En l’affaire Ettl et autres*,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à
l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de
l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses
pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont
le nom suit:
_______________
* Note du greffier: L’affaire porte le n° 12/1985/98/146. Les deux
premiers chiffres désignent son rang dans l’année d’introduction, les
deux derniers sa place sur la liste des saisines de la Cour depuis
l’origine et sur celle des requêtes (à la Commission) correspondantes.
_______________
MM. R. Ryssdal, président,
G. Lagergren,
F. Gölcüklü,
F. Matscher,
B. Walsh,
Sir Vincent Evans,
M. C. Russo,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier
adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 23 octobre 1986 et
24 mars 1987,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCEDURE
1. L’affaire a été portée devant la Cour par la Commission
européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 18 octobre 1985,
dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 § 1 et 47
(art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une
requête (n° 9273/81) dirigée contre la République d’Autriche et dont
M. Anton Ettl, Mme Leopoldine Ettl, M. Anton Schalhas,
Mme Rosa Schalhas, M. Franz Gunacker, Mme Maria Gunacker,
M. Anton Haas et Mme Maria Haas, ressortissants autrichiens, avaient
saisi la Commission en 1980 en vertu de l’article 25 (art. 25).
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48
(art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration autrichienne de
reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour (article 46)
(art. 46). Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de
savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat
défendeur aux obligations qui lui incombent aux termes de
l’article 6 § 1 (art. 6-1) de la Convention.
2. En réponse à l’invitation prescrite à l’article 33 § 3 d) du
règlement, les requérants – y compris M. Josef Haftner et
Mme Maria Haftner, ayants droit de M. Gunacker, décédé – ont exprimé
le désir de participer à l’instance pendante devant la Cour et ont
désigné leur conseil (article 30).
3. La chambre de sept juges à constituer comprenait de plein
droit M. F. Matscher, juge élu de nationalité autrichienne (article 43
de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour
(article 21 § 3 b) du règlement). Le 25 octobre 1985, celui-ci en a
désigné par tirage au sort les cinq autres membres, à savoir
M. D. Evrigenis, M. F. Gölcüklü, M. B. Walsh, Sir Vincent Evans et
M. C. Russo, en présence du greffier (articles 43 in fine de la
Convention et 21 § 4 du règlement) (art. 43). Ultérieurement,
M. G. Lagergren, suppléant, a remplacé M. Evrigenis, décédé
(articles 22 § 1 et 24 § 1 du règlement).
4. Ayant assumé la présidence de la chambre (article 21 § 5 du
règlement), M. Ryssdal a consulté par l’intermédiaire du greffier
adjoint l’agent du gouvernement autrichien (« le Gouvernement »), le
délégué de la Commission et le représentant des requérants au sujet de
la nécessité d’une procédure écrite (article 37 § 1).
Le 10 janvier 1986, il a décidé que ledit agent aurait
jusqu’au 28 février 1986 pour déposer un mémoire auquel le délégué
pourrait répondre dans les deux mois du jour où le greffier le lui
aurait communiqué.
Le même jour, il a autorisé le conseil des requérants à employer la
langue allemande (article 27 § 3).
Le mémoire du Gouvernement est parvenu au greffe le 13 mars. Par une
lettre du 13 mai, le secrétaire de la Commission a informé le greffier
que le délégué formulerait ses observations lors des audiences.
5. Le 25 septembre 1986, le président a fixé au 20 octobre 1986
la date d’ouverture de la procédure orale après avoir consulté agent
du Gouvernement, délégué de la Commission et représentant des
requérants par l’intermédiaire du greffier adjoint.
Les 6, 14 et 16 octobre, le greffier a reçu certaines pièces que le
président l’avait chargé de se procurer auprès de la Commission et des
requérants, selon le cas, et les demandes de satisfaction équitable de
ces derniers.
6. Les débats se sont déroulés en public le jour dit, au Palais
des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu immédiatement
auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu:
– pour le Gouvernement
M. H. Türk, conseiller juridique,
ministère des Affaires étrangères, agent,
M. D. Okresek, chancellerie fédérale,
M. D. Hunger, ministère fédéral de
l’Agriculture et des Forêts, conseillers;
– pour la Commission
M. F. Ermacora, délégué;
– pour les requérants
Me R. Wandl, avocat, conseil.
M. E. Pawel, ingénieur, conseiller.
La Cour les a entendus en leurs plaidoiries, ainsi qu’en leurs
réponses à ses questions. Le Gouvernement a produit des documents
pendant les audiences.
EN FAIT
7. Les requérants, agriculteurs autrichiens établis à Obritzberg
en Basse-Autriche, se plaignent des opérations de remembrement
(Zusammenlegungsverfahren) dont leurs propriétés ont fait l’objet en
juillet 1973.
