils auraient fournis s’ils avaient

su le résultat de ladite procédure; ils ne démontraient donc pas, là

non plus, un vice de procédure essentiel.

– Enfin, les griefs concernant le non-respect de la loi sur

l’aménagement de terres agricoles n’étaient pas fondés.  Cependant, la

Commission suprême avait ordonné certaines mesures – opérations de

drainage sur les terres attribuées aux Ettl, Schalhas et aux Haas,

construction d’une voie d’accès dans le cas des Gunacker -, sans

énumérer tous les travaux nécessaires, sans motiver à un degré

suffisant ses décisions et sans avoir établi les faits pertinents.

Dans le cas des époux Ettl, elle avait recueilli les observations

(Stellungnahme) de son membre spécialiste en agronomie sur le problème

de l’érosion de certaines terres, mais elle ne les avait pas

communiquées aux requérants qui n’avaient donc pas eu l’occasion de

les commenter.

En conséquence, la Cour administrative cassa sur ces divers points,

pour vice de procédure, les décisions attaquées et renvoya les

affaires à la Commission suprême.

13.     Celle-ci accueillit les recours des requérants le 3 mars 1982.

L’Autorité de district publia ultérieurement un nouveau plan de

remembrement que les intéressés attaquèrent à l’automne 1985 devant la

Commission régionale.

La Cour n’a pas été informée des suites de la procédure.

II. La législation pertinente

1. En général

14.     En Autriche, les compétences en matière de réforme agraire se

répartissent entre la Fédération et les Länder: la législation portant

sur les principes ressortit à la première, la législation

d’application et la mise en oeuvre des lois aux seconds

(article 12 § 1 n° 3 de la Constitution fédérale).  Aux termes de

l’article 12 § 2 de la Constitution fédérale, les décisions en

dernière instance et à l’échelon du Land relèvent de commissions

composées d’un « président, de magistrats, de fonctionnaires et

d’experts »; « la commission qui statue en dernière instance est établie

auprès du ministère fédéral compétent ». « L’organisation, les fonctions

et la procédure des commissions, ainsi que les principes

d’organisation des autres autorités compétentes dans le domaine de la

réforme agraire, sont fixés par une loi fédérale. »  Celle-ci doit

prévoir que l’administration ne saurait annuler ou modifier les

décisions des commissions; elle ne peut exclure le recours à la

commission du régionale contre les décisions de l’autorité de première

instance.

15.     Dans ce cadre constitutionnel, le Parlement fédéral a adopté

trois lois concernant les questions suivantes:

i. les principes de droit applicables en matière de réforme agraire

(loi fédérale sur les principes régissant l’aménagement des terres

agricoles – Flurverfassungs-Grundsatzgesetz 1951 -, dans sa

version de 1977);

ii. l’organisation des commissions de la réforme agraire et les

principes d’organisation des autorités de première instance (loi

fédérale sur les autorités agricoles – Agrarbehördengesetz 1950 -,

dans sa version de 1974);

iii. la procédure devant les autorités agricoles (loi fédérale sur la

procédure agricole – Agrarverfahrensgesetz 1950 -, qui renvoie à la

loi générale sur la procédure administrative).

Les Länder ont traité dans des lois sur l’aménagement des terres

agricoles (Flurverfassungs-Landesgesetze) les questions que leur a

laissées le législateur fédéral.  En Basse-Autriche, le remembrement

fait l’objet de la loi de 1975 sur l’aménagement des terres agricoles;

elle a remplacé une législation de 1934 et une loi du 23 février 1979

l’a amendée à certains égards.

2. Les autorités agricoles

16.     En Basse-Autriche, l’organe appelé à se prononcer en première

instance est l’Autorité agricole de district, de caractère purement

administratif.  Les autorités supérieures sont la Commission

régionale, établie auprès du Bureau du gouvernement du Land, puis la

Commission suprême qui se trouve auprès du ministère fédéral de

l’Agriculture et des Forêts.