I. Les circonstances de l’espèce
1. La procédure devant les commissions de la réforme agraire
8. Le 30 juillet 1973, l’Autorité agricole de district de
Basse-Autriche (Agrarbezirksbehörde, « l’Autorité de district ») publia
un plan de remembrement d’Obritzberg qui englobait les terres des
requérants. Ils exercèrent un recours auprès de la Commission
régionale de la réforme agraire (Landesagrarsenat, « la Commission
régionale »), soutenant qu’ils n’avaient pas reçu une compensation
foncière conforme aux dispositions de la loi de Basse-Autriche sur
l’aménagement des terres agricoles (Flurverfassungs – Landesgesetz,
paragraphe 15 ci-dessous). Les motifs invoqués différaient d’un
requérant à l’autre en fonction de la manière dont le plan de
remembrement touchait leurs biens respectifs.
9. La Commission régionale se prononça les 26 et 27 mai 1975,
après avoir entendu les parties et plusieurs autres propriétaires
concernés par les changements que les requérants avaient sollicités.
A la lumière du dossier et des résultats d’une inspection des lieux
menée par quelques-uns de ses membres, elle modifia à certains égards
la compensation foncière attribuée aux intéressés.
En application de l’article 5 § 2 de la loi fédérale sur les autorités
agricoles (Agrarbehördengesetz 1950, dans sa version de 1974,
paragraphe 15 ci-dessous), la Commission régionale siégeait dans la
composition que voici: trois magistrats – à savoir trois conseillers
de cour d’appel le 26 mai 1975, deux conseillers de cour d’appel et un
juge au tribunal régional le lendemain – et cinq fonctionnaires du
Bureau du gouvernement (Amt der Landesregierung) de Basse-Autriche.
Le président était le chef de la division VI 4 du Bureau, le
rapporteur un des fonctionnaires de cette même division; un troisième
membre faisait partie de la division VI 11. Les deux membres restants
n’apparaissent pas dans l’organigramme du Bureau pour les années
1975-76, que le Gouvernement a communiqué à la Cour, mais dans celui
de 1976-77, postérieur aux décisions de la Commission régionale en
l’espèce; à cette dernière époque ils relevaient, avec le président et
le rapporteur, de la division VI 3, créée, selon le Gouvernement, en
1976 à la suite d’une réorganisation des services administratifs du
Bureau. Dans son rapport (paragraphe 97), la Commission européenne
des Droits de l’Homme s’appuie non sur l’organigramme de 1975-76, mais
sur celui de 1976-77; elle note que la Commission régionale comptait,
au moment où elle a statué, quatre membres effectifs et leurs
suppléants provenant de la division VI 3, et que le président, le
rapporteur et deux autres membres travaillaient dans la division VI 4.
10. Les requérants s’adressèrent ensuite à la Commission suprême
de la réforme agraire (Oberster Agrarsenat, « la Commission suprême »).
Le 6 octobre 1976, elle accueillit le recours des Ettl et des Schalhas
dans la mesure où ils se plaignaient d’un risque d’érosion de
certaines parcelles compensatoires qui leur avaient été allouées en
échange de leurs terres et, en conséquence, ordonna des mesures de
drainage; elle l’écarta pour le surplus et débouta les Gunacker et les
Haas.
La Commission suprême comprenait trois magistrats, membres de la Cour
suprême (Oberster Gerichtshof), et cinq fonctionnaires du ministère
fédéral de l’Agriculture et des Forêts (Bundesministerium für Land-
und Forstwirtschaft; article 6 § 2 de la loi fédérale sur les
autorités agricoles, paragraphe 18 ci-dessous). Deux de ces derniers
– le président et le rapporteur – appartenaient à la division I 7,
chargée notamment du secrétariat de la Commission, les trois autres
aux divisions II C 7, II C 8 et V A 3 respectivement.
2. La procédure devant les Cours constitutionnelle et administrative
11. Les requérants saisirent alors la Cour constitutionnelle
(Verfassungsgerichtshof). Ils affirmaient avoir été privés de leur
droit à une décision par le juge compétent d’après la loi
(gesetzlicher Richter, article 83 § 2 de la Constitution fédérale –
Bundes-Verfassungsgesetz) car, selon la législation sur l’organisation
des autorités agricoles, plusieurs experts siégeaient aux Commissions
régionale et suprême. Ils ne trouvaient pas logique que ces membres
jouissent d’un droit de vote même lorsque la question sous examen
sortait de leur spécialité ou qu’ils avaient eux-mêmes établi le
rapport d’expertise. Ils alléguaient en outre une atteinte à leur
droit de propriété, garanti par la Constitution. Ils se référaient
aussi, d’une manière générale, aux « dispositions correspondantes de la
Convention des Droits de l’Homme ».
Par des arrêts des 1er février (M. et Mme Haas), 28 février
(M. et Mme Gunacker) et 19 mars 1980 (MM. et Mmes Ettl et Schalhas),
la Cour constitutionnelle rejeta les recours pour défaut de fondement.
Elle souligna entre autres que l’article 12 § 2 de la Constitution
fédérale prévoyait expressément la présence d’experts. A la demande
des requérants, elle renvoya les affaires à la Cour administrative
(Verwaltungsgerichtshof) pour que celle-ci appréciât s’il y avait eu
méconnaissance de droits non constitutionnels.
12. Devant la Cour administrative, les intéressés contestèrent la
légalité de la compensation foncière accordée: d’après eux, il y avait
eu manquement aux exigences de la loi de Basse-Autriche sur
l’aménagement des terres agricoles. Ils dénonçaient en second lieu
une infraction aux clauses de la loi générale sur la procédure
administrative (Allgemeines Verwaltungsverfahrensgesetz) relatives à
l’impartialité des autorités administratives et au droit à un procès
équitable: les experts avaient voté dans une matière étrangère à leur
compétence professionnelle; il n’y avait pas eu d’expertise écrite et
aucune des commissions n’avait communiqué aux parties le résultat de
la procédure d’enquête (Ermittlungsverfahren).
Les 11 novembre (époux Ettl et Gunacker) et 25 novembre 1980
(époux Schalhas et Haas), la Cour administrative constata une
violation des droits procéduraux des requérants; elle repoussa les
autres griefs.
Ses arrêts, libellés en termes analogues, peuvent se résumer ainsi
(paragraphe 52 du rapport de la Commission):
– Dans la mesure où les intéressés taxaient de partialité les experts
membres de la Commission suprême, leur thèse manquait de fondement car
ladite Commission avait siégé dans une composition légale.
– Pour autant qu’ils se plaignaient de l’absence d’une expertise
écrite sur certains points, ils n’indiquaient pas quels faits
pertinents n’avaient pas été signalés à la Commission suprême faute
d’une telle expertise. Partant, la procédure ne se trouvait pas
entachée d’un vice de forme essentiel (wesentlicher Verfahrensmangel).
– Quant à la procédure d’enquête, on aurait dû porter à leur
connaisance non seulement l’établissement des faits (Befund), mais
aussi l’avis lui-même. Toutefois, ils ne précisaient pas quels
éléments de preuve complémentaires ils auraient fournis s’ils avaient
su le résultat de ladite procédure; ils ne démontraient donc pas, là
non plus, un vice de procédure essentiel.
– Enfin, les griefs concernant le non-respect de la loi sur
l’aménagement de terres agricoles n’étaient pas fondés. Cependant, la
Commission suprême avait ordonné certaines mesures – opérations de
drainage sur les terres attribuées aux Ettl, Schalhas et aux Haas,
construction d’une voie d’accès dans le cas des Gunacker -, sans
énumérer tous les travaux nécessaires, sans motiver à un degré
suffisant ses décisions et sans avoir établi les faits pertinents.
Dans le cas des époux Ettl, elle avait recueilli les observations
(Stellungnahme) de son membre spécialiste en agronomie sur le problème
de l’érosion de certaines terres, mais elle ne les avait pas
communiquées aux requérants qui n’avaient donc pas eu l’occasion de
les commenter.
En conséquence, la Cour administrative cassa sur ces divers points,
pour vice de procédure, les décisions attaquées et renvoya les
affaires à la Commission suprême.
13. Celle-ci accueillit les recours des requérants le 3 mars 1982.
L’Autorité de district publia ultérieurement un nouveau plan de
remembrement que les intéressés attaquèrent à l’automne 1985 devant la
Commission régionale.
La Cour n’a pas été informée des suites de la procédure.
II. La législation pertinente
1. En général
14. En Autriche, les compétences en matière de réforme agraire se
répartissent entre la Fédération et les Länder: la législation portant
sur les principes ressortit à la première, la législation
d’application et la mise en oeuvre des lois aux seconds
(article 12 § 1 n° 3 de la Constitution fédérale). Aux termes de
l’article 12 § 2 de la Constitution fédérale, les décisions en
dernière instance et à l’échelon du Land relèvent de commissions
composées d’un « président, de magistrats, de fonctionnaires et
d’experts »; « la commission qui statue en dernière instance est établie
auprès du ministère fédéral compétent ». « L’organisation, les fonctions
et la procédure des commissions, ainsi que les principes
d’organisation des autres autorités compétentes dans le domaine de la
réforme agraire, sont fixés par une loi fédérale. » Celle-ci doit
prévoir que l’administration ne saurait annuler ou modifier les
décisions des commissions; elle ne peut exclure le recours à la
commission du régionale contre les décisions de l’autorité de première
instance.
15. Dans ce cadre constitutionnel, le Parlement fédéral a adopté
trois lois concernant les questions suivantes:
i. les principes de droit applicables en matière de réforme agraire
(loi fédérale sur les principes régissant l’aménagement des terres
agricoles – Flurverfassungs-Grundsatzgesetz 1951 -, dans sa
version de 1977);
ii. l’organisation des commissions de la réforme agraire et les
principes d’organisation des autorités de première instance (loi
fédérale sur les autorités agricoles – Agrarbehördengesetz 1950 -,
dans sa version de 1974);
iii. la procédure devant les autorités agricoles (loi fédérale sur la
procédure agricole – Agrarverfahrensgesetz 1950 -, qui renvoie à la
loi générale sur la procédure administrative).