Les décisions (Bescheide) de l’Autorité de district peuvent donner

lieu à un appel (Berufung) devant la Commission régionale.  Celle-ci

statue en dernier ressort, sauf si elle a modifié la décision en cause

et si le litige concerne une des questions énumérées à l’article 7 § 2

de la loi fédérale sur les autorités agricoles, telle la légalité de

la compensation dans l’hypothèse d’un remembrement; en pareil cas, un

recours s’ouvre devant la Commission suprême.

En droit autrichien, on considère les commissions de la réforme

agraire comme des organes mixtes (Kollegialbehörden mit richterlichem

Einschlag) constituant une sorte de « tribunaux administratifs

spécialisés ».

17.     La Commission régionale compte huit membres, tous nommés par

le Gouvernement du Land (article 5 §§ 2 et 4 de la loi fédérale sur

les autorités agricoles):

– un fonctionnaire du Land, ayant une formation juridique

(rechtskundig), en tant que président;

– trois magistrats;

– un fonctionnaire du Land, ayant une formation juridique et de

l’expérience en matière de réforme agraire, en tant que rapporteur;

– un haut fonctionnaire du Land (Landesbeamter des höheren Dienstes)

ayant l’expérience des questions agronomiques;

– un haut fonctionnaire du Land ayant l’expérience des questions

forestières;

– un expert agricole au sens de l’article 52 de la loi générale sur la

procédure administrative.

18.     A la Commission suprême siègent également huit membres, à

savoir (article 6 §§ 2 et 4 de la loi fédérale sur les autorités

agricoles):

– un haut fonctionnaire, ayant une formation juridique, du ministère

fédéral de l’Agriculture et des Forêts, en tant que président;

– trois membres de la Cour suprême;

– un haut fonctionnaire du ministère fédéral de l’Agriculture et des

Forêts, ayant une formation juridique et de l’expérience en matière de

réforme agraire, en tant que rapporteur;

– un haut fonctionnaire du ministère fédéral de l’Agriculture et des

Forêts, ayant l’expérience des questions agronomiques;

– un haut fonctionnaire du ministère fédéral de l’Agriculture et des

Forêts, ayant l’expérience des questions forestières;

– un expert agricole au sens de l’article 52 de la loi générale sur la

procédure administrative.

Les membres magistrats sont désignés par le ministre fédéral de la

Justice, les autres par le ministre fédéral de l’Agriculture et des

Forêts.

19.     L’article 52 de la loi générale sur la procédure

administrative, mentionné aux articles 5 § 2 et 6 § 2 de la loi

fédérale sur les autorités agricoles, se lit ainsi:

« 1.  Si une expertise se révèle nécessaire, l’autorité fait appel aux

experts officiels (Amtssachverständige) attachés à elle ou mis à sa

disposition.

2.  A titre exceptionnel cependant, elle peut consulter et assermenter

d’autres personnes compétentes comme experts, si aucun expert officiel

n’est disponible ou si cela s’impose au vu des circonstances propres à

l’affaire.  (…) »

20.     Le mandat, renouvelable, des membres des commissions de la

réforme agraire est de cinq ans (article 9 § 1 de la loi fédérale sur

les autorités agricoles).  Il s’achève avant son terme légal,

notamment, si les conditions exigées pour la nomination ne se trouvent

plus réunies (article 9 § 2).  Tout membre peut, à sa demande, se voir

relevé de ses fonctions pour des raisons de santé ou des motifs

d’ordre professionnel qui l’empêchent de s’acquitter convenablement de

ses tâches (article 9 § 3).  La suspension d’un membre magistrat ou

fonctionnaire par décision d’une juridiction disciplinaire entraîne la

suspension de ses fonctions de membre de la commission de la réforme

agraire (article 9 § 4).

21.     Les membres desdites commissions exercent leurs fonctions à

titre indépendant et ne sont soumis à aucune instruction (articles 8

de la loi fédérale sur les autorités agricoles et 20 § 2 de la

Constitution fédérale).  L’administration ne peut ni annuler ni

amender leurs décisions (articles 8 de la loi fédérale et 12 § 2 de la

Constitution fédérale, paragraphe 14 ci-dessus), lesquelles peuvent

être attaquées devant la Cour administrative (article 8 de la loi

fédérale).