Les Länder ont traité dans des lois sur l’aménagement des terres
agricoles (Flurverfassungs-Landesgesetze) les questions que leur a
laissées le législateur fédéral. En Basse-Autriche, le remembrement
fait l’objet de la loi de 1975 sur l’aménagement des terres agricoles;
elle a remplacé une législation de 1934 et une loi du 23 février 1979
l’a amendée à certains égards.
2. Les autorités agricoles
16. En Basse-Autriche, l’organe appelé à se prononcer en première
instance est l’Autorité agricole de district, de caractère purement
administratif. Les autorités supérieures sont la Commission
régionale, établie auprès du Bureau du gouvernement du Land, puis la
Commission suprême qui se trouve auprès du ministère fédéral de
l’Agriculture et des Forêts.
Les décisions (Bescheide) de l’Autorité de district peuvent donner
lieu à un appel (Berufung) devant la Commission régionale. Celle-ci
statue en dernier ressort, sauf si elle a modifié la décision en cause
et si le litige concerne une des questions énumérées à l’article 7 § 2
de la loi fédérale sur les autorités agricoles, telle la légalité de
la compensation dans l’hypothèse d’un remembrement; en pareil cas, un
recours s’ouvre devant la Commission suprême.
En droit autrichien, on considère les commissions de la réforme
agraire comme des organes mixtes (Kollegialbehörden mit richterlichem
Einschlag) constituant une sorte de « tribunaux administratifs
spécialisés ».
17. La Commission régionale compte huit membres, tous nommés par
le Gouvernement du Land (article 5 §§ 2 et 4 de la loi fédérale sur
les autorités agricoles):
– un fonctionnaire du Land, ayant une formation juridique
(rechtskundig), en tant que président;
– trois magistrats;
– un fonctionnaire du Land, ayant une formation juridique et de
l’expérience en matière de réforme agraire, en tant que rapporteur;
– un haut fonctionnaire du Land (Landesbeamter des höheren Dienstes)
ayant l’expérience des questions agronomiques;
– un haut fonctionnaire du Land ayant l’expérience des questions
forestières;
– un expert agricole au sens de l’article 52 de la loi générale sur la
procédure administrative.
18. A la Commission suprême siègent également huit membres, à
savoir (article 6 §§ 2 et 4 de la loi fédérale sur les autorités
agricoles):
– un haut fonctionnaire, ayant une formation juridique, du ministère
fédéral de l’Agriculture et des Forêts, en tant que président;
– trois membres de la Cour suprême;
– un haut fonctionnaire du ministère fédéral de l’Agriculture et des
Forêts, ayant une formation juridique et de l’expérience en matière de
réforme agraire, en tant que rapporteur;
– un haut fonctionnaire du ministère fédéral de l’Agriculture et des
Forêts, ayant l’expérience des questions agronomiques;
– un haut fonctionnaire du ministère fédéral de l’Agriculture et des
Forêts, ayant l’expérience des questions forestières;
– un expert agricole au sens de l’article 52 de la loi générale sur la
procédure administrative.
Les membres magistrats sont désignés par le ministre fédéral de la
Justice, les autres par le ministre fédéral de l’Agriculture et des
Forêts.
19. L’article 52 de la loi générale sur la procédure
administrative, mentionné aux articles 5 § 2 et 6 § 2 de la loi
fédérale sur les autorités agricoles, se lit ainsi:
« 1. Si une expertise se révèle nécessaire, l’autorité fait appel aux
experts officiels (Amtssachverständige) attachés à elle ou mis à sa
disposition.
2. A titre exceptionnel cependant, elle peut consulter et assermenter
d’autres personnes compétentes comme experts, si aucun expert officiel
n’est disponible ou si cela s’impose au vu des circonstances propres à
l’affaire. (…) »
20. Le mandat, renouvelable, des membres des commissions de la
réforme agraire est de cinq ans (article 9 § 1 de la loi fédérale sur
les autorités agricoles). Il s’achève avant son terme légal,
notamment, si les conditions exigées pour la nomination ne se trouvent
plus réunies (article 9 § 2). Tout membre peut, à sa demande, se voir
relevé de ses fonctions pour des raisons de santé ou des motifs
d’ordre professionnel qui l’empêchent de s’acquitter convenablement de
ses tâches (article 9 § 3). La suspension d’un membre magistrat ou
fonctionnaire par décision d’une juridiction disciplinaire entraîne la
suspension de ses fonctions de membre de la commission de la réforme
agraire (article 9 § 4).
21. Les membres desdites commissions exercent leurs fonctions à
titre indépendant et ne sont soumis à aucune instruction (articles 8
de la loi fédérale sur les autorités agricoles et 20 § 2 de la
Constitution fédérale). L’administration ne peut ni annuler ni
amender leurs décisions (articles 8 de la loi fédérale et 12 § 2 de la
Constitution fédérale, paragraphe 14 ci-dessus), lesquelles peuvent
être attaquées devant la Cour administrative (article 8 de la loi
fédérale).
22. L’organisation décrite ci-dessus résulte d’un changement
législatif intervenu en 1974 à la suite d’un arrêt de la Cour
constitutionnelle, de la même année.
Aux yeux de la Cour constitutionnelle, sous l’empire de la loi de 1950
les commissions de la réforme agraire ne pouvaient passer pour des
tribunaux indépendants et impartiaux au sens de l’article 6 § 1
(art. 6-1) de la Convention: parmi leurs membres figuraient à l’époque
un ministre du gouvernement fédéral (Commission suprême) ou du
gouvernement d’un Land (Commission régionale) et les pouvoirs publics
compétents pouvaient révoquer les autres à tout moment (arrêt du
19 mars 1974, Erkenntnisse und Beschlüsse des
Verfassungsgerichtshofes, 1974, vol. 39, n° 7284, pp. 148-161).
La nouvelle législation a exclu des commissions tout membre d’un
gouvernement, introduit des dispositions régissant le mandat et la
révocation des membres et créé la possibilité de saisir la Cour
administrative (articles 5 § 2, 6 § 2, 8 et 9 de la loi fédérale
de 1974 sur les autorités agricoles).
3. La procédure devant les commissions de la réforme agraire
23. La procédure devant les commissions de la réforme agraire
obéit à la loi fédérale sur la procédure agricole (paragraphe 15
ci-dessus), dont l’article 1er précise que la loi générale sur la
procédure administrative s’applique, sauf un article sans pertinence
en l’espèce et sous réserve des modifications et compléments prévus
par la loi fédérale.
Les commissions assument la responsabilité de la conduite de la
procédure (article 39 de la loi générale sur la procédure
administrative). Aux termes de l’article 9 §§ 1 et 2 de la loi
fédérale, elles statuent après une audience non publique. Y
assistent, sauf exception, les parties; elles peuvent consulter le
dossier (article 17 de la loi générale sur la procédure
administrative) et comparaître en personne ou se faire représenter
(article 9 § 3 de la loi fédérale). Le président peut convoquer des
témoins et, pour recueillir des renseignements, des fonctionnaires qui
ont participé à la décision de première instance et à sa préparation
(article 9 § 5).
L’audience commence par un exposé du rapporteur; la commission
clarifie ensuite l’objet du litige en entendant parties et témoins et
en examinant en détail (eingehend) la situation juridique et
économique (article 10 § 2). Elle procède sur la base des faits
établis par l’organe inférieur, mais peut charger d’un complément
d’instruction ce même organe ou un ou plusieurs de ses propres membres
(article 10 § 1). Les parties doivent pouvoir prendre connaissance du
résultat de l’instruction (Beweisaufnahme) et présenter leurs
observations (article 45 § 3 de la loi générale sur la procédure
administrative).
Les commissions délibèrent et votent en l’absence des parties: après
avoir discuté des résultats des débats, le rapporteur formule des
conclusions (Antrag); ceux qui veulent en proposer d’autres (Gegen-
und Abänderungsanträge) doivent les motiver (article 11 § 1 de la loi
fédérale). Le président fixe l’ordre de mise aux voix des diverses
conclusions (ibidem). Le rapporteur vote le premier, suivi par les
magistrats puis par les autres membres, y compris le président qui
vote le dernier et dont la voix est prépondérante s’il y a partage
(article 11 § 2).
En cas d’appel interjeté dans le délai légal de deux semaines
(article 7 § 3) et reconnu recevable, la commission compétente casse
la décision attaquée et renvoie l’affaire à l’organe inférieur si elle
estime l’établissement à tel point défectueux qu’une nouvelle audience
se révèle inévitable; autrement, elle statue elle-même sur le fond
(article 66 §§ 2 et 4 de la loi générale sur la procédure
administrative); elle peut modifier ladite décision, qu’il s’agisse du
dispositif ou des motifs (article 66 § 4).
Les commissions doivent se prononcer sans retard (ohne unnötigen
Aufschub) et au maximum six mois après leur saisine (article 73 § 1).
Si les parties ne reçoivent pas communication de la décision
(Erkenntnis) dans ce délai, elles peuvent s’adresser à l’autorité
supérieure, à laquelle il incombe alors de trancher au fond
(article 73 § 2). Dans l’hypothèse d’une défaillance de cette
dernière, la compétence échoit, sur demande de l’intéressé, à la Cour
administrative (articles 132 de la Constitution fédérale et 27 de la
loi sur la Cour administrative).
Motivées, les décisions des commissions doivent résumer avec clarté
(klar und übersichtlich) le résultat de la procédure d’enquête,
l’appréciation des moyens de preuve et, sur la base de ces données, la
réponse fournie au problème juridique qui se pose (articles 58 § 2 et
60 de la loi générale sur la procédure administrative). Elles sont
notifiées aux parties; toutefois, la commission peut opter pour le
prononcé immédiat (article 13 de la loi fédérale).