22.     L’organisation décrite ci-dessus résulte d’un changement

législatif intervenu en 1974 à la suite d’un arrêt de la Cour

constitutionnelle, de la même année.

Aux yeux de la Cour constitutionnelle, sous l’empire de la loi de 1950

les commissions de la réforme agraire ne pouvaient passer pour des

tribunaux indépendants et impartiaux au sens de l’article 6 § 1

(art. 6-1) de la Convention: parmi leurs membres figuraient à l’époque

un ministre du gouvernement fédéral (Commission suprême) ou du

gouvernement d’un Land (Commission régionale) et les pouvoirs publics

compétents pouvaient révoquer les autres à tout moment (arrêt du

19 mars 1974, Erkenntnisse und Beschlüsse des

Verfassungsgerichtshofes, 1974, vol. 39, n° 7284, pp. 148-161).

La nouvelle législation a exclu des commissions tout membre d’un

gouvernement, introduit des dispositions régissant le mandat et la

révocation des membres et créé la possibilité de saisir la Cour

administrative (articles 5 § 2, 6 § 2, 8 et 9 de la loi fédérale

de 1974 sur les autorités agricoles).

3. La procédure devant les commissions de la réforme agraire

23.     La procédure devant les commissions de la réforme agraire

obéit à la loi fédérale sur la procédure agricole (paragraphe 15

ci-dessus), dont l’article 1er précise que la loi générale sur la

procédure administrative s’applique, sauf un article sans pertinence

en l’espèce et sous réserve des modifications et compléments prévus

par la loi fédérale.

Les commissions assument la responsabilité de la conduite de la

procédure (article 39 de la loi générale sur la procédure

administrative).  Aux termes de l’article 9 §§ 1 et 2 de la loi

fédérale, elles statuent après une audience non publique.  Y

assistent, sauf exception, les parties; elles peuvent consulter le

dossier (article 17 de la loi générale sur la procédure

administrative) et comparaître en personne ou se faire représenter

(article 9 § 3 de la loi fédérale).  Le président peut convoquer des

témoins et, pour recueillir des renseignements, des fonctionnaires qui

ont participé à la décision de première instance et à sa préparation

(article 9 § 5).

L’audience commence par un exposé du rapporteur; la commission

clarifie ensuite l’objet du litige en entendant parties et témoins et

en examinant en détail (eingehend) la situation juridique et

économique (article 10 § 2).  Elle procède sur la base des faits

établis par l’organe inférieur, mais peut charger d’un complément

d’instruction ce même organe ou un ou plusieurs de ses propres membres

(article 10 § 1).  Les parties doivent pouvoir prendre connaissance du

résultat de l’instruction (Beweisaufnahme) et présenter leurs

observations (article 45 § 3 de la loi générale sur la procédure

administrative).

Les commissions délibèrent et votent en l’absence des parties: après

avoir discuté des résultats des débats, le rapporteur formule des

conclusions (Antrag); ceux qui veulent en proposer d’autres (Gegen-

und Abänderungsanträge) doivent les motiver (article 11 § 1 de la loi

fédérale).  Le président fixe l’ordre de mise aux voix des diverses

conclusions (ibidem).  Le rapporteur vote le premier, suivi par les

magistrats puis par les autres membres, y compris le président qui

vote le dernier et dont la voix est prépondérante s’il y a partage

(article 11 § 2).

En cas d’appel interjeté dans le délai légal de deux semaines

(article 7 § 3) et reconnu recevable, la commission compétente casse

la décision attaquée et renvoie l’affaire à l’organe inférieur si elle

estime l’établissement à tel point défectueux qu’une nouvelle audience

se révèle inévitable; autrement, elle statue elle-même sur le fond

(article 66 §§ 2 et 4 de la loi générale sur la procédure

administrative); elle peut modifier ladite décision, qu’il s’agisse du

dispositif ou des motifs (article 66 § 4).