4. Les recours devant les Cours constitutionnelle et administrative
24. Les décisions des commissions de la réforme agraire peuvent
être contestées devant la Cour constitutionnelle. Celle-ci recherche
s’il y a eu atteinte à un droit garanti au requérant par la
Constitution ou application d’un arrêté (Verordnung) contraire à la
loi, d’une loi contraire à la Constitution ou d’un traité
international incompatible avec le droit autrichien (rechtswidrig)
(article 144 de la Constitution fédérale).
25. Par dérogation à la règle de principe de l’article 133 n° 4 de
la Constitution fédérale, l’article 8 de la loi fédérale sur les
autorités agricoles ouvre contre ces mêmes décisions un recours devant
la Cour administrative. Elle peut être saisie avant ou après la Cour
constitutionnelle, qui lui renvoie l’affaire si le requérant l’y
invite et si elle conclut à l’absence de violation du droit invoqué
(article 144 § 3 de la Constitution fédérale).
26. Selon l’article 130 de la Constitution fédérale, la Cour
administrative connaît des requêtes qui allèguent l’illégalité d’un
acte (Bescheid) administratif, celle de l’exercice de la contrainte
(Befehls- und Zwangsgewalt) contre une personne ou un manquement de
l’autorité compétente à son obligation de décider. Elle examine en
outre les recours introduits contre les décisions d’organes mixtes
– telles les commissions de la réforme agraire -, lorsque la loi l’y
habilite (paragraphes 16, 22 et 25 ci-dessus).
Si elle ne rejette pas le recours pour défaut de fondement, elle
annule la décision attaquée; elle ne se prononce sur le fond que si
l’autorité compétente a failli à son devoir de statuer (article 42 § 1
de la loi sur la Cour administrative, Verwaltungsgerichtshofgesetz).
Lorsqu’il lui incombe de contrôler la légalité d’un acte administratif
ou de la décision d’un organe mixte, la Cour tranche sur la base des
faits établis par l’autorité dont il s’agit et sous l’angle des seuls
griefs présentés, sauf en cas d’incompétence de ladite autorité ou de
violation de règles de procédure (article 41 de la loi sur la Cour
administrative). A ce sujet, la loi apporte une précision: la Cour
annule l’acte attaqué, pour infraction à pareille règle, quand les
faits tenus par l’administration pour établis se trouvent, sur un
point capital, démentis par le dossier, qu’il échet de les compléter
sur un tel point et qu’il y a inobservation de règles dont
l’application correcte aurait pu conduire à une décision différente
(article 42 § 2, alinéa 3), de la loi précitée).
Si en cours d’examen apparaissent des motifs inconnus jusqu’alors des
parties, la Cour doit entendre celles-ci et, au besoin, suspendre la
procédure (article 41 § 1 de la loi précitée).
27. La procédure consiste pour l’essentiel en un échange de
mémoires (article 36), suivi, sous réserve de quelques hypothèses
énumérées dans la loi, d’une audience contradictoire et, en principe,
publique (articles 39 et 40).
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
28. Les requérants ont saisi la Commission le 27 octobre 1980
(requête n° 9273/81); ils alléguaient que leur cause n’avait pas été
entendue par un tribunal indépendant et impartial comme l’eût voulu
l’article 6 § 1 (art. 6-1) de la Convention.
29. La Commission a retenu la requête le 9 mars 1984. Dans son
rapport du 3 juillet 1985 (article 31) (art. 31), elle arrive à la
conclusion qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 (art. 6-1)
(dix voix contre deux).
Le texte intégral de son avis et des opinions séparées dont il
s’accompagne figure en annexe au présent arrêt.
CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR
30. A l’audience du 20 octobre 1986, la Cour a été invitée
– par le Gouvernement, « à dire qu’en l’espèce les dispositions de
l’article 6 § 1 (art. 6-1) de la Convention européenne des Droits de
l’Homme n’ont pas été violées et que dès lors les faits de la cause ne
révèlent aucun manquement de la République d’Autriche aux exigences de
la Convention »;
– par le délégué de la Commission, à confirmer l’avis de cette
dernière;
– par les requérants, à accueillir leur demande.
EN DROIT
31. Les requérants allèguent que leur cause n’a pas été entendue
« publiquement » par un « tribunal indépendant et impartial ». Selon eux,
les Commissions régionale et suprême de la réforme agraire ne
jouissaient pas d’une indépendance assez large à l’égard de
l’exécutif, au moins quelques-uns de leurs membres ne pouvaient passer
pour impartiaux et les débats ne se déroulaient pas en public. Le
contrôle ultérieur opéré par la Cour administrative n’y aurait pas
remédié: il ne pouvait s’exercer qu’après de longues procédures
administratives et n’aurait pas revêtu une ampleur suffisante
puisqu’il se limitait en principe à l’examen de points de droit. Il
en résulterait une violation de l’article 6 § 1 (art. 6-1)
de la Convention, aux termes duquel
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…)
publiquement (…), par un tribunal indépendant et impartial, établi
par la loi, qui décidera (…) des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil (…) ».