Les commissions doivent se prononcer sans retard (ohne unnötigen

Aufschub) et au maximum six mois après leur saisine (article 73 § 1).

Si les parties ne reçoivent pas communication de la décision

(Erkenntnis) dans ce délai, elles peuvent s’adresser à l’autorité

supérieure, à laquelle il incombe alors de trancher au fond

(article 73 § 2).  Dans l’hypothèse d’une défaillance de cette

dernière, la compétence échoit, sur demande de l’intéressé, à la Cour

administrative (articles 132 de la Constitution fédérale et 27 de la

loi sur la Cour administrative).

Motivées, les décisions des commissions doivent résumer avec clarté

(klar und übersichtlich) le résultat de la procédure d’enquête,

l’appréciation des moyens de preuve et, sur la base de ces données, la

réponse fournie au problème juridique qui se pose (articles 58 § 2 et

60 de la loi générale sur la procédure administrative).  Elles sont

notifiées aux parties; toutefois, la commission peut opter pour le

prononcé immédiat (article 13 de la loi fédérale).

4. Les recours devant les Cours constitutionnelle et administrative

24.     Les décisions des commissions de la réforme agraire peuvent

être contestées devant la Cour constitutionnelle.  Celle-ci recherche

s’il y a eu atteinte à un droit garanti au requérant par la

Constitution ou application d’un arrêté (Verordnung) contraire à la

loi, d’une loi contraire à la Constitution ou d’un traité

international incompatible avec le droit autrichien (rechtswidrig)

(article 144 de la Constitution fédérale).

25.     Par dérogation à la règle de principe de l’article 133 n° 4 de

la Constitution fédérale, l’article 8 de la loi fédérale sur les

autorités agricoles ouvre contre ces mêmes décisions un recours devant

la Cour administrative.  Elle peut être saisie avant ou après la Cour

constitutionnelle, qui lui renvoie l’affaire si le requérant l’y

invite et si elle conclut à l’absence de violation du droit invoqué

(article 144 § 3 de la Constitution fédérale).

26.     Selon l’article 130 de la Constitution fédérale, la Cour

administrative connaît des requêtes qui allèguent l’illégalité d’un

acte (Bescheid) administratif, celle de l’exercice de la contrainte

(Befehls- und Zwangsgewalt) contre une personne ou un manquement de

l’autorité compétente à son obligation de décider.  Elle examine en

outre les recours introduits contre les décisions d’organes mixtes

– telles les commissions de la réforme agraire -, lorsque la loi l’y

habilite (paragraphes 16, 22 et 25 ci-dessus).

Si elle ne rejette pas le recours pour défaut de fondement, elle

annule la décision attaquée; elle ne se prononce sur le fond que si

l’autorité compétente a failli à son devoir de statuer (article 42 § 1

de la loi sur la Cour administrative, Verwaltungsgerichtshofgesetz).

Lorsqu’il lui incombe de contrôler la légalité d’un acte administratif

ou de la décision d’un organe mixte, la Cour tranche sur la base des

faits établis par l’autorité dont il s’agit et sous l’angle des seuls

griefs présentés, sauf en cas d’incompétence de ladite autorité ou de

violation de règles de procédure (article 41 de la loi sur la Cour

administrative).  A ce sujet, la loi apporte une précision: la Cour

annule l’acte attaqué, pour infraction à pareille règle, quand les

faits tenus par l’administration pour établis se trouvent, sur un

point capital, démentis par le dossier, qu’il échet de les compléter

sur un tel point et qu’il y a inobservation de règles dont

l’application correcte aurait pu conduire à une décision différente

(article 42 § 2, alinéa 3), de la loi précitée).

Si en cours d’examen apparaissent des motifs inconnus jusqu’alors des

parties, la Cour doit entendre celles-ci et, au besoin, suspendre la

procédure (article 41 § 1 de la loi précitée).

27.     La procédure consiste pour l’essentiel en un échange de

mémoires (article 36), suivi, sous réserve de quelques hypothèses

énumérées dans la loi, d’une audience contradictoire et, en principe,

publique (articles 39 et 40).

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

28.     Les requérants ont saisi la Commission le 27 octobre 1980

(requête n° 9273/81); ils alléguaient que leur cause n’avait pas été

entendue par un tribunal indépendant et impartial comme l’eût voulu

l’article 6 § 1 (art. 6-1) de la Convention.

29.     La Commission a retenu la requête le 9 mars 1984.  Dans son

rapport du 3 juillet 1985 (article 31) (art. 31), elle arrive à la

conclusion qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 (art. 6-1)

(dix voix contre deux).

Le texte intégral de son avis et des opinions séparées dont il

s’accompagne figure en annexe au présent arrêt.

CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR

30.     A l’audience du 20 octobre 1986, la Cour a été invitée

– par le Gouvernement, « à dire qu’en l’espèce les dispositions de

l’article 6 § 1 (art. 6-1) de la Convention européenne des Droits de

l’Homme n’ont pas été violées et que dès lors les faits de la cause ne

révèlent aucun manquement de la République d’Autriche aux exigences de

la Convention »;

– par le délégué de la Commission, à confirmer l’avis de cette

dernière;

– par les requérants, à accueillir leur demande.

EN DROIT

31.     Les requérants allèguent que leur cause n’a pas été entendue

« publiquement » par un « tribunal indépendant et impartial ».  Selon eux,

les Commissions régionale et suprême de la réforme agraire ne

jouissaient pas d’une indépendance assez large à l’égard de

l’exécutif, au moins quelques-uns de leurs membres ne pouvaient passer

pour impartiaux et les débats ne se déroulaient pas en public.  Le

contrôle ultérieur opéré par la Cour administrative n’y aurait pas

remédié: il ne pouvait s’exercer qu’après de longues procédures

administratives et n’aurait pas revêtu une ampleur suffisante

puisqu’il se limitait en principe à l’examen de points de droit.  Il

en résulterait une violation de l’article 6 § 1 (art. 6-1)

de la Convention, aux termes duquel

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…)

publiquement (…), par un tribunal indépendant et impartial, établi

par la loi, qui décidera (…) des contestations sur ses droits et

obligations de caractère civil (…) ».

Le Gouvernement combat cette thèse; la Commission, elle, estime avec

les requérants qu’il y a eu atteinte à leur droit à un « tribunal

indépendant et impartial ».

1. Sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 (art. 6-1)

32.     Le plan de remembrement agricole d’Obritzberg concernait entre

autres des biens-fonds des familles Ettl, Schalhas, Gunacker et Haas,

qui leur furent pris en échange de terres que d’autres propriétaires

possédaient auparavant.  Les requérants ont contesté – et contestent

toujours – la légalité de la compensation obtenue.  Toute décision,

favorable ou défavorable, des autorités saisies affectait, affecte ou

affectera par conséquent leurs droits de propriété.  Partant, l’issue

de la procédure incriminée est « déterminante pour des droits et

obligations de caractère privé » (arrêts Ringeisen du 16 juillet 1971,

série A n° 13, p. 39, § 94, et Sramek du 22 octobre 1984, série A

n° 84, p. 17, § 34), de sorte que l’article 6 § 1 (art. 6-1)

s’applique en l’espèce; le Gouvernement l’admet du reste.

2. Sur l’observation de l’article 6 § 1 (art. 6-1)

33.     La « contestation » portait sur le plan de remembrement adopté

puis publié, en juillet 1973, par l’Autorité agricole du district de

Basse-Autriche.  Eurent à en connaître, dans l’ordre, la Commission

régionale, la Commission suprême, la Cour constitutionnelle et la Cour

administrative.  Il importe dès lors de savoir si le recours à ces

organes répondait aux exigences de l’article 6 § 1 (art. 6-1).

a) Tribunal « indépendant et impartial »

34.     Commissions régionale et suprême, Cour administrative et Cour

constitutionnelle sont à l’évidence des tribunaux établis par la loi

(voir, mutatis mutandis, l’arrêt Sramek précité, p. 17, § 36).  Encore

faut-il qu’elles aient présenté l’indépendance et l’impartialité

voulues par l’article 6 § 1 (art. 6-1).