Le Gouvernement combat cette thèse; la Commission, elle, estime avec
les requérants qu’il y a eu atteinte à leur droit à un « tribunal
indépendant et impartial ».
1. Sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 (art. 6-1)
32. Le plan de remembrement agricole d’Obritzberg concernait entre
autres des biens-fonds des familles Ettl, Schalhas, Gunacker et Haas,
qui leur furent pris en échange de terres que d’autres propriétaires
possédaient auparavant. Les requérants ont contesté – et contestent
toujours – la légalité de la compensation obtenue. Toute décision,
favorable ou défavorable, des autorités saisies affectait, affecte ou
affectera par conséquent leurs droits de propriété. Partant, l’issue
de la procédure incriminée est « déterminante pour des droits et
obligations de caractère privé » (arrêts Ringeisen du 16 juillet 1971,
série A n° 13, p. 39, § 94, et Sramek du 22 octobre 1984, série A
n° 84, p. 17, § 34), de sorte que l’article 6 § 1 (art. 6-1)
s’applique en l’espèce; le Gouvernement l’admet du reste.
2. Sur l’observation de l’article 6 § 1 (art. 6-1)
33. La « contestation » portait sur le plan de remembrement adopté
puis publié, en juillet 1973, par l’Autorité agricole du district de
Basse-Autriche. Eurent à en connaître, dans l’ordre, la Commission
régionale, la Commission suprême, la Cour constitutionnelle et la Cour
administrative. Il importe dès lors de savoir si le recours à ces
organes répondait aux exigences de l’article 6 § 1 (art. 6-1).
a) Tribunal « indépendant et impartial »
34. Commissions régionale et suprême, Cour administrative et Cour
constitutionnelle sont à l’évidence des tribunaux établis par la loi
(voir, mutatis mutandis, l’arrêt Sramek précité, p. 17, § 36). Encore
faut-il qu’elles aient présenté l’indépendance et l’impartialité
voulues par l’article 6 § 1 (art. 6-1).
35. La troisième et la quatrième remplissaient à n’en pas douter
cette condition, mais selon les requérants il n’en allait pas de même
des deux premières en raison, notamment, de leur composition: les
Commissions régionale et suprême comprenaient une majorité de
fonctionnaires, placés entre eux dans des relations hiérarchiques et
dont trois siégeaient en qualité d’experts tandis que les deux autres
occupaient les postes clefs de président et de rapporteur. En outre,
les requérants jugent trop brève la durée du mandat des membres:
d’après eux, ces derniers auraient dû bénéficier d’une nomination à
vie pour échapper à toute pression.
Le Gouvernement voit dans lesdites commissions des « tribunaux
administratifs spécialisés » (paragraphe 16 ci-dessus) comme il en
existe en Autriche depuis le siècle dernier. Leurs membres
offriraient l’indépendance nécessaire: en 1974, le législateur aurait
adapté l’organisation des commissions aux exigences de l’article 6
(art. 6) tel que la Cour l’a interprété dans son arrêt Ringeisen
du 16 juillet 1971.
Pour la Commission européenne des Droits de l’Homme au contraire, les
Commissions régionale et suprême ne jouissaient pas en l’espèce d’une
indépendance suffisante car elles comptaient une majorité de
fonctionnaires travaillant tous, ou pour certains d’entre eux, dans
les mêmes services administratifs et se trouvant en situation de
subordination hiérarchique quant à leurs autres tâches (paragraphes 97
et 98 du rapport, paragraphes 9 et 10 ci-dessus).
36. La Cour constate qu’à l’époque considérée appartenaient à la
Commission régionale trois magistrats; le chef de la division VI 4 du
Bureau du gouvernement du Land de Basse-Autriche, qui présidait; un
membre de cette même division, comme rapporteur; un membre de la
division VI 11; deux autres fonctionnaires dudit Bureau, dont l’un en
tant qu’expert agricole (paragraphe 9 ci-dessus).
Quant à la Commission suprême, elle se composait de trois conseillers
à la Cour suprême et de cinq fonctionnaires du ministère fédéral de
l’Agriculture et des Forêts: le président et le rapporteur venaient de
la division I 7, les trois autres des divisions II C 7, II C 8 et
V A 3 (paragraphe 10 ci-dessus).
37. L’indépendance et l’impartialité des magistrats ne prêtent pas
à discussion.
Restent les fonctionnaires qui siégeaient à la Commission régionale et
à la Commission suprême conformément à la loi fédérale sur les
autorités agricoles (paragraphes 17 et 18 ci-dessus).