35.     La troisième et la quatrième remplissaient à n’en pas douter

cette condition, mais selon les requérants il n’en allait pas de même

des deux premières en raison, notamment, de leur composition: les

Commissions régionale et suprême comprenaient une majorité de

fonctionnaires, placés entre eux dans des relations hiérarchiques et

dont trois siégeaient en qualité d’experts tandis que les deux autres

occupaient les postes clefs de président et de rapporteur.  En outre,

les requérants jugent trop brève la durée du mandat des membres:

d’après eux, ces derniers auraient dû bénéficier d’une nomination à

vie pour échapper à toute pression.

Le Gouvernement voit dans lesdites commissions des « tribunaux

administratifs spécialisés » (paragraphe 16 ci-dessus) comme il en

existe en Autriche depuis le siècle dernier.  Leurs membres

offriraient l’indépendance nécessaire: en 1974, le législateur aurait

adapté l’organisation des commissions aux exigences de l’article 6

(art. 6) tel que la Cour l’a interprété dans son arrêt Ringeisen

du 16 juillet 1971.

Pour la Commission européenne des Droits de l’Homme au contraire, les

Commissions régionale et suprême ne jouissaient pas en l’espèce d’une

indépendance suffisante car elles comptaient une majorité de

fonctionnaires travaillant tous, ou pour certains d’entre eux, dans

les mêmes services administratifs et se trouvant en situation de

subordination hiérarchique quant à leurs autres tâches (paragraphes 97

et 98 du rapport, paragraphes 9 et 10 ci-dessus).

36.     La Cour constate qu’à l’époque considérée appartenaient à la

Commission régionale trois magistrats; le chef de la division VI 4 du

Bureau du gouvernement du Land de Basse-Autriche, qui présidait; un

membre de cette même division, comme rapporteur; un membre de la

division VI 11; deux autres fonctionnaires dudit Bureau, dont l’un en

tant qu’expert agricole (paragraphe 9 ci-dessus).

Quant à la Commission suprême, elle se composait de trois conseillers

à la Cour suprême et de cinq fonctionnaires du ministère fédéral de

l’Agriculture et des Forêts: le président et le rapporteur venaient de

la division I 7, les trois autres des divisions II C 7, II C 8 et

V A 3 (paragraphe 10 ci-dessus).

37.     L’indépendance et l’impartialité des magistrats ne prêtent pas

à discussion.

Restent les fonctionnaires qui siégeaient à la Commission régionale et

à la Commission suprême conformément à la loi fédérale sur les

autorités agricoles (paragraphes 17 et 18 ci-dessus).

38.     Il y a lieu de relever d’abord que leur présence, même

majoritaire, au sein des organes en question n’enfreint pas en soi

l’article 6 § 1 (art. 6-1) de la Convention: la Constitution et la

loi fédérale sur les autorités agricoles postulent leur indépendance

et interdisent aux pouvoirs publics de leur adresser des instructions

relatives à leurs activités juridictionnelles (paragraphe 21

ci-dessus; arrêts Ringeisen précité, série A n° 13, pp. 39-40,

§§ 95-97, et Sramek précité, série A n° 84, p. 19, § 41).  Les

requérants ne prétendent d’ailleurs point que les fonctionnaires ainsi

appelés à connaître de leur cas aient reçu de telles directives quant

au règlement du litige.

Indépendantes, dès lors, de l’exécutif, les commissions l’étaient

aussi, notamment, des parties en cause, à savoir les propriétaires des

terres concernées (arrêt Ringeisen précité, p. 39, § 95; arrêt

Campbell et Fell du 28 juin 1984, série A n° 80, p. 39, § 78).  Il

importe en effet de souligner que ni le gouvernement du Land ni le

gouvernement fédéral n’avaient la qualité de partie; sur ce point, la

cause se rapproche de l’affaire Ringeisen et diffère de

l’affaire Sramek (arrêt Sramek précité, ibidem).