38. Il y a lieu de relever d’abord que leur présence, même
majoritaire, au sein des organes en question n’enfreint pas en soi
l’article 6 § 1 (art. 6-1) de la Convention: la Constitution et la
loi fédérale sur les autorités agricoles postulent leur indépendance
et interdisent aux pouvoirs publics de leur adresser des instructions
relatives à leurs activités juridictionnelles (paragraphe 21
ci-dessus; arrêts Ringeisen précité, série A n° 13, pp. 39-40,
§§ 95-97, et Sramek précité, série A n° 84, p. 19, § 41). Les
requérants ne prétendent d’ailleurs point que les fonctionnaires ainsi
appelés à connaître de leur cas aient reçu de telles directives quant
au règlement du litige.
Indépendantes, dès lors, de l’exécutif, les commissions l’étaient
aussi, notamment, des parties en cause, à savoir les propriétaires des
terres concernées (arrêt Ringeisen précité, p. 39, § 95; arrêt
Campbell et Fell du 28 juin 1984, série A n° 80, p. 39, § 78). Il
importe en effet de souligner que ni le gouvernement du Land ni le
gouvernement fédéral n’avaient la qualité de partie; sur ce point, la
cause se rapproche de l’affaire Ringeisen et diffère de
l’affaire Sramek (arrêt Sramek précité, ibidem).
39. Eu égard à la situation de droit et de fait ainsi constatée en
l’espèce, les liens hiérarchiques qui à d’autres égards existaient
entre fonctionnaires de la même division ne tirent pas non plus à
conséquence sous l’angle de l’article 6 (art. 6). Il n’y en avait
d’ailleurs, semble-t-il, qu’entre le président et le rapporteur de
chacune des deux commissions.
40. Quant aux trois fonctionnaires qui, conformément à la loi,
siégeaient en raison de leur expérience en matière agronomique,
forestière et agricole, leur intervention ne saurait permettre de
douter du caractère « indépendant et impartial » desdites commissions.
Il s’agissait de membres experts dans leur branche; or il en faut pour
un remembrement foncier, opération qui soulève des questions de grande
complexité et concerne, outre les propriétaires directement visés, la
collectivité tout entière. Grâce à leur composition, les commissions
peuvent aboutir à des solutions équilibrées, tenant compte des
différents intérêts en jeu. Au demeurant, la législation interne des
Etats membres du Conseil de l’Europe offre maints exemples de
juridictions groupant, à côté de magistrats professionnels, des
personnes spécialisées en tel ou tel domaine et dont les connaissances
sont souhaitables, voire nécessaires au règlement des litiges qui
ressortissent à leur compétence.
Dans la mesure où ces fonctionnaires préparent des observations
écrites sur un problème donné, l’article 45 § 3 de la loi générale sur
la procédure administrative en exige la communication aux parties qui
doivent avoir l’occasion de présenter leurs commentaires
(paragraphe 23 ci-dessus). Le caractère contradictoire de la procédure
applicable devant les commissions en vertu de la loi fédérale sur les
autorités agricoles et de la loi précitée (arrêt Sramek précité,
p. 18, § 38), ne souffre donc nullement du concours des « fonctionnaires
experts ». Dans le cas des Ettl, la Cour administrative a d’ailleurs
cassé la décision de la Commission suprême par le motif, précisément,
que les observations du membre spécialiste des questions agronomiques
n’avaient pas été portées à la connaissance des intéressés
(paragraphe 12 ci-dessus).
41. En ce qui concerne la durée du mandat des membres des
Commissions régionale et suprême, la loi fédérale sur les autorités
agricoles remplit également les conditions de l’article 6 § 1
(art. 6-1): le mandat de cinq ans, doublé d’une quasi-inamovibilité
des membres pendant cette période (paragraphe 20 ci-dessus), ne rend
pas sujettes à caution l’indépendance et l’impartialité desdites
commissions (arrêt Sramek précité, ibidem).
b) « Publiquement »
42. Conformément à la loi, les commissions qui ont statué en
l’espèce ont siégé en présence des parties, mais non en audience
publique (paragraphe 23 ci-dessus).
Le défaut de débats publics, contraire en principe à l’article 6 § 1
(art. 6-1), se trouve toutefois couvert par la réserve que l’Autriche
a formulée en ratifiant la Convention. La Cour renvoie, sur ce point,
à son arrêt Ringeisen précité; elle n’aperçoit aucune raison de s’en
écarter en l’espèce (série A n° 13, pp. 40-41, § 98).
43. Il échet de conclure, dès lors, à l’absence de violation de
l’article 6 § 1 (art. 6-1) au niveau des Commissions régionale et
suprême. En conséquence, il n’y a pas lieu de rechercher si le
contrôle exercé par la Cour administrative – seule ou en combinaison
avec la Cour constitutionnelle – répondait, quant à son étendue, aux
exigences de l’article 6 § 1 (art. 6-1).
PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE,
Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 (art. 6-1).
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au
Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg, le 23 avril 1987.
Signé: Rolv RYSSDAL
Président
Signé: Marc-André EISSEN
Greffier