39.     Eu égard à la situation de droit et de fait ainsi constatée en

l’espèce, les liens hiérarchiques qui à d’autres égards existaient

entre fonctionnaires de la même division ne tirent pas non plus à

conséquence sous l’angle de l’article 6 (art. 6).  Il n’y en avait

d’ailleurs, semble-t-il, qu’entre le président et le rapporteur de

chacune des deux commissions.

40.     Quant aux trois fonctionnaires qui, conformément à la loi,

siégeaient en raison de leur expérience en matière agronomique,

forestière et agricole, leur intervention ne saurait permettre de

douter du caractère « indépendant et impartial » desdites commissions.

Il s’agissait de membres experts dans leur branche; or il en faut pour

un remembrement foncier, opération qui soulève des questions de grande

complexité et concerne, outre les propriétaires directement visés, la

collectivité tout entière.  Grâce à leur composition, les commissions

peuvent aboutir à des solutions équilibrées, tenant compte des

différents intérêts en jeu.  Au demeurant, la législation interne des

Etats membres du Conseil de l’Europe offre maints exemples de

juridictions groupant, à côté de magistrats professionnels, des

personnes spécialisées en tel ou tel domaine et dont les connaissances

sont souhaitables, voire nécessaires au règlement des litiges qui

ressortissent à leur compétence.

Dans la mesure où ces fonctionnaires préparent des observations

écrites sur un problème donné, l’article 45 § 3 de la loi générale sur

la procédure administrative en exige la communication aux parties qui

doivent avoir l’occasion de présenter leurs commentaires

(paragraphe 23 ci-dessus).  Le caractère contradictoire de la procédure

applicable devant les commissions en vertu de la loi fédérale sur les

autorités agricoles et de la loi précitée (arrêt Sramek précité,

p. 18, § 38), ne souffre donc nullement du concours des « fonctionnaires

experts ».  Dans le cas des Ettl, la Cour administrative a d’ailleurs

cassé la décision de la Commission suprême par le motif, précisément,

que les observations du membre spécialiste des questions agronomiques

n’avaient pas été portées à la connaissance des intéressés

(paragraphe 12 ci-dessus).

41.     En ce qui concerne la durée du mandat des membres des

Commissions régionale et suprême, la loi fédérale sur les autorités

agricoles remplit également les conditions de l’article 6 § 1

(art. 6-1): le mandat de cinq ans, doublé d’une quasi-inamovibilité

des membres pendant cette période (paragraphe 20 ci-dessus), ne rend

pas sujettes à caution l’indépendance et l’impartialité desdites

commissions (arrêt Sramek précité, ibidem).

b) « Publiquement »

42.     Conformément à la loi, les commissions qui ont statué en

l’espèce ont siégé en présence des parties, mais non en audience

publique (paragraphe 23 ci-dessus).

Le défaut de débats publics, contraire en principe à l’article 6 § 1

(art. 6-1), se trouve toutefois couvert par la réserve que l’Autriche

a formulée en ratifiant la Convention.  La Cour renvoie, sur ce point,

à son arrêt Ringeisen précité; elle n’aperçoit aucune raison de s’en

écarter en l’espèce (série A n° 13, pp. 40-41, § 98).

43.     Il échet de conclure, dès lors, à l’absence de violation de

l’article 6 § 1 (art. 6-1) au niveau des Commissions régionale et

suprême.  En conséquence, il n’y a pas lieu de rechercher si le

contrôle exercé par la Cour administrative – seule ou en combinaison

avec la Cour constitutionnelle – répondait, quant à son étendue, aux

exigences de l’article 6 § 1 (art. 6-1).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE,

Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 (art. 6-1).

Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au

Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg, le 23 avril 1987.

Signé: Rolv RYSSDAL

       Président

Signé: Marc-André EISSEN

       Greffier

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